chapitre 20

PDV Alésia - en même temps que le chapitre 19

La froideur du sol transperçait ma tenue malmenée, la boue s'étalait sur ma joue et se mélangeait au sang déjà présent et collant mes cheveux par paquets, une odeur nauséabonde s'infiltrait de force dans mes narines. J'y étais, j'y étais vraiment retourné. Les yeux mis-clos, j'émergeai tout juste, que l'environnement où je reposais me réveilla entièrement. Je du me faire violence pour ne pas bondir sur mes pieds et secouer les barreaux de toutes mes forces pour m'enfuir. Le trou. J'étais encore au trou. J'avais tant fait pour qu'on ne puisse rien me reprocher et m'envoyer dans cette prison interne à la prison qu'était le centre où on pourrissait déjà, que la frustration fit trembloter ma lèvre inférieur. Non. Ce n'était pas le moment. 

Oui j'y étais, mais pour une bonne raison, je ne pouvais pas me laisser submerger par mes émotions. Je devais me contenir, me retenir, tout refouler, garder la tête froide, et rester lucide. 

Peu à peu, ma lèvre se calma, jusqu'à finalement ne plus tressauter. Je gardais la position dans laquelle j'étais, déjà à cause de la douleur qui me lancinait encore dans tout le corps, ensuite pour ne pas qu'une caméra perçoive mes mouvements et donc que qui que ce soit ne remarque que je suis éveillée. Je n'étais qu'à quelques centimètres des barreaux de ma cellule, et je pouvais ainsi voir une partie du couloir, la partie vers la sortie du trou, mais pas le reste. Je pouvais aussi voir des cellules, celle face à moi qui étais vide ainsi que celle à sa gauche, occupée cette fois. J'avais de la chance, Jun n'étais pas loin. Juste là, à quelques mètres. Il était au moins à portée de voix. Mais rien ne me disait s'il y avait des gardes ici. Mais je doutais que leurs frêles narines si sensibles supportent l'odeur de pourriture de cet endroit. 

Mais comment faire? Comment communiquer avec Jun sans me faire repérer par les caméras? Sans que sa réaction attire tout de suite les caméras? Mais je ne le connais pas tant que ça ce garçon. Jun Sholm... Je ne connaissais de lui que ce que j'ai pu entendre des autres, sans vraiment chercher à discuter avec lui. Mais je sais qu'il appréciait Daniel. Je sais que Jun avait souvent eu un poids d'importance dans les plans de Daniel, après tout il avait un contact, celui qui lui fournissait toutes ces choses qu'il troquait aux résidents. Mais c'est tout. Ce garçon espiègle, je ne savais rien de lui en définitive. Pourtant, j'étais bien là pour lui, pour le sauver. Risquer ma vie pour en sauver une autre... Je n'aimerai jamais ça. 

Je pris une légère inspiration, et me mis à respirer plus fort, en tentant de métriser le soulèvement de mon ventre. J'espérais qu'il entendrait ma respiration exagérée et qu'il lèverait les yeux vers moi, j'espérais si fort. Mais l'espoir n'a jamais réussi à se faire de place définitive entre ces murs gris et identiques. Il ne réagit pas. Il fallait que je trouve autre chose. J'entrouvris légèrement les lèvres et me mis à siffler. Mon sifflement était d'abord silencieux, puis petit à petit je parvins à émettre un son continu, que je jugeai bien suffisant pour qu'il m'entende. Mais non. Toujours pas. Jun restait assit le dos contre le mur, orienté vers moi mais le regard baissé. Putain. Je tentai à nouveau de siffler pour attirer son attention, priant pour que mon sifflement ne soit pas assez fort pour être entendu dans la vidéo qu'enregistrait les caméras, mais qu'il le soit suffisamment pour que Jun m'entende. Et finalement, après une troisième tentative, il finit par doucement relever la tête. Nos regards se croisèrent, mais aucun de nous n'émit le moindre son. Il se contenta de plonger son regard sombre dans le mien, ses yeux ayant perdu toute trace de leur malice habituelle. Il finit par renifler, laissant sa tête retomber en arrière sur l'un des trois mur de sa cellule. Tout chez lui montrait qu'il s'était résigné à son sort. 

-Pff... Il y a pas mal de vis à vis ici... Mais bon, j'aurais aimé avoir des voisins pour une fois, même si ça aurait été triste d'en avoir... 

Ses yeux restaient plongeait vers moi tandis que je levais les yeux pour tenter de dénombrer le nombre de caméras dans cette partie du couloir.  Un semblant de rire franchit ses lèvres, ramenant mon attention sur lui, alors qu'il parcourait des yeux le couloirs pour finalement relever les yeux vers ce que je devinais être une caméra de surveillance.

-Nan mais le service laisse à désirer ici. Franchement, il n'y a personne ici? A part ces... Quatre caméras que je peux voir? Vraiment? Parce que la belle aux bois dormant je la compte pas vraiment comme de la compagnie. Hé ho, quelqu'un? La personne derrière son ordi qui surveille? Non vraiment? 

Il émit un soupire sonore et plaça son sa main contre son visage, son menton dans sa paume en soutien à sa tête, de manière à ce que son visage soit caché par ses longs doigts à la caméra devant sa cellule. Je restais bouche bée devant cette performance. Il avait comprit que je cherchais les caméras? Vraiment? Je ne savais pas ce gars aussi intelligent. J'étais définitivement entourée de gens étonnant. Enfin... Avec Jun, et surtout Naëlle... Après tout, tout ça c'était bien son plan. Bon sang... Naëlle... Son plan était risqué, beaucoup trop à mon gôut mais il fallait qu'il fonctionne, surtout maintenant que j'y étais. 


Flash back

Le lendemain matin de ma dispute avec Tim, soit le jour de l'arrivée de Nawel, j'étais descendue tôt de ma chambre, avant le début du petit déjeuner . Je me sentais mal dans ma chambre, qui me paraissait encore en bordel même si ... James m'avait aidé à ranger. Je m'y sentais à l'étroit, j'étouffais. J'avais besoin d'air, d'espace, donc j'étais sortie. Finalement, "l'extérieur" m'oppressait tout autant. Ces grilles, qui nous maintenaient ici, captif comme des bêtes m'étouffaient aussi. 

Assise sur le banc que notre petit groupe disloqué occupait jour après jour, je me perdais dans la contemplation de fourmis avançant autour des mes chaussures. Elle étaient si petites, si faibles, je pouvais les anéantir si je le voulais, réduire leur maison à l'état de ruines... Et pourtant ces fourmis étaient si fortes et bien plus libres que moi. Elles pouvaient passer sans mal à travers le grillage qui m'était impossible de franchir. Bordel. Des bruits de pas se rapprochèrent de ma place, sans que cela ne m'atteigne vraiment, je restais perdue dans ma contemplation de cette chaine de fourmis ouvrières. 

-Alésia. On peut discuter?

Ce n'était pas une question. Sa voix monotone qui m'exaspérait à notre rencontre me faisait envie maintenant. Comment faisait-elle pour garder continuellement son calme? Je relevais les yeux vers elle après cette pensée, et laissais ses yeux sonder les miens, comme si cela lui permettait de lire dans mon esprit. Enfin, ça aurait pu être le cas si la télépathie avait été sa capacité. 

-B'jour à toi aussi, Naëlle.

Son expression restait la même, impassible, indéchiffrable, froide... Elle me regarda un instant puis releva les yeux l'espace d'une seconde pour aussitôt les redescendre sur moi, les sourcils froncés. Quoi? Qu'avait-elle ?  Elle me désigna d'un simple geste de tête les bâtiments auxquels j'étais de dos et posa sa main sur son ventre en murmurant tout bas un mot qui laissait entendre bien plus que ce qu'il signifiait "toilettes". Elle quitta le jardin en première et je restais là, encore un temps à observer ces fourmis. Quelles chanceuses.

[...]

A présent assise par terre, adossée au mur à la gauche du cabinet je gardais les yeux rivés sur le trou dans le mur que laissait apparaitre la dalle retirée de mon côté. Naëlle de son côté, parlait bas pour  éviter qu'une personne puisse entendre notre conversation, mais suffisamment fort pour que je puisse la comprendre clairement.

- Alésia, pourquoi t'es tu énervée hier?  

-Pourquoi? J'ai pas été assez claire déjà?  Sérieux, en quoi c'est compliqué de comprendre que je veux sortir d'ici, vivante. Je veux vivre encore longtemps, découvrir la vraie vie, le vrai monde, retourner chez moi, et pas croupir ici. 

-Tu veux rentrer chez toi, comme beaucoup. Tim aussi veut rentrer chez lui.

-Ouais, parfois j'ai l'impression que les coups d'jus qu'il a reçu lui ont complètement grillé le cerveau. Je sais que de notre groupe, Tim est sûrement celui qui souhaite le plus fort sortir d'ici vivant. C'est pour ça que je comprends encore moins sa réaction. Il est presque majeur, et il pense sérieusement à jouer au kamikaze pour un gars qu'il connait à peine... D'ailleurs, vous avez parlé après? Il a toujours pas changé d'avis?  Pas de soudaine prise de conscience à signaler?

-On est allé voir Amya.

Pas de réponse claire à ma question, mais l'information qu'elle me donnait était une réponse en soi. Non, il n'avait pas changé d'avis. Pire, Naëlle semblait même prête à participer à cette mission suicide. Je ne pus retenir un soupire, et vins me frotter les yeux avec les paumes de mes mains. Ils pensaient peut-être que leur vie était devenue trop paisible? Ils avaient besoin d'un peu plus d'action?

-Putain... Et donc? Quel intérêt de me le dire? Je ne vous suivrai pas, allez crever ensemble, main dans la main et foutez moi la paix.

-Tu te souviens de la seule promesse que tu as faite dans ta vie? La seule et unique promesse que tu as faite? C'était ici, au centre.

-...

Pourquoi? Que cherchait-elle à faire à présent? Quel était son putain de plan? Pourquoi ressortir ça maintenant?  Evidemment que je m'en souvenais, comment l'oublier? Et puis, ma décision respectait largement ma promesse.

-Ouais, j'ai promis à Daniel que je vivrai. J'ai fait de son souhait ma promesse. Et je m'efforce de la respecter, jour après jours. Je ne fais pas de vague, je reste tranquille, je vis.

-Oui. Tu respectes ta promesse. Mais qu'est-ce que tu fais de son rêve? Le rêve de Daniel, tu n'avais pas dit que tu l'aiderais à le réaliser? Non, qu'est-ce que tu avais dit déjà?

-... Que je ferai tout... Que je ferai tout pour réaliser son rêve... 

Alors c'était là qu'elle voulait en venir? Me faire culpabiliser? Me forcer à cause de mes obligations envers lui? Je savais Naëlle très forte pour ramener les gens dans son sens. Mais je ne savais pas qu'elle était si manipulatrice, a appuyer là où ça fait mal sans le moindre scrupule apparent... Elle et Daniel... J'avais toujours trouvé qu'ils avaient tous deux l'âme de leadeur, mais finalement, ils étaient encore plus différents que ce que je croyais. Daniel regrouper les gens, les unifiaient sous la même bannière, raviver le feu ardent de la révolte, de la solidarité entre tous. Pas Naëlle. Elle avait un objectif, un plan pour y parvenir et s'occupait de trouver ceux qu'il lui fallait pour, qu'ils soient d'accord ou non. Comment j'avais même pu trouver quelque chose de semblable entre eux? 

-Ouais, j'ai dit ça, mais j'ai pas promis... 

-Et? Tu ne veux donc plus réaliser son rêve?

-Si...

-Tu veux laisser les jeunes du Centre ici, malgré ce que tu lui as dit?

-Non.

- Tu vas trouver des excuses? Que tu ne pouvais pas faire les deux? 

- Non!

-Alors ouvre grands tes oreilles. On va le réaliser son rêve, et tu vas en même temps tenir sa promesse. 

Les lèvres serrées, je me redressais contre le mur sans quitter le trou des yeux. Heureusement qu'un mur nous séparait, face à elle, lorsqu'elle me regardait, j'avais bien l'impression qu'elle pouvait infiltrer mon âme et s'y promener le plus facilement du monde. Là au moins, je me sentais protégée de cette intrusion.

-T'es sûre ? Tu peux vraiment faire ça? Réaliser le rêve de Daniel, et me faire tenir ma promesse?

-Oui. Mais je ne pourrais rien faire seule. Donc heureusement que je ne le serai pas. Heureusement qu'il y a Tim, Maxwell, James et toi. Pas vrai?

-... Alors heureusement que tu me promet que je pourrai tenir ma promesse. Hein?

Elle mettait bien trop de temps à répondre à mon goût, mais peut-être l'avais-je surprise. Peut-être qu'elle ne s'attendait pas à ça. Mais si elle était si sûre de pouvoir me compter dans son plan, je devais alors être sûre qu'elle ne me mettrait pas en danger. 

-Oui, bien-sûr. Heureusement que je te le promet.

j'opinais à sa réponse, même si elle ne pouvait le voir et sans attendre un instant de plus elle enchaîna.

-Il faut que tu trouves un moyen d'aller au trou.

-Quoi?

- Oui, on a besoin de Jun pour réaliser le rêve de Daniel. 

-Mais, mais pourquoi moi?

- On ne peut pas envoyer Tim, c'est trop risqué pour lui et madame Thian pourrait en profiter pour se débarrasser définitivement de lui en même temps que Jun. Maxwell ne saurait pas garder son calme et que lui aille au trou serait déjà trop étrange, et il s'occupe de James. Moi je ne peux pas, je dois encore régler plusieurs choses. Donc c'est toi qui dois y aller. En plus, Amya est venue te voir toi, c'est à toi qu'elle a demandé de l'aide pour faire sortir son frère. Et Jun t'apprécie comme il t'associe à Daniel. 

-Ok... Je vois que j'ai pas trop le choix. Et... C'est quoi ton plan? 

-Déjà, les jumeaux Sholm avaient un plan. Amya nous l'a expliqué, mais elle n'a pas pu nous dire qui était leur soutien. En fait, il n'était en contact qu'avec Jun, parce que il le connaissait avant. Donc, il faut que tu arrives à entrer en contact avec Jun pour savoir ça, on aura besoin de cette information. S'il connaissait Jun avant et qu'il l'aidait en lui fournissant des choses ici jusqu'à présent malgré ce qu'il risquait, ça veut dire que Jun n'est pas n'importe qui pour lui, donc une fois qu'on saura qui il est, on pourra se servir de lui. Mais sache le, je n'ai pas de moyen sûr pour garder contact avec toi une fois au trou, donc dès que tu y sera emmenée, je lancerai un compte à rebours. On organisera une diversion le soir de ton premier jour de détention, un gros truc qui sèmera la zizanie chez les gardes, ainsi ce sera plus facile de venir pour vous libérer. Mais tout se passera très vite. La diversion ne durera pas très longtemps, donc il faudra être parfaitement coordonné . Parce que le but sera de faire sortir non seulement les jumeaux, mais une troisième personne.

-Wah... On dirait que pas que t'as fait ce plan seulement après avoir parlé à Amya.... Et c'est qui l'autre personne?

-Gloria.

Je me figeai instantanément. Non. Non, non, non. Pas Gloria. Evidemment, Naëlle ne pouvait pas voir ma réaction, et tant mieux. Elle aurait su que quelque chose n'allait pas avec ça, et j'aurais du lui parler de Gloria à l'infirmerie... 

-Gloria sera une carte maitresse du plan. Une fois sortie, elle rapportera tout ce qu'il se passe réellement au Centre à son père. Là encore, il faudra qu'elle agisse vite. 

-Mais... Gloria est super faible d'après ce qu'on dit... Comment elle pourrait rejoindre son père assez rapidement pour le mettre au courant? Le temps qu'elle le rejoigne, la vieille Thian aura eu le temps de tous nous zigouiller et de se barrer...  En plus elle habite où Gloria? Comment vous saurez où est son père?

Non... Pourquoi parler de Gloria? Si on apprenait que j'avais caché ce que je savais... Bon sang est-ce que Tim me laisserait m'en sortir entière?  Et les autres, comment réagiraient-ils ? Me détester? Me maudire? Vouloir se venger de mon inaction? 

-Pas de problème. Elle est normalement bouclée dans sa chambre, Max est le plus discret, il sera chargé d'aller la sortir de là et les jumeaux partiront avec elle, dans une voiture. Dès qu'ils seront sorti du Centre, ils devront le contacter, par téléphone.

-Mais... Mais, c'est beaucoup trop incertain, il y a trop facteurs incertains dans ton plan là!

- Alésia. Ne t'en fais pas, tu ne seras pas en danger. Ce que tu dois faire toi, c'est te faire envoyer au trou avant que les deux jours qui restent à Jun ne soient écoulés, et lui parler du plan. Je te fais confiance, tu y arriveras . 


Putain... J'ai tardé. Il ne reste que demain. Mais ça va le faire. Ouais, après tout, d'après le plan de Naëlle, le soir-même de mon arrivée au trou, elle fera diversion. Ouais, faut faire confiance à son gros cerveau. 

J'étais descendu dès le début du dîner, 19 heure donc. Et la p'tite bagarre avec l'autre est tombée à pic! Déjà parce que la cogner m'a fait un bien fou, j'ai du trop accumuler de stress ces derniers temps. Et puis, cette meuf est une vraie tête à claques. Nan, à baffes même. Et enfin, c'était parfait pour m'envoyer au trou. Bon... Notre bagarre a du durer un p'tit moment, ou pas... Je ne peux pas en être sûre. Mais maintenant... Il faut que je sache combien de temps j'ai été inconsciente? Putain, et si la distraction de Naëlle était déjà passé? Et si le plan avait foiré? Non... Non, non, non! Avec tant d'incertitudes je ne pouvais pas me permettre de continuer à suivre le plan de Naëlle à la lettre. Et puis, ce n'était pas comme si je le changeais totalement.

Mon débat intérieur prit fin, et j'étais enfin fixée sur ce que j'allais faire à présent. Décidée, je me relevais en dirigeant aussitôt mon regard vers Jun. Celui-ci se redressa dès qu'il m'aperçut et papillonna des yeux un moment en regardant tour à tour les caméras. Je frottai mon visage pour le débarrasser de la terre et des diverses saletés qui s'y étaient accrochées et passai mes cheveux crasseux dans mon dos. Même si je ne comptais plus faire la morte, ce n'était pas pour autant que je comptais hurler le plan pour que les caméras puissent l'enregistrer. Alors, non sans peine, je me rapprochai des barreaux à la force de mes bras, mes jambes étant toujours trop douloureuse pour que m'appuie dessus.

- Jun. Je dors depuis longtemps?

- Heu... Une vingtaine de minutes peut-être? Ou trente? Peut-être même plus, il n'y a rien ici pour m'indiquer l'heure, donc je sais pas.

Merde. Et donc, comment savoir si en ce moment le plan se déroule bien?

- Ah, mais t'es vers la cafétéria du bâtiment Cérébral non? T'as pas, j'sais pas moi, entendu beaucoup de bruit qui pourrait dire si ou non, ils mangent? 

Jun m'observa en fronçant les sourcils pendant un moment. Il ne devait pas comprendre ce qu'il me passait par la tête. Après tout, c'était tout juste si je me comprenais moi-même! Mais il ne posa pas plus de questions malgré qu'il semblait intrigué, et releva les yeux vers le plafond de sa cellule en silence. Après quelques secondes ainsi passées, il retourna son regard sur moi en haussant les épaules.

-J'entends pas assez pour dire s'ils mangent là. 

- Okay... Bon... C'est bon, ça va bien se passer...

- Hé, t'as fait quoi pour te retrouver ici? 

- Hein? Ah, j'me suis battue.

-Sérieux? Contre qui? Tim? Vous arrêtez pas de vous chamailler tous les deux!

-Nan... Sinon il serait là aussi. J'me suis battue contre une nouvelle. Nawal j'crois.

- Nawal? J'connaissais une fille qui s'appelait comme ça avant. Elle était très timide, tout le contraire de son frère. C'était une gentille fille tu sais. Quand j'suis parti, elle avait quatorze ans, prenait des cours de théâtre et apprenait à tricoter avec des vieilles de son immeuble. Elle avait été adoptée. C'était la mère de mon pote qui avait voulu. Et quand les parents de mon potes ont divorcé trois ans plus tard, elle était paniquée, apeurée, et elle culpabilisée. Elle pensait qu'elle était peut-être liée à leur divorce, et elle était sûre qu'ils allaient l'abandonner comme la mère de mon pote ne voulait pas la garde des enfants. Mais non, Le père l'a gardé, elle et son fils biologique, et il ne les a jamais traité différemment. 

Il y avait cette drôle d'expression sur son visage. Cette expression qui révélait une immense fatigue et un soulagement tout aussi fort. Comme un vieil homme arrivait à la fin d'une vie bien vécue. Jun était résigné. Il ne pensait plus pouvoir s'en sortir, et pourtant, il avait l'air si calme alors qu'il attendait la mort.

Mais putain, je n'ai pas besoin de ça moi! J'ai besoin qu'il soit hargneux comme je sais pas quoi, j'ai besoin qu'il ait envie de vivre, qu'il fasse tout pour! Je ne suis pas descendue en suivant ce plan suicidaire pour rien!

-Hé,  Jun Sholm. Ta gueule.

Il ouvrit de larges yeux en me regardant. Son visage était tiré par la surprise .

-Tu fermes ta gueule si c'est pour parler comme ça. Tu veux crever? Pourtant t'avais bien aidé à la révolte.

-... Personne n'a vraiment envie de mourir tu sais. Moi non plus . Mais parfois faut être réaliste. 

Je pris une profonde inspiration et m'adossais aux barreaux de ma cellule, le visage tourné vers Jun. Je me mis à parler plus bas, plus doucement.

-Ta sœur est venue me demander de l'aide. Et devine quoi, je suis là pour ça. Jun, pour le bien de tous, dis moi le nom de ton soutien.

Il déglutit et se rapprocha du coin de sa cellule, les mains cramponnées aux barreaux. 

-... Alors, ça veut dire que, la révolte recommence?

-... J'crois même qu'elle ne s'était jamais arrêté. 

Il prit de nouveau un temps avant de me répondre, comme pour prendre le temps d'analyser mes paroles et leur signification. Quand il releva la tête vers moi, son regard était brillant. Brillant d'énergie, de force et de vie. De tout ce qu'il faut pour rester en vie.

- Alexio Pergnant. Il est garde ici, c'est le père de mon ami. 

- Et donc, t'es ici parce qu'il t'as laché? C'est bien ça?

- J'sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais oui, j'imagine. Sa famille ne devait plus être en sécurité. Je vois pas ce qui l'aurait poussé à faire ça sinon.

- Et tu connais ses horaires? Où il est en général?

- Ouais, il est souvent à la cafèt pendant la semaine, mais le vendredi et le dimanche, il est toujours au portail, à l'entrée arrière pour les camions.

-Okay. Jun, à un moment on viendra nous chercher pour sortir.

Le regard de Jun était comme une fenêtre sur sa réflexion, et je savais qu'il avait comprit le sens de mes mots. Qu'il avait comprit, que je ne parlais pas des gardes, mais bien de ceux de notre côté. Il avait comprit, que nous renaissions des cendres de la dernière révolte. Et bientôt, d'autres allaient le comprendre. Sur cette pensée, je relevais les yeux sur une caméra, et la fixai. Oui, bientôt, tout le monde le comprendrait, parce qu'il était déjà trop tard. Trop tard pour nous arrêter, trop tard pour nous faire perdre espoir, trop tard pour eux. Naëlle a un plan, et j'ai décidé de lui faire confiance. De toute façon, il est trop tard pout faire demi-tour.



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