Les invités d'un mariage servent moins de témoins que de caution : les mariés, en offrant un plaisir de victuailles et de divertissement, incitent une vaste compagnie à paraître satisfaite, ils la corrompent d'une certaine manière, comme si chacun appréciait autant ce mariage que la cérémonie du mariage, ainsi s'épargnent-ils le doute, pour ne pas dire l'effroi, que doit susciter une solennité superflue, doute et effroi que pourtant les mariés ressentent toujours. C'est façon de se persuader, en comblant un public qui leur devient acquis, qu'ils ne commettent pas une erreur, tous étant si manifestement heureux d'être là. Ces invités qu'on achète équivalent aux pleureuses qu'on paye ou à la « claque » rémunérée des théâtres : ils servent à encourager des actes absurdes pour lesquels on éprouve le besoin d'approbation extérieure, mais ça ne signifie pas que ces invités sont sincères : ils ont juste la mine de circonstance et répondent aux services qu'on leur prodigue par des contreparties agréables censées indiquer combien ces services sont plaisants et mémorables, et c'est pourquoi – il faut enfin le révéler franchement – il n'existe pas un invité qui, en ces occasions, ne joue pas ni ne se sente un rôle.