Ce qui est devenu grave au Contemporain

Autrefois les actes impliquaient une gravité, aujourd'hui ce ne sont plus que les parures. On hésite à se vêtir de telle manière, de paraître ainsi, parce qu'on n'a plus l'occasion d'agir avec conséquence. La crainte a investi le domaine de l'image, ayant reculé d'un degré dans le rapport à l'essence et au fait : ce n'est même pas qu'on aimerait s'habiller d'une certaine façon, c'est qu'on redoute, en s'habillant, de ne pas assez se conformer. Les choix du Contemporain consistent à exprimer non son identité mais l'adhésion à une foule, et leur étendue se limite à des modalités de l'approbation et de l'acceptabilité. L'inquiétude de l'innovation véritable, qui se traduirait par davantage que des nuances infimes aux mœurs, aboutit à ce qu'au carnaval de l'école mes filles n'osent pas se déguiser plus qu'il n'est accoutumé, pour ne pas déparer. Une société fondant le principal de ses préoccupations sur la question de la plus ou moins homogène adéquation à autrui ne comporte plus un individu au sens historique. Quand chacun y a atteint la peur omniprésente de ne pas ressembler, elle a égaré toute idée approchante ou lointaine de ce qu'est un Homme, et de ce qu'est la peur. C'est une société qui se méfie principalement du spontané et de l'authentique, tremblant à la pensée d'un franchissement de la morale commune, et qui mentalement se censure aussitôt qu'elle sent que sa personnalité point et veut s'exprimer – société d'androïdes dont les lois lui font appréhender, à l'instar de ceux d'Asimov, que rien ne doit jamais sortir du programme des trois ou quatre règles unanimes et uniformes.

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