Réflexion sur les souffles de la sexualité

Dans la sexualité, les premiers souffles sont volontairement provoqués : on les exprime pour s'exciter, on s'écoute les exhaler, c'est bien davantage un langage qu'une oxygénation, on se met « en désir » par ce chant susurrant et cette élégie douce, ils renvoient à une fragilité qui prélude à un développement ultérieur plus spontané, induisant une faiblesse mignarde, celle du gémissement où l'air glisse au larynx comme une caresse, voix incitative et aguicheuse, parfois victimaire, où l'on s'enjoint à des abandons et à des transports, extériorisant le désir cependant que son audition offre à les renouveler et à les exacerber ; mais on n'a certes pas rigoureusement besoin de les proférer. Ils contribuent à une sorte d'ambiance de langueur et d'extase liminaire, et aident à entrer dans le ton d'une sensualité qu'on prend ainsi soin d'invoquer : ils sont avant tout une préparation. Ces souffles sont nettement distincts de la fonction respiratoire ; ils sont départis d'effort, consistent en un travail de retenue justement mais ne sont point consécutifs à une oppression, créent eux-mêmes la délicieuse oppression ; leur cadence est l'expression d'un bien-être, l'épanchement d'un appel, l'effusion d'une chaleur qu'on se transmet et qu'on donne, c'est le même susurrement allongé ou saccadé qu'on se dispense dans la solitude, au préalable des plaisirs qu'on se réserve et dont on fait monter peu à peu, par simulation ou envoûtement, les douceurs en promesses.

Rien de nouveau : ce paragraphe décrit ce que tout adulte sait déjà, qu'il existe une façon de souffle entraînante et dont la sensation renvoie foncièrement aux mouvements anticipés, aux exhalaisons du corps enfin envahi et délassé, et qu'on espère.

Mais que la sexualité atteigne ce point d'intensité physique, athlétique, où la respiration nécessaire, haletante naturellement, en continu rétablissement comme au sport, irrépressible telle la sueur, s'accorde, tout en l'évoquant, avec le premier souffle qui sert à s'induire au désir, voilà un amalgame étourdissant où c'est involontairement cette fois qu'on s'entend en plaisirs. L'attention un moment peut s'effacer puis renaître dans cette ardeur épuisée, époumonée ; on redécouvre soudain, dans les contraintes de sa poitrine et de sa gorge, un essor semblable aux excitations suaves des débuts qui vertigineusement vous rappellent par surprise, et soudain vous percevez combien vous êtes exalté au lieu de vous y inciter, ce souffle brutalisé dont vous prenez conscience vous transporte encore plus haut que le plaisir souhaité en un sensation qui, proche de la peur, évoque l'angoisse, en laquelle se rassemblent extraordinairement l'esprit et le corps ; alors l'état d'incontrôle réel où le plaisir vous met, et dont témoigne votre essoufflement, vous traverse d'une extase beaucoup plus passive où la situation vous utilise, et fait de vous un jouet, et vous soumet à un redoublement de jouissance par la conception de ce débordement. La fusion de ces souffles, celui du fantasme et celui de l'effort, confine probablement à une apothéose de sexualité : c'est quand on ne sait plus distinguer si l'envie vécue est imaginaire ou si l'orgasme conçu est exaucé, en un emmêlement inextricable et comble – symbiotique – de la vie intérieure et externe.

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