Chapitre 1 : Le servant


Le ciel était gris depuis des décennies. Un homme fixait les cieux de sa fenêtre chaque matin en espérant qu'un jour cela cesse. Dans la crainte, il restait tapi dans l'ombre.
— Nous vivons dans la peur de puis tant d'année, soupira la femme voisine.
Elle se situait en face de cet homme, accoudée au rebord de pierre de sa fenêtre.
— Il serait grand temps qu'un jour, cela change.
— Je ne vous le fait pas dire, gente demoiselle.
C'était le même refrain. Ils discutaient ensemble encore et encore comme s'ils venaient de se rencontrer afin de trouver un moyen de tuer le temps en souriant un minimum dans ces terres désolées.
Ces villageois fermèrent leurs fenêtres à toute vitesse en voyant une silhouette s'approcher. Les rues étaient inanimées et la plupart des habitants mouraient de faim. Seuls les plus courageux sortaient pour aller chercher de la nourriture aussi insignifiante pouvait-elle être.

Près d'un lac, sur une souche d'arbre, un type souriait en observant la brume matinale s'installer sur le camp.
— Tu me parais bien gai aujourd'hui, Theo. Que t'arrives-t-il ?
— Je songe à l'histoire. Je trouve cela amusant. On pourrait se croire au moyen âge ou à l'époque de la révolution et pourtant, nous sommes au cinquante-cinquième siècle.
— La technologie n'est plus et l'empereur a repris le contrôle. C'est vrai qu'on aurait pu être plus joyeux si son règne avait pu durer un peu plus.
— Ce rebelle...
L'asiatique en habits noirs serrait les poings, le visage caché sous sa capuche.
— Je le tuerais, j'en fais le serment.
— Ne sois pas si inconscient. Les exécuteurs ne te laisseront pas faire.
— Je me fiche de ton avis, Faustin. Ils ont tué ma mère. Eux aussi, méritent la mort !
L'ancien chevalier à ses côtés, en caleçon, s'allongea dans l'herbe.
— Regardes où l'on vit... On est cachés dans une satanée cabane de bois et toi, tu trouves encore le moyen de croire qu'un jour, tout ira mieux ?

Beaucoup plus tard, dans une arène, deux vaillants hommes livraient bataille. Les coups d'épées donnaient des frissons aux spectateurs qui entendaient les sons et imaginaient la puissance des coups. Ceux-ci étaient redoutables.
Florian était réputé pour être le guerrier le plus puissant de la ville, cependant, l'esclave lui tenait tête. Assis sur un banc, deux personnes admiraient le gladiateur épuisé.
— Il tient bien...
Le coup d'estoc rapide de Florian traversa légèrement le bras du challenger.
— S'il gagne sa liberté, on le prend chez nous.
— Le boss ne nous l'a pas demandé. Il en est hors de question.
— Pourtant...
Steven parait quelques coups et encaissait quelques attaques aux poings. Sa soif de sang et d'adrénaline lui procurait du plaisir et faisait hausser son moral. Florian l'avait compris :
— Il devient de plus en plus fort...
Une grande giclée de liquide aux nuances écarlates traversa l'arène après un dernier tintement de fer. Le guerrier était à genoux au sol, les mains le long de son corps, le torse bombé et les yeux rivés vers le ciel. Du sang sortait de sa bouche et coulait le long de son menton.
— Tu as le mérite d'avoir vaincu un vrai héros, sourit le perdant en forçant sur ses cordes vocales. Vas t'en maintenant. Ne te fais plus attraper par ces ordures...
Aucun mot ne sortit de la bouche du vainqueur sans pitié. Il lâcha son épée et posa son pied sur le visage de Florian puis le poussa afin de le faire tomber. Celui-ci ne se releva point et laissa son âme quitter son corps.
Les deux spectateurs louches étaient partis. Steven restait seul au centre de l'arène, peu vêtu, couvert de blessures et de saleté.
— Qu'attends-tu ? s'exclama son maître. Je te l'ai dit, tu seras libre si tu gagnes ce combat.
— Je peux réellement rentrer chez moi ?
Le gladiateur s'écroula, à bout de souffle.

Plusieurs jours avant, Théo attrapa un poisson avec sa dague courbée, dans le lac.
— Encore un rouge. Ce sont les moins appréciés de la région et on ne tombe que sur ceux-là.
— Probablement parce que ce sont les seuls, déclara Faustin. Emma est clouée au lit, malade comme un chien errant, elle ne s'en plaindra pas.
— Tu n'as pas tort.
Le jeune garçon lança le poisson dans un sceau et se retourna brusquement. Le vent soufflait fort. Le chevalier créa une épée magique tandis que le voleur sortit sa deuxième dague. Puis, d'un bon, il fonça à toute vitesse vers la forêt.
— Dégagez de là ! hurla-t-il en sautant de la falaise.
Les corbeaux furent découpés sans être touchés par les lames grâce à sa tornade des ombres.
Trois voleurs se tenaient sur le toit de l'abri de l'asiatique. Théo frappa l'un d'eux deux fois au visage, puis fit un tour sur lui-même pour trancher la gorge de celui qui allait le poignarder. Le dernier allait le tuer quand une lame traversa son crâne.
— Tu joues au héros sans moi ? sourit Faustin.
Le survivant se téléporta derrière Theo et fit tourner sa dague avant d'essayer de le planter. Seulement, ce voleur était l'un des plus agiles du pays et cette attaque ne fut qu'une tentative ratée. Faustin en profita pour retirer sa lame du crâne de sa victime, puis d'un coup horizontal, il découpa l'ennemi restant.
— Allons voir Emma maintenant.
Les amis descendirent et entrèrent dans leur demeure saccagée. En larmes, devant le lit de sa compagne, le jeune voleur se laissa tomber sur les planches faisant office de sol.
— Je suis désolé, dit Faustin d'une faible voix, troublé par cette vision d'horreur.
Emma était morte, complètement vidée de son sang.
— Ces fils de péripatéticienne vont le regretter.
— Je ne te forces pas à être poli à cet instant.
— Ces fils de pute !

D'un franc coup de pied, il explosa un de leur mur et poussa un grand hurlement avant de constater qu'il manquait le pendentif de la pauvre victime.
— Ils en avaient après mon collier de rapidité. Pourquoi avoir tué la seule personne qui m'aimait encore ?
Faustin posa sa main sur l'épaule de son ami.
— Tu dois évacuer toute cette colère. Je pense que tu as raison mon garçon. Il est temps de changer les choses. Pars tuer le rebelle.
Les yeux de Théo devinrent rouges. L'homme laissa le vent entrer dans leur abri et retirer sa capuche. Une cicatrice était visible sur sa joue gauche.
— Nous retrouverons l'espoir et le bonheur d'antan.

Le soleil se couchait. Seul, dans les rues désertes de l'ancien Londres, Steven marchait. Il songeait à son avenir et se demandait où il allait vivre. Pendant des heures, il marchait sans savoir où aller. Puis, il pénétra dans la taverne délabrée. Au sol se trouvaient plusieurs avis de recherche.
— Les exécuteurs, dit-il en lisant la description. Des tueurs au service du rebelle. C'est sûrement mon destin. Je dois faire revenir la lumière dans notre royaume.

Pendant des jours, Théo s'entraînait. Il devenait une légende dans la citadelle à aider les pauvres, à éliminer les menaces et à promettre au monde qu'il allait les sauver.

Le gladiateur observait le visage de ses ennemis et leurs noms. L'un d'eux avait l'air de porter un espadon sur son épaule.
— Bruce l'annihilateur...
Une autre affiche non brûlée attira son attention. Une femme portant deux pistolets.
— Marjorie la déesse de la vengeance.
Finalement, il saisit la dernière feuille jaunie et fronça les sourcils.
— On ne voit pas son visage. Que des yeux rouges et une cicatrice.
Il avait une mauvaise réputation et valait autant d'argent que les deux autres.
— Théo, le saigneur des ténèbres.

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