Chapitre 17.1 : Encerclée

De retour dans le hall, Vanessa fut étonnée de constater qu'il y avait une nette différence entre l'ambiance qui y régnait et celle de la salle. Certes, il y avait des gens qui s'étaient évanouis à cause des ultrasons mais ces derniers commençaient à reprendre conscience. Sans doute parce que ces bestioles avaient arrêté quand Vanessa avait mis leur chef en danger. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à sortir de là.

Se dirigeant à toute hâte vers l'un des escaliers, elle lâcha un juron avant d'ôter ses chaussures.

— Désolée, Rebecca, mais c'est une question de vie ou de mort, dit-elle avant de les balancer plus loin.

Elle se sentait déjà plus à l'aise sans ces échasses aux pieds.

— Rattrapez cette fille ! entendit-elle plus loin. Et tuez-la !

Apparemment, le docteur avait réussi à s'en sortir et envoyait ses troupes à sa poursuite. Elle en eut la confirmation en voyant plusieurs personnes, le regard haineux, sortir de la salle et pointer leurs mains vers elle. Elle ramassa sa pochette et tapa un sprint jusqu'à l'escalier. Malheureusement, une détonation retentit juste derrière elle, suivie d'une violente explosion dont le souffle la projeta quelques mètres en avant, tête la première.

Un peu secouée, Vanessa regarda derrière elle et contempla les murs noircis dont les morceaux tombaient un à un. Faisant fi des égratignures qui parsemaient ses bras et ses jambes dénudés, elle se releva et se remit à grimper les marches restantes jusqu'en haut. Elle fit de son mieux pour ne pas hurler de douleur chaque fois qu'elle marchait sur un débris. Pas le temps de s'attarder, elle avait eu beaucoup de chance. Elle n'allait pas en abuser.

Au terme de son ascension, elle tomba dans le parking. Evoluant en courant parmi le dédale de véhicules de luxe, elle se rendit compte qu'il y avait encore beaucoup de personnes à ce niveau. Que faisaient-ils encore là ? L'entrée du bâtiment était pourtant bien ouverte. A la vue de la grande porte et de la noirceur du ciel, Vanessa lâcha un soupir de soulagement. Elle était remontée à la surface.

Elle fut tirée de sa contemplation par des coups de klaxons, des éclats de voix, des cris d'hystérie et des larmes de femmes apeurées. Essayer de s'enfuir en voiture était une mauvaise idée. Mieux valait détaler le plus vite et le plus loin possible de cet endroit.

— Allez-vous-en ! s'écria-t-elle. Ils arrivent !

Les cris et les pleurs redoublèrent. Ce n'était peut-être pas la meilleure idée du monde de superposer le chaos au chaos. Mais au moins, certains sortirent de leur voiture pour filer à pied. Son avertissement n'avait pas servi à rien.

Une explosion retentit. Nouveaux cris. Vanessa elle-même n'était pas en reste. Ils étaient là.

— Bloquez l'entrée ! Ne laissez plus personne s'échapper ! Nous avons déjà bien assez de moucherons pour répandre la nouvelle.

La voix du Docteur Clayland l'incita à se cacher entre deux mastodontes qu'on appelait voitures. Une autre explosion retentit suivie d'une autre, comme une réaction en chaîne. Vanessa n'eut aucun mal à deviner qu'ils faisaient péter les véhicules. Ils avaient sûrement déjà bloqué l'entrée comme ordonné. Elle ne s'en sortirait jamais. Elle ne savait même pas comment elle leur avait échappé tout à l'heure. Satanés pouvoirs qui ne lui facilitaient pas la tâche !

— Tu ne nous échapperas pas, Vanessa, déclara son ennemi d'une voix suave.

Recroquevillée sur elle-même, les genoux serrés contre sa poitrine, le cœur de Vanessa battait la chamade alors qu'elle tentait de ne faire aucun bruit.

— Tu sais, reprit son poursuivant, alors qu'une autre explosion résonnait dans l'immense parking, ce n'est pas de ta faute. Il devait en être ainsi et tu le sais. Quant à savoir pourquoi tu joues la comédie avec moi, j'aimerais bien le savoir. Tu n'as nulle part où aller, Vanessa.

Sa voix lui faisait froid dans le dos. Prenant une grande inspiration, Vanessa se cala bien contre le véhicule rouge vif qui lui servait de cachette et guetta du coin de l'œil les environs. Elle ne voyait rien. Les voitures de riches étaient trop énormes. Mais ça pourrait lui servir. Si elle ne pouvait pas les voir, alors eux non plus ne pouvaient pas la voir. Ça lui rappelait Heros of Artoria. Un rappel bien triste de ce qu'était sa vie d'avant. Mais trêve de réminiscence !

Accroupie malgré ses jambes flageolantes et égratignées, Vanessa glissa rapidement pour atteindre une autre voiture, alors que l'autre maboul continuait de parler tout seul.

— Ah, dire que ça a pris tant de temps. Je n'aurais jamais imaginé me réveiller comme ça et encore moins te rencontrer aussi vite. Je m'attendais à devoir te chercher, toi, le misérable insecte qui passait son temps à se terrer dans l'ombre mais tu es venue à moi. Ce n'est plus la peine de te cacher maintenant, il est trop tard.

Vanessa ne comprenait rien à son charabia. Il agissait comme si elle était censée le connaître, ce qui était absurde. De toutes les façons, il pouvait continuer à parler tout seul, elle, ce qu'elle ferait, c'était de continuer à se glisser de voiture en voiture, jusqu'à la sortie.

Une nouvelle explosion retentit, cette fois, plus proche d'elle. Elle se figea. Inconsciemment, elle s'était dirigée du côté opposé de là où la voix du docteur résonnait, tout en oubliant qu'il n'était pas seul, contrairement à elle et ça, il devait le savoir.

— Sors de ta cachette, Vanessa. Ça t'évitera beaucoup de douleurs inutiles.

S'il pensait que c'était comme ça qu'elle sortirait de sa cachette, il se foutait le doigt dans l'œil. Toutefois, elle sentait que ses subalternes se rapprochaient d'elle et elle ne voyait pas de moyen de leur échapper.

— Réfléchis, Vanessa, s'admonesta-t-elle.

Ce n'était pas le moment de se ramollir, une vie était en jeu : la sienne. Elle avait fait appel à ses pouvoirs tout à l'heure. Elle pourrait le refaire. L'entité lui avait dit que ses ennemis étaient ses alliés et que ce qui était à eux, lui appartenait. Elle avait même pu contrôler les bulles d'eau et les renvoyer à leurs propriétaires. La même chose s'était produite lors de l'attaque du campus. Elle avait renvoyé l'attaque de son assaillant. Elle avait utilisé son propre pouvoir contre lui.

C'était donc ça sa capacité ? Elle pouvait vraiment s'approprier les pouvoirs des autres ? Elle regarda ses mains couvertes de coupures. Ok, il était temps de faire quelques tests. De toute façon, elle n'avait pas le choix.

Se calant contre le nouveau véhicule grâce auquel elle se cachait, elle lança un coup d'œil aux alentours. Ils n'étaient plus loin. Elle voyait des manipulateurs de bulles et quelques manipulateurs de flammes noires. Elle ne savait pas trop comment faire alors elle devrait y aller au pif.

Sans attendre, elle commença à se concentrer, ne sachant pas trop si ça allait marcher. Et au moment où elle pensa que la distance serait bonne, elle libéra son pouvoir. Elle ne savait pas vraiment lequel elle allait s'approprier mais elle s'en foutait complètement, du moment qu'elle pouvait s'en servir.

A sa grande surprise, une flamme noire s'éleva de la paume de sa main et pendant un instant, Vanessa se perdit dans la contemplation de cette flamme aussi noire que l'obsidienne, qui flottait là, devant elle, sur sa main. Une petite pression et la flamme s'intensifia. Elle lâcha un petit soupir de joie. Ce n'était qu'un vague espoir de survie dans ce chaos mais elle pouvait le faire.

Avec une détermination nouvelle, la jeune fille sortit de sa cachette, à la surprise de tous ses assaillants, et plaça ses mains en coupe au niveau de sa hanche.

Kamehameha ! cria-t-elle de toutes ses forces en déployant le jet de flammes devant elle.

Même dans les pires moments, elle restait fidèle à elle-même, c'était incroyable. Vanessa écarquilla les yeux devant ce spectacle. Les flammes noires s'échappèrent de ses mains comme si elles n'avaient demandé qu'à être libérées depuis tout ce temps. Avec un étonnement teinté d'un soupçon de satisfaction, Vanessa admira ses poursuivants prendre feu sous ses yeux et les voitures à proximité se ratatiner tellement vite, qu'elles n'eurent même pas le temps d'exploser.

Les cris de douleur pénétrèrent ses oreilles mais elle joua les sourdes. Eux n'avaient eu aucune pitié face à leurs victimes. Elle n'en montrerait pas également. Une fois que ses ennemis situés près d'elle cessèrent d'hurler à la mort, Vanessa décroisa ses mains et jeta un œil autour d'elle. Elle repéra rapidement le Docteur Clayland qui la regardait avec stupéfaction pour, quelques secondes plus tard, changer totalement d'expression. On aurait dit que si sa haine envers elle avait un seuil maximal, alors elle venait de l'atteindre, voire de le dépasser.

Vanessa leva à nouveau les mains dans sa direction et sans réfléchir à deux fois, essaya d'envoyer une salve de flammes à la personne qui désirait sa mort sans aucune raison. Ce dernier amorça un geste de défense qui ne servit à rien. Aucune flamme ne sortit.

— Merde ! jura Vanessa en regardant ses mains, ces viles traitresses, qui la laissaient tomber encore une fois à un moment critique.

Jetant à nouveau un regard vers le docteur, ce dernier afficha un sourire satisfait. Il leva une main en direction du reste de ses troupes qui avaient tracé un périmètre de sécurité en demi-cercle autour de Vanessa.

— Attaquez-la à distance, ordonna-t-il d'une voix plus grave, comme si pour lui, la victoire lui était déjà garantie.

Vanessa comptait bien lutter jusqu'au bout, ne pas lui faciliter la tâche, et courut le plus vite qu'elle put, récupérant sa pochette sur le capot d'une voiture au passage.

Derrière elle, les flammes s'élevèrent et cette fois, les manipulateurs mirent le paquet. Comme elle tout à l'heure, les flammes ne laissèrent même pas le temps aux véhicules d'exploser et brûlaient tout sur leur passage. A croire qu'en réalité, ils ne se donnaient pas à fond depuis tout ce temps. La chaleur qui émanait de ces flammes semblaient tout droit sortie des enfers et Vanessa ne sut si c'était son imagination ou si ses poils sentaient déjà le roussi.

A force de zigzaguer dans l'immense parking, l'entrepôt réaménagé étaient devenu un vrai champ de bataille. De la fumée noire s'élevait par volutes épaisses vers le toit fermé et la chaleur était devenue étouffante. Coincée maintenant contre un mur et le reste de véhicules de l'endroit, le souffle court et la peur qui lui nouait le ventre, Vanessa se sentit prise au piège. Elle n'avait plus nulle part où aller, nulle part où se cacher. Elle ne savait pas encore utiliser ses pouvoirs mais il semblait qu'elle ne pouvait en user que sur une certaine distance.

« Ouais, sinon, ce serait trop facile, évidemment », ne pût-elle s'empêcher de bouder.

Elle trouva injuste le fait qu'elle était la seule à rencontrer ce genre de difficulté.

Acculée contre le mur, elle regardait, impuissante, ses ennemis l'entourer à une distance raisonnable. Soudain, le psychologue se détacha de ses troupes et la regarda avec un mélange de pitié et de plaisir suprême dans les yeux. La jeune femme se sentit nue sous son regard et elle l'était presque. Sa robe qui la couvrait déjà à peine était brûlée par endroit. Sans pouvoir s'en empêcher, elle ramena ses bras contre elle en une vaine tentative de préserver le peu de pudeur qu'il lui restait et glissa lentement jusqu'au sol, face à une dizaine de visages vénéneux qui n'attendaient plus que le signal de leur chef pour l'abattre.

Face à tout ce beau monde, comment pouvait-elle espérer s'en sortir ? Ses yeux papillonnaient d'un personnage à l'autre, son sang se glaçant à chaque seconde. L'aplomb dont elle avait fait preuve jusque-là se dissipa et ses yeux se remplirent de larmes. Des larmes de terreur.

Son cerveau n'arrivait plus à aligner des pensées cohérentes. Une seule chose lui revenait en tête : elle allait mourir, là, maintenant, sans même savoir pourquoi. Le psychologue émit un rire sardonique.

— Je te l'avais dit, commença-t-il, tu étais déjà dans mes filets sans t'en rendre compte, comme une sardine. Tu as fait une belle erreur en venant ici mais je ne peux rechigner face à cette aubaine. La Distorsion nous avait privés de notre liberté, mais grâce à toi, nous allons prendre ce qui nous revient de droit.

Vanessa tiqua à nouveau au mot « Distorsion ». Son cerveau n'était pas complètement paralysé, il semblait. Mais ça ne servait de toute façon à rien. Elle allait mourir. Voyant le psychologue lever la main pour faire signe à ses acolytes, Vanessa sut que c'était le moment.

— NON ! cria-t-elle dans un dernier élan de désespoir, alors que le goût salé de ses larmes pénétrait dans sa bouche.

Ses dernières pensées furent pour ses parents qui avaient fondé tant d'espoir en elle, à son frère et sa sœur qui l'énervaient la plupart du temps mais qu'elle aimait, à Samantha, à toutes les choses qu'elle aurait dû faire avant de crever comme une malpropre dans un entrepôt. Elle pensa aussi à Rebecca qui l'avait pourtant encouragée et à David. L'idée qu'il avait peut-être réussi à s'enfuir la réconforta un peu. Elle aurait été triste d'avoir précipité la mort du premier ami qu'elle s'était fait dans ce pays.

Tout ça se passa en quelques fractions de secondes seulement, avant qu'une salve de flamme noire ne se déverse sur elle...

Une explosion retentit.

N'était-ce pas saugrenu de penser que son propre corps exploserait comme dans une de ces vieilles séries d'action avec un héros bourré de testostérone ? Peut-être que si en fait.

— Lève-toi ! On se casse ! Hurry up ! lui ordonna une voix inconnue avec un accent très prononcé.

Vanessa resta prostrée en position fœtale, les yeux clos, avec la certitude qu'elle était déjà morte.

— T'es dure du chou ou quoi ? lui répéta la voix en lui saisissant le bras pour la relever sans ménagement.

Vanessa fut tirée tellement fort qu'elle faillit retomber directement après mais la main qui l'avait saisie ne l'entendait pas de cette oreille. Encore sous le choc, la jeune fille remarqua que les lumières de l'endroit étaient toutes éteintes. Qu'est-ce qui se passait ? Elle sentit la chaleur d'une main qui pressait encore son bras. Quelqu'un était-il venu la tirer de ce mauvais pas ? C'était trop beau. Au même moment, elle fut éblouie par une vive lumière et se cacha le visage avec son bras libre. La seconde suivante, elle entendit comme le bruit d'une lame qui fendait quelque chose, puis une autre détonation qui lui hérissa les poils des bras.

— Par ici ! lui intima la voix en la tirant à sa suite.

Tout de suite après, elle fut entraînée dans une ruelle à l'extérieur du bâtiment. Levant les yeux vers le ciel, Vanessa admira les multiples étoiles qui brillaient, indifférentes à ce qui se passait ici-bas, au sort qui avait failli être le sien. Mais qu'importaient les astres qui peuplaient le ciel ; elle était en vie ! Le vent frais de la nuit lui cingla le visage alors que son sauveur et elle sortaient de la ruelle, à découvert.

À Suivre...

©Tous Droits Réservés

_______________________________

Question à un million de dollars imaginaires : qui est le mystérieux sauveur d'après vous ? Je vous aide un peu : vous l'avez déjà croisé. ;)

Je vous laisse en espérant vous revoir au prochain chapitre. :*

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top