QUATRE - LA CONVERSATION COUPÉE

— Pub ?

— Le mec est accro à la Guinness !

— Mais pas du tout, je veux un chocolat pour le goûter. On va pas rester des heures ici à se cacher dans les sanitaires parce qu'il flotte à mort.

— J'avais dit qu'il fallait qu'on aille faire un musée, c'est vous qui avez pas voulu. Résultat, on est comme des cons à devoir tuer le temps après notre rando.

— Lando n'a pas voulu. Moi j'ai dit que j'étais partant pour tout !

— Peut-être, mais c'était très beau cette randonnée. L'île était trop belle. En plus, je sais que tu es d'accord George, t'as passé ton temps à faire des photos. Alors que si t'avais pris moins de temps, on aurait fini plus tôt et on aurait peut-être eu le temps de faire un musée.

Le plus jeune du groupe prend un léger coup dans l'épaule qui déclenche son rire. Celui-ci est rejoint par deux autres et des grognements de la part du dernier membre du quatuor.

— Très d'accord pour le chocolat chaud en tout cas !

T'es toujours partant pour les chocolats Max en même temps, je vois pas pourquoi on te demande ton avis.

— Moi aussi ça me dit bien. En plus, j'ai vu qu'ils avaient des goûters au pub et j'ai envie de manger des scones.

Les prunelles de tous se mettent à briller suite à cette phrase. Quelques secondes plus tard, la pluie frappe avec force leurs manteaux imperméables tandis qu'ils se mettent en route. Le camping est rapidement traversé et leurs pas les guides en direction du village un kilomètre plus loin.

— Pourquoi on a pas pris la voiture déjà ?

— Pour l'environnement.

— Tu nous gonfles quand même avec ton environnement Max, je sais pas ce que t'as depuis le début de ce voyage.

— Seb me fait chanter. Si on fait pas gaffe, il a dit qu'il donnerait des détails de notre histoire avec Daniel à la presse.

— Et toi comme un gros débile tu l'as cru ?

— Je préfère ne prendre aucun risque George. Il y a des choses que Danny lui a racontées une fois un peu saoul qui ne doivent sortir sous aucun prétexte. D'ailleurs, que t'arrête pas d'en prendre, prends-nous en photo trempés. Ça fera une preuve que je me tiens à mon pas de voiture sous les deux kilomètres à pied !

Je sais pas si j'ai envie de savoir ou pas envie du tout.

La même.

Les voix résonnent, brisées uniquement par les bourrasques de vent tandis que le petit groupe monte une légère côte menant au centre de la petite bourgade. Les cloches se mettent à sonner, annonçant seize heure trente quand ils sont en bas de la rue en haut de laquelle l'unique pub du lieu se trouve. D'où ils sont, ils peuvent déjà distinguer sa devanture verte. Sur celle-ci, des pots de fleurs sont accrochés, égayant la rue, et le toucan de la publicité Guinness se dresse fièrement en enseigne.

— Enfin ! La prochaine fois, tu marcheras pour le bien de l'environnement et nous on prendra la voiture, pour le bien de notre santé et du combat contre les rhumes en plein été.

La fin de la phrase se perd dans la musique s'élevant à l'intérieur du lieu.

— Oasis. J'adore.

Les notes du groupe de rock résonnent dans le lieu clos. Autour du comptoir un groupe de jeunes est engagé dans une discussion particulièrement animée. Les quatre étrangers peuvent reconnaitre la jeune femme ainsi que celui qui l'accompagnait la veille sur la jetée. La jeune femme aux cheveux châtains est de l'autre côté du comptoir, le dos tourné alors qu'elle récupère un verre qu'elle remplit à moitié d'une boisson sombre.

Les rires s'élèvent brusquement suite à une remarque de sa part. Sur l'écran de la télévision, une course d'équitation est diffusée, et sur l'autre écran, un concours de golf. Un petit râle d'énervement résonne alors à cette vue par l'un des amis.

— Vous faites chier à pas faire de golf, c'est le pays de la discipline.

— Tu n'avais qu'à inviter Carlos, Lando. Il t'aurait accompagné.

Le plus jeune n'a pas de réponse alors que son regard est braqué sur la main se reposant sur le verre qui finit d'être rempli après avoir reposé quelques temps. Il glisse sur le comptoir en direction d'un brun costaud. Pendant ce temps, les pilotes s'installent dans une table légèrement en retrait, enlevant leurs manteaux de pluie trempés pour les faire sécher sur le dossier des diverses chaises.

— C'est pour la maison.

— T'es sûre ?

— Ouep. C'est pour le titre que tu vas nous ramener la semaine prochaine.

La curiosité brille dans le regard de celui aux cheveux les plus clairs de la troupe alors qu'ils approchent de celle qui semble être serveuse lentement pour aller passer leurs commandes. Les dernières notes de la chanson s'éteignent alors qu'ils se retrouvent au niveau du comptoir. Oasis est immédiatement remplacé par U2 qui devient le fond de l'air, empêchant le lieu d'être plongé dans le silence complet.

Le regard clair se braque sur les étrangers avant qu'un faible sourire naisse sur les lèvres de l'irlandaise. Dans son regard, une légère colère semble toujours présente quand elle se pose sur certains du groupe.

— Qu'est-ce que je vous sers ?

Les prunelles et le visage sont tournés en direction du néerlandais qui se met à bafouiller, son anglais semblant soudainement lui échapper.

— Je... Qu'est-ce qu'il y a ?

— De la Guinness.

La réponse s'élève alors que le pêcheur de la veille a un sourire malicieux et que l'amusement traine dans ses yeux bleus. En face de lui, le champion du monde se gratte la tête avant de se tourner vers ses amis semblant leur demander silencieusement de l'aider.

— Moi je veux un chocolat chaud pour me réchauffer !

La voix joyeuse s'élève et il pousse un soupir de soulagement. Pourtant, les yeux continuent de le scruter, ne s'attardant pas une seule seconde sur les trois autres compères, même celui qui vient de s'exprimer.

— Deux chocolats. Les gars ?

— Un thé.

— Alex ?

— Une Guinness.

L'ensemble des commandes est énoncé, pourtant la serveuse ne semble pas commencer à préparer les boissons. Ses iris restent figées sur celui à qui elle a posé la question initialement. Celui-ci tourne son visage rempli d'incompréhension en direction de ses amis sans savoir ce qu'il est censé faire.

— Deux chocolats, un thé et une Guinness ?

— Très bien, je les amènerai à votre table.

Les quatre pilotes se dirigent alors vers une table quelques mètres plus loin après avoir payé l'intégralité des boissons.

— Tu lui as tapé dans l'œil Max !

Un grognement répond à cette remarque.

— C'était quoi sérieux ? J'ai rêvé ou elle voulait pas nous parler ?

L'anglais restant hausse les épaules. Lui non plus n'a pas la réponse à cette question. Elle sort bientôt de ses pensées alors que la musique change une nouvelle fois. Autour du bar, quelques mains commencent à taper sur le comptoir en rythme sur la chanson. L'air typiquement irlandais ne passe pas inaperçu pour celui qui est venu dans le pays pour profiter de leur culture, dont la main vient tapoter la table à son tour. La tête du thaïlandais se balance en cadence avec les cordes de guitare tirées sur la chanson diffusée dans la sono.

— Alors ce match, tu le sens comment ?

— On monte à Dublin, on les bat, et on revient en héros dans le Kerry !

Quelques cris enthousiastes s'élèvent, captant les quatre étrangers.

— Vous croyez qu'il fait quoi comme sport ?

— Un sport ?

— Oui Lando, ils arrêtent pas d'en parler. L'un d'eux a l'air d'être fort.

— Peut-être du rugby ? Ils sont forts en rugby les irlandais non ?

Quelques hochements de tête lui répondent. C'est le moment que choisit la serveuse pour apporter les boissons à leur table.

— Merci !

— Merci !

— Merci !

— Merci !

Une nouvelle fois, seule une partie des membres de la tablée récolte un sourire en retour.

— Alex a aussi eu droit à un sourire, je lui ai pas tapé dans l'œil !

Les deux anglais froncent alors les sourcils.

— C'est qu'elle doit aimer RedBull. Fallait conduire là-bas les gars.

— Plutôt mourir.

— La même que George.

— Bande de jaloux !

Les lèvres sont rapidement portées aux diverses boissons alors qu'un couple entre à son tour dans le pub et se dirige immédiatement en direction du comptoir passant une commande. Autour d'eux, la bande composée de garçons et de filles ayant entre vingt et trente ans continue sa discussion.

— Le mieux dans cette histoire, c'est qu'on pourrait réussir le doublé. Je suis sûr que les filles peuvent aussi gagner. Ça remettrait les pendules à l'heure après nos défaites de l'an dernier.

— Tá muinín agam as ár mná. (J'ai confiance en nos féminines).

La réponse ne tombe pas en anglais, étonnant le néerlandais particulièrement intéressé par la discussion alors qu'il cherche à comprendre le sport dont ils discutent. Quand il arque un sourcil, demandant silencieusement aux autres s'ils ont compris les mots prononcés malgré le fort accent irlandais, les visages lui signalent qu'ils n'en savent pas plus. La phrase suivante n'est pas plus compréhensible, tout comme celle qui suit encore. Lorsqu'il se retourne, plusieurs paires d'yeux sont fixées sur eux.

— Je rêve où elle vient exprès de passer à l'irlandais pour qu'on comprenne pas ce dont ils parlent ?

Le sourire narquois qui s'affiche sur le visage alors que la jeune femme semble avoir entendu la remarque du pilote Mercedes lui fait comprendre qu'il ne s'est pas trompé. Sa question suivante tombe en un léger murmure alors que la situation lui échappe complètement.

— Qu'est-ce qu'elle a à nous en vouloir comme ça sérieux ? On a vraiment choisi le mauvais village, je me sens pas du tout bien accueilli.

— T'es en Irlande l'anglais, tu pensais quoi ? Qu'on allait te sortir le tapis rouge ?

Ses joues se mettent immédiatement à rougir alors que tous les visages se tournent dans sa direction d'une façon plutôt hostile et qu'il se fait fusiller des yeux clairs par l'irlandaise à la tête du pub ce jour-là. Il grommelle alors que les conversations finissent par reprendre.

— Arrête de te faire mal voir George, je compte bien revenir voir le concert ce soir sans être mis de côté ! Je te rappelle que toi tu venais pour les paysages et moi pour la musique, j'ai pas envie d'être viré du pub et de pas pouvoir en profiter.

Il hausse les épaules, buvant une nouvelle gorgée de son thé, profitant de sa chaleur à défaut de l'ambiance chaleureuse qu'il venait pourtant également chercher dans ce lieu. Pourtant, contrairement aux trois autres attablés, l'ainé des anglais ne comprend pas à quel moment il aurait fait quelque chose qu'il n'aurait pas dû pour être ainsi détesté.

et voilà, nouveau chap suite à mon retour de vacs ! j'essayerai de reprendre un rythme rapide de publication mais avec la reprise du boulot & du sport (surtout du sport, ça occupe bien les soirées cette connerie là !), ça risque d'être chaud, donc ça tombera certainement de façon plus irrégulière que les 1ers chaps. vérifiez bien que vous aviez lu celui d'avant, je pense que certains sont passés à côté. 

pour l'instant, le comportement de tout le monde reste un peu suspect, mais je développerai sur des éléments plus tard dans le texte ou dans des petites notes ici. et à partir du chapitre prochain, on commencera petit à petit à centrer plus sur george au sein du quatuor.

notes informatives : 
*la guinness en pression se sert en 2 fois contrairement à toutes les autres bières. le verre est rempli à moitié, repose un peu, avant d'être complété. 
*l'idée générale de l'histoire m'est venue de la situation de ce chapitre ; qui vient d'une anecdote racontée par ma sœur qui a vécu qq mois en irlande, où dans des familles avec par ex des français et des anglais, certains irlandais préfèrent parler avec le français nul en anglais qu'avec l'anglais (ou l'anglais se garde bien de montrer qu'il est anglais en irlande en faisant parler le reste de sa famille, parce qu'il sait qu'il sera pas accueilli le mieux du monde).

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