Une différence importante dans la sexualité entre l'homme et la femme, c'est que si la femme trouve un suprême plaisir dans l'abandon, en un même abandon l'homme se trouverait une défaillance. Le fait est certain, sauf quand on n'y a pas réfléchi ; quand une femme pense, par exemple, en la frénésie des échauffements et des prises : « Bon sang ! comme il me baise bien ! », l'homme qui penserait pareil serait au point de jouir, ce qui pourrait constituer une déception. Ainsi, la sexualité chez l'homme s'accompagne toujours d'au moins un calcul : son but n'est pas son orgasme mais le moyen de parvenir à celui de sa compagne avant le sien, ce qui est tout autre chez la femme, et l'homme pour plaire doit plutôt tâcher de différer son plaisir que de le provoquer, ce qui ferait de lui un éjaculateur décevant. Un bon amant manipule à la fois le corps d'une femme pour la combler et le sien pour ne pas se combler : on ne doit pas s'étonner qu'entre les deux la conception de la sexualité soit presque opposée. La femme doit s'écouter pour connaître plus commodément la puissance de l'orgasme, l'homme doit s'écouter pour ne pas le connaître et garder sa puissance. La plupart des femmes ne se représentent sans doute pas au juste que, pour qu'un homme soit rassasié physiquement, il n'a point besoin d'un rapport de plus d'une minute, et qu'en général c'est l'insensibilité produite par l'usure de son sexe qui lui permet de « tenir » sans jouir – il est ainsi bien plus excitable dans les premiers moments du coït qu'après un quart d'heure. Passé ce délai initial de difficile contrôle, il lui est plus aisé d'assurer la gestion du temps, tandis que je doute que la plupart des femmes s'en préoccupent. Ainsi, l'homme qui fait l'amour pense simultanément à se contenir, et le meilleur parvient à détourner son plaisir par des changements de positions et de rythmes, tandis que la femme au contraire dirige la plupart de ses attentions à stimuler ses propres sensations, et exacerbe son excitation au lieu de la juguler. Ceci constitue bien une dichotomie des perceptions dans la sexualité entre l'homme et la femme : l'homme a intérêt à s'inquiéter, la femme à se rassurer, et de ces soins disparates dépend le mutuel sentiment d'un rapport sexuel réussi.