Florilège absurde du Conseil constitutionnel
C'est rassurant de disposer d'un Conseil constitutionnel qui est certainement composé de professionnels très instruits et qui ne penseraient pas à rendre une décision à la légère en une expression approximative. Il est vrai cependant que ce Conseil, de son propre aveu récent, ne peut empêcher qu'une loi s'oppose à la Constitution, car :
« Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République » :
... c'est pour le moins un glissement sémantique malheureux que le Conseil constitutionnel n'admette pas que c'est bien à lui tout en particulier, plutôt qu'au législateur, de l'assurer, ellipse par laquelle il tend à se désavouer d'office, d'autant que, apparemment :
« Il n'appartient [même plus] au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause l'appréciation par le législateur »,...
... et donc ce Conseil ne veut rien examiner, s'interdit de réfléchir à la légitimité d'un contenu, ce n'est plus du tout son travail. Pourtant, le même Conseil rappellera souvent dans sa décision du 4 août que les articles de loi sont proportionnés et mesurés, « pas inadéquats », où il retrouve ponctuellement, on ignore pourquoi, un peu de son jugement pour approuver, mais presque jamais pour contester, sauf quand ça devient vraiment flagrant : c'est difficilement qu'il peut négliger davantage ses prérogatives ! Certes, :
« Ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l'accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions »,...
... et ainsi la loi est contraire à la Constitution, elle y porte manifestement atteinte, c'est même posé d'emblée comme tel, on ne peut pas le déclarer plus clairement, oui, mais on ne la censurera pas, non, bien que ce soit strictement le rôle du Conseil constitutionnel de se borner à vérifier l'adéquation des lois et de la Constitution, parce que :
« ces mesures ne peuvent être prononcées que pour la période, allant de l'entrée en vigueur de la loi déférée au 15 novembre 2021 » :
... on a donc le droit de s'opposer à la Constitution, oui, mais il suffit que ça ne dure pas trop longtemps. Et plus énorme encore, si :
... « selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse", le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général. »
Ah ? c'est donc que la Déclaration de 1789 dit : « Égalité pour tous, sauf si la société ne le veut pas » : on fait difficilement plus partial, comme interprétation !
Vraiment, nous avons de la chance d'avoir des « Sages » aussi pertinents et aussi utiles, des professionnels scrupuleux, des hommes supérieurs, les maîtres de la Nation. Sans cela, on n'aurait rien compris à l'esprit de la Constitution et des Droits de l'Homme. En vérité, jusqu'à présent on en a dit n'importe quoi, on en a transmis des idées fausses jusque dans nos salles de classe, on les a entendus tout de travers, car ce sont des documents, au fond, qui se contentent de dire : « Le législateur est seul juge de la légalité d'une loi. Il peut empêcher toute liberté fondamentale et toute égalité à condition que ce soit provisoire et qu'il suppose, sans avoir à le démontrer, que c'est pour le bien commun. »
Bien vu. Aucun juriste, jusqu'à présent, n'avait interprété ces textes de cette façon. Voilà qui va laisser une grande, une immense, une démesurée latitude, au législateur. On naurait bien tort de dire que sur l'extension du pass sanitaire, c'est volontairement que le gouvernement a laissé des vétilles à retoquer, après entente, pour donner l'illusion d'un processus démocratique, car le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas bien fait son travail ? Il admet que tout cela, vraiment, n'est pas conforme à la Constitution, et il laisse au législateur la liberté de décider s'il maintient la loi ou pas : voilà, il l'a maintenue.
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