Adjoindre le mot « miracle » à n'importe quelle expression, c'est atténuer la possibilité que son procès se réalise, et excuser cette rareté par des exigences trop élevées. En toute espèce de réflexion et de formation où l'on commence par admettre qu'il n'existe pas de « solution-miracle », on vous suggère qu'en fait il n'existe pas de solution tout court, son auteur reconnaît son incapacité et son inutilité, parce qu'en réalité, quand une solution fonctionne avec quelque systématisme, on trouve que sa régularité prouve qu'il s'agit d'une solution, et non d'un hasard qui tantôt fonctionne et tantôt échoue. Celui qui argue que son procédé n'est pas « miraculeux » en vérité insinue qu'il n'est pas efficace mais il le fait en usant d'un terme qui le disculpe de sa défaillance, comme si l'action envisagée était par essence impossible et qu'il fallait se contenter d'un pis-aller. Détestable procédé, d'hypocrisie indigne : que dirait ce professeur si, en sabotant sa leçon, on lui signifiait qu'il n'y a pas d'élève-miracle ? Est-ce qu'un mathématicien présente les lacunes d'un théorème en indiquant en préambule qu'il n'est pas miraculeux, et est-ce qu'un physicien justifie les nombreuses exceptions d'une loi de l'univers en prétendant qu'il n'existe pas de théorie-miracle ?

On ne demande jamais à quelqu'un qu'il exécute des miracles, c'est un fait bien admis par tous ; mais la représentation de celui qui s'excuse ainsi n'est pas en-dessous du divin, elle se situe en-dessous du juste ou du vrai. On ne lui reproche pas de n'être pas prophète mais de ne pas savoir dire ou faire le réel, de manquer d'effet, d'être trop inconséquent. Laissez donc le prétexte des miracles inaccomplis aux rares qui ont atteint une telle performance qu'on peut leur pardonner de ne pas expliquer un détail ayant échappé à leur faculté supérieure. Ce n'est pas d'indulgence dont vous avez besoin parce que vous n'êtes pas un dieu, c'est de compétence, et c'est tout ce qui nécessite le « miracle » de cesser enfin de trouver de plates excuses à votre médiocrité.