Chapitre 10 : Dernière simulation 3/4

POINT DE VUE ERIC

     Une personne s'effondre dans la foule de novices qui me font face. Tous se reculent et me laissent découvrir Laur' sur le sol. Alex s'est rué sur elle, il colle son oreille à son buste.

- Elle respire encore et son cœur bat toujours ! Il faut l'emmener à l'infirmerie, aidez-moi. S'écrie-t-il paniqué.

- Alex, laisse-la, je vais l'emmener tout de suite. Ordonné-je dans un ton sec.

Étonné par mon intervention, il se décale dans un sursaut pour me laisser la conduire recevoir des soins. Je la prends doucement dans mes bras et débute un sprint dans les couloirs du secteur Audacieux. Je crois que c'est la première fois que je parcours cette distance aussi rapidement. Mon cœur s'est arrêté quand je l'ai vu au sol. La peur me ronge les organes désormais. Je ne sais pas du tout ce qui lui arrive... Elle est brûlante, elle doit faire de la fièvre. Je la dépose sur un lit dans l'infirmerie et hurle pour indiquer mon arrivée. Un infirmier Audacieux déboule de la réserve et s'empresse de mettre en place le tensiomètre et des électrodes pour contrôler ses constantes. Il soulève son tee-shirt au niveau de sa blessure puis retire son bandage qu'elle avait fortement serré. Ce n'est pas beau à voir... Des rougeurs sont apparentes autour de la plaie et une odeur putride émane du pus jaunâtre qui s'écoule le long de son abdomen.

- Emily ! Appelle une ambulance et l'hôpital pour une infection cutanée. C'est infecté Éric... C'est même gravement infecté. Je me demande même si elle ne fait pas une septicémie vu son état. Comment a-t-elle pu encaisser la douleur et ne pas réagir avant ?

- Elle est bornée puis inconsciente... Sa vie est en danger ?

- Je ne peux rien vous promettre. Je n'ai pas assez de compétences pour évaluer si son pronostic vital est engagé ou pas. Elle va se faire hospitaliser, ils vont bien s'occuper d'elle.

- Je reste avec elle dans ce cas-là.

- Éric... On s'en charge, c'est notre travail. Tu as sûrement d'autres obligations plus importantes.

- Non, je reste. C'était à moi de veiller sur son bon rétablissement et je ne l'ai pas fait convenablement. Dis-je avec dureté tout en caressant son front perlé de sueur.

- Comme vous voudrez. L'ambulance ne va pas tarder à arriver, vous pourrez monter avec elle puis demeurer à l'hôpital jusqu'à ce qu'elle aille mieux.

Lorsque les ambulanciers se présentent avec leur brancard, la tension de Laur' commence à chuter de façon fulgurante. Elle est rapidement embarquée et conduite à l'hôpital situé à côté de la Ruche dans le secteur Érudit. Mes mains sont jointes dans le camion qui l'emmène, j'ose à peine la regarder. Normalement, nos infirmiers peuvent à peu près tout faire dans l'enceinte Audacieuse mais nous n'avons plus de médecin et Laur' est un cas qui ne peut être traité que par des professionnels dans un endroit pourvus de service de soins intensifs.

À peine arrivé, une horde de soignants se ruent sur le corps inanimé de la novice aux subtils boucles blondes. Je suis mis de côté pour subir un interrogatoire sur l'état de santé de leur patiente. Je dis tout ce que je sais puis m'assois sur un banc après m'être fait enguirlander pour ma négligence vis-à-vis des soins de Laur'. L'attente est longue... Le mot septicémie retentit dans ma tête car je sais que ça peut être gravissime et la conduire en réanimation. Si une bactérie circule en grand nombre dans son sang, ça expliquerait sa perte de connaissance soudaine. Non mais une infection du sang quoi, comment elle a fait pour ne pas se rendre compte que sa plaie était dégueulasse au point que ça pouvait la tuer. Elle vient de chez les Érudits merde. Elle est inconsciente ! Tu es bornée Laur' Scott... Puis, elle n'a pas eu de traitement à part l'application d'un antiseptique et un renouvellement des pansements, ce n'était pas assez. Puis pourquoi je n'ai pas veillé au bon déroulement de sa guérison ? Mais qu'est-ce que je suis con.

Ma jambe droite grelote, je tourne sans cesse mes piercings pour passer le temps et soulager mon stress. Je dévisage chacun des soignants qui passe à côté de moi en m'attendant à ce qu'on vienne enfin me chercher. Je suis enfermé dans l'inconnu, j'ai la sensation d'avoir un vide immense en moi. Je pense à la mort, je crains qu'elle y reste. Mais qu'est-ce que sera ma vie sans elle ? Les larmes se forment mais n'ont pas la volonté de dévaler mes joues. Je les retiens prisonnière, je me torture l'esprit pour rester fort au moins pour Laur'. Je l'imagine souffrir et la devine paniquée toute seule dans un bloc opératoire entre la vie et la mort. Les quelques souvenirs que j'ai avec elle me martyrisent comme si on me brûlait de l'intérieur. Je me remémore chaque instant passé à ses côtés, et me rappelle l'odeur de ses cheveux, la chaleur de son corps. Je serre les poings quand j'essaie de concevoir que je ne pourrais peut-être plus la presser contre moi. Je n'arrive pas à être optimiste, peut-être est-ce une manière de me protéger et de me préparer au pire...

- Vous êtes Éric, le leader Audacieux, c'est bien ça ? Me questionne un homme en blouse blanche.

- Exact. Des nouvelles du malade ?

- Nous avons tout bien désinfecté et avons recousu les tissus. Ce que je ne comprends pas, c'est que le médecin qui l'a recousu ne l'a fait que partiellement... Ou peut-être a-t-elle fait sauter ses points de suture en n'étant pas au repos... Et il n'y avait aucun traitement antibiotique. Mais comment ça se fait ? Ça aurait pu éviter ce drame. Elle commençait un choc toxique dû à une bactérie nommée staphylocoque doré. Si elle avait fait ce malaise une semaine plus tard, elle serait en réanimation aux portes de la mort. Vous êtes arrivés à temps, elle est hors de danger grâce à votre réactivité. Elle a donc un traitement antibiotique oral à prendre et un autre à appliquer localement après avoir mis une solution désinfectante. On a retiré les tissus grignotés par l'infection et nous avons effectué une IRM pour localiser s'il y avait eu une prolifération du staphylocoque mais elle n'a rien révélé. Elle passera la nuit en observation, et elle pourra partir demain si elle n'a plus de fièvre et si ses constantes restent stables. Bouger sera compliqué dans un premier temps, il faudra la ménager au moins durant une semaine. Les points seront retirés d'ici deux à trois semaines. Elle va aussi avoir un médicament augmentant la tension artérielle. Tâchez de veiller au grain cette fois-ci.

- La compétence de nos infirmiers laisse à désirer quand les blessures sont trop importantes... Je vais remédier à ça rapidement. Est-elle réveillée ?

- Oui, vous pouvez aller la voir. Troisième étage, chambre 308.

Je le remercie brièvement puis me presse pour la retrouver enfin. J'entre dans sa chambre. Elle est allongée sur le lit les yeux clos et les ouvrent quand elle entend le son de la porte qui se ferme puis se met à pleurer. Je suis soulagé de la voir en vie. Mes lèvres viennent se déposer sur son front et mes doigts essuient ses larmes. Je regrette ce que je lui ai dit il y a quelques semaines, je regrette de lui avoir briser le cœur. Bien sûr qu'elle peut croire qu'il y a quelque chose entre elle et moi, c'est indéniable. Toutefois, d'après ses dires, je ne suis rien pour elle. Est-ce vrai ? Je ne sais pas, je ne pense pas vu comment elle me regarde. Ses paroles m'ont fait un mal fou ce jour-là. Je ne lui en veux pas, c'est ma faute si elle m'a dit ça. Il faut que je cesse de la repousser sans arrêt, il faut que je sois clair dans mes propos. Je m'assois à côté d'elle, pose ma main sur la sienne puis la contemple dans le silence le plus total. Un silence intime qui est parlant grâce aux gestes que l'on a l'un envers l'autre.

- Pourquoi tu es toujours là ? Demande Laur'.

- Peut-être parce que je n'ai pas envie que tu meurs...

- Ça vient de Jacob ça ? Se vexe-t-elle en retirant avec froideur sa main que je tenais.

- Non de moi-même...

- Tu mens Éric ... Pointe-t-elle sèchement.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Attends après ce que tu m'as dit l'autre jour, tu as cru que j'allais te pardonner. Tu as rêvé... Je ne suis pas ta poupée.

Ses yeux sont remplis de larmes. Blessée, fatiguée et en colère ; elle semble incapable d'accepter l'idée que je puisse avoir de l'affection en son égard. J'ai pourtant la certitude que les sentiments que j'ai pour elle sont réciproques même si c'est encore trop tôt pour que je fasse le premier pas. Je la sens si fébrile, je ne la sens pas encore assez émancipée pour que les Audacieux acceptent que j'entretienne quelque chose avec elle. Ils vont croire que je fais du favoritisme à cause de sa place dans le classement.

- Je suis donc vraiment rien pour toi ? Me sonde Laur' les poings fermés.

- Non, pas du tout. Être avec toi, c'est ma bouffée d'oxygène de la journée. Je ne souhaitais pas que tu te joues de moi.

- Tu n'as pas confiance en moi ? Qu'est-ce que j'ai fait qui aurait pu te faire croire que je me foutais de ta gueule ?

- Si, je te fais confiance mais... Pff... J'ai craint que tu joues de la situation et que tu me fasses du mal ou que tu détruises l'image que j'ai pour les Audacieux.

- J'ai horreur de manipuler et de faire du mal aux gens. Même si tu n'es pas facile, je ne verrai pas pourquoi je te ferai ça Éric... À aucun moment tu t'es dit que je pouvais être sincère dans mes intentions ? Se vexe-t-elle agacée par mes propos.

- Je deviens parano à croire que le monde est contre moi... J'ai une partie de moi qui a envie d'être entier avec toi et un autre côté qui me bride.

- Sache que je n'ai jamais eu l'idée de mettre à mal ta réputation au sein de notre faction. Je n'ai d'ailleurs jamais eu l'envie de te faire du mal, à part quand ta méchanceté s'abat sur moi sans raisons apparentes. Je ne suis pas un ennemi, tu peux être vrai avec moi. Puis, vu tout ce que tu possèdes qui pourrait me décrédibiliser auprès des Audacieux, je pense qu'on est plutôt quitte. M'explique la novice pour me rassurer.

- Il n'y a pas que ça Laur'... Je te vois avec Quatre. Il y a des regards entre vous, ça m'échappe. J'ai l'impression que vous manigancez quelque chose contre moi. Puis tu étais où ce matin ? Avec lui ?

- Des liens se tissent mais c'est loin d'être autre chose que de l'amitié entre lui et moi. Eh oui, j'étais avec Quatre ce matin, on était dans la salle de simulation car il voulait me montrer son paysage des peurs. Tu n'as qu'à aller vérifier si tu es si jaloux et suspicieux que ça... Puis tu n'es pas le centre de l'univers et arrête de croire que je te veux du mal. Ce n'est pas le cas bon sang ! S'exaspère l'Audacieuse dans son lit d'hôpital.

Un médecin entre en même temps dans la chambre.

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