L'onanisme, en tous cas chez l'homme, a cet avantage, je trouve, que la jouissance, qui signale une perte de contrôle parfois à la limite de la douleur, n'a alors personne pour témoin : quand on a bien virilement manipulé une femme avec quelque performance, on aurait tendance à ne pas vouloir qu'elle constate la faiblesse physiologique née de l'éjaculation ; la perspective serait presque capable, après avoir produit le plaisir de ma compagne, de me retenir l'orgasme. Toute femme, je crois, exprime d'ailleurs alors une façon de consolation un peu condescendante et qui tient d'une sorte de gratitude : elle aspire à partager, se satisfait de son action après avoir surtout subi celle de l'homme, elle tient à cette défaillance comme si elle l'avait produite. Il est vrai que son indifférence en telle situation serait aussi pénible, parce qu'il y a bien malgré tout « quelque chose à considérer », mais l'homme, pendant que la femme exulte, a encore le loisir de la stimuler de ses assauts, ce qu'il ne s'empêche pas de faire en se stimulant lui-même, et il n'a qu'à entretenir les expressions de sa domination pour continuer de la combler ; or, comme moi il n'a pas peut-être le fantasme d'être dominé, et aussi bien la satisfaction d'une femme de m'avoir épuisé que la compassion que provoque chez elle mon état d'incontrôle m'humilient. J'ignore tout à fait comment idéalement une femme devrait réagir après mon orgasme pour ne pas susciter la fois suivante quelque appréhension de jouir. Du reste, je ne crois pas exprimer une grande nouveauté en prétendant que l'onanisme se termine mieux parce que l'orgasme est plus maîtrisé, dure plus, et s'accorde davantage, en profondeur subtile et en stimulation juste, avec l'exacte position de sa propre main.