Pour s'assurer qu'on vous aime
Pour s'assurer qu'une amante ne s'illusionne pas sur vous et qu'elle peut durablement et quotidiennement vous aimer, il s'agirait de lui proposer, à condition de bien se connaître soi-même, l'exercice de dresser la liste de vos plus forts défauts, sans feindre de changer en qualités ce qui doit relever d'une incomplétude ou d'une importunité (donc pas « trop perfectionniste » ou « trop passionné »). Ce moyen serait idéal pour vérifier qu'elle ne vous surestime pas et vous circonvient assez pour se résoudre véritablement à vous aimer pour ce que vous êtes et non pour l'image séduisante que vous lui transmettez malgré vous ou qu'elle se constitue peut-être par amour-propre (car il est plus valorisant de se savoir aimé d'un être qu'on s'imagine supérieur). Mais l'épreuve serait sérieuse : si l'amante manquait à énumérer vos failles avec lucidité, il ne faudrait pas s'engager avec elle. Le gage de réussite y serait une sorte de froideur cruelle, de perspicacité rationnelle, de pénétration dure, avec laquelle elle vous peindrait : on se garantirait de n'être pas tenu pour davantage qu'on est sur la correspondance de sa réponse et de la réalité, de sorte qu'elle n'aurait jamais foncièrement le désir de vous changer, comme il est fréquent au couple dysfonctionnel où l'on s'est associés sur le fond de qualités surfaites ou potentielles. Il y aurait certes dans cet acte d'entière reconnaissance toute l'objectivité transparente des contrats aussi sains qu'inhumains, et l'on déjugerait certainement une telle honnêteté d'une blancheur si franche, mais l'humanité contemporaine des amours se constitue sur bien des mensonges et des tromperies, si bien qu'une humanité alternative, et meilleure, moins attachée à forger des liens sur des malentendus, se développerait en la réalisation légitime de ce genre de rites. Il ne s'agirait point non plus, bien entendu, pour le succès de l'épreuve, de se contenter de n'admettre en soi que des défauts superficiels, comme une tendance à ronfler ou à se gratter l'entre-jambes, mais bien des vices essentiels, reconnus et ainsi acceptés avec l'autre, contre lesquels on peut certes lutter mais avec lesquels on s'associe en toute conscience de sa réalité. On prétendra que cet usage est moins « beau » ou moins « romantique » que ce dont on a l'habitude, et c'est peut-être vrai, ce dont je ne conviendrai qu'à condition qu'on montre qu'il y a en effet de la beauté et du romantisme dans le fait de se faire passer, auprès de qui l'on aime et afin de se lier, pour davantage que ce qu'on est.
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