Jamais un État démocratique pleinement indépendant et intègre ne devrait se résoudre à faire de la publicité, jamais une campagne de promotion de quoi que ce soit ne devrait émaner de lui, jamais il ne devrait tâcher de convaincre fût-ce même de respecter la loi : il faudrait que ce lui fût un principe imprescriptible parce que toute sa mission consiste à informer le citoyen et nullement à exercer sur lui quelque influence : l'État ne devrait jamais prendre l'apparence d'une personne, et tout particulièrement d'une personne partiale. Certes, le citoyen n'a pas le droit de commettre un crime, mais il peut le faire s'il veut : se contenter de lui montrer alors ce qu'il risque ; il peut aussi refuser de se rendre aux urnes pour voter : lui indiquer objectivement ce qu'il en est et ce qu'il en a été ; il peut encore ne pas se faire vacciner selon ce qu'il désire : lui révéler par des statistiques incontestables quels en sont les avantages et les inconvénients. On n'accordera plus sa confiance en un gouvernement qui a pris l'habitude de vouloir vous persuader de ce qui le favorise et qui s'efforce toujours de vous vendre quelque chose, même une « idée » pour « votre bien » : c'est toujours au peuple une façon d'humiliation ou de condescendance, parce qu'en admettant qu'il est incapable de se renseigner par lui-même, on le déresponsabilise en le rangeant du côté des enfants sur qui on va exercer l'effet d'une passion ou d'un émoi. Un État fonctionnel de hauteur et de liberté ne devrait avoir nul intérêt à effrayer ou à émouvoir, il ne faudrait même pas qu'il puisse en être pour lui question en tant qu'il ne constitue en quelque sorte qu'un conseil représentatif, qu'une instance pratique de la collectivité, et qu'il n'a jamais été missionné pour vanter les mérites de quoi que ce soit et certainement pas de lui-même... Qu'il s'écarte de toute polémique et redevienne un simple organe au service d'un corps plutôt qu'en lutte avec ce corps comme une variété de cancer dont l'effort néoplasique tend à généraliser sa volonté au détriment de l'organisme social. Je ne puis voir un clip télévisé issu du gouvernement français sans en sentir l'aberration, l'infantilisation et le décalage foncier avec l'esprit même de la démocratie : voici donc un État qui paye avec votre argent pour vous ranger de son avis ! quel défaut d'humilité de l'État ! Mais l'État n'est qu'un outil au service du citoyen, et donc nécessairement apolitique sur tout ce que le citoyen n'a pas décidé. Ce sont ces gens qui font profession de représenter le peuple et qui, sitôt qu'ils sont au pouvoir, s'efforcent de le manœuvrer pour que leurs opinions convergent ! Ce n'est pas même une vision respectable d'un régime républicain. Qu'on mène des débats dans des hémicycles, voici qui est raisonnable et sain, mais qu'une seule voix sans contradicteur vous communique comment agir et ce qu'il faut penser, il ne semble pas qu'un citoyen raisonnable et sain a une fois souscrit à un pareil procédé. Pensez-y quand vous verrez avec combien de trémolos on vous incite à mettre votre ceinture de sécurité ou à accepter la vaccination contre le Covid, c'est une honte dont nos élus n'ont même plus conscience, un dévoiement du sens de la responsabilité représentative ; tous ces influenceurs qui propagandisent semblent vous dire : « Mon rôle n'est pas de vous indiquer une vérité impartiale mais de veiller à me maintenir au pouvoir. Ce n'est ainsi pas moi qui obéis à votre volonté mais qui fais que votre volonté soit de m'obéir. » C'est un genre de manipulation du peuple par l'intermédiaire des médias, corruption de la dignité même de l'homme politique. Si j'étais l'un d'eux, je m'arrangerais au contraire pour que mes déclarations prissent toujours la forme explicite d'une opinion personnelle plutôt que d'un effet de persuasion avec trucages et scénario, non tant d'ailleurs par honnête et strict souci de ma nécessité, mais parce qu'il me semblerait un déshonneur d'abaisser mon rôle à celui d'un réalisateur pour public à sensations.