Comparaison de la bonne orthographe

Supposer que quelqu'un qui écrit sans faute d'orthographe pense avec justesse revient à supposer que celui qui compte sans faute d'arithmétique fait aussi un bon homme d'affaire. Il se peut que le respect de certaines règles, en ce qu'elles indiquent une rigueur d'esprit, soit utile à triompher d'entreprises plus vaste où la rigueur est primordiale, mais on peut concevoir un patron dyscalculique aussi bien qu'un philosophe dyslexique ; et surtout, il faut reconnaître que la plupart des gens qui maîtrisent ces règles n'ont pas pour autant fait la preuve de leur capacité à réaliser une œuvre fructueuse, que ce soit intellectuelle ou financière. Le respect d'un usage indique surtout une tendance à se conformer, mais il ne signifie pas qu'on ait établi les raisons d'une supériorité à les respecter. Je crois que chacun connaît des gens très bornés qui se font un principe d'indiquer ses fautes d'orthographe, et qui n'entendent rien à la manière de s'exprimer pour se faire bien comprendre, et dont la mentalité est plus étriquée que celle d'un enfant sans grammaire : ils désirent surtout qu'on ne les prenne pas en défaut de forme, et, quant au fond, comme chez nous on ne le sait juger, ils admettent qu'il se confondra avec la forme et qu'ils s'en tireront toujours avec relativisme sur les critères qu'on peut placer derrière la pensée juste. En somme, il n'y a pas lieu, à ce que j'ai trouvé, d'apposer des valeurs, et à plus forte raison de hautes valeurs, derrière le mathématique et processif respect des règles : c'est certes le témoin d'une certaine volonté de s'adapter, mais l'orthographe n'étant ni très difficile à acquérir ni constitutive d'une véritable spiritualité, cela ne présume en rien de bien d'autres qualités, sinon de la crainte du reproche de quelque chose d'indéniable. Pour le moins, j'attends qu'on prouve, ainsi que la société instruite insiste, souvent en tournures creuses et quelquefois asyntaxiques, à démontrer les vices intolérables que recèle notre jeunesse inattentive à l'orthographe, qu'un Montaigne, qui écrivit les vocables de ses Essais de façon à peu près aléatoires et rarement deux fois dans la même graphie, était un esprit très fermé, égoïste, obscurantiste et généralement sans humanité.

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