Chapitre 11 : Vulnérable 1/4
Les rayons du soleil qui traversent les vitres me réveillent. Je lâche la main d'Éric que j'ai tenu toute la nuit pour contrer la douleur ressentie après l'arrêt des effets de l'antalgique. Je m'étire brièvement pour ne pas activer la souffrance que me fait subir les points de suture refermant ma plaie. Je sors ensuite du lit en prenant soin de bien faire grincer les lattes pour éveiller le leader assommé. Je le contemple un instant puis promène ma main entre ses pectoraux et son cou.
- Éric... Lève-toi, c'est l'heure.
- Quoi ? Déjà ? S'étonne-t-il.
- Le jour est levé puis l'horloge affiche sept heures.
- Appuie sur ton bouton d'assistance pour qu'on voit un médecin assez vite. J'aimerais être à l'heure pour la simulation que vous devez passer toi et les autres novices.
J'appuie immédiatement sur l'interrupteur rouge de la télécommande de mon lit et file m'habiller dans la salle de bain. Lorsque le médecin entre, je suis en train de monter la fermeture éclair de mes bottes. Il prend mes constantes, soigne ma blessure puis me donne un paquet rempli de médicaments. L'ordonnance va m'aider à me repérer dans la prise de ces produits pharmaceutique étant donné que je n'ai que partiellement écouté les recommandations faites par l'homme en blouse bleue. Nous commençons à tourner les talons mais on me retient.
- Pas d'alcool et pas d'activité physique Mademoiselle Scott. Soignez-vous correctement sinon vous y passerez la prochaine fois. Et ce serait vraiment une mort bête venant d'un Audacieux. Me provoque le docteur pour me faire réagir et réaliser que j'ai assurément du bol d'être encore en vie.
- D'accord, merci. Au revoir. Dis-je en le regardant avec sérieux.
Nous partons de l'hôpital et naviguons dans le secteur Érudit en quête du chemin de fer qui traverse la zone. Je vais devoir me hisser dans un train, c'est à mes yeux totalement inconcevable. Je traîne derrière Éric qui semble galoper tant sa peur d'être en retard le travaille. Je le supplie de ralentir mais je ne peux visiblement pas compter sur son indulgence aujourd'hui. Nous sommes au pied de la Ruche, je la trouve encore plus grande qu'avant du fait que ça fait quelque temps que je n'ai pu la voir de si près. Je descends mon regard sur les rails et sur le train arrivant trop vite à mon goût. Monter dans un wagon m'apparaît être une mission insurmontable en plus d'être mortelle si je me loupe. Pas d'activité physique a dit le médecin... Le genre de truc qu'un Audacieux est incapable de faire. Éric remarque mes jambes tremblantes et mon manque de hardiesse face à cette épreuve. Il me tire vers lui, m'entraînant dans sa course. Il monte en premier, saisit mon bras vigoureusement puis m'aide à gravir la wagon. Un vent de panique et de détermination s'est emparé de moi, ça me force à passer outre la douleur lancinante qui me parcourt le ventre.
- Pas le temps d'emprunter le bus sinon crois-moi que je t'aurais épargné cet effort. C'est la dernière fois que tu fais ça jusqu'à ton rétablissement total.
- Tu veux un serment sur l'honneur ? Car je n'en ferais pas. Tu me demandes la lune là. Indiqué-je sèchement.
- Fais-toi au moins aider s'il te plaît. Et sois tranquille le reste du temps. Si tu as un problème aujourd'hui viens me voir. Ok ?
J'acquiesce d'un mouvement de tête avant de descendre du wagon au moment où il ralentit le long du quai Audacieux. Je me plie en deux lorsque mes pieds atterrissent sur le sol bétonné puis étouffe un gémissement de douleur. J'ai frôlé la mort, je vais devoir être plus que rigoureuse sur les soins qui m'ont été prescris en particulier celui de limiter mes mouvements. Éric m'embrasse le front et s'éclipse avant que j'aie eu le temps de réaliser qu'il venait d'y avoir un contact entre lui et moi. Je tente de garder les pieds sur terre tout en faisant route vers la cafétéria.
- Laur' ! S'écrie Alex, avec la discrétion d'un éléphant, en se ruant vers moi pour me prendre dans ses bras maladroitement. Désolé. S'empresse-t-il d'ajouter en voyant mon visage se tirailler à cause du mal qui me transcende.
- Ne t'inquiètes pas. Maintenant tout va mieux ! Regarde, je n'ai jamais été aussi vivante qu'avant ! Lui signalé-je pour me moquer.
- Heureusement, tu m'as fait flipper hier... Tu semblais avoir perdu la mémoire et ton teint est devenu très pâle. Tu as chuté sans que je puisse te retenir, j'étais totalement affolé.
- Je sais... En fait, j'ai quelques images qui me reviennent dont celle où je t'ai regardé pour te dire que je me sentais mal mais après, plus rien. Le néant complet... Excuse-moi, j'ai fait peur à beaucoup de monde hier. J'ai un traitement solide désormais et je vais vite guérir.
- Très bien. Tu as dû avoir l'avis de médecins plus expérimentés et je te savais entre de bonnes mains. N'empêche que te laisser à Éric m'a fait paniquer, j'étais sûr qu'il allait se débarrasser de toi. Il veut tellement avoir des éléments invincibles que je me suis dit qu'il allait éventuellement te voir comme une faiblarde.
- Rassure-toi, il ne m'est rien arrivé de mal à cause de lui. On va faire la simulation ou on va rester là à ressasser ce qui s'est produit hier ? Demandé-je pour passer à autre chose et éviter à tout prix le sujet : Éric.
- Tu as raison. Allons-y avant d'être en retard.
Nous nous rendons au lieu fournis par Quatre hier quand mes camarades sont sortis de leur dernière simulation personnelle. Nous arrivons dans un hall qui dessert une grande salle avec six rangées d'au moins cinquante sièges. On se croirait dans les petits amphithéâtres qui servent aux réunions pour de gros projets scientifique Érudits. À droite, figure un grand écran à environ un mètre cinquante du sol. Un pupitre en fer gravé du symbole des Audacieux est placé juste devant. Une cage de verre se trouve à notre gauche et contient un fauteuil jouxté par un ordinateur puis d'une petite table métallique à roulettes. Je distingue plusieurs seringues qui attendent sagement de pouvoir nous faire nager en plein délire horrifique. L'angoisse monte chez chacun des novices... Une peur qui n'est même pas la mienne, c'est ce dont je vais devoir triompher. Et ça devant tout le monde pour compliquer la chose comme il se doit. Et demain, il y aura la simulation finale qui déterminera si je reste ici et quel métier j'aurai au sein des Audacieux. Le stresse monte d'un cran en moi. L'avenir inconnu qui m'est réservé m'effraie.
- Vous allez passer l'une des phobies de Tori. Vous serez donc plongé dans un paysage des peurs qui vous laissera conscient que ce que vous voyez est irréel. Contrairement aux simulations classiques. Observez bien la manière dont vos camarades agissent afin d'émettre des conclusions. Un paysage des peurs est contrôlé par ordinateur comme pour les simulations mais ici, on doit interagir avec le PC pour faire passer à autre peur ou faire cesser l'action du sérum. Vous devez retrouver un rythme cardiaque normal pour arrêter la sim'. Nous enseigne Éric en déambulant face à nous. Demain, vous devrez combattre la peur ou faire revenir les intervalles des battements de votre cœur à une fréquence ordinaire pour passer à autre chose. Aujourd'hui, c'est le self-control que vous allez devoir acquérir. Bon courage. Finit-il froidement.
Aaron et Haley passent avant moi. Les voir relier à des électrodes et être spectatrice des épouvantables peurs qu'ils doivent vaincre, ça m'inspire énormément d'appréhensions. C'est affreux de les voir se débattre sans pouvoir les aider, sans pouvoir les rassurer...
Alex part s'installer sur le siège dans un pas hésitant. Éric lui inocule le produit puis mon ami part rapidement dans un paysage nocturne. Il se trouve au milieu d'une route en goudron puis aperçoit des phares lui éblouirent le visage. Il a tout juste le temps d'entendre le klaxon et se fait faucher par un véhicule qui roulait à pleine vitesse. Il hurle la première fois. C'est une boucle sans fin qui le remet toujours en face de cette voiture lui fonçant dessus. Il porte ses mains face à lui puis émet un gémissement de terreur au moins trois fois d'affilées avant de parvenir à retrouver un rythme cardiaque serein. La simulation s'arrête très violemment, le faisant revenir parmi nous en étant totalement paniqué. Lorsque Alex vient se rasseoir à côté de moi, j'aperçois des larmes couler honteusement le long de ses joues. Je prends ses mains pour faire cesser leurs tremblements et reste silencieuse afin d'amener mon ami à retrouver son calme.
On appelle mon nom. Quatre semble l'air très tendu... Sûrement à cause de ma divergence, mais bon je ne me fais pas de soucis. Je sais parfaitement comment faire, il me l'a appris. Je vais vivre l'une des quatorze peurs de l'instructeur des natifs Audacieux, il n'a pas énoncé les phobies qui l'habitaient ce qui accentue mon anxiété. Je ne sais pas du tout ce que je vais devoir affronter. Je m'installe sur le siège au rembourrage peu confortable puis me cramponne aux accoudoirs et laisse Éric placer les électrodes et les brancher à l'ordinateur. J'aperçois Max qui entre dans la pièce en faisant un signe de tête au leader à côté de moi. Il contourne les sièges et s'amuse visiblement à jauger chaque novice. Une façon de les déstabiliser je pense. Les mains froides d'Éric dégagent mes cheveux de ma nuque pour y insérer l'aiguille dans mon cou et m'injecter le sérum. Je sens le produit glacial se répandre dans mes veines. Ce produit est différent de celui qu'on nous administre habituellement car sa couleur est grisâtre et la seringue semble plus conséquente. Je me sens partir lentement, ce sérum est décidément hyper virulent. Quel sentiment est plus infâme que de percevoir son cerveau lâcher prise ?
Je me réveille chez les Audacieux, dans un appartement semblable à celui d'Éric mais avec une surface habitable beaucoup plus grande et qui comporte sept lits. Les Audacieux aiment vivre en groupe. Rares sont ceux qui habitent seul un logement.
Une odeur de fumée vient m'alerter. Je commence à chercher avec frénésie d'où vient la source de cette senteur de brûlé. Soudain, tout prend feu autour de moi. Les flammes grignotent les meubles, les rideaux et s'attaquent aux murs miteux. La fumée envahit l'espace où je me trouve et m'empêche de trouver une sortie. Je tousse, mes poumons ne trouvent plus d'oxygène pour mon organisme. Je retire en un instant ma veste, la met en boule puis la plaque contre ma bouche et mon nez afin d'éviter de mourir asphyxiée. Je cherche une solution pour combattre le brasier qui consume ma peau et me prive d'air. Je commence à avoir peur mais ne pas garder la tête froide et accélérer le rythme de ma respiration ne va pas m'aider à survivre. J'essaie de trouver une idée instinctive pour me détendre car je vais sous peu m'effondrer par terre si j'avale trop de fumée. Je m'assois en tailleur le plus loin des flammes puis ferme les yeux. Je crée ma bulle puis respire tout doucement. Je sens la chaleur mordre ardemment mon bras gauche. Je ne faiblis pas et réussis à faire abstraction en me martelant l'esprit que je suis dans un endroit virtuel. Ma vie n'est pas en danger, je vais bien. Je suis dans un siège en sécurité, ce n'est que mon esprit qui est tourmenté par le sérum. Je gonfle et dégonfle mes poumons avec tranquillité.
Je me réveille dégoulinante de sueur. Les applaudissements des novices bourdonnent autour de moi comme un essaim d'abeilles autour de leur ruche. Éric retire les accessoires me reliant à l'ordinateur puis me signale que je peux retourner m'asseoir. Son regard est vide, ça contraste avec celui qu'il m'affichait avec tendresse hier. Je prends une grande inspiration et me force à me concentrer pour me dresser sur mes deux jambes sans fléchir. Alex me murmure que j'ai été impressionnante et qu'il a été surpris de me voir arborer autant d'assurance lors de cette simulation.
Nous devons rester jusqu'à ce que tout le monde passe. Il y en a qui sont très lents et qui cèdent à la panique trop rapidement, ce qui leur fait défaut pour se sortir des peurs qu'ils doivent affronter. Certains hurlent ou gesticulent dans tous les sens sur le fauteuil, c'en est abrutissant de les observer être torturé ainsi. Je ne suis pas d'accord avec certaines pratiques qu'utilisent les Audacieux pour nous former. Il y a des limites qu'il ne faut pas dépasser et même si je comprends le principe de désensibiliser les novices pour qu'il s'habitue à voir la souffrance et la peur, il y a d'autres moyens moins traumatisants qu'il peut être admis d'employer. Le dernier à passer est Ben. Il mène une lutte acharnée contre la maladie terrassant son corps. Se voir tuer par quelque chose d'invisible à l'œil nu, c'est bien la crainte la plus répandue chez l'Homme... Lorsqu'il revient à lui, son air arrogant s'est dissipé pour laisser apparaître une mine abattue et honteuse, ce qui m'est plutôt plaisant à observer. Max et Éric se rejoignent derrière le pupitre pour nous dire quelques mots.
- On voulait vous souhaiter bon courage pour votre examen final de demain. Jusque-là, vous avez survécu à douze semaines d'entraînements physique et mental, c'est déjà une prouesse. L'initiation s'est vu être modifiée au fil du temps afin qu'elle puisse être plus sélecte qu'avant pour avoir de meilleurs éléments. Cette année, le classement est né car nous ne pouvions plus garder des personnes faibles qui ne répondent pas aux prérogatives Audacieuses. De plus, nous avons retiré le fait de passer son paysage des peurs en public avant l'examen. C'était un exercice qui gâchait la surprise de l'épreuve. Connaître son paysage des peurs à l'avance empêche votre spontanéité de s'exprimer. Le classement sera dévoilé à vingt heures demain soir. Les métiers seront donnés en fonction de votre rang. Vous êtes douze, quatre partiront puis les quatre premiers auront le privilège de pouvoir tenter le test pour devenir leader. Seulement deux pourront être retenus pour occuper ce poste. Évitez de consommer de l'alcool ce soir et couchez-vous tôt. Vous pouvez disposer. À demain. Nous avise Max, les bras croisés et le regard austère.
J'espère être placée dans les quatre premiers. Quatre m'a dit qu'il n'y avait pas de doutes mais les changements de sélection des novices m'effraient. Nous nous groupons dans le hall et discutons avec Aaron et Haley. Je suis un peu absente dans cette conversation, je me sens inquiète par l'avenir qui m'est réservée. L'opération et mon hospitalisation d'hier me perturbent encore les méninges. J'ai besoin de repos, je me sens vide d'énergie. J'ai mal et cet état nauséeux ne me quitte pas.
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