Ce que le confort fait de la guerre
S'agissant de parler de guerre ou de parler à des belligérants, on ne devrait tenir compte que des personnes qui ne jouissent pas de l'assurance de leur sécurité ou qui sont au moins aptes à quelque esprit de distance, comme les seules pouvant se représenter à la fois la réalité du péril et la nécessité de la prudence. En la matière, l'assurance donne permission aux insolences les plus déconnectées. Je ne crois pas que les chefs d'État occidentaux mentionneraient M. Poutine avec tant de légèreté s'ils redoutaient moindrement que des bombes tombassent chez eux : c'est d'où ils tirent latitude à en discuter en jouant et en rivalisant d'arrogance. Leur condescendance si marquée dénote leur manque d'implication : on fanfaronne et on goguenardise quand on n'a rien à perdre. Mieux vaut encore la froideur compassée qu'une détente indécente ou provocante faisant de la guerre un bénin défi de posture ou d'image : le rôle ne convient point aux choses sérieuses, mais il subsiste encore de la dignité, même affectée, dans des manières de neutralité. Cependant, c'est toute notre époque qui est imprégnée de cette tournure d'irréalité, du rapport abstrait aux phénomènes, d'un constant souci de paraître comme si rien n'était plus important que de donner le change à une caméra qui vous fixe sans cesse et à laquelle il ne s'agit que de rendre les airs censés convenir à la circonstance. C'est au point que même un Zelensky revêt le vêtement militaire qui ne lui est d'aucune utilité pratique, à dessein de porter le déguisement persuasif de la solidarité. Son peuple meurt, et il pense encore à arborer la gravité des acteurs qui peaufinent leur accoutrement : voilà qui prouve que même lui ne se sent pas directement concerné, qu'il conserve le temps de se livrer à des poses, qu'il travaille et révise ses effets dans le miroir. L'inconscience de ces simulacres m'afflige et m'inquiète, car ce sont des gens qui, d'un jour à l'autre, peuvent prendre telle mine d'éloquence pour vous dire, sur un prétexte qu'ils savent ou qu'ils ignorent, que vous devez vous interdire ceci ou vous contraindre à cela, et qui ne sortent plus de leurs personnages alternatifs, qui changent d'émotion d'un moment à l'autre, et – le plus terrible – qui se croient perpétuellement sincères.
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