Quoi que vous coûte leur générosité

Pour alléger leur conscience immédiate faute d'esprit de distance c'est-à-dire de lecture, c'est-à-dire de philosophie ou sagesse, c'est-à-dire faute d'esprit tout court, nos gouvernants contemporains sont prêts à tous les « quoi qu'il vous coûte » : leur précieuse estime-de-soi, qui ne saurait s'accepter en assumant des actions mauvaises, tient particulièrement à endosser le rôle de chevaliers, comme en faveur de « la vie humaine » ou de la « solidarité entre les peuples ». Certes, ce ne sont pas eux qui auront à pâtir des conséquences de la générosité qu'ils se sont soulagés à répandre avec l'argent de la nation, avec l'argent des autres : ils sont et seront à l'abri de toute nécessité ; l'important, c'est qu'ils ne se sentent, tout de suite et moralement, nul reproche à se faire, qu'ils se figurent qu'ils ont accompli le meilleur en les formes vulgaires les plus stéréotypées de la « bonté », et c'est ainsi que leur gloire, là, que leur postérité en synchronie, pensent-ils, ne souffre aucun blâme, car ils se sont vu agir avec toute la prodigalité possible et de nature à en faire intérieurement des « grandeurs », des « altesses », des « gens de bien » ; c'est en ce sens, en ce sens intime, qu'ils furent de vertueux présidents – il n'est pas même nécessaire qu'ils anticipent à quoi ils engagent le pays ni même que ces dépenses « nobles » occasionneront des besoins de recettes qui s'établiront sur quantité de privations et de sacrifices populaires : non, ils ont établi leur honneur actuel sur la douleur des autres car ils ont quand même plus besoin de vivre bien que de laisser vivre bien, ils ne requièrent toujours qu'au présent de se savoir magnifiques, et l'éternité de leur vertu n'est pour eux qu'une suite de perceptions d'eux-mêmes d'une minute traversée à l'autre.

Méfiez-vous : ils prennent pareillement des décisions à votre place contre la Russie, parce qu'ils s'en croient le « devoir moral », eux qui n'ont jamais ouvert un traité d'éthique, parce qu'il en va uniquement de leur image et qu'il ne veulent pas avoir eu l'air de cautionner une invasion ; c'est seulement pour cela qu'ils multiplient les sanctions, et même qu'il rivalisent en ce sens au sein de l'Union européenne pour figurer parmi les plus zélés, mais ils n'ont cure de ce qu'il en coûtera, ils ne seront plus au pouvoir quand vous paierez, l'important est que maintenant ils se jugent, et pour eux-mêmes, « responsables ». Or, à l'heure où M. Véran explique que ce qu'il en a coûté des confinements inutiles et de ses méthodes sanitaires douteuses, c'est, en vérité, pour l'avenir de la France, le passage à la retraite à 65 ans, c'est légitimement qu'on peut s'interroger si les mesures de restrictions contre la Russie, qui pénalisent déjà tant les Français, ne sont pas décidées avec la considération exclusive de la « sainteté » de nos gouverneurs et au détriment du bien national, et peut-être jusqu'à un désastre dont, cependant, ils ne se sentiront toujours pas coupables, estimant perpétuellement avoir agi comme « l'honneur » le leur recommandait, un honneur surtout fait pour se satisfaire des tensions qu'ils voyaient poindre à ne pas se trouver aussi bons qu'ils veulent, un honneur heureusement permis grâce à un argent qui ne leur appartient pas. Et si j'émets cette hypothèse, c'est parce qu'on entend déjà des arguments insensés, biaisés de déterminations absurdes, inquiétants d'aliénation mentale, où des ministres affirment que, pour lutter contre la hausse de l'essence et de l'énergie qu'ont provoquée leurs assauts économiques contre la Russie, il suffit au Français de télétravailler plus ou de prendre moins de douches par semaine, comme s'il n'était même pas question de reconsidérer leur position et d'admettre que ce qui coûte davantage au français n'est pas la guerre en Ukraine, mais la paix que nous prétendons y imposer par de tels moyens et avec un succès plus que douteux.

En somme, je le crains, je l'augure presque, cette posture à l'encontre de la Russie consistera aussi en leur si chevaleresque « quoi qu'il vous coûte » : et qui sait si, au terme du conflit, après s'être si « bien comportés », ils ne viendront pas vous expliquer, avec l'air de vous rendre raisonnables : « Finalement, compte tenu des dépenses auquel le gouvernement s'était engagé pour que vous n'ayez rien perdu : retraite à 67 ans ! Quoi ? cela vous étonne ? Est-ce que vous ne pouviez pas anticiper, en définitive, que rien n'est jamais gratuit ? » ?

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