Carmel, si tu ne t'en sors pas, je ne te pardonnerais pas. Je ne me pardonnerais pas.

L'atmosphère dans la petite pièce où je suis seul avec avec mon père depuis que Jana et son nouveau garde personnel sont partis est de plus en plus pesante. Depuis plusieurs minutes le silence règne, et mon père et moi nous affrontons dans un étrange duel de regards.

Je finis par baisser les yeux, abandonnant. Mon père s'exclame alors : « c'est bien mon fils. Tu as reconnu que j'étais ton chef. Chef de ta famille, chef de ta cité, tu ne peux rien contre moi. Plus vite tu te feras à cette idée plus vite tu seras heureux. En attendant sois un bon fils. Accepte ce que je décide pour toi et laisse toi faire, ne tente pas de t'échapper ou d'aller à l'encontre de mes décisions. »

Je baissais la tête n'ayant d'autre choix pour l'instant que de me résigner à lui obéir.
« Maintenant, retourne dans tes appartements, continue-t'il, rejoins ton épouse et console la. Votre évasion minable a raté, elle doit encore être sous le choc.
- Bien père. Je réponds »
Je me lève, salue mon père et me retourne pour partir lorsqu'il dit :
« Sache qu'un jour, je découvrirais pourquoi tu as tenté de t'échapper et je sais qu'un jour, tu regretteras cet acte, mon fils. »

Je ne sais pas pourquoi il a l'air si vexé. Ni comment il a su que je voulais m'enfuir. Ni comment il compte me le faire regretter. Car je ne regrette rien. Je ne m'arrêterais pas de vivre juste parce que nous avons été arrêtés dans notre élan.

Je continue mon chemin vers mes appartements dans les longs couloirs du palais, et décide de faire un tour par la cuisine. On réfléchit mieux le ventre plein. Je me demande où est Yale actuellement. J'espère qu'il sera là-bas et que je pourrais lui parler.

J'entre dans la cuisine. Je demande si Yellina est là au garçon qui m'accueille. Il me répond que oui, alors je lui demande d'aller la chercher. Yale arrive en courant. Il me salue car je suis techniquement son supérieur et je lui mets dans la main le petit cube correspondant à celui de Jana. Il est tiède, car celle-ci est à l'autre bout du palais. Yale me regarde dans les yeux et me remercie. Je lui demande ensuite d'apporter de la tisane à mes appartements pour donner un sens à la visite que je lui ai rendue. Je repars et me rend compte que j'ai oublier de prendre à manger.

Je regarde les tableaux de mes ancêtres en traversant la longue galerie, et j'essaie d'imaginer ce qu'ils penseraient de moi. Pas politiquement mais socialement. Je suis un triple lâche qui ai gâché la vie de trois personnes en plus de la mienne. L'amour de ma vie, qui s'est sacrifié pour nous tous alors que cette histoire ne l'aurait pas concerné si il ne m'avait pas connu. Ma meilleure amie, et désormais épouse malgré nous, que je connais depuis l'enfance et qui sera désormais surveillée jour et nuit, car elle est estimée trop "fragile" et traumatisée des événements du jour. Alors qu'on ne lui avait même pas demandé son avis sur le fait de fuguer. Et son amoureux, avec qui j'étais devenu ami, et qui est maintenant condamné à se travestir. 

J'arrive devant la porte de mes appartements. Je respire profondément et je l'ouvre. Kalyan est debout à côté de la porte, impassible tandis qu'il regarde Jana pleurer. Je lui demande de prendre congé, maintenant que je suis là pour protéger la petite. Il me répond qu'il va se poster devant notre porte, sur un ton que je ne sais comment interpréter, je ne peux pas dire si il rit ou si il est juste fatigué et que sa langue a fourché. De toute façon, qu'est ce que ça change au point où on en est ? 

Jana est assise sur le divan les coudes sur ses genoux et la tête dans ses mains. Je prends place à côté d'elle et passe ma main derrière son dos. Elle se redresse et je la prends dans mes bras. Nous ne disons rien un grand moment, mais je remarque qu'elle sert quelque chose dans ses mains. Je lui demande alors ce que c'est, et elle ouvre les mains, c'est le petit cube. "Tu n'as plus le tien, me dit elle, pourtant, celui ci est en train de se réchauffer rapidement. Qu'en as tu fait ?" Trois coups frappés à la portent nous interrompent. Je crie d'entrer et Kalyan ouvre la porte pour laisser entrer Yellina qui porte la tisane. Je fais signe au garde de prendre congé et il referme la porte. 

Jana laisse tomber l'objet qu'elle tenait si fermement pour se jeter dans les bras de Yale. Celui-ci la soulève et la fait tourner. Ils s'embrassent. Adorable. Je sors et explique à Kalyan que Jana est rassurée que sa demoiselle d'honneur passe la nuit dans la chambre réservée aux domestiques de nos appartements. Je rentre et prends un air sérieux. Les deux amoureux se calment et je commence à parler. "Cette nuit est la votre, je vais dormir dans la chambre des domestiques. Essayez juste de ne pas me réveiller. " Je leur souris et je pars, leur laissant leur intimité. Je rentre dans la petite chambre et m'allonge sur le lit, sans me déshabiller. Je commence à réfléchir à ma vie, à son sens et à Kalyan. Il faudra que je détermine ce qu'il sait ou pas et à quel point on peut lui faire confiance. Soudain je me remets à penser à Carmel. 

Comment vas tu mon bien aimé ? Va-t-on un jour se retrouver ?