Chapitre 61 : Spectacle sanglant
Doliannah et Duncan avaient désormais du mal à lutter. Tous deux étaient blessés, tous deux avaient une blessure à la jambe qui les empêchait de se déplacer rapidement. Mais ils ne s'arrêtèrent pas de combattre pour autant.
Daud regardait ce duel, impassible, et derrière lui, Ceferino également.
Blessé, Duncan parvenait toujours à bloquer les coups de Doliannah et à les contrer. Elle essayait d'utiliser tout ce que Daud et Nereo lui avaient appris mais ses blessures ne la laissait pas toujours faire. Comme précédemment, les deux combattants n'arrivaient pas à se toucher avec leur lame. Malgré leur état, ils esquivaient et bloquaient encore avec succès les coups de leur adversaire.
Après plusieurs minutes, Duncan parvint à atteindre Doliannah en lui donnant après une esquive un coup de poignée au visage. Cette fois-ci, elle ne tomba pas et recula seulement. Sa douleur à la jambe manqua tout de même de lui faire perdre l'équilibre mais elle parvint à rester sur ses deux pieds et à revenir dans le combat en donnant un coup d'épée repoussé par la lame de son adversaire. Doliannah feinta alors afin d'atteindre la plaie à la jambe de Duncan qu'elle agrandit avec son épée. Il échappa un cri mais ne tomba pas. Aussitôt, la jeune serkonienne sortit son pistolet électrique et appuya sur la détente au moment où le tueur d'Epinda s'apprêtait à réagir. Duncan n'eut le temps de ne prendre qu'une courte décharge avant de faire voler l'arme des mains de Doliannah à l'aide de la poignée de son épée. Mais ce fut suffisant pour qu'il tombe à genoux.
Sans hésiter, la jeune serkonienne lui transperça le corps avec sa lame et s'approcha pour le faire. Leurs visages se touchaient presque. Duncan croisa le regard haineux de Doliannah qui serrait les dents en remuant la lame de son épée dans son corps. Dans un dernier effort, le tueur d'Epinda attrapa le poignard planté dans l'abdomen de la jeune Contero, le retira et l'enfonça à nouveau, à côté de la précédente plaie, ne pouvant pas le lever davantage. Alors Dolly retira son épée du corps de Duncan et le projeta de toute sa force avec une onde de choc. Il alla heurter le mur au bout de la pièce et glissa contre celui-ci pour se retrouver au sol, à moitié allongé. Du sang coulait de sa bouche ainsi que de ses autres plaies. Doliannah le regarda, haletante, couverte de liquide rouge, son poignard à nouveau planté dans son abdomen. Elle avait envie de le faire souffrir davantage, jusqu'à ce qu'il meure, mais elle préféra d'abord se tourner face à Daud et Ceferino.
La jeune serkonienne s'avança vers le chef, en boitant, et essuya en chemin son visage dégoulinant de sang. Ses beaux yeux verts ressortaient à côté de tout ce rouge. Doliannah passa à côté de Daud qui lui adressa un signe de tête et continua jusqu'à Ceferino, toujours au sol.
-J'ai dit tout ce que je savais ! gémit-il. Ne me tuez pas !
-Pourquoi défendre un homme comme vous ? demanda-t-elle en jetant un coup d'œil vers Duncan à l'autre bout de la pièce. Vous êtes faible. Il est bien meilleur que vous, il aurait pu être le chef. Il ferait moins pitié.
-J'ai été le premier à parler de cette idée ! s'écria le chef. Je m'étais déjà renseigné, il existe des moyens pour communiquer avec le Grand Vide, même pour ceux qui ne portent pas la marque ! Je suis malade, mourant. Je devais trouver un moyen de survivre. Dès que j'ai appris pour cette maladie incurable, je me suis davantage renseigné sur l'Outsider. Il existe un couteau, celui qui l'a créé. Peut-être qu'avec cette arme et un rituel, nous pouvons créer d'autres dieux. J'ai déjà communiqué avec le Grand Vide, quand je lui ai offert mon épouse. Mais mon fils est mort malgré tout. Et je suis certain que l'Outsider aurait pu l'aider. Mon offrande ne devait pas être suffisante. Le couteau est la clé. J'en suis certain.
-Mais pourquoi Duncan ?
-Je pouvais de moins en moins agir, compte tenu de mon état. Duncan était un ancien garde recherché, un combattant hors pair et intelligent. Il m'a aidé à me faire entendre, nous avons formé un groupe. Je lui ai promis une place à mes côtés pour entrer dans le Grand Vide. Ainsi, si je trouve le moyen d'entrer, il aura aussi droit à des pouvoirs. Ensemble, nous pourrions diriger le monde. Imaginez, le pouvoir du Grand Vide...
-Vous êtes des malades, le coupa la jeune serkonienne.
-N'est-ce pas, Doliannah Contero, lança Duncan depuis l'autre bout de la pièce, en comprimant ses plaies, avant de tousser du sang.
Celle-ci se retourna pour le regarder, Daud et Ceferino Salvador en firent de même. Le voyant essayer de parler, elle s'approcha légèrement de lui pour mieux l'entendre.
-Tu aurais pu nous aider, reprit Duncan. Tu aurais pu nous rejoindre. Tu aurais eu ta place à nos côtés pour devenir plus puissante. J'ai aidé Ceferino parce que je crois en lui. Nous avons pu effacer nos avis de recherche, mais au départ nous n'étions plus rien. Le Grand Vide aurait été à nous. La puissance infinie, le pouvoir, sans limites. Et tu peux encore faire partie de ce futur. Si tu canalises toute ta colère pour l'utiliser sur nos ennemis...
-Vous m'avez créée, l'interrompit Doliannah. Vous l'aviez dit, n'est-ce pas ? Sans vous, l'Ombre de Karnaca n'existerait pas. Je ne voulais pas que l'Outsider vienne à moi. Je n'aurais pas toute cette colère si vous n'aviez pas tué Epinda, puis Adonis. Vous êtes responsable de ma colère. Et je vais l'utiliser sur mes ennemis.
Sur ces mots, elle se retourna et s'approcha rapidement de Ceferino qui écarquilla les yeux. Il n'eut le temps de gémir qu'une seule fois. Doliannah toucha la tête du chef des Illuminés, prononça rapidement une courte incantation et retira sa main pendant que Ceferino Salvador devenait poussière. Il fut réduit en cendres en une seconde. Duncan était bouche bée face à ce pouvoir qui affaiblit davantage Doliannah. Cependant, cela ne l'empêcha pas de marcher en direction du tueur d'Epinda, sous les yeux de ce dernier et de Daud.
-Tu réalises ce que tu as fait ? lança Duncan tandis qu'elle traversait lentement la pièce. Et je suis le monstre ? Je ne suis pas toujours aussi violent. Toute cette haine avec toute cette puissance font de toi un monstre, Doliannah Contero. Tu as autant tué que moi, en si peu de temps et de façon tellement violente. Regarde cette pièce. Tout ce sang, ces cadavres, tu as arraché les entrailles de certains. C'est un véritable massacre. Que tu as causé seule. Les cadavres laissés par Daud ne sont pas si abîmés.
Doliannah continuait d'avancer, elle écoutait ses paroles mais ne répondit pas.
-Je suis sûr que tu aimes ça, continua Duncan. La première fois que tu as tué, je suis sûr que tu as aimé le ressenti, ce frisson qui parcourt ton corps, c'est pour ça que tu as recommencé. J'ai peut-être causé ta colère, mais je n'ai pas fait de toi un monstre meurtrier. Je ne t'ai pas forcée à tuer. Tu l'as fait de toi-même. Et tu as recommencé. Maintenant, tu ne peux plus t'arrêter. Tu aimes faire souffrir et tuer. Tu es un monstre.
Elle se tenait désormais face à lui. Elle resserra l'emprise de ses doigts autour de la poignée de son arme tachée de sang. Sans rien dire, Doliannah asséna de nombreux coups d'épée à Duncan. Elle frappa rapidement avec toute sa force le corps de l'homme qui avait détruit sa vie. Elle ne s'arrêtait pas. Elle continuait de frapper. Du sang giclait. Une énorme quantité de liquide rouge et de boyaux jaillissaient et éclaboussaient Doliannah qui ne cessait pas de donner des coups. Elle entailla tellement de fois le corps de Duncan, ainsi que son visage, qu'il était méconnaissable et difforme. Elle accélérait encore, donnant toujours plus de coups. La jeune serkonienne échappa un cri de haine et se jeta sur le cou de l'homme sans vie. Elle se mit à frapper sans s'arrêter, encore et encore, jusqu'à ce que la tête se détache de son corps. Doliannah la regarda rouler au sol et cessa enfin, haletante. Du sang gouttait de ses vêtements et de son visage. La jeune Contero fixait la tête abîmée de Duncan, elle l'avait enfin tué. Epinda était enfin vengée. Les Illuminés avaient perdu, ils n'existaient plus. Et après tout ce qu'il s'était passé, Adonis, Alexei, Nereo, Daud et d'autres, Doliannah ne pouvait que se sentir soulagée. Elle avait réussi à anéantir les Illuminés mais avait subi de nombreuses pertes et de nombreux changements.
Derrière elle, Daud fouillait les cadavres des Illuminés. Puis il vint vers elle. Doliannah entendit ses pas. Il s'arrêta à côté d'elle pour regarder l'état pitoyable de Duncan. Soudainement, la jeune serkonienne se retourna et émit une onde de choc qui renversa le trône de Ceferino Salvador.
-Rentrons, dit Daud en rendant son masque à Doliannah.
Elle le prit, le mit par-dessus son visage ensanglanté et sortit de la pièce, soutenue par la Lame de Dunwall. Doliannah avait du mal à marcher, faible et blessée, mais avec l'aide de Daud, elle parvint à avancer. Tous deux quittèrent le bâtiment. Dehors, les rues étaient désertes, un vent frais soufflait. Tout semblait calme, paisible, silencieux, le temps semblait se dérouler au ralenti. Doliannah ne réalisait pas encore totalement qu'elle avait vengé Epinda, que les Illuminés n'étaient plus, que Duncan était mort.
Sur le chemin du retour, quelques habitants de Karnaca virent passer Daud qui soutenait Doliannah mais en reconnaissant le masque de l'Ombre de Karnaca, ils se contentèrent de regarder. Tous deux mirent plus de temps à rentrer puisque la jeune serkonienne était blessée et boitait.
Une fois dans l'appartement de Daud, celui-ci emmena Doliannah dans la salle de bain et alluma la douche. La peau de la jeune serkonienne était recouverte de tellement de sang et de morceaux humains que ses plaies étaient parfois difficiles à trouver. Alors Daud préférait la nettoyer avant. Doliannah retira alors son manteau noir couvert de liquide rouge et de boyaux et le lui donna. Ensuite, elle retira ses gants, son masque, sa ceinture avec ses armes et fit face à la Lame de Dunwall. Le poignard était toujours planté dans son abdomen. Daud apporta son matériel médical avant de poser ses mains sur la poignée. Il retira l'arme puis la laissa sur le sol. Et il appuya avec une serviette sur le plaie.
-Tu ne vas pas vraiment tuer tous les Illuminés ? demanda-t-il. Je parle de ceux qui sont ailleurs.
-Non, je vais les laisser, ils apprendront bien que leur groupe est anéanti.
Le visage de Doliannah était tellement couvert de sang que sa peau semblait être rouge avec des tâches plus claires. Ses vêtements étaient également recouvert de ce liquide coloré.
Ensuite, Daud la laissa retirer tout le reste en se tournant. Doliannah avait encore ses vieilles cicatrices et de nouvelles s'ajouteraient quand ses plaies se refermeraient. Du sang avait coulé à l'intérieur de ses vêtements sur sa peau, au niveau de ses plaies donc le long de sa jambe, du bras gauche, du visage et de l'abdomen. Même ses cheveux collaient à cause du sang. Doliannah s'avança dans la douche et laissa l'eau couler sur son corps. L'eau se mêla au sang et se teinta de rouge. Daud était adossé contre le mur, il regardait devant lui alors que la douche se trouvait sur sa gauche. Il s'assurait simplement qu'elle reste debout.
Finalement, Daud se baissa pour ramasser le poignard et le nettoya dans l'évier de la salle de bain qui était face à lui.
-Vous n'avez rien à dire ? demanda Doliannah depuis la douche.
-Que veux-tu que je dise ?
-Je ne sais pas, mais nous avons réussi notre plan, nous avons survécu. Vous pourriez montrer un peu d'enthousiasme.
-Ce n'est pas la première mission que j'effectue, fit-il remarquer. Mais si tu insistes, félicitations pour avoir réussi à réduire à néant les Illuminés.
-Cela faisait tellement longtemps que j'attendais cela. Venger Epinda. Puis c'est devenu une vengeance pour Adonis également, et Nereo aussi. Je n'arrive pas à me dire que tout cela est réel.
Daud ne disait rien, il nettoyait à présent le masque de l'Ombre de Karnaca.
-Puis-je savoir ce que vous aviez à demander à Ceferino Salvador ? demanda Doliannah. Et si vous avez eu vos réponses.
-Je te le dirai plus tard. D'abord, occupons-nous de toi.
Étrangement, la jeune serkonienne se sentait bien mais faible. Elle nettoya son corps, son visage et ses cheveux de tout ce sang. Dès qu'elle fermait les yeux, elle voyait Epinda sourire, comme si elle se sentait enfin libre. Cependant, en voyant le visage de la belle rousse, Dolly sentit une douleur dans sa poitrine, une douleur qui n'avait rien à voir avec ses blessures. Il s'agissait d'un vide. Et la mort de Duncan ne le comblait pas.
Après sa douche, Daud la laissa enrouler un tissu autour de sa poitrine et un autre au niveau de ses hanches. Doliannah alla ensuite s'allonger sur le canapé après que Daud l'ait couvert de draps et de serviettes. Puis il se baissa près d'elle pour s'occuper de ses plaies. À nouveau, elle pensa qu'Adonis aurait été meilleur mais que Daud se débrouillait bien.
Puis les deux serkoniens purent se reposer. Doliannah s'endormit rapidement sur le canapé miteux tandis que Daud se trouvait dans sa chambre.
Et après les événements récents, la jeune Contero ne fut pas très surprise de se retrouver dans le Grand Vide. Elle se leva du canapé, puis passa par la fenêtre ouverte menant à la matière de l'endroit. Dolly avança lentement et s'arrêta quand la silhouette familière apparut face à elle.
-Je dois bien avouer que tu m'as impressionné, Doliannah, dit l'Outsider. Tu as beaucoup encaissé ces dernières semaines mais tu as réussi à arrêter les Illuminés. Et quel spectacle sanglant. Tu as maintenant vengé ta chère Epinda.
-Alexei est vivant ? demanda-t-elle.
-Tu sais bien que je ne vais pas te répondre. Pourquoi t'obstines-tu à me poser de telles questions à chaque fois ?
-Parce que je m'inquiète, je veux vraiment connaître les réponses. Vous savez tout, vous savez tout de moi et du monde, vous m'observez, mais vous ne pouvez pas m'aider en me répondant, ne serait-ce qu'une fois ?
Impassible, l'Outsider ne bougeait pas. Après quelques secondes, il reprit la parole.
-Que vas-tu faire maintenant ? Aider Daud ? Ou bien tout arrêter ? Tu as la possibilité de décider de ton avenir, désormais. Continuer cette vie violente, discrète, prudente, ou reprendre une vie normale, paisible, calme ? Après tous ces événements, es-tu prête à laisser la violence derrière toi ? Ou est-ce que la banalité d'une vie normale n'est plus possible pour toi ?
-Vous pensez que Duncan avait raison ? Que je suis un monstre ? questionna-t-elle.
Face à ces questions, il sourit, puis disparut.
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