Précisions sur la communication des hôpitaux et sur les services de réanimation

Méfiez-vous tout de même, quand on vous parle des services de réanimation saturés. C'est pourtant bien vrai qu'ils le sont, mais il n'y a pas si longtemps on se faisait une fierté de leur remplissage, l'hôpital comptait bien justement qu'ils soient ainsi occupés, c'était toujours un service rentable. Les chefs de réa, quand ils annonçaient à leur hiérarchie des réanimations pleines en moyenne à 60 ou 70%, on leur répondait, suivant la logique libérale qui continue de prévaloir : « Ce n'est pas assez, votre service ne fonctionne pas comme il devrait, il faut augmenter ce nombre, vous coûtez à l'hôpital » ; et que faisait-on alors ? On se faisait un principe ou bien de programmer davantage d'opérations si possible ou bien de supprimer des lits. Un service de réanimation productif, c'est un service qui tourne plus fort que cela, avec un taux plus élevé : c'est ce taux auquel on regarde principalement, comme dans les maternités. À l'époque, quand les réas étaient à 80 ou 90% d'occupation, on ne disait pas : « Attention, plan blanc ! », on disait : « Félicitations ! » et l'on distribuait des primes et des promotions. C'est ainsi qu'avec inertie ces lits se sont raréfiés, ces services densifiés, on n'a pas voulu y remédier, même depuis la crise, parce que ce taux de remplissage est demeuré dans les mentalités un critère d'excellence. Et voilà pourquoi, si j'ai bien compris, on compte en Martinique 37 lits de réas sur 376 000 habitants, et en Corse 38 lits pour 339 000. De sorte que quand en Corse on s'inquiète de 80% d'occupation, non seulement on devine qu'un chef de service, suivant des critères qui se perpétuent, va être bientôt félicité, mais on veut seulement dire que 30 lits sont pourvus, ce qui, dans la somme des opérations courantes réclamant une anesthésie générale, signifie en vérité assez peu de cas critiques de Covid.

L'autre point dont il faut parler, c'est la communication autour des hôpitaux. Je crois utile de préciser que la plupart des métiers à responsabilité de l'hôpital dépendent de la fonction publique hospitalière, et même de la haute fonction publique : ces gens ne sont pas du tout libres de leur parole, ils communiquent comme on leur ordonne. Outre leur devoir de confidentialité, leurs devoirs de réserve et de discrétion empêchent absolument qu'ils s'expriment négativement sur l'action de l'État, particulièrement à un haut niveau de responsabilité comme les chefs de service. Au même titre, on ne voit pas de chefs d'établissement dans l'Éducation nationale se plaindre en public de la gestion de leur hiérarchie, l'avez-vous remarqué ? ils ne le font à la rigueur que sous couvert de représentants syndicaux, ils seraient aussitôt convoqués et sanctionnés autrement. En quoi on a tort d'inviter sur des plateaux de télévision et d'interroger tant de gens qui sont contraints, quoique volontairement sans doute, de ne pas décrier leurs services et le gouvernement, c'est à peu près comme accueillir des secrétaires d'État et feindre de s'étonner qu'ils trouvent tous décidément que le gouvernement fait très bien son travail. Pas plus un professeur, statutairement, n'a le droit de révéler les processus de son administration ou de signaler ses dysfonctionnements à la presse, on le leur rappelle d'ailleurs souvent et c'est pourquoi ils passent par l'anonymat quand ils ont besoin qu'un journal révèle des problèmes. On les trouve donc unanimes dans les médias, la crise est bien gérée, il n'y a que les patients qui sont trop nombreux, et quand des infirmiers se plaignent d'avoir « trop de travail », des M. Macron et consorts font la morale aux Français récalcitrants à la vaccination, cependant que dans le même temps on supprime encore des lits comme le Canard enchaîné le révélait il y a peu, et qu'on transforme leurs faibles plaintes qui, à l'origine, ne veulent lui signifier qu'une chose : « M. Macron, quand est-ce qu'on redonne des moyens à l'hôpital et qu'on rouvre des lits ? Vous êtes responsable de cette situation. ­— Vous voyez bien que les soignants demandent qu'on soit tous vaccinés : on leur réclame un trop grand effort, ils n'en peuvent plus ! Que nos compatriotes soient donc solidaires ! »

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