Ce qui sublime une femme au regard de l'homme
Ne renonçant jamais à tâcher de comprendre les choses même les plus prosaïques quand elles me paraissent logiquement incluses dans l'ordre de ma compréhension c'est-à-dire lorsque je ne vois pas de raison qu'elles soient hors de portée, j'ai persévéré à tâcher de saisir pourquoi les bas féminins et d'autres attributs de la sorte suscitent en la plupart des hommes occidentaux – dont moi – une irrationnelle et pulsionnelle attraction. La brève explication que j'avais fournie dans un ancien article était encore insatisfaisante : j'avais trouvé qu'en tant que parure, parure surtout destinée à montrer le corps, les bas suggéraient une disponibilité sexuelle, mais comme je l'exprimais alors, l'idée du bas n'équivaut pas, de loin, à l'idée du collant dans l'obsession masculine ; or, du point de vue de la parure, il faut admettre que les deux répondent au même usage, à la même fonction décorative et d'étalage anatomique. Je pourrais prétendre que les bas découvrent le sexe et donc induisent davantage l'idée d'une « offre », mais ce serait un leurre pour évacuer le problème, car, en me consultant bien, je ne sens pas que le désir provienne de cette représentation d'une « accessibilité », pas davantage qu'une femme sans culotte me paraît plus excitante que portant de la lingerie fine, ce qui serait pourtant cohérent si la proximité de la nudité était ce qui favorisait le désir.
Or, après avoir rédigé un long article sur les différences entre les hommes et les femmes du point de vue de la volonté de puissance, je suis enfin arrivé sur ce sujet précis des parures à une conclusion radicale qui, par son aspect catégorique, fera l'effet d'une interprétation sexiste et réductrice. Ce n'est pourtant pas un de ces trucs psychanalytiques symboliques que j'abhorre, mais bien une réflexion vérifiable que j'invite chacun à extrapoler à d'autres aspects de l'attrait que la femme exerce sur l'homme ; voilà en substance comme ma conclusion peut se formuler :
Tout ce par quoi la femme s'impose une vie moins pratique l'essentialise pour l'homme.
Cet aphorisme procède, ainsi que je l'ai démontré ailleurs, de ce que la femme typique ou historique dans notre société ne se destine pas premièrement à avoir un effet sur les choses mais sur les êtres, tandis que l'homme au contraire est spécialisé dans l'action sur les choses en négligence de celle sur les êtres ; selon une conception « traditionnelle » et « occidentale », l'homme considère « féminin » tout ce qui, chez la femme, l'éloigne d'un rapport pratique aux choses. Il n'est ainsi pas attiré seulement par « l'appel » qu'elle peut lui adresser en particulier dans une situation donnée, mais il estime sa féminité, même loin de tout rapport interpersonnel, par la façon dont elle se constitue comme être-en-dehors-des-choses. Ce semble théorique et bizarre ainsi formulé, mais on doit voir par les exemples suivants que c'est bien plus concret qu'il n'y paraît. Le bas est inutile comme la lingerie fine, ce sont des décorations incommodes ; le bas est moins pratique que le collant qui se remonte aisément ; certes, le maquillage est aussi éloigné de toute pragmatique, mais il n'implique guère de difficulté, par conséquent il n'est pas aussi affriolant. Je commence à voir que c'est, en la femme, non seulement ce qui ne sert à rien qui sublime sa nature pour l'homme, mais ce qu'elle ne porte ou n'est qu'afin d'amoindrir son action sur les choses. Ainsi, on apprécie assurément un tatouage sur une femme, mais on préfère ses talons hauts qui l'empêchent de courir ; des seins arborés font sans doute un vif effet sur les hommes, mais ses cheveux longs, surtout s'ils gênent un peu sa vue, intéressent encore plus ; un parfum suave et tentateur indique de séduisantes dispositions à plaire, mais on aime un peu davantage qu'une femme marche d'une façon cambrée ou avec un bras embarrassé d'un sac ; qu'elle soit épilée dénote une intention de prometteuse disposition, mais pas si essentielle que comprimée dans un corset ou entravée par une jupe tailleur, fuseau ou crayon. Ce n'est pas au juste la faiblesse en elle qui suscite la convoitise, mais c'est la manière qu'elle a de se présenter comme un stéréotype de femme se moquant foncièrement de toute action pratique. C'est ce qui explique qu'à l'inverse, une cheville forte, des mains épaisses, une musculature prononcée, une certaine « carrure » en la femme, tout ce qui traduit une disposition à agir directement, constitue souvent une répulsion pour l'homme : ce n'est que par abandon de réflexion et suivant quelque raccourci de pensée qu'il considère ces attributs comme des défauts au prétexte, trop simplifié, qu'ils se rapportent à la « virilité » comme si le contraste était d'évidence ce qu'il poursuivait le plus.
Il faudrait vérifier si, chez la femme, le goût pour l'homme typique ou historique vient réciproquement des attributs de l'action, et si elle n'aurait pas elle aussi du dégoût à se figurer un homme coquet ou sentimental, petit ou sans puissance directe. Je ne suppose pas être parvenu très loin de la vérité, même si une réflexion complémentaire des lecteurs serait nécessaire à la confirmer au moyen d'exemples multipliés – cette vérité s'entendant, bien sûr, toujours en un sens traditionnel qui tend à s'amenuiser ou à disparaître, comme je l'avais autrefois indiqué.
P.-S. : Logiquement, si je ne m'abuse, il doit exister chez la femme un goût profond des ligatures et des immobilisations lorsque ces passivités réalisent un effet, et chez l'homme une passion intérieure des saisies et des coups. Mon lecteur, plus abondant qu'un seul, en moyenne en jugera.
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