Chapitre 6.2 : Confiance
Il frappa à nouveau de petits coups.
En soupirant, Vanessa se leva et après avoir enfilé un jogging et un t-shirt, se dirigea vers la porte. Lorsqu'elle la déverrouilla, elle l'entendit se relever. Elle prit une profonde inspiration et ouvrit finalement la porte. La lumière du soleil l'aveugla quelques instants. Elle eut l'impression qu'elle allait tomber en poussière, comme un vampire sous les rayons du soleil.
David se tenait dans l'embrasure de la porte. Il était vêtu d'un pantalon sombre et d'une chemise unie retroussée jusqu'aux coudes, ses cheveux plus ordonnés qu'à l'accoutumé. Était-ce ainsi qu'il s'habillait en temps normal ? Pourquoi s'en souciait-elle en fait ? Elle s'écarta pour le laisser entrer et referma immédiatement la porte derrière lui.
— Ça fait deux jours que j'essaye de te joindre, dit-il la porte à peine franchie.
— Deux jours ?
Il hocha la tête.
— Quoi, ça fait vraiment deux jours ? Attends, quel jour on est ?
— Samedi, mais...
Elle se précipita vers son téléphone auquel elle n'avait pas touché depuis qu'elle était revenue. Pour une accro aux réseaux sociaux dans son genre, c'était un véritable exploit. C'était effectivement samedi. Elle avait quelques appels manqués et une flopée de messages non lus. Et là, c'était carrément le milieu de l'après-midi.
Elle tomba sur son lit qui s'affaissa lourdement. Deux jours ! Elle avait passé deux jours enfermée dans sa chambre. Elle ne se rappelait même pas ce qu'elle avait fait, à part dormir et laisser son esprit errer.
David s'assit près d'elle.
— Tu ne m'as pas fait signe comme convenu. Ça, c'était pas bien grave mais comme je n'avais pas cours cette semaine, ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai appris ce qui s'est passé. La presse a réussi à s'emparer de l'histoire et s'en est fait des gorges chaudes. Ça a sans doute fait le tour du monde à l'heure qu'il est. Mais je ne comprends pas pourquoi tu n'as pas fait appel à moi. Qu'est-ce que tu as fait durant ces deux jours ?
— Rien, répondit-elle en serrant ses genoux contre sa poitrine.
David soupira doucement.
— Dis-moi ce qui s'est vraiment passé alors. Tu sais ce qu'ils disent ? Que c'est une attaque terroriste.
— Sérieux ? s'écria-t-elle. C'est n'importe quoi.
— Moi je sais que ce n'est pas vrai, bien sûr. Ce serait trop gros comme coïncidence. Mais ils ne sont pas à notre place, ils ne savent pas ce que nous savons. Ils n'auraient jamais su expliquer cela autrement. Mais on s'en fout de ce qu'ils disent. Dis-moi la vérité.
— C'est simple, répondit-elle avec humeur. C'est juste un de ces dégénérés de détenteurs de pouvoirs qui a laissé libre cours à ses instincts psychopathes en découpant tout sur son passage.
Il lâcha un petit soupir.
— Tu peux jouer la carte de l'indifférence mais ça ne prend pas avec moi. Tu crois que je suis incapable de comprendre ce que tu ressens ? Tu penses que je suis incapable de voir que tu te sens coupable ?
Une énorme boule se forma dans sa gorge. C'était bien ce qu'elle pensait. David avait vraiment un don pour comprendre les gens.
— Je suis vraiment désolé, Van.
Ses mots de réconfort ne faisaient que la rapprocher de l'explosion lacrymale. Dire qu'elle croyait avoir épuisé son stock. Elle battit rapidement des paupières pour chasser ces larmes traitresses.
— Le pire dans tout ça, commença-t-elle après avoir pris une grande inspiration, c'est que je l'ai vu.
— Comment ça ?
— J'ai vu... celui qui a fait ça. Je lui ai parlé. Je l'ai affronté.
— Et... tu n'as pas été blessée ?
Elle secoua la tête.
— Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé, mais pendant qu'il continuait son... carnage, il a compris que moi aussi j'avais des pouvoirs, alors il m'a approchée. Il a essayé de me soutirer des informations sur mon propre pouvoir. Mais j'ai réussi à lui échapper, et même à le blesser. Et c'est comme ça qu'il a fini par partir.
— Attends, t'es sérieuse ?
— Waaah ! s'exclama-t-elle, agacée. Pourquoi est-ce que je mentirai ?
— C'est parce que tu as été géniale.
Vanessa tourna un visage interloqué vers lui.
— Je ne suis pas sûre de bien te suivre.
— Tu ne réalises pas que tu as réussi à chasser cette ordure ? Qui sait combien d'autres personnes auraient pu perdre la vie avant qu'il ne soit satisfait ? C'est grâce à toi s'il n'a pas pu faire d'autres victimes.
— Ce qui me rend malade c'est de savoir que moi aussi j'ai des pouvoirs et que je n'ai pu m'en servir que trop tard. Sinon, il y aurait eut beaucoup moins de victimes. En plus je ne comprends même pas comment j'ai fait pour le faire fuir.
— On essayera de mettre tout ça au clair plus tard. L'important maintenant, c'est de réaliser ce que tu as été capable de faire. Je te répète que sans toi, il aurait pu y en avoir beaucoup plus.
— Je... enfin... tu ne comprends pas, David ! bégaya-t-elle au bord de la crise de nerf. Tout... ce sang, ces corps, ces cris. J'ai eu la peur de ma vie. J'ai même voulu m'enfuir. S'il ne m'avait pas interceptée, je me serais enfuie. Tu n'étais pas là, tu ne peux pas comprendre...
— C'est vrai, concéda-t-il, je n'y étais pas. Je ne pourrais sans doute jamais comprendre ce que ça fait de voir des gens se faire tuer devant soi, de savoir ce qui se passe, et de ne pouvoir rien faire. Non, ça je ne pourrais pas. Et je ne voudrais sans doute jamais avoir à ressentir ce genre de sentiment. Mais ce que j'essaye de faire est différent. Ce que j'essaye de te faire comprendre, c'est que rien n'est de ta faute. Enlève-toi ça de la tête. La faute, elle revient à celui qui a fait tout ça avec ses pouvoirs. Et surtout, tu n'es pas comme lui.
— Mais... j'ai renvoyé son attaque... et...
— Et tu as sauvé des tas de gens. C'est ça la différence. Arrête de culpabiliser. Par contre, ce que tu as vécu est terrible. Si t'as l'impression que tu vas craquer, je peux au moins te prêter mon épaule. Je suis là, moi. Tu n'es pas toute seule...
Il conclut en lui adressant un sourire rassurant.
Pas seule...
Ces mots résonnaient dans sa tête comme une douce mélodie. Elle n'était pas seule.
Alors qu'elle se croyait vidée, elle sentit un liquide salé lui mouiller les lèvres. Des larmes silencieuses roulaient sur ses joues. David posa une main maladroite sur son épaule et elle se laissa aller contre lui.
Plusieurs minutes passèrent ainsi sans que ni l'un ni l'autre n'esquisse le moindre geste. Vanessa avait les yeux rouges de larmes et la morve au nez. David quant à lui, avait toujours son bras autour d'elle, murmurant de petits « ça va aller » de temps à autre.
Tout à coup, un téléphone sonna, les faisant sursauter tous les deux. C'était celui de David.
— Merde ! jura-t-il en lisant le message qu'il avait reçu. C'est le boulot. Je vais être en retard.
Il devait aller travailler. Lui qui avait dit tantôt avoir tout son temps...
Rapidement, elle se leva et alla se réfugier dans la salle de bain. Un coup d'œil dans son miroir lui offrit une piètre image d'elle-même. Les yeux rougis, le nez qui faisait le double de son volume à force d'avoir reniflé et le visage strié de traces de larmes séchées.
Qu'est-ce qui lui avait pris ? Elle l'avait rencontré il y a quoi, trois jours ? Comment avait-elle pu se laisser aller à pleurer devant quelqu'un qu'elle connaissait à peine ? Même ses amis les plus proches ne l'avaient jamais vu en larmes. Cette histoire allait la rendre folle !
Elle lâcha un rire jaune.
Dans un shojo*, ça aurait été la scène parfaite pour que les héros se rapprochent et prennent conscience de leurs sentiments. Elle secoua la tête. Même dans pareilles circonstances, elle ne perdait pas le Nord. Qu'imaginait-elle ? Qu'un gars comme David pourrait s'intéresser à elle ? Il était juste gentil. Et puis, il avait besoin d'elle pour retrouver sa sœur. Rien d'autre.
Des coups frappés à la porte interrompirent le cours de ses pensées. La voix de David résonna derrière.
— Van, je vais devoir y aller. Ça va aller ?
— Ouais, t'inquiète pas pour moi.
— Tu es sûre ? Si ça ne va pas, je peux rester avec toi, enfin, si tu veux...
— Sérieusement ?
Elle le sentit hausser les épaules sans même le voir.
— Est-ce que c'est possible ? demanda-t-elle.
— Quoi ?
— Pourquoi tu fais ça ? C'est vrai quoi, combien de mecs agiraient comme toi ? Tu me proposes ton aide, de rester avec moi, alors que tu devrais être en train de chercher ta sœur, alors que tu risques d'avoir des problèmes à ton boulot. Et tout ça juste pour consoler une pauvre fille trop sensible que tu viens juste de rencontrer. Tu n'as pas besoin d'aller jusque-là. Tu n'as aucune obligation envers moi.
Elle préférait encore rester seule que d'envisager de se faire abandonner en cours de route. C'était pourtant si stupide mais elle était comme ça, irréfléchie et émotive.
— C'est ce que tu penses ? demanda-t-il.
Au ton de sa voix, il sembla vexé.
— Tu n'es pas une pauvre fille, Van. Tu m'aides à comprendre ce qui est arrivé à ma sœur. Tu viens de vivre une expérience traumatisante mais ne dis pas ça...
Il rit doucement.
— Tu ne sais rien de moi, je ne suis pas comme tu le penses...
— Ah ouais ?
— Oui.
Nouveau silence.
Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Que finalement, elle ne devrait pas lui faire confiance ? Après son petit discours de tout à l'heure, ce serait aberrant. Mais il avait raison sur un point.
Elle ne savait rien de lui.
Son téléphone sonna à nouveau, mettant fin à cet échange pour le moins intriguant.
— Tu sais quoi ? déclara-t-elle. Je vais bien maintenant, je t'assure. Tu devrais y aller.
— Ok, répondit-il après une brève hésitation. Fais-moi signe au moindre problème, d'accord ?
— Ok.
— Et, Van ?
— Oui ?
— Tout va finir par s'arranger.
— ...
Et il s'en alla.
***
Après le départ de David, Vanessa passa sous l'eau et prit une longue douche chaude. A dix-huit heures et toujours en serviette de bain, elle alluma la télévision et s'arrêta sur la première chaîne d'info locale.
Encore une fois, elle brisait ses habitudes, mais elle sentait qu'elle devait se tenir informée durant les prochains jours. Ce n'était pas l'heure du Journal Télévisé mais pour des rediffusions, c'était sans doute le moment idéal. Elle voulait savoir si les évènements d'il y a deux jours étaient relatés quelque part. Peut-être que quelque chose de similaire s'était passé dans les environs également.
Elle le savait, elle le sentait, les choses ne faisaient que commencer. Plusieurs événements comme celui de la fac allaient se produire, elle n'en doutait pas. Et les précédentes informations sur la criminalité grossissante et les catastrophes étranges amplifiaient ce sentiment. Si seulement elle pouvait rencontrer d'autres détenteurs qui, cette fois, ne chercheraient pas à la tuer...
Elle balaya la pièce du regard, pensive, et s'arrêta sur son ordinateur. À cet instant, Van se rappela du forum qu'elle avait trouvé.
— Comment j'ai pu oublier ça ? se reprocha-t-elle en s'installant devant sa machine.
En deux jours, le nombre de participants avait augmenté. Elle avait même reçu quelques messages en réponse aux questions qu'elle avait posées la dernière fois. La plupart étaient des trolls ou des insultes. Ils ne comprenaient pas comment quelqu'un ne pouvait pas trouver « extra » le fait de posséder des supers pouvoirs.
— Bande d'imbéciles, va...
Les expériences étaient nombreuses et les pouvoirs encore plus diversifiés. Quelques personnes mentionnaient « l'incident » de jeudi, comment ça avait fait le tour des journaux. D'autres se demandaient si c'était aussi un détenteur qui avait fait ça, à quel point ce serait « grave de la bombe », pour reprendre leur expression. Elle constata qu'il y avait plusieurs détenteurs ici, à Charleroi. Etait-ce une bonne nouvelle ? Cela restait encore à déterminer.
Mais elle n'eut pas le temps de vérifier. Elle venait de recevoir un message d'une personne dont le pseudo était « Red », comme si cette personne attendait depuis longtemps qu'elle se connecte et disant :
— « Bonsoir, Fanel »
C'était son pseudo à elle.
— « Euh... bonsoir. Qui es-tu ? répondit-elle.
Elle se rendit compte trop tard que sa question était stupide. Elle doutait fortement que quelqu'un ayant pris la peine de se connecter via le Darknet ait un quelconque intérêt à se présenter.
— Quelqu'un qui, comme toi, cherche des réponses... »
Vanessa fronça les sourcils, immédiatement sur ses gardes.
— « Et qu'est-ce que tu veux ?
— Que tu me les donnes. »
Là, ça devenait encore plus bizarre.
— « Qu'est-ce qui te fait dire que je sais quelque chose ?
— Tu es la seule personne à t'être posée de vraies questions. Tu es différente des personnes de ce forum, tu dois savoir quelque chose.
— Je ne sais rien, Red. C'est plutôt toi qui sembles savoir quelque chose.
— Ah oui ? Alors, je te propose qu'on mette ça au clair rapidement, tu n'es pas d'accord ?
— Comment ?
— Et si on se voyait ?
— Non !
— Quelle rapidité ! Il a dû t'arriver des choses déplaisantes, pas vrai ?
— Que veux-tu ? La prudence est mère de sûreté, et je ne suis pas née de la dernière pluie.
— L'hirondelle, tu connais ?
— Quel est le rapport ? »
C'était un restaurant familial qui se situait non loin du campus. Elle passait souvent devant pour aller à sa librairie attitrée et s'y attablait le temps d'un repas lorsqu'elle s'en sentait l'humeur. La cuisine y était succulente, pas trop chère et l'ambiance était... familiale.
— « Rendez-vous là-bas demain, à seize heures. Je t'attendrai !
— Quoi ? »
Trop tard, il s'était déconnecté.
Qu'est-ce que c'était que ça ? Qui était ce dénommé « Red » qui la soupçonnait d'elle ne savait quoi ? Il lui donnait même rendez-vous en la défiant presque de ne pas venir. Comment savait-il qu'elle connaissait L'Hirondelle ?
L'avait-elle déjà croisé quelque part ? En tout cas, il donnait l'impression de la connaître, lui. Vanessa, en relisant plusieurs fois leur courte conversation, arriva à la seule et unique conclusion que cette invitation ne sentait pas bon du tout. Mais, piège ou pas, elle savait qu'il n'y avait qu'une chose à faire...
À Suivre...
©Tous Droits Réservés
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Lexique:
Shojo: manga japonais adressé aux adolescentes, généralement de romance
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Nous arrivons au 6ème chapitre. Ça en fait déjà un petit paquet. Comme vous vous en doutez certainement, la fin de ce chapitre annonce l'arrivée d'un nouveau personnage. Youpi ! Des hypothèses sur ce dernier ?
En tout cas, merci à vous qui lisez cette histoire et qui êtes arrivés jusqu'ici. C'est génial d'avoir chaque jour, vos commentaires et vos votes. Je vous dis à la prochaine pour le chapitre suivant. ;)
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