Chapitre 11.2 : Investigation
Le téléphone de Vanessa vibra dans sa poche, la faisant sursauter. Complètement hypnotisée par son jeu, elle n'avait pas vu le temps passer et se rendit compte qu'il était bientôt dix-sept heures. David l'appelait.
— Allô, dit-elle en décrochant à la hâte.
— Salut. Où es-tu ?
— Euh... réfléchit-elle en se mettant à enfiler des chaussures sans prendre la peine de se changer. Presque...
— Tu es encore chez toi, c'est ça ? se moqua-t-il.
— Euh... c'est ça, avoua-t-elle avec un sourire contrit. Dix minutes et je suis là ! Non, plutôt vingt, s'il te plaît !
— Je t'attends.
Rapidement, elle glissa dans son sac à dos son ordinateur, son casque, son portefeuille et attrapa son portable avant de claquer la porte derrière elle. En descendant les escaliers de sa résidence, elle leva les yeux vers le ciel et réalisa que de minces rayons orangés, presque violets, annonciateurs de la fin du jour, pointaient à travers les nuages d'un gris clair. L'atmosphère ne s'était pas réchauffée tant que ça mais au moins, la fraicheur ne donnait pas immédiatement envie de rentrer se rouler en boule dans une couverture.
Vanessa se mit en route vers le quartier Nord, où se trouvait « La Bien-aimée ». C'est comme ça que s'appelait le bar en question. Lorsqu'elle poussa la porte de l'établissement à dix-sept-heures passées de quelques minutes, Vanessa fut traversée par le même sentiment qui l'avait animée la dernière fois. Celui d'une douce quiétude, l'impression qu'elle pourrait oublier tout ce qui se tramait à l'extérieur entre les murs de cet établissement. Elle remarqua quelques clients déjà installés à l'intérieur. L'endroit devait avoir sa poignée d'habitués.
Traversant la salle pour trouver un coin tranquille, Vanessa vit David discuter avec une des serveuses de salle. Sur ses cheveux, on devinait une vaine tentative de discipline avec de la gomina. Ici et là, des mèches folles lui retombaient sur le front, les oreilles ou la nuque, ne le rendant que plus beau. Vêtu d'un T-shirt blanc immaculé, d'un pantalon noir et le tablier du bar attaché aux reins, pas étonnant que la plupart des clients soient en fait des clientes.
La jeune fille prit place au fond de la salle, sur une petite table pour deux personnes situées non loin des toilettes, la seule place qui disposait d'une prise, en soupirant. Au moins, elle était sûre que personne ne voudrait s'assoir à côté d'elle. Alors qu'elle sortait ses appareils de son sac, Vanessa croisa le regard de David qui s'excusa auprès de son interlocutrice pour se diriger vers elle. Cette dernière ne lui jeta pas un regard très avenant alors qu'elle repartait à sa besogne.
« Rhooh, c'est bon, j'ai rien fait, moi ! » s'offusqua Vanessa intérieurement. « Pas la peine de me regarder comme ça ! »
— Mademoiselle a enfin daigné nous faire l'insigne honneur de sa présence, ce soir ? se moqua-t-il avec un sourire désarmant, la lumière tamisée de la salle donnant à ses iris d'ambre un reflet plus profond alors qu'il se penchait vers elle.
Ah oui, elle comprenait parfaitement pourquoi l'autre fille lui avait jeté ce regard. Son sourire valait vraiment des millions. Mais vu qu'il en distribuait à la pelle, la serveuse ne devrait pas se sentir lésée.
— Euh... en fait... je n'ai pas... balbutia-t-elle.
Il ne manquait plus qu'elle pousse des cris hystériques et se fasse tatouer son nom sur sa fesse gauche et elle ferait la groupie parfaite. Quoique, cela était-il vraiment nécessaire pour prouver qu'il était attirant ? Elle toussota, reprenant contenance.
— Désolée, je n'ai juste pas vu le temps passer. Je suis prête à faire ce qu'il faut, continua-t-elle en présentant son appareil.
— C'est bien. Je vais t'apporter une boisson. Je ne voudrais pas que l'on croit que tu sois uniquement à l'affût des points Wifi environnants.
— Il y en a d'ouverts ? demanda-t-elle, jouant exagérément les intéressées.
Un petit rire lui échappa.
— Peut-être, répliqua-t-il en lui faisant un clin d'œil avant de s'éloigner.
Elle le regarda marcher d'un pas dégourdi jusqu'à ce qu'il se cache derrière le comptoir. Et elle savait ne pas être la seule à l'avoir fait.
***
Pendant que David s'activait, Vanessa n'était pas en reste.
Pendant les heures qui suivirent, elle chercha, que ce soit sur le forum ou partout sur le net la moindre information sur un endroit appelé « Le Neptune ». Mais elle ne trouva rien. Pas une image, pas une indication, rien de pertinent du moins. Elle avait droit à un grand bol de néant, accompagné de son assiette de rien du tout ! De quoi vraiment les avancer...
La tête entre les mains et le cerveau en ébullition, Vanessa réfléchit. Un endroit inconnu de tout le monde et qui ne semblait exister nulle part mais qui était en rapport avec les détenteurs de pouvoirs. Ça ressemblait plus à un casse-tête chinois qu'à la simple recherche d'un endroit où passer un samedi soir.
Quelque chose de glacé frôla sa joue et elle étouffa un cri de justesse.
— Désolée, je ne voulais pas t'effrayer, s'excusa David, mais on aurait dit que tu étais en surchauffe. Tiens, rafraichis-toi un peu les idées.
Il déposa devant elle un deuxième verre du cocktail sans alcool qu'il lui avait servi plus tôt, ainsi qu'un hamburger et des frites.
— Et mange quelque chose.
— Ah, c'est vrai vous faites aussi restaurant.
— Allez, mange. Rassure-toi, ce n'est pas moi qui suis aux fourneaux. Les plats de Luigi sont les meilleurs. Et c'est offert par la maison alors ne te retiens pas autant.
Il prit place sur la chaise en face d'elle.
— Je vais faire ça alors, s'exclama-t-elle en humant l'odeur du plat. Maintenant que tu me le fais remarquer, j'ai trop faim !
Il rit doucement.
— Pas de soucis. Tu te donnes du mal alors, c'est normal. Ce n'est pas évident.
— De ton côté ça donne quoi ?
— J'ai l'impression que l'on cherche un endroit qui n'existe pas. C'est bizarre, personne n'en a jamais entendu parler. Peut-être que c'est nous qui cherchons au mauvais endroit, finalement.
— Qu'est-ce que tu proposes alors ?
Il prit un instant, la main caressant sa mâchoire en un signe d'intense réflexion. Alors qu'il était dans ses pensées, Vanessa en profita pour mordre à pleines dents le hamburger qui lui faisait de l'œil. Elle soupira d'aise. Finalement, il déclara :
— Demain.
— Hum ? parvint-elle en dire, la bouche pleine.
— On va se renseigner plutôt auprès de ceux qui bossent dans l'événementiel. Ils en sauront plus que nous. Et puis, qui sait ? Ce n'est peut-être pas le nom d'une boîte ou d'un établissement. C'est peut-être un concept ou un évènement bien précis. Ah ! On devrait aussi demander aux gérants de boites de nuit par la même occasion. En journée, ou plutôt en fin d'après-midi, ils commencent toujours à faire leur inventaire. On aura sans doute plus de chance d'obtenir un entretien à ce moment-là.
— T'es plutôt bien informé sur ce genre de chose, lui fit-elle remarquer.
— Je te l'ai déjà dit, il y a encore tellement de choses que tu ignores sur moi. Tu serais étonnée, enfin... peut-être.
Son sourire contrastait terriblement avec ce qu'il venait de dire. Impossible de le prendre au sérieux quand il disait ce genre de chose alors qu'il avait une tête pareille.
— Oui, oui, je te crois, dit-elle en mordant dans son hamburger, sans révéler le fond de sa pensée.
Il ne releva pas et se contenta de lui tapoter la tête avant de repartir bosser.
Regardant autour d'elle à nouveau, Vanessa constata que le bar était bondé. Cette fois, il s'agissait d'une clientèle hétéroclite d'hommes et de femmes, en solitaire, en couple ou en groupe, qui bavardaient joyeusement. Elle se sentait presque coupable d'occuper une table pour deux depuis... depuis combien de temps déjà ? Elle regarda l'heure sur l'écran de son ordinateur.
« Il est déjà vingt heures ? » s'étonna-t-elle.
Elle avait passé près de trois heures à chercher cette maudite boite. Pas étonnant que non seulement elle soit en surchauffe mais aussi qu'elle meure de faim. Elle avait juste grignoté avant d'arriver ici. A quelle heure finissait-il son service déjà ? Elle se tourna vers le comptoir et le regarda s'activer, tout en discutant avec ses clients.
« Je ne vais pas me plaindre, lui aussi il fait de son mieux. »
Finissant son dîner, elle s'essuya les mains et tira une grande gorgée de sa boisson.
— Allez, on se remet au travail !
« Même si je ne suis pas sûre de trouver grand-chose de plus »
***
Van...
Van...
Hey...
Vanessa...
Réveille-toi....
Vanessa avait l'impression d'être dans l'eau. La voix qui l'appelait résonnait au loin avec moult trémolos, justement comme si elle essayait de parler en buvant de l'eau. Ça donnait cette impression. Est-ce qu'au Neptune, tout était bleu ? Peut-être que ce qu'ils cherchaient se trouvait en réalité au fond de la mer, dans un endroit que seuls les animaux marins pourraient atteindre.
— Van, réveille-toi. Il faut qu'on parte, chuchota une voix près d'elle.
Elle sentait qu'on lui caressait doucement le dos. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu droit à un geste d'affection comme ça. Ça lui rappelait la maison. Peut-être qu'elle était rentrée chez elle. Etait-ce sa mère ?
— Pas encore, maman...
Un rire amusé retentit.
« Non, ce n'est pas maman, ça » se dit-elle en fronçant les sourcils.
Lentement, elle ouvrit les yeux. Ses lunettes avaient dû glisser car elle voyait un peu flou. Mais elle voyait sans grand effort le visage de David à quelques centimètres du sien, un sourire en coin aux lèvres.
— Désolée, mais ce n'est que moi. Rassemble tes affaires, je te raccompagne.
— Hum ? Déjà ? rétorqua-t-elle, en frottant ses yeux gonflés par la fatigue. Il est encore tôt, non ?
Elle consulta sa montre qui indiqua qu'il n'était que vingt-trois heures passées de quelques minutes.
— C'est comme ça ici. Et pour être honnête, ça me facilite bien la vie. Je ne suis pas très nocturne en vérité.
Plissant les yeux, son interlocutrice chercha ses lunettes en étouffant un bâillement.
— Je me suis endormie ?
— Oui, madame. On t'entendait ronfler dans toute la salle. On aurait dit un éléphant.
Piquée au vif, Vanessa répliqua, en remettant ses lunettes qui étaient posés sur son ordinateur fermé :
— Je ne ronfle pas, monsieur. Les femmes ne ronflent pas.
Par contre, parler dans son sommeil, ça c'était son fort.
— Ce n'est pas ce que Luigi me raconte sur sa femme. Quoiqu'avec lui on ne sait jamais. Il aime bien taquiner Madeleine.
— Ne prends pas exemple sur lui alors, bouda-t-elle.
Il rit de bon cœur devant la mine affectée de Vanessa. Cette fille faisait bien rire le jeune homme. Evidemment, elle ne ronflait pas, mais il avait réalisé en regardant son visage endormi à quel point elle était jeune. Et en appelant sa mère, il ressentit un pincement au cœur.
— Prête.
Vanessa le dévisagea alors qu'il avait l'air d'être complètement dans les nuages. Elle passa sa main devant son visage et il parut redescendre sur Terre.
— On y va ?
— Ah oui.
— Hey, Dave !
Vanessa et David se retournèrent vers la voix qui sortait de la cuisine. Un instant plus tard, un homme filiforme, c'était bien le mot, en sortit. Il retira sa petite toque et passa sa main dans ses cheveux sombres et bouclés. Une barbe de plusieurs jours ou semaines couvrait son visage mais ne masquait pas les rides de sourire qui y étaient incrustées depuis des années déjà à n'en pas douter. Il tendit un sac en plastique à David.
— T'as oublié ça, dit-il d'une voix rauque inattendue pour un corps aussi maigre. C'était une bonne soirée mais il y a encore plus de restes que d'habitude.
— Cool. Merci, vieux.
— Eh ! protesta-t-il en lui administrant une grande tape dans le dos. J'ai tout juste trente ans alors mesure tes paroles, jeune homme.
Vanessa sourit malgré elle au ton taquin de Luigi, mais se raidit légèrement lorsque les deux hommes se tournèrent vers elle. Elle serra un peu plus fort un bras de son sac à dos.
— Alors, on ne me présente plus ? Bonsoir, demoiselle, moi c'est Luigi, le cuistot, se présenta-t-il en esquissant une révérence à son attention.
— Bonsoir. Moi, c'est Vanessa.
- Un joli nom, pour une jolie fleur. C'est pas tous les jours que le p'tit nous ramène une fille.
Luigi taquina allègrement David et Vanessa ne put s'empêcher de rire. D'ordinaire, elle avait du mal avec les compliments, mais ce Luigi avait l'air de quelqu'un qui aimait plaisanter alors elle n'eut aucun mal à ne pas le prendre au mot. Il semblait très proche de David.
— Je ne vois vraiment pas ce que tu veux dire, Luigi. Merci pour le repas. Allez, on y va, dit-il en tirant Vanessa vers la sortie.
- Au revoir, eut-elle tout juste le temps de lancer avant d'être entrainée dehors.
- A plus, ma jolie, répliqua-t-il avec un sourire radieux sur le visage.
Il semblait vraiment amusant.
***
— Ne fais pas attention à lui, lui conseilla David alors qu'ils s'éloignaient de l'établissement dans la nuit seulement éclairée par quelques lampadaires.
— Ah ? J'ai trouvé ça plutôt amusant, répliqua la jeune fille.
Les rues n'étaient pas encore totalement désertes. Ici et là quelques personnes qui rentraient chez elles comme eux. D'autres qui continuaient leur soirée ailleurs. En tout cas, Vanessa était bien contente de ne pas avoir à marcher toute seule. Les avantages d'être une fille.
— Il fait son numéro à tout le monde. Madeleine n'en peut plus de son comportement, mais au moins il ne franchit jamais la limite. Il sait qu'elle n'hésiterait pas à le balancer dans La Sambre*. Cette femme est plus forte qu'un rhinocéros.
Ses remontrances sonnaient plus comme des excuses pour l'attitude un peu taquine de Luigi. Ça n'avait pas affecté Vanessa tant que ça. Ce qui retenait plus son attention à cet instant, c'était la main de David qui tenait toujours son coude. Il ne s'en était peut-être pas rendu compte, mais Vanessa, si. Et elle espérait qu'il ne sentait pas son sang palpiter dans ses veines à travers la manche épaisse de son pull.
Elle toussa un peu pour attirer son attention.
— Un problème ? fit-il en se tournant vers elle.
— Euh... tu pourrais me lâcher ? demanda-t-elle en désignant son bras prisonnier.
— Ah, désolé.
Il la libéra et Vanessa frotta son bras un peu malmené. Heureusement qu'elle n'était pas du genre à se faire des films, sinon elle aurait eu matière à faire toute une saga avec ça. David lui, était normal. Il n'allait pas se sentir bizarre pour avoir attrapé le bras d'une fille après tout. Pas la peine de se prendre la tête. Oui, pas la peine du tout.
Vanessa augmenta la cadence pour le rattraper. Les yeux braqués devant lui, il marchait, la main qui l'avait serrée, enfoncée dans la poche de son Jean, l'autre occupée par le sac en plastique donné par Luigi. C'était bizarre. Elle n'arrivait pas à trouver un moyen d'amorcer la conversation. Elle se contenta donc de marcher à ses côtés dans un silence presque gênant.
A l'entrée de son immeuble, Vanessa se tourna vers David.
— Bon, merci de m'avoir ramenée.
— Je t'en prie. N'oublie pas que nous commencerons les recherches plus tôt demain. Je t'avertirai du lieu où l'on devra se retrouver. Oh, tiens ça. Je te le donne.
Il lui tendit le sac en plastique qu'elle s'empressa de refuser.
— Hein ? Mais non ! C'est pour toi !
— Pourquoi tu es aussi gênée ? se moqua-t-il. J'y aurai encore droit demain. En fait, cet endroit a sûrement les serveurs les mieux nourris de toute la région. A chaque fin de service, on distribue les restes entre ceux qui font la fermeture donc ne t'en fais pas. Je suis de semaine maintenant, rappelle-toi. Je ne risque pas de mourir de faim.
— Parce que moi, oui ?
— Tu m'as comprise, répliqua-t-il avec un adorable sourire.
Sans attendre d'autres protestations, il laissa tomber le sac entre ses mains et lui fit un signe de la main avant de s'éloigner. Décontenancée, Vanessa ne sut que dire alors que sa silhouette se fondait déjà dans l'obscurité.
En ouvrant sa porte, une ombre lui passa entre les jambes, manquant de lui causer une crise cardiaque. Mais elle se rendit compte que ce n'était que Shiro, qu'elle avait enfermé dans son studio sans s'en rendre compte.
— Oh merde ! Je t'ai complètement oublié ! J'espère seulement que t'as pas pissé partout.
En réponse, le chat lui rendit un miaulement dédaigneux.
— Ouais, ouais, désolée, dit-elle en lui caressant la tête. Tu peux sortir si tu veux.
Comme s'il avait compris ce qu'elle lui avait dit, il miaula une dernière fois avant de s'éloigner rapidement dans le couloir et de disparaître. Elle était à nouveau seule mais quelle importance ? Elle n'avait qu'une envie : dormir. Demain serait bien vite arrivée. En sortant son téléphone de sa poche, elle se rendit compte qu'il était minuit passée. Elle sourit. Demain était déjà là en réalité.
À Suivre...
©Tous Droits Réservés
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Lexique:
La Sambre : L'une des rivières qui traversent la Belgique.
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Hello à tous. J'espère que jusque-là, vous appréciez cette histoire. J'ai un peu de mal à croire que ça fait une dizaine de semaines que j'ai commencé à poster Distorsion. Ça fait beaucoup dis comme ça. Enfin, je blablate trop moi. Je vais m'arrêter là.
Bisous et à la prochaine ;)
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