chapitre 18.1 : Chassé-croisé

La musique s'infiltrait dans leurs oreilles et les pulsations augmentaient leur rythme cardiaque jusqu'à une limite peu recommandable. La climatisation n'arrivait pas à adoucir la chaleur que dégageait la nuée de corps ondulant sur le rythme de la musique d'un groupe connu. Ce dernier était assez célèbre pour que même David n'en reste pas indifférent. Il se demanda pour la énième fois depuis le début de cette soirée qui pouvait bien être l'organisateur des réjouissances. Il semblait avoir les moyens de faire tout ce qu'il voulait et même plus.

Comme tout le monde, il avait été impressionné par la salle en elle-même ainsi que par les différents mets qui avaient été servis. Il avait assisté à beaucoup de soirées fastueuses mais rien n'égalait celle-ci. Il était également resté sans voix à la vue des sirènes dans leurs aquariums, ainsi que par tous les numéros qui s'étaient déroulés au cours de la soirée. Il savait que c'était trop beau pour être réel, que c'était surnaturel, mais il ne pouvait s'en empêcher. Si Mélanie n'avait pas été impliquée dans toute cette histoire, jamais il n'aurait espéré voir ce genre de choses en vrai. Un voile de tristesse passa un instant sur son visage mais il l'en dégagea bien vite. Ce n'était pas le moment de penser à elle. Entraîné sur la piste de danse par sa partenaire pour la soirée, il devait revenir dans le rôle qui était le sien.

Le corps de Monica moulé dans sa robe du soir se serrait contre le sien. Le nuage de phéromones qui flottait dans les airs n'arrivait pas à masquer l'odeur de son parfum entêtant. Il ne doutait pas qu'une seule goutte de cette fragrance équivalait à son loyer mensuel. Malgré tout, il ne rejetait pas les lèvres de sa partenaire dans son cou ou contre son oreille et encore moins ses mains manucurées qui tiraient ses cheveux.

Il n'arrivait pas à cerner cette femme qui s'était accrochée à lui dès leur première rencontre. Etait-elle réellement sous les affres de l'alcool ou jouait-elle la comédie ? La réponse était difficile à déceler. Il n'avait toutefois pas d'intérêt à le savoir. Cela ne le concernait d'aucune façon. Il ferait ce qu'il avait à faire, ce ne serait pas la première fois. Une main sur le creux de ses reins, il se força à continuer sa mission : être le jouet que sa cliente désirait qu'il soit, attentionné et peut-être désireux de finir la nuit dans son lit.

Il émit un grognement presque imperceptible dans le vacarme environnant.

Les cheveux bruns de Monica lui chatouillant le nez, il parcourut la foule du regard et s'arrêta sur le couple qu'il cherchait. Il ne doutait pas qu'Eric avait les mêmes ambitions concernant le reste de sa soirée.

Il avait senti quelques heures plus tôt que Vanessa s'était complètement laissée aller et il craignait que son compagnon n'en profite. Voir son visage s'illuminer à chaque nouvelle chose qu'elle découvrait était très amusant certes, mais l'alcool avait clairement eu raison d'elle. Il suffisait de voir comment elle se laissait toucher par ce parfait inconnu. Suivant le rythme des chansons, les mains d'Eric devenaient de plus en plus baladeuses et Vanessa ne semblait pas s'en plaindre, au contraire.

Soit elle avait un don pour la danse, soit son partenaire excellait dans cette pratique. Leurs deux corps semblaient ne faire plus qu'un sous les yeux de David qui ne pouvait que les regarder. La robe de Vanessa, qui était déjà incroyablement suggestive, lui collait à la peau et son visage resplendissait dans cette obscurité troublée par les jeux de lumière.

Il l'avait trouvée très jolie lorsqu'elle s'était tenue devant lui dans le hall de l'hôtel. Entre ses jambes élancées mises à nue, rehaussées par des talons sans doute vertigineux pour elle, et son visage lumineux, il avait bien failli ne pas la reconnaître. Il aurait bien voulu le lui dire mais ces deux opportuns l'en avaient empêché. Et lorsqu'elle avait enlevé son manteau à l'entrée de la salle, il avait à nouveau souhaité le faire mais il avait été tenu au silence. L'autre s'en était chargé à sa place. Il lui accorda ce point.

Pour sa défense, il n'avait rien fait de fâcheux, au contraire. Vanessa aurait pu tomber sur pire en réalité. Il était plutôt reconnaissant envers cet homme qui la traitait avec tant d'égards. Elle ne méritait pas d'être traumatisée à vie par un homme peu scrupuleux. Toutefois, il ne pouvait s'empêcher de la surveiller, au cas où ça déraperait. Parce qu'il le savait, ça allait déraper. Il avait suffisamment d'expérience pour le deviner.

Et cela ne tarda évidemment pas.

Au moment où les lèvres d'Eric prirent possession de celles de Vanessa, un signal d'alarme résonna dans sa tête. Il voulut immédiatement intervenir, mais en voyant Vanessa y répondre avec ardeur, il ne sut quelle attitude adopter. Pendant quelques secondes, il ne fit rien d'autre que regarder l'échange passionné des deux personnes. Il se sentit idiot et presque gêné d'avoir voulu intervenir.

On aurait dit son père lorsqu'il empêchait Mélanie de sortir ou encore son attitude envers tous les invités de sexe masculin que sa fille ramenait à la maison. Cette époque lui manquerait presque. Il était prêt à la laisser tranquille avec un pincement inexplicable au cœur, lorsqu'il observa plus attentivement son expression. Malgré les lumières qui s'allumaient et s'éteignaient de manière frénétique, il comprit qu'elle cherchait une échappatoire.

Il se traita d'idiot. Evidemment qu'elle cherchait une échappatoire. Elle n'était pas comme ça, il le savait bien malgré le peu de temps qu'il avait passé avec elle. Faire confiance et se donner à un inconnu comme ça...

Sans réfléchir outre mesure, David entraîna Monica discrètement mais rapidement et bouscula « malencontreusement » Vanessa et Eric. Ce dernier grogna de mécontentement et se retourna pour invectiver l'auteur de cet incident. Monica ne sembla pas se préoccuper de son ami malgré les vagues excuses qu'elle lança. David pour sa part, ne lui accorda aucune attention, celle-ci dirigée vers Vanessa.

Le jeune homme vit sa poitrine se soulever et s'abaisser rapidement, ainsi que son regard fuyant. Il se mordit la lèvre de frustration. Il aurait dû intervenir dès le départ. Il lui lança finalement un regard appuyé qu'elle finit par capter.

« Va-t-en »

Elle comprit sans difficulté et s'éloigna, rapidement engloutie par la foule indifférente à la scène qui venait de se dérouler. Lorsqu'Eric se retourna, elle avait disparu depuis longtemps. David pour sa part, revint à ses affaires avec Monica, sans se préoccuper de lui, un sourire satisfait sur le visage.

***

Une quinzaine de minutes plus tard, la musique s'arrêta et la salle lança un tonnerre d'applaudissements. David était épuisé et ce fut avec un soulagement peu discret qu'il retourna à leur table sirène. Eric était retourné s'asseoir après avoir « perdu » Vanessa et sirotait son verre de Whisky, l'air serein.

— Elle est où ta partenaire, Ricky ? le questionna Monica.

— Sans doute en train de se refaire une beauté, déclara-t-il avec un sourire. La soirée est encore longue, tu devrais y penser aussi, Mo. Tu es dégoulinante. Tu t'es bien défoulée.

La concernée lâcha un rire.

— C'est grâce à Dave. C'est un excellent danseur. Comparé à tous ceux que mon père m'a présentés, il est bien plus amusant. J'aurais dû penser à cette idée il y a longtemps.

David ne se départit pas de son sourire. Il n'aimait pas que n'importe qui l'appelle par son diminutif. Seules les personnes qui lui étaient proches en avaient le droit. Il ne fit toutefois pas de commentaire, trop conscient que ce n'était pas le moment de faire de chichi.

Monica se tourna soudainement vers lui et se mit à lui caresser le visage de sa main droite.

— Dis, murmura-t-elle d'une voix soudain plus douce, et si tu restais avec moi après ?

David faillit rire à sa proposition. Finalement, d'elle ou d'Eric, il ne savait plus qui était le plus débauché des deux. Il ne savait pas ce qui l'intéressait tant en lui et encore moins pourquoi elle désirait tant le mettre dans son lit. Il était trop ordinaire comparé aux hommes que son cher père devait lui présenter. Pourtant, il trouverait presque sa proposition alléchante. Malheureusement...

— Ça dépend de ce que vous avez à m'offrir, répondit-il avec ambiguïté.

— Je vous payerai un extra, chuchota-t-elle au creux de son oreille.

Les lèvres encore rouges de la femme esquissèrent une moue enjôleuse et ses iris noisette ne dissimulaient rien de ses intentions. Les lèvres de David s'étirèrent encore plus. Décidément...

Les lumières s'éteignirent avant qu'il ne puisse répondre. Un projecteur éclaira soudainement la passerelle se trouvant en hauteur. Le maître de cérémonie était de retour. Il entama un discours tape-à-l'œil que David écouta d'une oreille distraite. Ce dernier se laissa aller sur le dossier du canapé, suivant l'exemple d'Eric en se servant un verre de Whisky. Il était d'excellente qualité.

Il aurait apprécié pouvoir en profiter mais l'ambiance qui se mit à régner autour de lui attira son attention. Même Monica et Eric avaient l'air troublés. A ce moment, leur hôte acheva son discours :

— Les mers sont tantôt houleuses et pleines de dangers, tantôt soyeuses et emplies de merveilles. Une cruelle beauté, contrôlée par une même divinité. Je trouvais que ce nom convenait parfaitement à cette fête parce que voyez vous, continua-t-il en se rapprochant du garde-fou, lui donnant une allure presque ténébreuse, nous aussi, nous avons une double face.

Son verre au bord des lèvres, un frisson lui parcourut l'échine, tandis que leur hôte claqua des doigts.

« Non... »

Les lumières s'éteignirent brusquement. Des murmures tendus s'élevèrent dans la salle. David également n'était pas en reste. Il reposa son verre et attendit que ce qui devait se passer, se passe.

Soudain, ses oreilles se mirent à siffler et sa tête à lui faire atrocement mal. Il se félicita d'avoir déposé son verre avant que ça ne commence, sinon il l'aurait laissé se briser en mille morceaux au sol. Quelque chose, des cris, des ultrasons, lui vrillaient la cervelle et l'empêchaient de tenir une seule pensée cohérente. A ses côtés, il entendait les gémissements de douleur de Monica et d'Eric. D'ailleurs, ce murmure de douleur envahissait la salle toute entière. Que se passait-il ?

Des cris beaucoup plus stridents, de terreur, retentirent et un rire rauque se fit entendre. Les lumières se rallumèrent de manière brusque. La vue de David était un peu brouillée à cause de ces ultrasons et il lui fallut un moment pour réaliser ce qui était en train de se passer. Lorsque ses yeux s'adaptèrent à la lumière, il aurait peut-être mieux valu pour lui qu'ils ne le soient pas.

Toutes les choses qui les avaient émerveillés jusque-là s'étaient transformées en véritables abominations. Les sirènes, les impressionnistes, les danseuses de sabres aux vêtements transparents, tous révélaient à présent leur vrai visage. Autour de lui, il ne reconnaissait plus rien. Humant l'air ambiant, il plissa du nez avec une moue écœurée.

L'odeur de la chair brûlée...

Jetant un coup d'œil circulaire, il repéra l'origine de ce... barbecue macabre. Des flammes noires s'élevaient dans les airs, les manipulateurs de ces flammes affichant un visage rayonnant d'un plaisir évident. A leurs côtés, les bulles d'eau flottaient également, encerclant la tête des invités pour les noyer. Cette vue était insupportable pour le jeune homme. Il avait envie de vomir. Il n'avait jamais imaginé que les choses se dérouleraient de cette manière. Bien sûr, il savait que la prémonition de Rebecca annonçait quelque chose d'important. Il savait déjà que cette soirée ne serait pas de tout repos mais ça, c'était trop pour lui.

Il devait partir d'ici.

« Minute ! » réalisa-t-il soudain. « Où est Van ? »

Si David avait eu la chance d'avoir un miroir en face de lui, il aurait sûrement pu voir son visage virer en une teinte fantomatique. Toutefois, il n'en avait pas besoin pour sentir son sang se glacer et déserter son visage.

Vanessa n'était toujours pas revenue et David ne pouvait savoir si elle avait réussi à s'enfuir ou alors...

— Non...

Puisant dans ses forces, il se leva mais il sentit un poids peser tout de suite sur lui. Baissant les yeux, il tomba sur une Monica terrifiée. Elle agrippait sa chemise avec la force du désespoir, comme si elle remettait son destin entre ses mains. Il regarda aussi son ami qui n'était pas mieux. La vue de ces deux personnes qui n'arrivaient même pas à se relever agaça passablement le jeune homme. Il avait déjà bien assez à faire avec sa propre situation.

— Levez-vous, leur intima-t-il, il faut qu'on parte d'ici.

Il tenta de redresser la petite brune puis entendit des cris tout près. Une femme qui était en train de courir se fit rattraper par une bulle d'eau qui encercla son visage. Celle-ci tomba aux pieds de David et le regarda d'un œil implorant, le visage virant de plus en plus au bleu. L'idée que cette couleur soit également associée à la mort, compte tenu du contexte, était assez ironique, pour sa part. Malgré tout, lorsque cette inconnue se mit à griffer son cou à la recherche d'une inspiration, d'un souffle en plus, laissant bientôt des sillons rouges, David ne put en supporter davantage.

— Venez, intima-t-il à Monica et Eric, sortons d'ici.

Il releva finalement Monica et la soutint par la taille. Eric les suivait de près. Malheureusement, avant de quitter leur table, Eric glapit de surprise et lorsque ses deux compagnons se retournèrent vers lui, ils réalisèrent qu'il avait lui aussi été capturé par une bulle d'eau. Monica gémit d'horreur et esquissa un geste vers son ami mais David l'en empêcha. Il se détourna malgré lui d'Eric qui, bientôt, perdrait lui aussi la vie. Il ne pouvait plus rien pour lui. Ses idées étaient embrouillées et sa tête était sur le point d'exploser. Malgré tout, il ne pouvait pas lâcher.

Résolu cette fois-ci à quitter cet endroit, il se dirigea vers la sortie en traînant Monica derrière lui.

A Suivre...

©Tous Droits Réservés

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Hello world. Comment allez-vous ? La famille, le school et tout ça, ça va ? Quoi de beau dans votre vie ?:) (oui oui, je me renseigne sur vous pour pouvoir vous kidnapper le moment venu :v)

Enfin, vous l'avez sans doute compris, ce chapitre est du point de vue de David. J'espère que revoir certaines scènes avec ses yeux vous aura plu parce que ce n'est pas fini. Je vous dis à dimanche pour la suite.

Gros bisous. :D

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