Tout homme divorcé un peu rusé sait que pour attirer les femmes, une photographie de lui prenant soin d'un enfant visiblement content sera plus efficace que la démonstration de ses vertus mâles : il attendrit ainsi plus irrésistiblement qu'en exposant sa virilité. Pourquoi ? Non parce qu'il paraît manifester son autonomie de célibataire ou sa qualité de père, car, après tout, on peut disposer des mêmes attributs sans avoir de fils (on verrait que l'image d'un homme qui se prépare à manger à lui-même, ou qui enseigne à ses enfants ne ferait pas le même effet), mais parce que les femmes se mettent en imagination à la place de l'enfant et qu'elles se représentent servies avec un pareil contentement comme la poupée qu'un adulte entretient et qui n'exprime ses libertés qu'aux heures rares où elle veut se revendiquer individu et se rendre de l'estime. La société de fidélité a habitué les femmes à longuement minauder en ronronnements puérils, et, alternativement, en de courtes périodes où elles préfèrent s'éveiller de leur docile confort, elles réclament le droit de se plaindre de n'être pas considérées comme des personnes autonomes et responsables.

Méfiez-vous, hommes, de paraître celui qui peut et désire les garder en enfance : ce n'est pas vous qu'elles scrutent avec envie, mais vos fils qu'elles lorgnent avec espérance. Vous leur faites tôt désirer ce rôle subalterne qui les amoindrit, où vous les enfermez par culture et presque par atavisme, et qu'elles finiront par vous reprocher. Soyez plutôt durs avec elles de manière à faire entendre qu'en votre compagnie elles ne seront pas réduites à des nourrissons, de manière aussi à conjurer celles qui n'aspirent qu'à vampiriser le travail des hommes ; et indiquez-leur comme votre présence élève, corrige et dignifie, et comme vous ne pardonnez pas la faiblesse au lieu de la leur provoquer. Si vous êtes avisés, vous ne souhaitez pas fonder une relation sur l'incitation à vous quérir comme pourvoyeur de ressources, bien que ce biais, je ne le nie pas, puisse à court terme servir vos conquêtes. Et pourquoi ne pas le souhaiter ? Parce que toutes les personnes qu'on favorise à cette dépendance se comportent tôt ou tard exactement comme les enfants auxquels on les fait ressembler, c'est-à-dire avec bêtise et caprice.