Vingt-quatrième Chapitre.

[Mardi 25 Octobre. Heaven et ses amis rentrent de leur entrevue avec le roi, devant se préparer à partir bientôt au combat.]

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— Il t'a dit quoi ? me demande Joyce quand je suis finalement mes amis jusqu'à la rue.

— Rien de spécial, soupiré-je. Il m'a dit que mon plan était très risqué et voulait juste s'assurer que j'étais prête.

Elle hoche la tête, et nous continuons notre chemin vers chez nous.

— Vous vous en doutez, intervient alors Zac à la tête du groupe, je ne pourrai pas vous suivre tout à l'heure.

Le groupe reste muet, et je baisse les yeux vers lui avec amertume. Il est pour le moment invalide, et il lui sera donc impossible de se joindre à nous dans ce combat déterminant.

Joyce pose la main sur son épaule.

— Tu resteras à la maison, dit-elle doucement. Et avec un peu de chance, on reviendra vainqueurs et il n'y aura pas d'affrontement.

À l'instant où elle prononce ces derniers mots, je sens la main de Jake se glisser dans la mienne, et lève des yeux surpris vers lui. Il m'intime un regard mélancolique, auquel je réponds en serrant mon étreinte autour de ses doigts. Il a lui aussi entendu l'espoir de Joyce. Et il sait lui aussi qu'il est naïf de penser que tout ira pour le mieux. Il connaît Jorah, maintenant, et tout comme Thaniel et Molly, il sait que nous n'en ressortirons pas indemnes. Nous allons devoir faire face au pire ennemi que nous puissions imaginer, et personne ne peut dire qu'il n'y aura pas d'affrontement. Car quelle que soit l'issue de la négociation avec les Bannis, une fois que Jorah sera devant nous, il fera tout pour nous détruire et parvenir à ses fins par lui-même. Mais laissons Joyce et Zac profiter de ce qui leur reste d'insouciance. Je ne veux pas qu'ils subissent encore la peur de perdre l'autre.

Dès que nous pénétrons dans la maison, nous relâchons tous des soupirs de soulagement.

— Il faudra qu'on prenne nos armes, déclare Joyce en longeant l'entrée.

— Vous avez une pièce pour s'entraîner ? s'enquiert Thaniel.

La Kitsune acquiesce vivement, et lui fait signe de la suivre jusqu'à la salle de sport en bas. Un sourire nostalgique étire le coin de mes lèvres, puis je secoue la tête. Restant silencieuse, j'observe le reste du groupe se diriger vers le salon et ressens le besoin de m'isoler. Je m'éclipse en vitesse en me hâtant à l'étage pour gagner ma chambre. En grognant, je me laisse tomber dans mon lit, bras en croix et tête enfoncée dans mon oreiller. Puis, après un long instant de silence, je laisse échapper un cri étouffé par les coussins. Je hurle de toutes mes forces en accrochant les draps, comme si cela allait évacuer toute mon appréhension et ma frustration. En réalité, cela marche un peu, car je me sens soulagée d'un poids, et mon énergie s'envole légèrement. Je me retourne pour m'étendre sur le dos, puis fixe le plafond. Mon cœur bat dans tout mon corps, je peux sentir le sang bouillir dans les veines de chacun de mes membres crispés. Je n'ai jamais été aussi tendue, aussi anxieuse et à la fois aussi... détachée. C'est un sentiment étrange. J'ai l'impression de tout vivre et ressentir à mille pour cent, tout en me forçant à ne rien ressentir pour ne pas m'effondrer. J'ai presque peur de devoir éteindre mes émotions et retrouver l'automatisme que je m'étais imposé lors de la première bataille, au risque de me voir mourir de peur. Je cache ma terreur derrière une force dont je ne sais si elle m'appartient ou non, je m'empêche de laisser sortir les larmes dans ma gorge, je repousse mes tremblements de faiblesse, et tente par tous les moyens de garder la tête haute. Je voudrais parfois redevenir l'adolescente innocente qui pleurait pour un rien que j'étais en découvrant ce monde. Maintenant, j'ai mille raisons de pleurer, et je n'en fais rien. Je serre les dents, me détruis les paumes de mains et laisse mon cœur se broyer encore un peu plus, repoussant le moment où il explosera.

J'entends frapper à ma porte, et me redresse brutalement sur mon lit pour voir un bout de tête dépasser par l'embrasure. Jake. Un sourire étire doucement mes lèvres alors que je le laisse entrer en m'asseyant en tailleur sur mon lit, adossée au mur.

— Je ne vais pas te demander si ça va, raille-t-il en prenant place sur le bout du matelas.

Je soutiens son regard sans un mot, et l'invite à s'installer plus confortablement. Alors, il s'exécute et se place face à moi en plongeant ses yeux dans les miens.

— Tu es distante, souffle-t-il.

Je ne réponds pas, et serre la mâchoire en observant les paillettes dorées de ses iris s'affirmer sous l'émotion.

— Tu es trop distante, répète-t-il, et je le comprends, mais ça me dérange. Depuis qu'on est rentrés, tu t'es renfermée, et je sais que c'est parce que tu veux attendre que tout soit terminé, mais...

— Arrête de te prendre la tête, Jake, le coupé-je. J'ai juste besoin d'être seule pour réfléchir.

— Réfléchir à quoi ? À ta peur ? À tous les pires scénarios qui pourraient se dérouler ? Tu n'as pas besoin de réfléchir, tu rumines, là.

— Jake...

Ma voix est presque suppliante. Je n'ai pas la force de lui résister, et il le sait. La simple raison pour laquelle je m'efforce de rester distante alors que je voudrais me blottir contre lui est que je sais qu'il peut me faire m'effondrer en un instant. Et je me le répète, je ne dois pas m'effondrer, pas encore.

— Je m'en fous de ce que tu penses, Heaven, sévit le loup-garou. Je ne veux pas que tu passes tout le temps avant la confrontation seule à angoisser encore et toujours, à culpabiliser et à envisager le pire alors qu'on essaie de se changer les idées.

— Je ne veux pas me changer les idées, marmonné-je. Tout ce qui se passe, là, c'est...

— Non, ce n'est pas de ta faute, devine-t-il.

— Ce n'est pas ce que je dis.

— Si !

Je sursaute face à son soudain élan, et me crispe intégralement. Je ne décroche pas son regard, mais ai du mal à repousser mes tremblements fébriles.

— Si, répète-t-il plus calmement. C'est exactement ce que tu te dis. Tu prends l'entière responsabilité de toute cette merde sans t'en rendre compte, et tu penses que si ça ne marche pas, ça sera à cause de toi. Sauf que tu ne dois surtout pas te sentir comme ça. Tout ce que tu as fait, c'est pour nous sauver, et tu t'es acharnée jusqu'à la fin pour empêcher Jorah de faire de toi ce qu'il voulait. Tu n'as rien à voir avec les possibles issues tragiques d'aujourd'hui. Rien, strictement rien. Donc je t'interdis, tu m'entends bien, je t'interdis de te flageller pour ce contre quoi tu t'es battue pendant des jours.

Mes lèvres tremblent, et je triture mes doigts en baissant irrépressiblement les yeux. Il a pointé exactement ce qui n'allait pas. Cette culpabilité sourde et ridicule que je ne peux m'empêcher de ressentir.

— Tu as pensé à... si on n'arrive pas à vaincre Jorah ? fais-je d'une petite voix.

— Oui, j'y ai pensé, répond Jake.

Lentement, il prend mes mains et s'approche un peu plus de moi. Ses yeux brillent et expriment mille émotions qui me sont impossibles à déchiffrer. Je frissonne de tout mon long, foudroyée par ce qu'il déclenche en moi.

— Et... poursuit-il, je ne veux plus y penser. J'ai juste envie de penser à toi, à Joyce et à Zac. Je veux penser au bonheur que c'est de vous retrouver après tout ce temps de solitude, après tout ce désespoir. J'ai envie de me dire qu'on va être heureux, qu'on va survivre et qu'on va continuer à profiter de l'histoire qu'on a commencé. J'ai envie d'espérer, alors s'il te plaît, espère avec moi.

Je laisse un sourire s'ébaucher sur mon visage, alors que je tremble de plus belle. Jake resserre la pression chaude de ses doigts dans les miens.

— C'est toi qui m'a fait tenir, Heaven, ajoute-t-il d'une voix rauque. C'est toi qui m'a donné envie de continuer à me battre alors que tout me disait d'abandonner. Je ne veux pas te voir perdre l'espoir que tu as fait naître en nous tous. En moi.

Je baisse la tête, me sentant prise de trop de vertiges pour soutenir son regard. Il n'a pas le droit de dire des choses pareilles, non, il n'a pas le droit. Pas maintenant, pas alors que je veux éviter toutes ces émotions qui me rendent si faibles.

— Jake... dis-je d'une voix à peine audible. Comment... comment tu peux ne pas avoir peur ?

— Tu crois que je n'ai pas peur ? se moque-t-il. Sérieusement ? Je flippe à mort, oui !

Je souris tristement, mais arrime de nouveau mes yeux aux siens. J'y lis tout ce à quoi je veux m'accrocher, tout ce qui fait battre mon cœur si fort à cet instant, qui me donne envie d'ignorer toutes mes craintes et le suivre aveuglément.

— Mais je me concentre sur le reste, continue Jake d'un air plus sérieux.

Je reste solidement accrochée à son regard et à ses mains, immobile et muette, les lèvres tremblantes. Je suis à deux doigts de fondre en larmes.

— Donc tu fais semblant d'aller bien ? osé-je railler silencieusement.

Il pouffe et secoue la tête en soupirant, un doux sourire aux lèvres.

— Non, je ne fais pas vraiment semblant. Je ne vais pas bien, mais je l'accepte. Et quand tout ça sera fini, on en parlera. Mais actuellement, ça va, je ne suis pas au fond du gouffre. Je l'ai été pendant des jours, et là, je viens de retrouver toutes les rares choses qui me rendent heureux, donc ça va.

Je penche la tête sur le côté, amusée malgré moi par sa légèreté. Je m'inquiète affreusement pour lui, car je sais que ce qu'il a vécu chez les Bannis l'a profondément touché et qu'il veut le masquer par tous les moyens pour que personne ne le voie. Sauf que je le vois, parce que j'ai vécu moi aussi. Et nous en parlerons, il a raison, plus tard.

— Moi aussi, j'ai retrouvé tout ce qui me rend heureuse... hésité-je.

Jake sourit, et je vois sur son visage se dessiner toute la mélancolie qui s'abat sur nous à cet instant. Il détache une de ses mains des miennes pour venir poser ses doigts sur ma joue. Je sens tout de suite la chaleur qui s'en répand, et je comprends qu'il utilise un peu de son pouvoir pour calmer mon angoisse. Cela finit de m'affaiblir, et je serre les paupières pour m'empêcher de pleurer.

— Je ne veux pas te voir comme ça, chuchote Jake. Je veux te voir me sourire, je veux pouvoir t'embrasser et sentir que tu ne penses pas que c'est peut-être la dernière fois que je le fais, je veux pouvoir te toucher sans que tu m'évites, et je veux que tu me dises honnêtement quand tu as peur.

Je n'arrive pas à m'empêcher d'ouvrir les yeux pour le regarder, et je sens les larmes brouiller rapidement ma vue quand je vois toute la douceur dans son regard, toute la chaleur qui s'échappe de lui, toute l'affection que je lis sur ses traits. Mon ventre me fait mal, ma gorge me brûle et mon cœur me paraît exploser sous ma poitrine, mais je suis anesthésiée par l'amour. Par tous ces sentiments qui s'étaient tus pendant trop longtemps et qui resurgissent dès que je le regarde.

— Tu n'as pas besoin de te cacher, avec moi, murmure Jake en glissant ses doigts derrière ma nuque.

Je laisse échapper un sanglot de ma gorge, puis plaque mes mains sur ma bouche alors que les larmes commencent à rouler sur mes joues. Jake ne dit pas un mot, et s'approche de moi tout en venant enfouir ma tête dans son cou. Je m'abandonne alors à ses bras, et affaisse tout mon corps contre le sien en me laissant pleurer silencieusement. Les larmes coulent sans bruit, inondent mon visage et perlent sur sa peau. Je sens ses bras me serrer fermement contre lui, et je me laisse envelopper par son étreinte chaleureuse. Je ferme les yeux, m'enivrant de son odeur et de sa présence comme je ne l'ai jamais fait auparavant.

— Je suis désolée... articulé-je.

— Pourquoi ? s'étonne-t-il contre mon oreille.

— Tu dois me réconforter alors que tu ne vas pas bien. C'est super égoïste, je suis désolée...

Il se met alors à rire, et j'en reste si stupéfaite que j'arrête de pleurer. Je rouvre les yeux, pantoise, alors qu'il se décolle un peu de moi pour venir prendre mon visage en coupe, glissant ses pouces sous mes yeux humides. Son rire clair et doux continue de nous entourer, et il sourit de toutes ses dents en détaillant mon visage sûrement bouffi. Puis, il plonge son regard dans le mien, arrêtant de rire, le noir profond de ses iris plus brillant encore que quand nous nous sommes retrouvés.

— Tu ne te rends pas compte à quel point je... sourit-il.

Il ne termine pas sa phrase, mais me lance un regard si intense que je me sens fondre sur place. Je suis envahie d'une chaleur indicible qui vient brûler mes entrailles, et n'ai pas le temps de la calmer avant qu'il ne se jette sur mes lèvres. Je réponds à son baiser avec avidité, et il presse sur mes joues quand nos langues s'entremêlent. Je me colle un peu plus à lui, la poitrine en feu et le souffle coupé, alors que je le sens bouger pour prendre ma place sur le lit. Rapidement, sans quitter ma bouche, il s'adosse au mur et je me retrouve sans trop savoir comment à califourchon sur lui. Je pose les doigts sur ses joues, et approfondis notre baiser en puisant en ses lèvres pour retrouver toute la force dont j'ai besoin. Je ne réponds plus de rien. Tous mes sens sont en alerte, mon corps entier me paraît être piqué d'un million d'aiguilles brûlantes, et je frissonne de tout mon long. Jake fait glisser ses doigts sur mes cuisses et dans mes cheveux sans se décrocher de ma bouche, et je me sens alors prise de tant de sensations violentes que j'ai l'impression de ne plus être consciente. Je suis frétillante d'un désir que je n'ai encore jamais ressenti, j'ai l'impression de bouillir de partout et d'être en train de flotter. Les sensations qui animent mon être et retournent mon ventre sont si intenses qu'elles me paraissent irréelles. Je ne respire plus, je ne vois plus, je ne vis plus que par ses lèvres. Je suis envahie par tout ce que je ressens pour Jake en un instant, tout à la fois, et c'est si puissant que je pourrais m'évanouir. M'évanouir d'amour, littéralement.
Jake accroche soudainement ma nuque, avec un désir si brutal que je me sens trembler de partout. Je me cambre instinctivement lorsqu'il fait courir sa main sur le bas de mon dos, et sens alors son bras frôler la peau du mien. À son contact, ma chair frissonne avec une telle violence que j'en ai mal, et chaque cellule de ma peau me semble se mettre à fondre. La chaleur est si intense que j'ai l'impression de suffoquer, à un point que je suis obligée de couper court à notre baiser pour reprendre ma respiration. Haletante, je soutiens le regard brûlant de Jake, incapable de sortir de mon exaltation. Je vois ses yeux étinceler, et le jaune autour des ses pupilles s'affirmer à mesure qu'il intensifie le regard que nous échangeons. Ses iris me paraissent être un brasier qui n'attend que de m'étouffer dans ses étincelles. Je me laisserais brûler jusqu'au plus profond de mon être avec plaisir, m'abandonnerais aux flammes de son désir sans hésiter une seule seconde si j'écoutais mon âme incandescente. Il recommence à son tour à respirer, et alors que je cligne enfin des yeux, je décroche mon regard du sien et nous nous immobilisons. Je viens d'être brutalement arrachée à ma torpeur passionnée. En prenant conscience de la situation actuelle, je me sens virer écarlate, et Jake doit le voir puisqu'il sourit de plus belle, se rendant à son tour compte de notre frénésie. Qu'est-ce qui nous prend ?

Je regarde la position dans laquelle nous sommes, et me mets à rire nerveusement, sans pour autant réussir à me détacher de lui. Je reprends ma respiration, ayant du mal à faire redescendre toute la folie qui s'était emprise de moi. J'ai été complètement grisée par le désir et la chaleur, oubliant tout le reste. J'aurais pu faire n'importe quoi...

Ne supportant plus le contact torturant de Jake, je me détache de lui en me lève du lit. Je m'évente avec mes mains, m'approchant de la fenêtre pour fuir à tout prix son regard et l'atmosphère bien trop charnelle qui s'était installée.

Malheureusement, je suis vite rejointe par mon petit-ami taquin, qui ose glisser ses doigts sur mon épaule.

— Ne me touche pas, me hâté-je de dire, la respiration lourde.

Je m'écarte de lui en le fusillant du regard, et il s'esclaffe.

— Quoi, tu as peur de ce que je pourrais te faire ?

Je soutiens son regard ardent, et entrouvre les lèvres, prise à nouveau de vertiges. Ça ne devrait pas être légal d'avoir un tel effet sur quelqu'un.
Je déglutis, et ferme les yeux un instant pour reprendre mes esprits. Puis, je me penche un peu vers lui et déclare, devant rassembler tout mon sang froid pour ne pas reculer :

— Non, j'ai peur de ce que je pourrais te faire.

Ma réponse a l'effet escompté, puisqu'il ne rit même pas. Il ouvre grand la bouche, un sourire ahuri sur le visage, les yeux pétillants. J'ai réussi à retourner la situation contre lui, juste comme je l'espérais. Je ne sais pas comment j'ai osé dire un truc pareil, mais je suis affreusement fière. Il va falloir qu'il arrête de me faire perdre tous mes moyens comme ça, je ne suis pas sûre de pouvoir le supporter. Avec un peu de recul, c'est finalement lui, ma plus grande menace. Il suffit qu'il m'embrasse pour me tuer, clairement.

Il garde son regard solidement accroché au mien, et je sens rapidement la constance que j'avais pu récupérer me quitter de nouveau sans crier gare. Grâce à lui, j'ai réussi à ne plus penser à rien, j'ai réussi à oublier le monde et je ne m'étais jamais sentie aussi bien. Le retrouver est mieux que tout ce que j'espérais, et il est véritablement la seule chose qui me rende aussi heureuse. Il n'y a qu'avec lui que je peux oublier.

Soudain, quelqu'un frappe à la porte, et je sursaute comme si j'étais endormie. Jake se moque de moi avant d'aller ouvrir. C'est Joyce qui apparaît.

— Je ne voudrais pas vous déranger, les amoureux, mais il faut qu'on soit prêts.

Jake me coule un regard frétillant auquel je souris avant de le suivre sur le palier.
Nous descendons les escaliers sans un mot, et arrivés au rez-de-chaussée, je sens la main de Joyce agripper mon bras pour me tirer vers elle. Elle me lance un regard lourd de sens, un sourire hilare sur le visage.

— Dis moi, c'est quoi ces cheveux en bataille ?

Je sens la chaleur affluer à mes joues, et remets ma chevelure en place tout en m'assurant que Jake ne nous a pas entendues. Voyant qu'il se dirige vers le salon sans nous attendre, je me retourne vers Joyce et me rapproche d'elle.

— Je ne sais pas ce qui nous a pris, fais-je en haussant les sourcils. On s'est juste embrassés, mais c'était... chaud.

Joyce étouffe son rire dans sa main, masquant avec difficulté son excitation.

— La situation décuple un peu tout, sourit-elle. Bande de petits coquins.

— Chut ! la réprimandé-je en tapant son épaule.

Je choisis d'ignorer ses moqueries suivantes en la précédant dans le couloir. Cependant, je n'arrive pas à repousser le large sourire qui se dessine sur mon visage malgré moi. Je l'ai retrouvée, elle aussi et son excitation explosive à chaque fois qu'elle me voit avec Jake. Parfois, j'ai l'impression qu'elle vit la relation à ma place. Elle est intenable, et c'est exactement pour ça que je l'aime autant.

Nous rejoignons nos amis dans le salon, et je m'adosse à un des battants de la porte en saluant tout le monde, évitant soigneusement le regard de Jake. Je reste silencieuse, et pose les yeux sur chacun de mes amis présents, me laissant aller à la mélancolie dangereuse qui torture doucement mon esprit. Je suis chez moi, je ne dois penser à rien d'autre. Et je vais savourer chaque minute qui me sépare de mon pire cauchemar.

Après un peu moins d'une heure, nous avons tous repris des forces en mangeant et nous préparant physiquement dans la salle d'entraînement. J'ai pu reprendre en main mon arme, ma véritable dague, et l'énergie qui s'est emparé de moi à l'instant où j'ai vu ses flammes bleues l'entourer a été indescriptible. Celle que j'utilisais chez les Bannis avait beau être une parfaite réplique, c'est celle-ci qui m'a choisie, qui s'est liée à mon corps et à mon esprit d'une façon inexplicable, et qui fait à présent partie de moi.

— Je crois que vous devez partir ! résonne à l'étage.

Intrigués par l'éclat de voix de Zac, nous nous empressons tous de quitter la salle d'armes pour le rejoindre dans le couloir.

— L'armée est dehors, annonce-t-il d'une voix grave.

Mon cœur bondit violemment dans ma poitrine, je m'enquiers d'un regard à mes amis qui ont tous le même air inexprimable sur le visage. Puis, nous redescendons afin d'empoigner chacune de nos armes respectives. Molly reste donc pantoise, Ondine par nature pacifique, mais Joyce lui lance un léger sabre.

— Désolée, ma chère nymphe, mais il faut que tu prévoies de te battre, déclare la blonde en faisant ensuite siffler son katana dans l'air.

Molly serre le manche du sabre en lui répondant d'un regard déterminé. Je n'aurais pas pensé la voir aussi audacieuse, mais il semblerait qu'elle soit prête elle aussi à prendre part au combat.

J'observe chacun de mes alliés puiser dans la force que leurs armes leur confère, gonflant mes poumons d'adrénaline et de témérité.

Pendant que nous remontons, je plonge ma main dans ma poche et entre en contact avec mon pendentif. La dernière fois que je l'ai porté, c'était pendant la bataille avec les Bannis. Après cela, je l'ai gardé près de moi mais n'ai plus voulu l'accrocher à mon cou. Il me servait de symbole d'espoir, et je me disais qu'une fois que je retrouverais les miens, je le reporterais, je redeviendrais moi même.

Alors, d'un geste étrangement lent, je fais pendre le collier sous mes yeux avant de le faire glisser sur ma peau. Lorsque je termine de l'accrocher, je garde les doigts dessus et prends une profonde inspiration. Il me donnera la force de vaincre. Je quitte donc des yeux ma poitrine décorée par ces jolies ailes argentées, et accorde mon attention à mon arme étincelante. Tout va bien, maintenant. J'ai retrouvé ma vie, alors je peux partir.

— Tu viens ? s'assure Jake alors que le reste du groupe s'élance déjà vers la porte d'entrée.

Le cœur battant, je m'avance en acquiesçant. Je regarde tout le monde dire au revoir à Zac, et Joyce le serrer contre elle avec fermeté avant de l'embrasser, lui disant quelques mots qu'aucun de nous ne peut entendre. Mon ventre se noue. Il faut qu'il n'arrive rien à Joyce, c'est impératif.

Jake adresse une accolade fraternelle à son ami, et viens mon tour de l'enlacer.

— Sois forte, murmure alors Zac à mon oreille.

Je frissonne et déglutis en hochant la tête.

— Je te le promets, chuchoté-je à mon tour.

Je me détache enfin de lui et lui décoche un clin d'oeil. Puis, je vois la porte d'entrée s'ouvrir, et mes amis s'élancer dans les escaliers extérieurs. L'air froid vient frapper mon visage alors que je les suis d'un pas de plus en plus décidé. Puis, sans regarder derrière moi, je me retrouve dehors, et referme la porte. Je reste tout de suite estomaquée face au nombre de personnes qui affluent dans la rue principale, prenant déjà la route vers la forêt. D'innombrables guerriers, prêts à affronter l'ennemi pour protéger leur ville. Je descends les marches à la hâte, et remarque que Joyce court jusqu'à l'avant de l'énorme groupe d'attaquants, sûrement pour rejoindre le roi. Nous lui emboîtons tous le pas et nous frayons un chemin parmi la foule. La gorge nouée, je fais attention à tous les regards ébahis qui se posent sur moi et mon arme. Peut-être qu'ils ne s'en rendent tous pas compte, mais je suis en train de m'exposer. Et bizarrement, je n'en n'ai plus grand chose à faire. Dévoiler mon identité me paraît bien dérisoire à présent.

J'aperçois enfin le roi se retourner face à son armée, et lever les bras pour leur demander de s'arrêter. Je n'arrive pas à l'écouter donner toutes les indications, les oreilles bourdonnantes. Mes pas se font de plus en plus lourds, ma tête s'embrume, mon cœur fait affluer le sang dans mon corps à une vitesse folle, et je sens l'adrénaline vibrer partout en moi. Nous ne savons pas si nous allons devoir nous battre, si nous allons réussir à empêcher la guerre, ni si nous allons tous survivre.

Je sens soudainement une main se poser sur mon épaule, et lève les yeux vers Jake. Celui-ci me foudroie d'un regard indéchiffrable, et il ne dit pas un mot. Il se contente de glisser ses doigts sur ma peau pour agripper fermement ma nuque et écrase ses lèvres sur les miennes pour me donner un baiser passionné. Mes épaules s'affaissent, je le laisse prendre possession de tout mon être le temps d'un instant.

Je ne t'abandonnerai pas, sussure-t-il alors d'une voix rauque.

Mon cœur s'arrête pendant une seconde, et je ressens chaque picotement que ses doigts provoquent sur la peau gelée de mon cou. Son regard ardent plongé dans le mien, j'ose esquisser un sourire se voulant rassurant.

— Moi non plus.

Je viens poser brièvement ma main sur sa joue, et me délecte de son contact chaud. Le regard que nous échangeons ensuite ne peut durer qu'une fraction de seconde, mais il parvient à y exprimer ce qu'aucun de nous ne saurait dire.

Puis, nous nous détachons, et devons porter notre attention sur le roi à la tête de l'armée derrière nous.

— Heaven ! m'appelle-t-il.

Je m'empresse d'aller à son niveau, vite suivie par mes amis. Je crois que le roi n'a jamais eu autant de prestance et de sérieux. Il dégage une force indicible, une aura puissante qui pourrait faire taire une foule entière d'un seul souffle. Lorsqu'il baisse ses yeux vers moi, je me sens parcourue d'un million de frissons, à la fois terrorisée et exaltée.

— Emmène nous là-bas, fait-il gravement.

Je ravale ma salive, puis hoche la tête avant de tourner les yeux vers mes amis. Nous acquiesçons à l'unisson, avant de nous tourner vers la forêt, immense et menaçante. J'entends les guerriers se remettre en action et le brouhaha reprendre, faisant régner une énergie inexplicable au dessus de nous. Puis, sans plus attendre, nous faisons un pas en avant. Nous marchons vers la forêt, guidant toute l'armée dévouée à la cause de ce royaume puissant. Nous marchons vers le danger, vers ce qui se prépare depuis toujours. Nous avançons vers ce que nous ne pouvons plus éviter, vers ce qui déterminera notre destin à tous. Nous avançons vers ce pour quoi je suis née.

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Voilà pour le chapitre 24 ! J'espère qu'il vous a plu ! Je sais, je l'ai posté un peu plus tôt j'ai pas pu résister ahah

Comme vous l'avez vu, Heaven et Jake à fond dans ce chapitre, j'espère que vous avez apprécié de les revoir seuls ;) J'ai ADORÉ écrire ce moment, genre vraaaiment ! Notre petit couple m'avait manqué, est-ce qu'à vous aussi ?

J'espère aussi que vous sentez la tension monter, parce qu'on est en plein dans les choses sérieuses ahah, soyez prêts !

Merci pour tous les gentils commentaires et les vues qui arrêtent pas d'augmenter, vous êtes des amours ♡

À bientôt pour la suite, bisouus ♥

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