Ch 6 : disparition
Vendredi. Dernière journée de cours avant le week-end. Enfin ! Les cours de la matinée se passèrent sans encombre. J'avais évité Kee-Young depuis ce qui s'était passé au gymnase, et elle non plus ne voulait pas croiser mon chemin. Ceci m'offrait donc une relative tranquillité, même si j'avais envie de l'étriper. Je déjeunai avec Na-Yung, Kang-Min n'étant pas venu en cours, et je rentrai chez moi le soir vers 18h, comme d'habitude. Je faisais mes devoirs, je dînais, et alors que je m'apprêtais à prendre une douche, on frappa à la porte. Le sourire aux lèvres, je m'attendais à découvrir la mère de Kang-Min. C'était bien elle.
- Bonsoir Mada... Il y a un problème ?
Je fronçai les sourcils. Elle paraissait soucieuse.
- Bonsoir Marie. Est-ce que Kang-Min était en cours avec toi, aujourd'hui ?
- Heu... Non, il n'est pas venu... Je pensais qu'il était resté chez vous.
- Non... Il n'est pas rentré après les cours, hier, et je suis inquiète... Ça arrive qu'il ne rentre pas, mais il me prévient toujours. Il m'appelle pour me dire qu'il ne dort pas à la maison, normalement... Et s'il ne m'a pas prévenu la veille, je reçois un message le lendemain matin juste avant les cours... Or là je n'ai aucune nouvelle. J'ai appelé ses amis, mais personne ne sait où il est !
Elle avait les larmes aux yeux. Je tentai de la rassurer.
- Ne vous inquiétez pas, il n'est sûrement pas bien loin ! Je vais aller faire un tour pour essayer de le trouver, je vous tiens au courant si j'ai du nouveau.
- Oui... Merci beaucoup, Marie !
Sur ce, je rentrai chez moi, j'enfilai mon manteau, récupérai mon sac, mon portable et mes clefs, et je partis à la recherche du disparu. J'étais inquiète. Bien sûr, je n'avais pas son numéro de téléphone, donc impossible pour moi de l'appeler. Je soupirai. Comment retrouver une personne dans une ville aussi grande que Séoul ? C'était perdu d'avance. Mais je ne voulais pas abandonner. Je demandai aux rares personnes que je croisai si elles n'avaient pas vu un garçon assez grand, brun, avec un sac à dos noir et blanc... Mais personne ne l'avait vu.
Au bout d'un moment, je regardai mon portable. 21h34. Ça faisait une heure trente que je le cherchais. J'étais fatiguée, mais je ne pouvais pas arrêter tout de suite. Je passai à côté d'une petite ruelle dans laquelle je jetai un rapide coup d'œil, sans grand espoir. Alors que j'allais continuer ma route, je vis une ombre, par terre. Je m'approchais doucement, et murmurait :
- Kang... Kang-Min ?
J'écarquillais les yeux. C'était bien lui ! Il était adossé au mur, inerte, la tête retombant sur son épaule droite. Je me précipitais vers lui, les larmes aux yeux. Il était blessé, le visage en sang, et son sac avait disparu. Il n'avait pas non plus son uniforme, il était vêtu d'un jean déchiré et d'un pull noir épais. Paniquée, je ne savais pas trop quoi faire. Je commençais par vérifier s'il était en vie. C'était le cas. Il respirait, faiblement, mais il respirait quand même.
- Kang-Min ! Kang-Min, réveille-toi !
Je le secouai, aussi doucement que le permettait mon état d'inquiétude. Avec un gémissement, il finit par reprendre vaguement connaissance. Il avait les lèvres sèches. Il tenta de parler, mais ne réussit pas. Heureusement, j'avais une bouteille d'eau dans mon sac. Je le forçai à boire. Il me regarda avec des yeux vitreux. Je me plaçai à côté de lui, passait son bras autour de mon cou, je plaçai une main autour de sa taille, et le soulevai.
- Je vais t'emmener à l'hôpital, il faut te soigner !
Il fit non de la tête. Il tenta ensuite de se dégager, mais il failli tomber, et finalement il s'accrocha à moi. Il articula :
- Pas... inquiéter ma... ma mère. Donc pas l'hô... L'hôpital...
J'en eus mal au cœur. Même grièvement blessé, il pensait à sa mère.
- Ecoute, je vais t'emmener chez moi. Je vais tenter de te soigner un peu, et demain, quand tu te seras reposé et que tu auras repris des forces, on ira à l'hôpital faire un bilan pour être sûr que tu n'as rien de grave. N'essaye pas de te débattre, tu feras ce que je dis. Point. Et pour le moment, je vais appeler ta mère pour lui dire que tu es chez un ami.
Après avoir parlé à la mère de Kang-Min, nous partîmes tous les deux. J'essayais tant bien que mal de le soutenir, mais une ou 2 fois on frôla la catastrophe.
45 minutes plus tard, nous étions chez moi. Je l'asseyais de force sur mon lit, et regardai ses blessures au visage. Il avait été frappé violement, un œil était enflé, de même que ses lèvres. Il avait du sang séché au coin de la bouche. Puis j'examinai son cou. Une ligne rouge démarrait à la base de sa nuque et continuait sous son pull. Je fronçais les sourcils.
- Déshabille-toi
- Mais tu vas pas...
- Fais ce que je te dis ! TOUT DE SUITE !
Il s'exécuta de mauvaise grâce, grimaçant sous la douleur. Je m'assis à côté de lui pour observer son dos. Je n'en revenais pas. Il avait des marques partout, rouge et boursouflées... On aurait dit des marques de fouet ou de... De ceinture. Je ne pus retenir une exclamation de stupeur. Je tournai sa tête pour le forcer à me regarder.
- Si tu ne me dis pas TOUT DE SUITE ce qu'il s'est passé, j'appelle ta mère pour qu'elle vienne. Et je suis sérieuse.
- Je t'interdis de faire ça !
- ALORS DIS-MOI ! Pourquoi est-ce que tu as de telles marques au dos ? Tu as des cicatrices partout ! Et des marques plus récentes ! Tout ton dos est à vif !
Mes yeux descendirent sur son torse et ses bras pour les examiner. Il avait dû recevoir des coups dans le ventre, et sur ses avant-bras je remarquai... des cicatrices. Droites. Nettes. Partout. Il avait tenté de se suicider. Il dû voir mon air effaré, car il tenta de cacher ses bras.
- Alors là... Tu as vraiment intérêt à t'expliquer, et vite ! Et pas de mensonges !
- Laisse tomber, ça ne te regarde pas !
Il attrapa son pull, fit mine de vouloir le remettre, et grimaça. Je le lui retirai des mains et le posai sur le lit.
- Très bien. Pour le moment on va oublier cette histoire. Ce soir je te laisse tranquille. Tu vas dormir ici. Ne réplique pas, tu ne partiras pas.
Je plaçai ma chaise de bureau dans la salle de bain. Je la posai sur une serviette, collée à la douche. J'aidai le blessé à se déplacer jusque là-bas, puis je pris dans mon placard ma trousse de premiers secours. Je nettoyais d'abord les plaies avec de l'eau chaude, ensuite je les désinfectai avec de l'alcool.
- Aïe ! Ça pique, ton truc !
- Normal, c'est de l'alcool ! Et tes plaies sont en train de s'infecter ! Donc si tu ne veux pas mourir, tu arrêtes de bouger et tu me laisses faire.
J'appliquais ensuite des compresses sur ses blessures, que je fixai à l'aide d'un scotch spécial. Une fois son dos soigné, je m'occupai de son visage. Ce fut plus délicat, car il n'arrêtait pas de bouger, mais je finis quand même par y arriver. Même avec ses blessures, il était beau. Ses traits étaient à la fois doux et forts. Je soupirai. Pourquoi était-il devenu comme ça ?
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Hein ?
Alors que je levais mon visage vers lui, je remarquai que nous étions physiquement très proches. Je reculai de surprise et failli tomber. Il rit, mais s'interrompit vite pour grimacer de douleur. C'était la première fois qu'il riait comme ça, avec moi. « Son rire est... réconfortant... NON NON NON ! STOP ! » Je fermai les yeux. Hors de question. Je ne pouvais pas penser de telles choses. Je me levai pour prendre des antidouleurs et un verre d'eau. Je revins ensuite dans la salle de bain et lui tendit les médicaments.
- Tiens, ça te soulagera, et tu pourras dormir tranquillement.
Il me remercia, avala les médicaments, puis je l'aidai à rejoindre la chambre. Je lui prêtai un de mes joggings un peu trop grands, j'arrivai à lui trouver un t-shirt large, un ancien t-shirt qu'un ami m'avait prêté un jour, car j'avais oublié le mien pour le sport, et je l'aidai à s'asseoir dans mon lit, avec des oreillers dans le dos.
- Restes comme ça, je vais te trouver quelque chose de facile à manger.
Je lui préparai de la purée, c'était rapide à faire et facile à manger. Quand il la vit, il parut au départ perplexe, mais il fit un effort et goûta... Pour au final finir toute l'assiette en moins de 5 minutes, ce qui me fit rire.
- Je... n'avais jamais mangé ça avant, et c'est pas mauvais.
- Bah écoute ce n'est pas très compliqué à faire ! il suffit d'avoir des pommes de terre, un peu de beurre, et un peu de lait ! En tout cas, contente que ça te plaise !
Je m'assis au bord du lit, à côté de lui. Il soupira.
- Pour... (Il désigna ses poignets et son dos) Pour ça...
- Ecoute, je t'ai dit que ce soir je te laissais tranquille.
- Autant t'en parler maintenant. (Il prit une profonde inspiration). Pendant un moment j'ai vraiment mal tourné. Juste, une petite info sur mon père... Il est décédé il y a 6 ans, en nous laissant une petite fortune. Seulement, ma mère ne veut pas y toucher. Elle préfère laisser le tout sur deux comptes en banque pour ma sœur et moi, pour plus tard. Enfin bref. Donc, le décès de mon père m'avait vraiment affecté... Tellement que j'ai commencé à me frotter à des histoires... qu'il aurait mieux valu éviter (il détourna le regard). En gros, alors que j'errais un soir dans Séoul, je me suis retrouvé dans un quartier « dangereux ». Et ce soir-là j'ai assisté à un meurtre... Bien sûr, j'ai été menacé de mort si je révélais quoi que ce soit. Mais ils ont poussé le vice plus loin en me forçant à travailler pour eux. Jusqu'à hier... Et là, parce que j'avais refusé de faire ce qu'ils m'ont demandé... Ils m'ont tabassé et laissé pour mort. Et comme tu as dû le voir, ce n'était pas la première qu'ils « me donnaient une leçon ».
Je l'observais. Il regardait dans le vide, l'air vraiment fatigué. Il n'était pas inquiet, il paraissait juste ailleurs.
- Et qu'ont-ils bien pu te demander... ?
Il soupira.
- Ils voulaient que je tue quelqu'un qui, comme moi, leur avait désobéi. Mais je ne pouvais pas.
Je le fixai. Il détourna le regard pour contempler ses avant-bras. J'avais envie d'aller voir ces cons et de leur exploser la tête. A la place je m'approchai de Kang-Min et le serrai doucement dans mes bras.
- Tout va s'arranger. Déjà, tu vas guérir. Ensuite, je suis sûre qu'on trouvera une solution pour ton problème. De toute façon ils te croient mort... et puis, ils finiront bien par être arrêtés.
Il sourit tristement.
- Tu as peut-être raison... Je n'aurais pas dû te juger sans te connaitre. Mais... Je ne sais rien de toi non plus. Pourquoi est-ce que tu t'es emportée comme ça, pour une simple boucle d'oreille ?
Je le lâchai et plongeai mon regard dans le sien.
- Je t'expliquerai tout ça plus tard, pour l'instant couche-toi et dors.
Je le regardais s'allonger à contrecœur. J'allais le protéger. Peu importe ce qu'il s'était passé au début de l'année, peu importe ce qui allait arriver ensuite, j'allais le protéger.
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