Chapitre 57 : Image positive
Doliannah, dans l'heure qui suivit, aida deux femmes, deux enfants et un jeune homme. La moitié la remercia, l'autre moitié fut trop effrayée pour dire quoi que ce soit. La jeune serkonienne se sentait bien, elle espérait que son image serait moins négative désormais. Elle espérait que les personnes qu'elle avait aidées parleraient de l'Ombre de Karnaca de façon positive dès le jour suivant.
Un peu plus tard, Doliannah trouva une nouvelle intervention possible. Un homme se faisait au départ bousculé par deux autres hommes puis finalement se fit battre violemment. Les deux s'acharnaient sur lui tandis qu'il était au sol en le rouant de coups de pied. Sans hésiter, la jeune serkonienne sauta dans le vide depuis son toit, la lame de son épée vers le bas. L'homme qu'elle avait visé mourut, transpercé par son arme mais l'atterrissage de Doliannah ne fut pas aussi bon que la dernière fois. Le cadavre du premier agresseur amortit sa chute mais elle perdit l'équilibre et tomba sur lui. Le deuxième agresseur fut surpris de voir l'Ombre de Karnaca débarquer ainsi mais eut le réflexe d'envoyer d'un coup de pied son épée loin d'elle. Cependant, alors qu'il tenta de lui en donner un deuxième, Doliannah roula sur le côté pour l'éviter et se releva rapidement, tout en sortant son poignard et ses deux lames.
Mais, alors que le combat aurait pu être simple, quatre autres hommes arrivèrent en renforts pour le deuxième agresseurs, armés de pistolets et de sorte de machettes. Ils étaient tous habillés à peu près de la même façon et devaient donc faire partie d'un gang mineur de Karnaca, moins important que les Illuminés.
Pour s'aider, Doliannah fit apparaître sa lame d'ombre à côté d'elle grâce à son pouvoir qui illumina sa marque à travers son gant. Comprenant qu'il s'agissait de la femme aux pouvoirs de l'Outsider, les cinq hommes l'attaquèrent immédiatement. Ils firent feu et se jetèrent sur elle avec leur machette tandis qu'elle essayait d'éviter les balles et leurs coups.
Malgré son agilité, ses pouvoirs et ses capacités, Doliannah avait peu d'espace dans cette ruelle et ses cinq adversaires étaient donc proches d'elle. Sa lame d'ombre l'aida tout de même, tuant deux hommes, jusqu'à ce que la jeune serkonienne ne se prenne une balle au niveau du flanc gauche, sous la poitrine, ce qui la fit vaciller puis tomber à genoux et fit également disparaître sa lame d'ombre.
Aussitôt, Doliannah serra le poing pour arrêter le temps mais alors qu'elle essayait de se relever, la douleur vive la fit vaciller à nouveau. Elle utilisa alors son pouvoir d'onde de choc qui resta immobile face aux trois hommes. Ensuite, l'Ombre de Karnaca fit reprendre le temps et deux de ses trois adversaires restants furent projetés par son onde de choc. Cependant, le dernier allait abattre sa machette sur elle. Dolly ne savait plus quoi faire, la douleur l'empêchant de pleinement se concentrer.
Soudainement, une sorte de lumière enveloppa l'assaillant et il fut soulevé dans les airs, s'agitant dans tous les sens pour essayer de se libérer. Il monta plus haut et fut lâché violemment, faisant une chute mortelle. Puis un homme apparut devant Doliannah. Il acheva celui qui n'avait pas été tué par l'onde de choc et se tourna vers la victime, toujours étendu sur le sol, bouche bée, ne réalisant pas encore ce qu'il venait de voir.
-Pars, lança Daud de sa voix rauque.
Aussitôt, l'homme se releva, en gémissant, et regarda les deux personnes aux pouvoirs de l'Outsider qui l'avaient sauvé.
-Merci.
Puis il s'en alla en courant, légèrement incliné à cause de la douleur qu'il ressentait. Daud se tourna ensuite face à Doliannah, toujours à genoux, qui se tenait le flanc gauche, l'endroit où elle avait reçu la balle.
-Vous me suiviez ? marmonna-t-elle en levant la tête.
-Tu crois vraiment que je ne savais pas que tu sortirais pour faire ça ?
Il tendit sa main gantée, elle la saisit et fut donc aidée pour se relever, gémissant de douleur. La jeune serkonienne crut entendre Daud soupirer mais n'en était pas certaine. Il se téléporta sur le toit d'où Doliannah avait sauté, d'où il était également arrivé. Affaiblie, celle-ci parvint tout de même à le rejoindre mais vacilla à l'arrivée.
Et tous deux retournèrent plus lentement à l'appartement où Daud allait s'occuper comme il le pourrait de la plaie de Doliannah.
-Je suis désolée, marmonna-t-elle. Je ne pensais pas que je serais blessée. Je devais aider. Et j'ai réussi.
-Je sais. Je te suivais, tu te souviens ?
-L'Ombre de Karnaca perdurera comme étant une bonne personne masquée.
La Lame de Dunwall soupira et tourna la tête vers elle un instant. Puis Daud regarda droit devant lui.
-Les gens et l'Histoire nous façonnent. Sans eux, nous ne vivons pas mais avec eux, nous sommes différents. Tu l'as dit toi-même, nous perdurons tant que notre histoire est racontée, par une personne qui nous a connus et a vécu avec nous, une personne qui connaissait nos pensées, nos idées, nos combats, nos secrets... Mais les histoires se déforment avec le temps. Les gens ne se souviendront pas de la personne que tu es ou étais, seuls tes proches le sauront. Mais lorsqu'ils mourront, tu disparaîtras avec eux.
Il marqua une pause et reprit.
-Comment les habitants de Karnaca se souviendront de toi ? Tu n'étais qu'une femme masquée, inconnue, possédant les pouvoirs de l'Outsider, qui a aidé des habitants mais en a tué d'autres. Les versions changeront selon la personne. Mais laquelle perdurera ?
Doliannah ne donna pas de réponse et de toute façon, Daud n'en attendait aucune. Et ils continuèrent leur chemin en silence. Le passage de toit en toit pouvait parfois être difficile pour la jeune serkonienne qui y parvenait tout de même.
Tous deux arrivèrent à l'appartement. Daud posa des serviettes et draps pour ne pas tâcher son canapé et laissa Doliannah s'y allonger après qu'elle eut retiré son équipement. Il apporta une chaise et son matériel puis commença à s'occuper de la plaie de la jeune Contero.
Daud n'était pas mauvais, il était même plutôt doué, cependant, évidemment moins qu'Adonis. Sa façon de faire était un peu plus brutale que celle du docteur mais Doliannah n'allait pas s'en plaindre puisque le résultat était presque le même. Et puis, la jeune serkonienne savait qu'elle ne pouvait s'occuper de sa plaie toute seule, parce qu'elle était inaccessible ou du moins, difficile d'accès.
Heureusement pour Doliannah, la balle n'avait pas fait trop de dégâts, la plaie était superficielle et Daud avait arrêté le saignement puis recousu la plaie. Cependant, la douleur restait présente.
Tandis que la Lame de Dunwall rangeait son matériel et nettoyait le sang vers le canapé, Doliannah s'était levée, non sans gémir, et marchait un peu dans la pièce, la main sur son flanc gauche.
-Pardonnez-moi, lança-t-elle.
Daud la regarda.
-Je suppose qu'à cause de moi, nous ne pourrons pas attaquer les Illuminés maintenant, dit-elle.
-Eh bien, oui, nous ferions mieux d'attendre que tu n'aies plus mal, répondit-il en reprenant ce qu'il faisait.
-Et c'est de ma faute.
-Oui. Mais quelque part, tu t'es entraînée ce soir et tu as mis en pratique ce que tu as appris. Alors, que peux-tu en retenir ?
-Que je ne maîtrise pas les chutes assassines, rétorqua la jeune Contero.
-Tu devrais utiliser davantage tes pouvoirs. C'est ton avantage, tu en as, pas tes adversaires. Quand tu es face à plusieurs ennemis, dans un espace restreint et qu'ils ont des armes à feu, bloque le temps ou désarme-les.
Derrière lui, Doliannah acquiesça d'un mouvement de tête. Elle alla se servir un verre d'alcool et s'assit lentement à la table pour le boire. Dès qu'il eut fini, Daud se releva et échappa un rire en la voyant, l'air désespéré, les yeux vides et un verre à moitié bu à la main. Il vint se joindre à elle en remplissant un verre pour lui et en prenant place face à la jeune serkonienne.
-Nous y sommes presque, soupira Doliannah, je vais enfin pouvoir venger Epinda... Adonis et Nereo... Les Illuminés ont dû faire souffrir tellement de personnes et à cause de moi, ils vont en faire souffrir d'autres puisque que je suis blessée.
-C'est superficiel, répliqua Daud. Tu te remettras en un rien de temps.
Puis, tous deux burent leur verre lentement et en silence.
-Et maintenant, est-ce que je peux aller me coucher ? Tu ne vas faire une nouvelle escapade nocturne pour jouer les justiciers ? demanda-t-il en se levant.
-Allez-y, je vais me coucher aussi, répondit-elle.
Durant son sommeil, Doliannah s'agita. Des images courtes se succédèrent de façon saccadée. Elle revit les nombreuses fois où elle avait ôté la vie, avec plus ou moins de violence. Tout le sang qui avait coulé, la douleur, les blessures ou les cris dont la jeune serkonienne était responsable, sous l'identité de l'Ombre de Karnaca. Et de son côté, elle avait également souffert mais s'en était sortie, contrairement à ceux dont elle avait arrêté le cœur.
Le jour suivant, Doliannah fut réveillée tôt par la douleur qu'elle ressentait au niveau de son flanc gauche. Elle s'assit sur le canapé sur lequel elle dormait en gémissant et se tint sur le côté. Puis, la jeune serkonienne remarqua du sang sur sa main. Sa plaie s'était ouverte à nouveau et le sang avait tâché ses vêtements.
Daud arriva à cet instant dans la pièce, toujours aussi discrètement qu'habituellement. Il remarqua Doliannah qui le salua avant de lui montrer sa main. Sans répondre quoi que ce soit, il alla chercher son matériel et s'occupa de la blessure de nouveau ouverte de la jeune Contero.
-Je n'aurais pas été un très bon docteur, lança Daud en s'affairant sur la plaie.
Doliannah échappa un rire mais la douleur l'arrêta rapidement.
-Vous n'êtes pas si mauvais. Vraiment.
La jeune serkonienne le pensait sincèrement mais il ne sembla pas en tenir compte. Puis tous deux prirent un petit-déjeuner à la table, un nouveau repas silencieux. Ensuite, Daud sortit de l'appartement tandis que Doliannah se changeait et s'occupa de son équipement. En le faisant, elle pensa à Alexei. Elle avait peu de chance de le revoir mais lui la chercherait probablement. Or, cela pouvait être dangereux pour lui et son fils. Doliannah aurait voulu rencontrer le petit Syrus mais malheureusement, elle avait peur que ce ne soit pas possible. Cependant, si la jeune serkonienne ne pouvait pas retrouver le tyvien, elle ne voulait pas ne jamais lui dire adieu.
Bien qu'elle était prête à affronter les Illuminés, Doliannah avait peur de mourir durant cet assaut. Elle avait peur de quitter ce monde si jeune. Cependant, si c'était le cas, elle pourrait rejoindre tant de personnes qu'elle aimait et cesser de souffrir de leur absence.
Si elle survivait, sa vie ne serait pas très paisible. Ceux qui portaient la marque de l'Outsider étaient condamnés par l'Abbaye. Et Doliannah ne pourrait cacher ses pouvoirs et le dos de sa main gauche à tout le monde éternellement. De plus, sa cicatrice sous l'œil aurait besoin d'une explication. Enfin, la jeune Contero n'avait plus la maison de ses parents, plus de métier ni d'argent, elle avait perdu beaucoup de proches et ses parents étaient loin. Elle avait des plans qui ne seraient probablement jamais possibles.
Tout son avenir était compromis. À cause de ses pouvoirs. Comment pourrait-elle avoir une vie paisible comme elle l'avait souhaité lorsqu'elle pensait voyager et rester avec Epinda. Doliannah devrait se cacher, continuer de souffrir, de s'entraîner pour ne pas perdre ses compétences. Elle ne fonderait donc jamais de famille, ne se marierait jamais, n'aurait jamais une vie banale. Pourtant, comme la plupart des gens, la jeune serkonienne avait espéré avoir une vie extraordinaire mais finalement, elle n'en était plus certaine.
Évidemment, Doliannah espérait survivre aux Illuminés, mais, pas totalement. Elle se leva et chercha de quoi écrire un mot, une lettre, adressée à Alexei. Au départ, elle hésita et réfléchit aux mots qu'elle emploierait mais rapidement, la jeune serkonienne se laissa emporter par ses sentiments et écrivit ce qu'elle pensait.
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