De la tendresse pour la monarchie britannique

Je crois que ce qui fait surtout prendre en bonne part la monarchie britannique, c'est que son pouvoir y est occupé par des vieux : les personnes âgées qu'on ne connaît pas suscitent chez nous une espèce de compassion, pour ne pas dire de pitié. Y disparaissent à leur bénéfice toutes les postures hautaines et ampoulées, fautes et inactions, qu'on ne pardonne pas chez de jeunes aristocrates parce qu'elles signalent évidemment un mépris, tandis qu'on attribue à la distance des anciens une amabilité qu'on estime une prérogative de la vieillesse, grandie sous d'autres codes plus guindés – il suffit de vérifier qu'en Europe n'importe quelle autre génération royale ne fait pas aussi bon effet. En somme, on admet que juger les vieux sur les mêmes critères que les jeunes, c'est commettre un contresens au désavantage des premiers. On a l'habitude de tout excuser aux vieillards, même leurs privilèges, en un reste de déférence acquis notamment à l'égard des Boomers qui ne nous ont pas laissé le choix et ne toléraient point qu'on les discute : ne dis pas de mal d'eux, leur grand âge mérite d'autorité le respect, etc. C'est sa vieillesse et la conservation de certaines apparences convenables qu'on salue chez feue Elizabeth II, personne qui, selon toute vraisemblance, n'était en privé ni plus ni moins sympathique que n'importe quel être de protocole, d'esprit certainement rabougri et acariâtre, d'exigence étriquée propre à sa classe, ce dont on ne s'est pas aperçus parce qu'elle conserva jusqu'à sa mort la faculté de garder sa discrétion. Mais soyons francs : ce n'est pas je ne sais quel symbole du corps spirituel de la reine qu'on célèbre aujourd'hui par le monde, ni rien de quelque « grandeur individuelle exemplaire », c'est la mémère affectionnée à laquelle, faute de la connaître, on eût consenti avec commisération à faire un câlin – oh ! un moment seulement, après quoi les odeurs et la conversation...

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