Chapitre 10 : Dernière simulation 2/4
Désormais nous sommes ... euh ... bah sûrement chez Quatre ou je devrais plutôt dire chez Marcus, son père. Tout est gris et la déco n'est d'aucun style, typique de l'Altruiste dépourvu d'objets futiles dans son intérieur.
Quatre semble être paniqué. Je découvre une autre facette de sa personnalité. Je rencontre le petit garçon terrifié par le patriarche qui l'assenait de coups quotidiennement.
Une ceinture à la main, un regard plein de haine. Je me transis, on dirait Richard. J'ai l'impression d'avoir le même monstre qui faisait rage chez moi avec mes frères. Je recule de deux pas, mais Marcus apparaît en double puis en triple et ainsi de suite. Nous sommes encerclés. La menace se fait de plus en plus pesante, elle coupe nos respirations. Je ne pensais pas le leader Altruiste aussi grand, il fait au moins deux têtes de plus que moi. Peut-être est-ce le cerveau de Quatre qui amplifie chaque élément de ce vil personnage pour le rendre encore plus effroyable qu'il ne l'est déjà.
- C'est pour ton bien. Chuchotent les Marcus qui brandissent leur ceinture pour nous porter des coups.
Quatre s'interpose et repousse l'un des doubles de son père en train de s'abattre sur moi et tout disparaît brusquement. On se réveille l'un à côté de l'autre. Je suis en pleure et toute tremblante... J'ai eu vraiment l'impression que c'était mon père mais en beaucoup plus fort et je me sentais encore plus paralysée qu'avant. L'atmosphère du lieu, l'homme que je ne connais pas et qui se multiplie autour de moi ont participé à tétaniser chacun de mes muscles moteur. Quatre retire les électrodes placées sur mes tempes puis prend mes mains qui grelottent d'horreur.
- C'est fini. Souffle-t-il, les yeux vissés dans les miens.
- La similitude de nos peurs est affolante. Comment est-ce possible ?
- C'est vrai que c'est assez surprenant mais la représentation que notre cerveau fait avec nos phobies reste tout de même différente.
- Oui et c'est ce qui m'a le plus déstabilisée. Je me suis habituée aux images que mon esprit a associé à certaines peurs. Je ne m'attendais pas à vivre mes peurs sous une autre forme. Tu as trouvé une explication à ta claustrophobie ? Ce n'est pas commun de se sentir oppressé par des endroits clos.
- Mon père m'enfermait dans le placard. M'annonce-t-il de manière sèche.
- Je connaissais déjà en partie ta réponse. Le miens aussi aimait ce genre de châtiment. J'étais hors de sa vue et il ne pouvait pas m'entendre. Je n'existais plus et devenait qu'un vulgaire balais pour lui. Ça lui permettait d'asseoir sa domination et de maintenir mon corps en alerte pour l'épuiser.
- Je vois que nos pères ont la cruauté comme trait de personnalité en commun. Plus on nourrit la peur d'une personne, plus elle est vulnérable et manipulable. Nous n'étions que des pantins pour eux, ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est le meilleur choix qu'on ait pu faire Laur'. Se libérer de ces tyrans, un affranchissement... Bon ! S'exclame-t-il pour passer outre. Maintenant tu sais comment battre une peur, il faut lui faire face et trouver une façon matérielle ou physique de t'en débarrasser. Merci en tout cas, tu as très bien su me distraire du vide tout à l'heure. Je pensais m'être apaiser... Que nenni...
- De rien mais ce n'est pas grand-chose même si ça n'a pas été facile de passer au-dessus de ta peur et de la mienne en même temps. Déjà que me gérer est compliqué alors ne pas perdre pied tout en te contrôlant, c'était une prouesse digne d'être inscrite dans les annales.
- Ne va pas te jeter de fleurs Laur'. Dois-je te rappeler le flippe qui t'a pris dans la boîte d'acier ?
- Ah, non ça ira ! Au fait, je voulais te remercier d'avoir partagé ça avec moi. C'est très intime, je me sens privilégiée... Je suis gênée, je ne sais pas comment te rendre la pareille.
- Je te fais confiance, je sais que tu garderas ça pour toi. Puis on a vécu un peu la même enfance donc c'est aussi pour ça que j'ai bien voulu que tu vois mes peurs. Tu me seras redevable quand tu seras un membre avéré des Audacieux. Je réfléchirai à un paiement, sûrement un gage lors d'une soirée alcoolisée !
- Génial, je sens que je vais le regretter ! Ironisé-je en me levant de la chaise. Merci d'être là, merci pour ton aide si précieuse. Je me sens tellement seule face à Éric et face à cette divergence. Tu es le seul à qui je peux confier tout ça.
- De rien Laur'. Allez, va manger un bout avant de faire une crise d'hypoglycémie pour ta dernière simulation. Me conseille-t-il comme le ferai l'un de mes frères.
Je passe brièvement la main sur son bras pour exprimer ma reconnaissance. J'espère ne pas avoir choqué son côté Altruiste qui proscrit tout contact physique. Il me jette un dernier regard avant que je ne m'évapore de la salle de simulation pour rejoindre Alex à la cafétéria. Il est assis seul à une table et mange goulûment son omelette au jambon.
- Fais gaffe de ne pas mourir étouffé juste avant notre dernière simulation... Ce serait con quand même ! Me moqué-je en m'installant face à lui.
- Fous-toi de ma gueule oui ! J'ai faim et avec tout ce que j'ai pris à me mettre sous la dent, il faut que je speede. La deuxième phase de l'initiation est bientôt finie, je dois avoir un max de force pour affronter les dernières épreuves.
- Dis plutôt que tu fais des réserves au cas où tu deviens Sans-faction. Vu ton niveau, ce ne serait pas étonnant.
Il relève la tête, interloqué par ce que je viens de lui dire.
- Ah, c'est de l'ironie. J'ai cru que tu étais sérieuse ! J'étais en train de me dire que tu étais une sacrée connasse si tu pensais vraiment ce que tu disais.
- Alors, je viens peut-être de chez les Érudits mais ça ne fait pas de moi une personne sans cœur. N'empêche que tu aurais dû voir la tronche que tu as tiré. J'étais convaincu que tu allais m'en décoller une vue comment tes yeux me fusillaient. En plus, tu avais la bouche pleine et ta tête de méchant pas beau, c'était marrant ! M'exclamé-je en pleurant de rire.
- Je vois que tu es de bonne humeur. Ça fait cinq semaines non-stop qu'on fait des simulations, je distingue une saturation de fatigue de ta part étant donné la vitesse à laquelle tu délires toute seule. Tu veux que je contacte un psy ? Me questionne Alex en agitant sa fourchette vers moi.
- Ça devrait aller, merci ! Vivement que l'initiation se finisse. J'ai hâte de savoir qui va partir et qui va rester.
- Mystère... Honnêtement je ne vois pas du tout qui peut partir vu qu'on ne sait pas leurs critères de sélection...
- Bah justement, il me semble que c'est celui qui a le moins de peur et qui a un temps minime par rapport aux autres qui a la première place. Indiqué-je sûre de moi.
- Il semble, donc ce n'est pas certain. De toute manière, on saura bien assez tôt qui de nous deviendra Audacieux.
- Quatre est arrivé premier grâce aux peu de peurs qu'il avait. Et pourquoi on nous chronomètre lors des simulations si le temps n'est pas un élément pour créer le classement ? Ce qui est angoissant c'est qu'on sait quelles sont leurs conditions pour être Audacieux mais on ne peut pas se comparer aux autres car on n'a pas nos temps.
- Si tu as raison, ils doivent faire la moyenne du temps que tu restes à affronter une peur. Il prenne ton score et le divise par le nombre de phobie que tu rencontres dans ton paysage pour construire le classement. Je n'ai pas compté mes séance de torture. Je suis plus dans une optique d'oublier ce que j'ai vécu dans les simulations que dans une visée de chiffrer mes peurs. Explique Alex visiblement en train d'essayer d'envoyer un regard noir à Ben qui passe progressivement à ma droite pour provoquer mon ami.
- Je t'avoue être pareil. Une petite dose de sérum de l'oubli me ferait un bien fou après une simulation. Dis-je au novice qui regarde l'heure. Ah oui, il faut qu'on y aille ! Ce serait con d'arriver en retard pour l'ultime supplice.
- Oui mais attends, on a encore une peur impersonnelle à vivre et l'examen final. Il ne faut pas baisser nos efforts, ce n'est pas terminé.
- Hum... Bon, allons-y. Je finirais mon cupcake sur la route.
- Toujours en train de bouffer toi ...
- Dit-il alors qu'il avait un plateau pour trois personnes ! M'extasié-je bruyamment. Tu es pire qu'Haley parfois, je ne sais pas où tu mets tout ce que tu engloutis.
- Disons que j'ai un bon transit. M'assure-t-il un sourire en coin.
Je retiens mon rire car nous venons d'arriver à la salle de simulation et Éric se trouve déjà posté devant la porte. Il prête rapidement attention à moi avant de recentrer son attention sur sa tablette où figure les fiches individuelles et les évaluations de chaque novices. Je le vois cliquer sur certains visages et observer avec rigueur les détails que lui affiche son écran.
Je ne quitte pas des yeux la porte derrière le leader. Je crois que je vais passer ma vie dans la pièce qu'abrite cet ordinateur faiseur d'angoisses. Je dois avoir un côté sadomasochiste... Je ne me sens pas super bien depuis que je suis sortie de mon lit ce matin. J'ai de plus en plus chaud. J'ai la tête qui tourne puis je suis exténuée. Le regard que me porte Alex me paraît plein d'inquiétudes. Je ne vois pas très bien, j'ai envie de vomir.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu es toute blanche ? M'interroge Haley qui vient d'arriver à la hâte.
- Ça va. J'ai juste faim...
- On vient de manger Laur'... Me signale Alex manifestement anxieux face à mon état.
- Ah bon ? Je ne me rappelle pas.
Mes amis s'échangent un regard alarmiste mais Éric commence son discours et stoppe net l'attention étrange qu'on me porte. J'ai mangé ? Je ne m'en souviens même pas. J'ai utilisé cet argument pour qu'on me laisse tranquille, à croire que je deviens amnésique...
- Aujourd'hui, c'est votre dernière simulation personnelle. Demain vous vivrez une peur qui ne vous appartient pas devant chacun des novices. À tour de rôle, vous passerez une simulation qu'on examinera tous ensemble sur un grand écran. Vous prendrez exemple sur vos camarades car chacun à sa technique pour survivre dans ces moments d'horreur. On étudiera les actions que vous utiliserez pour faire face aux peurs qui s'opposeront à vous. Et dans deux jours vous passerez la dernière phase de l'initiation qui déterminera si vous restez avec nous et à quel poste vous pourrez prétendre.
Ça me stresse un max ce qu'il dit. Mais passer devant la totalité des novices devrait remettre certains égos surdimensionnés en place. On va tous être logés à la même enseigne, on va tous se chier dessus les uns après les autres. Cette sorte de test qui aura lieu demain me rend anxieuse... Ma vue se brouille encore plus, je ne vois plus rien en quelques secondes et je ne sens plus mes jambes.
- Alex'... Je ne vois plus rien. Je ... J'ai chaud et...
La force qui soutient mon corps se dérobe sous mes pieds. Je m'écroule à terre.
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