Soixante-cinquième Chapitre.
[Dimanche 5 mars. Heaven a été grièvement blessée par son épreuve face au dôme et son combat contre Jorah, la clouant au lit et la replongeant dans des angoisses bien ancrées. Se décidant à ne plus se laisser paniquer, elle a discuté avec le roi qui l'a félicitée malgré tout.]
_ _ _ _ _
— Aïe.
— Désolé. Mais tu n'es pas très souple, tu ne veux pas te pencher un peu plus ?
Je lance un regard noir à Jake, qui m'adresse un sourire faussement innocent.
— Concentre toi, qu'on en finisse, grommelé-je.
Je l'entends ravaler un rire, et sa main se pose de nouveau sur le bas de mon dos. Je grimace et le laisse étaler le cicatrisant sur l'une de mes nombreuses plaies, me forçant à ne pas ronchonner. J'ai demandé à ce que Jake soit celui qui change mes pansements, juste pour ne pas me sentir comme une pauvre bête sous les mains des infirmières. Mes blessures sont devenues assez superficielles pour que je les dédramatise, et je n'ai pas hésité une seule seconde.
— Voilà, j'ai fini, déclare-t-il en rebaissant délicatement mon débardeur.
Je pousse un soupir de soulagement et me redresse, faisant attention à ne froisser aucun bandage.
— Merci. Ça s'est amélioré ?
Il hoche la tête, se forçant à me sourire.
— Tu es une battante. Plus si petite qu'avant, me nargue-t-il.
Je soutiens son regard sans rien dire, et le laisse s'accroupir à mes pieds, liant ses mains aux miennes sur mes genoux. Le silence se glisse entre nous, lourd de sens. Jake m'observe attentivement, la lueur de ses yeux noirs prenant une teinte enflammée autour de ses pupilles. Je sens mon cœur se bloquer dans ma gorge, m'empêcher de mettre un seul mot sur le flots de pensées et d'émotions qui font rage en moi. J'ai envie de le remercier pour son aide lorsque j'ai cru que la douleur allait venir à bout de moi, mais aucun mot ne semble juste. J'ai envie de lui dire que je l'aime et que je veux rester dans ses bras pour toujours, que je suis fatiguée mais que je n'ai plus peur. J'ai envie de lui livrer tout ce que j'ai dans le cœur, mais tout est bloqué dans ma poitrine, noeuds inextricables. Tout me paraît perdre son sens quand je le dis, tout me paraît imprononçable, insurmontable.
— Jake ? fais-je, hésitante.
— Oui ?
— J'ai le droit de te demander un câlin, là ?
Le sourire qui s'étire sur ses lèvres à cet instant est empli de tendresse, et il ne pose pas de question avant de se relever pour m'attirer vers lui, prenant toute la précaution du monde en posant ses mains dans mon dos. Mes yeux se ferment d'eux-mêmes et je me laisse aller contre son torse, contre son cœur battant. Il caresse ma nuque et je frissonne, m'agrippant aux pans de son tee-shirt en inspirant son odeur pleine de chaleur.
— Je suis désolée si... commencé-je.
— Chut, me coupe-t-il. Je te l'ai dit. Je ne t'en voudrai jamais. Tu viens, je te fais un câlin. Tu peux rester dans mes bras aussi longtemps que tu le veux et ne rien dire, je le comprendrai toujours.
Je serre les paupières et je le serre un peu plus fort encore. Il dépose un baiser sur le haut de ma tête et je souhaite silencieusement que ce moment ne prenne jamais fin. Je ne sais pas combien de temps nous restons comme ça, mais c'est assez pour soulager le poids dans ma poitrine, assez pour me rassurer. Pour me dire que c'était une simple journée difficile mais que personne ne m'en veut, que tout le monde a eu peur et qu'on est fatigués mais que demain, tout le monde ira mieux parce que c'est comme ça. Parce que quoi qu'il arrive, nous nous battons, nous avançons, nous ne regardons pas en arrière. Parce que nous sommes tous ensemble et que nous le resterons. Que même si l'un de nous disparaît, il restera à nos côtés dans le combat.
— Est-ce que moi, j'ai le droit de te dire un truc ? me demande prudemment Jake lorsque nous nous détachons enfin.
Je plisse les yeux, hochant très lentement la tête.
— Je redoute beaucoup ce soir, m'avoue-t-il alors. C'est la première pleine lune depuis ton retour, le soleil se couche dans trois heures et j'ai tout sauf envie d'y aller.
Je souris malgré moi, et je ne peux pas m'empêcher de tapoter sa joue avant de me lever. Il me suit des yeux, ses sourcils se fronçant chaque seconde un peu plus. Je me retourne vers lui et me sens obligée de l'embrasser brièvement pour le rassurer.
— Suis-moi. Allez ! le pressé-je lorsqu'il reste pantois. Je vais te jeter droit dans la gueule du loup.
Cela semble l'agiter assez pour qu'il m'emboîte le pas, étouffant son rire dans sa main.
— Heaven, tu sais que je t'aime mais je t'en supplie, il faut que tu arrêtes les jeux de mots.
En ouvrant la porte, je me retourne vers lui et lui adresse un de mes sourires les plus radieux. Je me demande s'il se rend compte de ce qu'il vient de dire en croisant mon regard, parce que je vois ses yeux s'écarquiller et je peux jurer qu'il frémit le temps d'un instant. Mais il ne dit rien de plus, n'essaie pas de se corriger. Il me sourit à son tour.
* * *
— Comment tu connais cet endroit ? s'étonne Jake, la tension difficilement dissimulée dans sa voix.
Je souris.
— J'ai demandé au roi.
Il ne répond pas, mais je devine l'appréhension à la sensation de son bras frôlant prudemment mon épaule. Je lève les yeux vers lui et je vois qu'il garde les yeux droits devant lui.
— Jake, ça n'a rien à voir avec la première fois, chuchoté-je alors que nous descendons un peu plus profond dans les sous-sols du château.
Dans un coin d'ombre, entre plusieurs couloirs et masqué par des colonnes et des drapés lumineux, le roi m'a indiqué m'a indiqué un passage secret menant à une grotte creusée sous le château. Construite par l'homme précisément pour les loups-garous qui travaillaient au service du royaume il y a très longtemps, elle est conçue pour la protection et la maîtrise de leurs pouvoirs lors de la pleine lune. Ils n'ont pas besoin d'être enchaînés, ici. Ils sont maîtrisés par la puissance vibrant dans la roche. Par l'argent inscrit dans ses fissures, faisant miroiter sa surface. C'est apparemment ici que Jake se terre chaque mois depuis qu'il est devenu bien trop dangereux de s'aventurer dans la forêt.
— Je sais, me répond-il à l'instant où je peux enfin voir son visage à la lumière des quelques torches parsemées dans le tunnel. Mais j'ai peur.
Je prends sa main, délicatement. Il ne dit pas un mot de plus et dans la pénombre, il se contente de serrer la mienne.
Quand nous émergeons enfin dans la grotte, poussant à deux sur la grille massive qui en bloque l'entrée, je vois Jake se figer et ouvrir la bouche sans parvenir à parler. Je regarde son visage, mais il n'exprime rien d'autre que le trouble.
— Qu'est-ce que... souffle-t-il, entre la stupéfaction et l'hilarité.
Je hausse les épaules, lâchant sa main pour aller devant lui. Je recule sans le quitter du regard et lui adresse le sourire le plus chaleureux que je peux maîtriser.
— Je t'ai un peu copié. J'ai demandé de l'aide aux autres. Ça leur a fait plaisir, d'avoir un objectif pas déprimant.
Jake éclate de rire, et il secoue la tête en avançant lentement vers moi. Quand il brise le contact visuel, je le vois observer tout ce que j'ai voulu préparer pour lui, tout ce que j'ai craint qu'il n'apprécie pas, qu'il trouve de mauvais goût.
Dans l'immense grotte à la roche s'étendant sur des dizaines de mètres au dessus de nous, lévitent des centaines de petites lumières dorées baignant tout l'endroit dans une douce lueur tamisée. Le lierre et les branches d'arbres s'entremêlent sur les murs, les feuilles tombant sur le sol sans faire de bruit. Si l'arbre qui trône au centre de la salle était déjà présent, il est à présent recouvert de poussière de fée, scintillant doucement à la lueur des fausses étoiles qui dansent jusqu'au plafond. Comme un dôme irrégulier, la grotte paraît moins être une prison qu'un cocon intouchable, un endroit à l'abri du temps. Un endroit où personne ne peut nous atteindre, où personne ne pourra lui faire du mal.
Contre l'arbre, un grande couette recouvre le sol, tapissée de coussins aussi scintillants que les branches au dessus de lui. Nous sommes seuls, au cœur d'une nature illuminée d'or, comme ce jour là dans la forêt.
— Un jour, tu m'as dit que tu aimais regarder les étoiles, lâché-je, et l'écho de ma voix glisse sur les murs. Que leur présence te rassurais quand tu avais peur de la lune.
Je marque une pause, me sentant rougir malgré moi.
— Alors je me suis dit que tu aimerais les voir, tout à l'heure, si tu commençais à avoir peur.
Il s'arrête d'avancer, et baisse les yeux vers moi soudainement. Pendant un instant, il ne dit rien, il se contente de me fixer, et je ne sais pas si la lumière dans ses iris est la sienne ou celle des étincelles qui volent autour de nous. La pénombre vacille, et l'ombre sur son visage disparaît lorsqu'il m'adresse le sourire le plus beau qu'il m'ait jamais adressé. Je sens mes lèvres trembler, le doute s'échappant peu à peu de ma poitrine. Je n'ai pas le temps de lui demander si ça lui fait plaisir, que j'ai voulu rendre cet espace un espace de réconfort plutôt que de douleur. Que j'ai voulu lui faire comprendre qu'il ne devait plus avoir honte. Je n'ai pas le temps car il s'élance vers moi et prend mon visage entre ses mains pour m'embrasser, si brutalement que je me sens chanceler en arrière. Il rattrape mon dos et me colle à lui, ses lèvres se hâtant contre les miennes avec avidité. Je souris contre sa bouche, glissant mes doigts dans ses cheveux, agrippant le bas de son dos, serrant ma poitrine contre la sienne, le laissant prendre ma nuque et animer toute ma colonne vertébrale.
— Je t'aime.
Ces mots sont un souffle chaud entre deux baisers, un instant fugace figé dans le temps pour une seconde. Il m'embrasse encore mais je l'arrête et pose mes mains sur ses joues pour le regarder, pour lui sourire.
— Et je ne veux plus gâcher une seule seconde sans que tu le saches, halète-t-il, ses pupilles s'élargissant dans le bain de lumière de ses yeux.
— Je le sais déjà, murmuré-je doucement, un sourire faisant tressauter mes lèvres. Tu n'as jamais rien gâché. Et je t'aime aussi.
Une fraction de seconde, nous nous regardons dans le silence. La seconde d'après, il écrase de nouveau ses lèvres contre les miennes et je recule dans le noir, guidée par la force de ses bras, par la chaleur de son torse. Je sens mes pieds hésiter mais je n'ai pas peur de tomber. Je m'en fous, si je tombe.
— Je n'ai pas préparé de pique-nique, dis-je contre sa bouche. Tu ne m'en veux pas ?
Il rit, et le son résonne autour de nous. Résonne en moi.
— Je n'ai pas faim, répond-il.
— Pas faim de nourriture, tu veux dire.
Il soutient mon regard un instant, et je m'empêche de détourner les yeux. Puis il éclate de nouveau de rire, et je pouffe. Pour une fois qu'une de mes blagues le fait vraiment rire...
Ses mains courent le long de mon dos, prudentes, attentionnées. Je sens que mes jambes fléchissent et en me mettant à genoux, je sens le contact agréable de la couverture étendue exprès pour nous. Je m'allonge et j'entraîne Jake avec moi. Je m'accroche à sa nuque, sentant ma poitrine s'enflammer sous le poids de la sienne. Je serre les paupières, juste pour essayer de me concentrer, d'empêcher le brouillard d'atteindre mon esprit jusqu'à ce que je sois incapable de dire quoi que ce soit de cohérent. C'est l'adrénaline et l'instinct qui prennent le dessus, taisant toutes mes craintes, abaissant toutes mes barrières. Mes mains se hâtent sur son corps, explorent le haut de son dos, le contour des muscles de ses épaules, la sensation de sa peau paraissant gelée sous mes doigts. Tandis que les siens dessinent mon cou, ma clavicule et descendent le long de ma poitrine, je sens mon corps se cambrer et ai du mal à retenir un gémissement. J'entoure mes jambes autour des siennes et bientôt, c'est lui qui agrippe mes cuisses pour les relever, pour les emboîter à son bassin comme elles lui supplient de faire. Je déglutis et mes mains tremblent sur le bas de son tee-shirt alors qu'il m'aide à l'enlever. Nous brisons le baiser et nous figeons. Je soutiens son regard ardent, me sentant à la fois vide et submergée, à la fois brûlante et frigorifiée. Il me regarde et il me sourit comme lui seul sait le faire.
— Tu avais prévu ton coup, commente-t-il en jetant un bref coup d'oeil autour de nous. Personne pour nous déranger. Coquine.
— La ferme ! m'exclamé-je en le frappant violemment sur le haut du torse.
Il éclate de rire et je le fusille du regard, levant juste assez la tête pour être à un centimètres de sa bouche.
— Ne fais pas comme si tu n'attendais pas que ça.
Cette fois, il ne rit pas. Il fronce le nez, semblant résister à un sourire ou à l'envie de m'arracher tous mes vêtements. Sûrement un peu des deux, mais assez pour me faire enlever moi-même le haut que je porte. Cette fois, il rit vraiment et m'embrasse, sa peau enfin contre la mienne, la chaleur si intense que mon cerveau semble se ralentir. Mes sens s'alarment, ma respiration s'accélérant alors que sa bouche parcourt ma mâchoire et descend dans mon cou. De nouveau, comme hier, il effleure la peau fine de ma nuque avec ses dents, et cette fois, je n'arrive pas à retenir mon gémissement.
— Depuis hier, mumure-t-il contre mon oreille. Depuis la fontaine, je n'arrête pas d'y penser.
Dans le creux de mon épaule, sa bouche est comme un brasier, ses doigts comme des petits pics s'enfonçant dans ma peau. Je me crispe et j'enfonce mes ongles dans le bas de son dos, le faisant frémir à son tour. Une de ses mains s'attarde sur le creux de ma taille, mon cœur envoyant des vagues de chaleur entre nos deux corps. L'autre remonte lentement l'arrondi de mes cuisses, me donnant l'impression que ses mains percent le tissu de mon pantalon. Je ne peux plus supporter cette chaleur, cette impression constante que mon corps ne sera jamais assez près du sien, que mon cœur ne battra assez vite sous la force de ses baisers.
Je me sens hésiter brièvement en laissant mes doigts s'aventurer sur le bas de son ventre, et le regarde, juste pour être sûre, juste pour qu'il me confirme. Il me sourit tendrement, et sa main rejoint la mienne pour défaire son pantalon. Il se retrouve presque nu et je me sens emplie d'un sentiment encore inconnu, une pression nouvelle dans le contact de sa peau contre la mienne. Je connais ça, je l'ai déjà fait, je ne devrais pas avoir aussi peur. Mais c'est lui. C'est nous. C'est nouveau.
Ses doigts glissent sous mon dos et parcourent les contours de ma brassière. Je serre les paupières encore et me colle contre lui, puisant dans la sensation des vagues dans mon corps. Je me sens me crisper, et je ne sais pas si c'est à cause de la douleur sourde de mes plaies ou l'appréhension creusée dans mon ventre. Je sens ma respiration s'entrecouper et Jake s'interrompt.
— Ne t'arrête pas, le prié-je sans le regarder.
J'agrippe ses épaules et je respire profondément, m'imprégnant de son odeur, n'écoutant que mon cœur et ne sentant que sa bouche contre la mienne, que ses dents contre mon cou, que ses mains contre mon corps. Quand je me retrouve à moitié nue devant lui, je n'ai pas peur, et ma poitrine est presque douloureuse sous la sienne. Pendant un nouvel instant, nous arrêtons de nous embrasser pour simplement nous regarder. Il caresse mes cheveux et je trace sa mâchoire du bout des doigts. Mon cœur se calme et mon esprit s'apaise, parce que je sais que je suis là, avec lui, et que tout ira bien. Mon sang bouillonne et mon crâne pourrait exploser, mais j'ai l'impression de ne jamais m'être sentie aussi vivante. Je sais que nous avons besoin de ça. Alors je serre Jake contre moi et je cache mon visage dans le creux de son épaule. Je me sens frissonner, les sanglots coincés dans ma poitrine se diffusant peu à peu, parce que ça va. Parce qu'être là, seule avec lui, me permet de m'ancrer. Me permet de me rappeler que je suis en vie, que je suis amoureuse. Que mon corps est encore capable et qu'il m'appartient tout entier. Que personne ne me fera d'elle sa prisonnière, parce que je ne me sens jamais plus puissante que dans les bras de Jake.
Je sens la crispation, je sens la peur quand il frôle mes cicatrices, quand il découvre ce que jamais encore je ne lui avais montré. Je sais que j'ai peur de lui montrer mon corps, peur d'être vulnérable, encore une fois. Mais avec lui, je n'ai plus peur d'avoir peur. Je ne recule pas et le laisse me déshabiller, je le laisse être contre moi comme je pensais que personne ne pourrait plus l'être, comme je pensais ne plus pouvoir m'accepter. J'ai envie de l'affronter, avec lui.
Nos mains explorent le corps de l'autre et je sens que plus les minutes passent, plus je me sens capable. Plus j'oublie la douleur, plus je me rappelle tout ce que mon corps peut ressentir de bien. J'ouvre les yeux une nouvelle fois, pour m'ancrer de nouveau. Pour voir son visage, la lumière des étoiles qui encerclent ses traits, l'ombre des branches calmes vacillant contre sa peau. J'écoute le mouvement silencieux des feuilles qui tombent au sol, j'imagine la grotte qui nous abrite, qui nous protège. Je me souviens que je suis dans ses bras.
Sa main descend prudemment le long de mon ventre, traçant un sillon enflammé sur ma peau. Il s'arrête brièvement lorsqu'il frôle la cicatrice sur mon abdomen parce que naturellement, ma respiration se coupe, mon esprit se fige. Il m'interroge du regard, plonge ses yeux dans les miens pour m'obliger à me concentrer, à ne pas perdre pied. Je griffe son dos en remontant mes mains jusqu'à son cou. Je hoche la tête, un peu plus vivement à chaque fois. Il termine son geste et, sa main au creux de mes cuisses, il me chuchote qu'il m'aime. Je le serre un peu plus contre moi, et j'entends nos rires jusque dans ma poitrine, je sens la sensation de ses baisers jusque dans le creux de mon ventre. Nos corps semblent répondre l'un à l'autre, comme à chaque fois, comme s'ils ne pouvaient pas se lasser de l'autre, avides de découvertes, enivrés l'un de l'autre. Chacun des gestes de Jake paraît logique, chaque parcelle de sa peau me paraît être faite pour moi. Nous nous regardons et nous nous rassurons tous les deux. Nous écoutons les questions silencieuses de l'autre.
— Je ne veux pas...
— Je ne veux pas...
Nous nous arrêtons tous les deux et je vois mes yeux s'écarquiller dans le reflet des siens. Nous éclatons de rire en même temps, et il cache son visage rougi contre ma poitrine. Je pose ma main sur sa nuque et il relève les yeux vers lui. Je lui souris tendrement.
— On va aller doucement. Rien ne presse.
Il se pousse sur ses coudes pour relever son visage à mon niveau. Il embrasse le bout de mon nez, et ses yeux me paraissent encore une fois briller. Comme toujours.
— Tu es parfaite, Heaven. Tu le sais, ça ?
Je me sens rougir à mon tour et pousse sa joue du bout des doigts pour qu'il arrête de me regarder comme ça. Je redresse la tête et j'embrasse la base de son cou. Il frissonne, ses paumes se crispant sur mes bras. Je parcours de la main son torse et le bas de son ventre, et je le sens se tendre sous le chemin de mes doigts. Sa respiration se bloque dans sa poitrine contre la mienne.
— N'aie pas peur, lui dis-je dans un murmure. N'aie pas peur de me blesser, n'aie pas peur de mal faire. N'aie pas peur d'être paralysé. Je te comprends. On se comprend.
J'ôte mon visage de son épaule pour le regarder de nouveau dans les yeux, ma main contre sa joue.
— On est là, et personne ne viendra nous chercher. Ça ira. Regarde les étoiles. Regarde moi. Tu es toi, et tu peux te faire confiance.
L'ombre qui passe dans ses yeux à ce moment serre mon cœur, le tremblement de ses lèvres alors qu'il me sourit faiblement une torture pour ma contenance. Je lui souris et il m'embrasse, me serrant un peu plus contre lui. Je laisse alors mes mains aller le long de son corps et il fait de même. Je bouillonne et je frissonne, mon esprit un brouillard de pensées et de sensations, mon cœur battant si violemment dans mes tempes qu'il me donne des vertiges. Ma vue est brouillée par la lumière et la chaleur, et je n'entends rien d'autre que nos respirations haletantes, ne sens rien d'autre que ses baisers parsemant ma peau comme des étincelles. Nous frôlons les cicatrices de l'autre, et chacun sait s'arrêter quand l'autre se crispe, regarde l'autre lorsqu'il sait qu'il en a besoin. J'ai l'impression de redécouvrir mon corps et je sais qu'il redécouvre le sien, parce qu'il nous a tant de fois paru ne plus nous appartenir. Je le sais, je sais à quel point j'en avais besoin. Mon corps a été utilisé. Il a été un instrument, un lieu d'expérimentation, de torture. Il m'a été enlevé pendant un temps. Pendant bien trop longtemps. Mais maintenant il est à moi, tout entier. Et je décide de ce que je fais avec. Je veux le faire comprendre à Jake, parce que je sais qu'il en a besoin lui aussi. Je sais à quel point la pleine lune le remue, à quel point il se sent démuni, à quel point il craint ne plus être capable de résister à la peur. Il me comprend mieux que personne. Ça sera toujours inexprimable, insensé parfois.
Ce soir, alors que la lune se lève doucement dans le ciel, je veux lui montrer qu'il n'a plus de chaînes. Je veux me montrer que je n'ai plus de menottes. Je veux que l'on sente que nous ne sommes plus prisonniers et que nous ne le serons plus jamais.
_ _ _ _ _
Voilà pour le chapitre 65 ! J'espère qu'il vous a plu !
Enfin enfin enfin, j'ai envie de vous dire ahah :') J'étais soulagée d'enfin avoir le moment parfait pour faire passer cette étape à nos deux tourtereaux, et je pense que vous comprenez pourquoi il fallait attendre, pourquoi il leur fallait du temps pour affronter leurs traumatismes et se faire confiance :) J'étais assez émue d'écrire ces scènes, honnêtement ! Ils ont bien grandi hihi
À bientôt pour la suite, bisouus ♥
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top