Septième Chapitre.

[Samedi 21 Octobre. 12h30. Après quatre jours inconsciente, Heaven a commencé sa préparation pour la guerre, décidée à retourner ses forces au dernier moment pour vaincre Jorah.]

_ _ _ _ _

Après m'avoir accordé un bref repas, Jorah me mène à la pièce où je loge depuis deux jours. Lentement, je traîne mes pieds jusqu'au centre de la salle capitonnée et me mets face au mur translucide comme demandé.

Lorsque Jorah referme la porte, je mets du temps à comprendre pourquoi il s'en va. Et j'ai ma réponse quelques secondes plus tard.
Sous mes yeux, le mur vibre et le miroir illusoire qui le recouvrait disparaît, pour laisser place à une simple vitre, derrière laquelle je distingue une autre pièce, longée d'ordinateurs et de caméras. Je déglutis, et regarde Jorah s'installer confortablement devant un des ordinateurs, alors que j'entends la caméra au dessus de moi tourner légèrement. Il a tout prévu, jusqu'à l'enregistrement de mon entraînement.
Soudain, la voix de Jorah résonne dans la pièce.

— Comme tu peux le voir, j'ai préparé de quoi étudier parfaitement tes actions. Si tu le veux bien, maintenant, on va te poser quelques électrodes.

Je n'ai pas le temps de répondre, que deux Bannis entrent dans la salle. Je reste immobile lorsqu'ils placent lesdites électrodes sur mon crâne, ma poitrine et mes bras, et réprime les dizaines de frissons qui parcourent mon échine. Jorah ne fait plus que m'observer, il va aussi m'étudier, analyser avec précaution le résultat de son expérience.

— Bon, continue-t-il une fois que je suis seule, je veux bien que tu me montres petit à petit de quoi tu es capable. Cette pièce a été élaborée spécialement pour pouvoir contenir toute ta puissance, alors ne t'inquiète pas, tu peux te lâcher.

Un sourire étire un coin de sa bouche, et j'inspire longuement.

— Vous voulez que je fasse quoi ?

Il arque un sourcil, et se racle la gorge.

— Fais comme tu le sens.

Je hoche la tête, et instantanément, je sens mes menottes s'alléger. Je fronce les sourcils en me sentant soudainement moi même beaucoup plus légère, et comprends en considérant Jorah qu'il vient de les défaire de leur pouvoir d'obstruction à la magie. Je ferme alors les yeux, appréciant ce moment de libération partielle, et lève lentement les mains. De toute façon, je suis obligée de lui montrer.

Lentement, je sens s'animer toutes les veines de mes membres, je sens le picotement habituel remonter le long de mon dos et chatouiller ma nuque puis mes yeux. Je contracte mes muscles, et mon cœur s'emballe peu à peu. Me laissant guider par la sensation grisante de la magie, j'agite mes doigts en rouvrant les yeux. Sans regarder Jorah, je fais tranquillement vibrer le sol et les murs, jusqu'à les faire trembler réellement. Je me délecte brièvement de ce sentiment de contrôle, et redresse le menton pour fixer Jorah, sentant peu à peu se créer autour de moi une bourrasque qui soulève mes cheveux. Je fais danser mes doigts dans l'air, et sens les électrodes me piquer légèrement, alors que la mini tornade qui m'entoure s'intensifie. Et je ne m'arrête pas là. Après quelques instants, l'air se teinte d'orangé, et je suis ravie de voir que je parviens à faire émerger de réelles flammes volantes à mes côtés. Avec un sourire difficilement répressible, je les fais rejoindre mes bras, et retiens ma respiration en ressentant la chaleur parcourir mes membres. Je frissonne, et lance ces flammes contre les murs. Un souvenir revient alors brièvement dans mon esprit : "Si tu me dis que je vais pouvoir envoyer des boules de feu plus tard, je m'évanouis".

Je ne fais plus attention au bruit que je cause, et détourne mon regard de celui de Jorah pour mieux me concentrer.

Je sens tout mon corps trembler alors que je fais s'intensifier toute la magie que je lâche, et bientôt, une véritable bulle électrisée m'entoure, dans laquelle je distingue tous les aspects de mes pouvoirs, formant de réels filaments électriques d'une sublime lumière bleutée jaillissant de mes doigts. Mes muscles sont si contractés que c'en est douloureux, et j'ai l'impression que la manière dont je laisse exploser ma puissance est bien différente qu'à l'accoutumée. Je suis prise d'une étrange émotion, et réprime un cri lorsque je sens la bulle exploser et faire violemment gronder les murs en relâchant des étincelles aveuglantes. Je me laisse tomber à genoux, et lâche un profond soupir, épuisée sans comprendre vraiment pourquoi.

En relevant la tête, je croise le regard de Jorah, qui a été rejoint par Kali. Tous deux me scrutent d'abord en silence, médusé, et fixent les écrans qui affichent les analyses. Un rictus satisfait barre alors le visage de Jorah.

— Recommence.

Je le considère, interdite. Mes lèvres tremblent malgré moi.

— Je ne suis pas sûre de pouvoir, affirmé-je.

Jorah inspire, et je vois alors Kali s'approcher de la vitre pour s'adresser à moi.

— Écoute le, Heaven. Arrête de nous faire croire que tu ne peux faire que ça.

Je soutiens son regard sans un mot, et me redresse sans briser le contact visuel. Cette femme... elle est beaucoup plus importante que je ne le pense. Pourquoi suit-elle elle aussi chacun de mes faits et gestes ? Pourquoi Jorah lui laisse-t-elle autant de place ?

— Heaven, intervient alors ce dernier, est-ce que tu as bien compris ce que je veux faire avec toi ?

Je fronce les sourcils.

— Me rendre plus puissante.
— Non, non, corrige-t-il. Je veux te faire atteindre l'apogée de ta puissance.

Je ravale ma salive, et il relève la tête, alors qu'un éclair lumineux passe dans ses yeux.

— Ce que tu as fait pour essayer de me vaincre, cette explosion indéfinissable de puissance alors que tu étais au bord de la mort, c'est ça que je veux pouvoir te faire faire n'importe quand.

Un violent frisson secoue mon corps. Je ne suis capable de ça qu'en conditions extrêmes, uniquement lorsque je ne peux plus rien contrôler, que je n'ai plus d'autre choix que de laisser toute la magie en moi éclater, au point que je pourrais en mourir. Et il voudrait que je le fasse dès que j'en ai envie, de faire tout jaillir en un instant.

— Vous ne voyez pas les choses en un peu trop grand ? noté-je prudemment.

Jorah ricane.

— Oh que non. Allez, recommence, on a pas de temps à perdre.

Je reste muette pendant une seconde, puis acquiesce lentement. Après tout, si vraiment je parviens à faire ce qu'il veut, il ne fait presque aucun doute qu'une telle déferlante de pouvoir peut venir à bout de lui.
Je dois prendre d'abord quelques minutes à récupérer toute ma force, malgré moi exténuée dès que je fais trop d'efforts magiques. Je ne suis toujours pas habituée au contact de ma puissance, et il va falloir que je m'y fasse si je veux pouvoir l'utiliser à bon escient.

Et doucement, je m'exécute. J'effectue encore les mêmes mouvements, de plus en plus rapidement, en concentrant de plus en plus d'énergie, vidant à chaque fois plus de ressources. Pendant de longues minutes, je me tue à la tâche. Et à chaque fois, je dois recommencer, et je varie les exercices. À chaque fois, je dois répondre aux ordres de Jorah.

— Ça ne mène à rien, lancé-je après une énième démonstration.
— Si, Heaven. Tu apprends à concentrer tes pouvoirs de plus en plus rapidement possible, c'est important.
— Non, je n'ai pas l'impression que ça serve à grand chose. Rien ne change en moi.

Mon ton est peut-être trop agacé, mais c'est parce que je sens que je m'épuise à ne rien faire. La magie que je pratique en ce moment, je la connais. Bien que je n'y sois pas parfaitement habituée, je la connais. Et ce n'est pas ce que Jorah m'avait promis. Ce n'est pas en créant des bulles d'énergies que je le battrai, je peux en être certaine.

Jorah fait un signe à Kali derrière lui pour l'indiquer de me rejoindre. Je lui lance un regard dubitatif, et il s'écoule quelques secondes avant que la sorcière pénètre dans la pièce et se place face à moi. Elle me tend ses mains, et c'est après un instant d'hésitation que je les prends, gardant mes yeux arrimés aux siens avec incertitude. Dans son regard d'un noir profond, je discerne des étincelles rouges, et le sourire énigmatique qu'elle arbore ne fait qu'accroître le mystère autour d'elle. Elle inspire profondément, et je manque de lâcher un hoquet de surprise quand je sens entre nos mains une forte chaleur émaner de nulle part.

— Calme toi, souffle alors Kali. Tu sais ce que tu es, non ?

Je fronce les sourcils, et hoche lentement la tête.

— Alors accepte le.
— Je l'ai déjà accepté, répliqué-je un peu sèchement.
— Non, pas assez, répond-elle, imperturbable. Tu as accepté qui tu étais, mais est-ce que tu as accepté ce que tu avais en toi ?

Je reste silencieuse, ne comprenant que partiellement ce qu'elle tente de me dire. Elle ferme les yeux, et je ne bouge pas. Puis, lentement, les lampes de la pièce s'éteignent, et je sursaute lorsque soudainement, jaillit de nos paumes liées un éblouissant éclair de lumière, qui irradie la silhouette de Kali, alors que je peux voir émaner d'elle une aura indescriptible. Autour d'elle, un halo multicolore s'étend, et dansent en harmonie tous les éléments. Peu à peu, ce halo emplit la pièce, et nous entoure d'une lumière étrange, nous enveloppant dans une sorte de chaleur froide indicible. Je peux sentir, sans pouvoir l'expliquer, l'incroyable puissance de la sorcière en face de moi, qui, sans l'ombre d'un effort, fait jouer les éléments en sa faveur, les montre dans leur plus grande pureté, en révèle les plus infimes détails. Gouttes d'eau et terre s'harmonisent, vagues d'air et flammes incandescentes les rejoignent en semblant vibrer. C'est comme si la vie de la nature s'exprimait à travers une seule personne, comme si Kali était la messagère d'un univers impossible à comprendre, qu'elle seule avait le pouvoir de faire dire aux choses ce qu'aucun de nous ne peut ne serait-ce qu'imaginer. Et encore une fois, je ne sais même pas comment je peux ressentir tout ça.

Kali rouvrent les yeux, et je sens ma mâchoire se décrocher quand je découvre ses yeux, qui ne sont pas violets comme je m'y attendais d'une sorcière. Ils sont multicolores, réellement, comme un kaléidoscope. Et ce n'est pas là que s'arrête le spectacle. L'incroyable scène qui se déroulait jusqu'alors disparaît peu à peu, pour ne plus qu'être une sorte de vague qui s'enroule autour de Kali, avant de s'unir véritablement à elle, faisant briller son corps d'une lumière qu'il m'est impossible de décrire. Mais je le sais, je le sens, ce à quoi j'assiste, c'est la manifestation de la pureté de la magie comme il est très rare de la voir, et Kali n'est pas une sorcière banale.
Je ne parviens pas à délier mes doigts des siens, littéralement clouée au sol par ce que je vois, alors c'est Kali qui met fin tranquillement à sa démonstration, et redonne la lumière aux ampoules de la pièce.
Je laisse tomber mes bras le long de mes jambes, haletante, chamboulée.

— Co... Comment vous avez fait ça ? begayé-je.

Kali hausse les épaules, l'air amusé.

— C'est ce qui se passe quand on accepte tout ce qu'on a en nous.
— Non, non, fais-je en secouant la tête. Vous... Vous n'êtes pas comme moi. Je n'ai jamais vu ça.
— Je suis très puissante, confirme-t-elle. Mais toi aussi. Tu sais, tout ce que je suis, c'est une sorcière. Toi, tu es une Silencieuse de Sang Pur, donc une sorcière et une Silencieuse, ainsi qu'une Sylphide. Et à ce que je sache, on n'a jamais vu ça non plus.

Je déglutis, un peu déroutée. Elle n'a pas tort. J'ai tendance à oublier que je suis autant de choses à la fois.

— Tu peux faire la même chose, tu sais ? lance Kali, me sortant de ma torpeur.

Je hausse les sourcils. J'ai un peu de mal à m'imaginer faire un truc pareil, et surtout, en si peu de temps - et sans risquer de mourir, au passage.

— Bien sûr, ça ne sera pas pareil, ajoute la sorcière. Chacun a sa propre pureté, si on veut.
— Je pouvais sentir toute la force... chuchoté-je.
— C'est parce que toute ma force était dedans. Et tout ce que tu as vu, c'est ce que je peux lâcher sur mon ennemi, ce que je peux utiliser pour faire ce que je veux. Il suffit de quelques secondes pour que je déferle tout ça sur quiconque. Est-ce que tu imagines les dégâts ?

Mon cœur bondit dans ma poitrine, imaginant une telle concentration de puissance réunie pour n'effectuer ne serait-ce qu'un "sort". Elle manie la magie comme je n'avais jamais vu personne le faire, et elle le sait parfaitement.

— Si je te dis ça, poursuit Kali, c'est parce qu'il faut savoir prendre sa magie dans sa totalité pour pouvoir la contrôler parfaitement. Si tu parviens à saisir chaque infime particule de ton énergie, tu en seras le véritable maître, et rien ne pourra plus te résister. C'est ça que Jorah essaie de te faire comprendre, même s'il est un peu brutal. Plus vite tu invoqueras tes pouvoirs, plus vite tu saisiras ta puissance, et plus vite tu la posséderas. Tu comprends ?

Je hoche la tête. Je comprends enfin où mène tout ça.

Avec prudence, je me risque à un regard vers Jorah, et j'affronte son expression rassérénée une nouvelle fois, alors qu'il s'enfonce dans son fauteuil en opinant tranquillement.

— Merci, Kali, finit-il par lancer. Je crois que notre petite prodige a enfin compris ce que je voulais.

"Petite prodige". Quel culot.
Sans un mot, je regarde la sorcière quitter la pièce après m'avoir accordé un clin d'œil éloquent.

— Tu sais Heaven, ajoute Jorah alors qu'elle le rejoint, tu es même plus puissante que Kali.

Je ne peux m'empêcher de pouffer, et l'intéressée fait de même. Cependant, je lis dans les yeux de Jorah qu'il est bien sérieux. C'est à en douter de sa santé mentale. Mais que dis-je... il est malade, pourquoi est-ce que je me demande si ses discours ont un sens ?

— Bon, tu peux me faire un truc plus convaincant, maintenant ?

Je lui lance un regard noir, et soupire en acquiesçant.
Sans quitter des yeux mon éternel bourreau, je m'assieds en tailleurs, et prends une profonde inspiration. Il va falloir que je me concentre vraiment, cette fois-ci. Je ferme les yeux, et il me faut déjà quelques minutes pour récupérer un semblant d'énergie, avant que je ne sente les battements de mon cœur s'accélérer peu à peu, et ma respiration se saccader. Je tremble légèrement, et serre les poings sur mes genoux, silencieuse. Avec toute la concentration dont je me sens capable, je fais peu à peu abstraction de tout autour de moi, oublie la situation. Tout ce qui doit compter, c'est moi et ma magie. Tranquillement, le frisson habituel remonte, et je me force à le faire monter à mon crâne plus rapidement, réprimant un gémissement face à la douleur aiguë qui parcourt alors mon corps.

Je décide de faire l'impasse sur le côté spectaculaire, sachant pertinemment que ce n'est pas ce que Jorah veut voir. Je respire alors de plus en plus lentement, et fais le vide. Je me focalise comme je ne l'ai jamais fait sur la sensation de la magie en moi, de la manière qu'elle a de faire pulser mes veines, de réchauffer toutes mes articulations, de faire hérisser tous mes poils et de caresser toutes les couches de ma peau, de chatouiller mes paupières. Cette puissance, j'en suis à l'origine, et je peux percevoir tout le chemin qu'elle emprunte autour de mon cœur, emplissant ma poitrine et longeant ma colonne vertébrale. Je n'ai jamais fait attention à la multitude de sensations qu'elle provoquait, et peut-être que les ressentir individuellement me fait prendre conscience de toute la richesse de ce qui naît en moi à chaque instant.

Lentement, je desserre les poings en osant enfin ouvrir les yeux. Et je reste muette. Je vois les lumières du plafond qui s'affolent et clignotent, mais surtout, je vois apparaître autour de moi une quantité folle de flammes blanches, qui peinent à s'immobiliser et rayonnent dans la salle, plongée dans le noir par instant. Je n'ai jamais fait ça auparavant, et j'ai du mal à saisir ce que ça veut dire.

Et en fixant la vitre devant moi pour regarder Jorah, je tombe pour la première fois sur le reflet de mes yeux, et frissonne violemment. J'ai déjà vu mes yeux bleus, mais c'est la première fois que je découvre ce regard vairon incroyable, aussi beau qu'effrayant. Le bleu de mon œil droit est plus éclatant que jamais, et le blanc de mon œil gauche... est exactement comme celui de Jorah. Brillant, translucide, profond, hypnotisant. Ma respiration est coupée tant je suis désarçonnée, et je secoue la tête avant de me concentrer sur l'autre pièce derrière la vitre.

Et je n'ai aucune idée de ce que je suis en train de faire, mais il semblerait que ça convient à Jorah. Il me considère silencieusement, la mâchoire serrée et le menton relevé, laissant ses yeux valser entre moi, mon œuvre et les écrans donnant les résultats de mes prouesses.

— Continue, vas-y, articule-t-il en fixant un des ordinateurs.

Je fronce le nez. Comment je peux faire plus sans me laisser faire par mes habitudes ? Je ravale bruyamment ma salive, et balance ma tête en arrière, alors que je serre les poings de toutes mes forces. Et je ne  pense pas que c'est ce que Jorah voulait, mais toutes les ampoules au dessus de moi explosent, et les mécanismes relâchant de l'eau se déclenchent, inondant la pièce en un instant. Alors, je laisse tomber mes mains au sol, et toutes les flammes blanchâtres disparaissent. Je frissonne sous le froid brutal qui me recouvre, et manque de trébucher lorsque je me remets sur pieds dans le noir. La seule lumière que je perçois et celle de la pièce en face de moi, qui, bien qu'elle illumine parfaitement les visages crispés de Jorah et Kali, n'éclaire que vaguement la salle où je suis.

Je vacille doucement, à bout de forces, et attends sans un mot que la "pluie" cesse. Je suis complètement sonnée. Je recule, et m'adosse au mur en fixant la pièce voisine. J'ai échoué. Ça partait bien, mais j'ai lamentablement échoué. Moi qui pensait avoir le parfait contrôle sur ma magie, je me rends compte qu'il en faut bien plus pour maîtriser une telle force. Je sais utiliser tous mes pouvoirs, certes, mais je suis encore très loin de les posséder entièrement.

Ce n'est que lorsque la porte s'ouvre que je me décide à bouger.

— On en a fini pour aujourd'hui, lance brutalement Jorah en me faisant signe de le rejoindre.

Je titube jusqu'à lui, et ose à peine soutenir son regard.

— Ne fais pas cette tête, articule-t-il. Tu en seras bientôt capable.

Je déglutis, et tremblote en sentant le poids revenir dans mes menottes, signe qu'il les a de nouveau activées. Je n'aime pas qu'il ait un tel contrôle sur moi, et encore moins qu'il essaie de me réconforter. Lorsqu'il verra que je m'entraîne uniquement pour venir à bout de sa sale existence, il s'obstinera moins à me regarder comme si j'étais sa petite poupée.

— C'est fatigant, marmonné-je. On va vraiment faire ça tous les jours ?
— Ça le sera de moins en moins, tu verras.

Je n'ose pas répliquer.
Soudain, il fait deux pas en arrière et le fait signe de ne pas bouger. Et deux secondes plus tard, il agite ses doigts et je suis frappée d'une rafale de courants d'air, qui, tournant autour de moi, sèchent mes vêtements et mes cheveux trempés. Je manque de tomber tant le vent est violent, et tousse instinctivement lorsque ça s'arrête. Il aurait pu me prévenir, quand même. Je tremblote un peu, et daigne seulement lui lancer un regard bref. On passera les remerciements. Alors, silencieuse, je le suis aux côtés d'une Kali étrangement crispée.

Nous parcourons le couloir sans dire un mot, et débouchons dehors quelques minutes après. Kali nous quitte rapidement pour retourner à ses affaires, et je me retrouve de nouveau seule avec Jorah. Il m'invite à le suivre dans les allées du camp, je suis bien obligée de lui obéir. Que j'ai hâte de le tuer, que j'ai hâte...

— Est-ce que tu vas essayer de te retourner contre nous, par hasard, Heaven ?

Mon cœur s'arrête, et je dois rassembler tout mon sang-froid pour ne pas rester figée. Il fallait qu'il pose cette question. Il ne pouvait pas être aussi naïf.

— Non, réponds-je le plus calmement possible.
— Tu sais, je te fais confiance maintenant, alors ça me décevrait énormément si, après tous les efforts que je mets dans ta préparation, tu ne me rendais pas la pareille.

Je lève les yeux vers lui, et soutiens sans ciller son regard pénétrant.

— Je suis avec vous.

Le Sylphe sourit du coin des lèvres, et hoche la tête en reportant son regard devant lui.

— Je suis très fier de ce que j'ai fait, affirme-t-il alors.

Ses mots me donnent la nausée. Je déteste quand il parle de moi comme ça.

— Je ne suis qu'une expérience à vos yeux ? suis-je obligée de cingler.

Jorah ricane d'un air amusé, et joint de nouveau ses yeux au miens.

— Non, Heaven. Tu es mon plus bel aboutissement.

À ce moment, il lève sa main pour caresser ma joue, et j'envoie valser son bras d'un geste instinctif, peinant à soutenir son regard pétillant tant j'en suis dégoûtée. Je dois faire preuve d'un énorme aplomb pour ne pas éclater en sanglots et me jeter sur lui.

— Ne parlez pas de moi comme ça, articulé-je lentement, la haine perçant malgré moi dans ma voix.

Le front de Jorah se plisse, et il affiche alors une moue dubitative.

— Je t'aurais pensée plus fière de ce que tu étais mais bon.

Je frissonne, et secoue la tête. Je préfère ne pas répondre, car je risque de m'emporter.
Je redresse le menton, et reporte mon attention sur le mouvement du camp. Celui ci semble plus vide que d'habitude, et je ne me demande pas vraiment pourquoi. Si la guerre est dans trois jours, ils doivent soit s'entraîner, soit préparer leur stratégie à l'extérieur.

— Jorah... hésité-je.
— Huh ?
— Une fois que la guerre sera finie, je serai libre ?

Jorah ne répond pas tout de suite.

— Tu es déjà libre, voyons.

Je le regarde d'un air interdit, admirant avec dédain la manière qu'il a de détourner chacune de mes questions dérangeantes.

— Si je suis libre, alors je dois avoir le droit de voir Jake.
— Oh la la, râle Jorah. Toujours obligée de remettre ça sur le tapis. Je t'ai déjà dit que c'est moi qui décidais. Je n'ai pas encore tout réglé avec lui.
— Qu'est-ce que vous avez à "régler avec lui" ?
— Ça, ça ne te regarde pas, petite.

Je fronce les sourcils, soudainement surprise. Je pensais qu'il disait ça simplement pour me provoquer, mais il semblerait qu'il y ait plus que ça. Mais que Jorah peut-il avoir à faire avec Jake ? Ça n'a aucun sens...

— Ceci dit, intervient soudainement l'ancien roi, je t'emmène voir quelqu'un que tu aimeras revoir.
— Hein ? soufflé-je, déconcertée.
— Il me semble que c'est l'une de tes amies.

Je m'apprête à l'interroger de nouveau, mais je me ravise lorsqu'il nous fait entrer dans une large allée, donnant sur un côté reculé du camp et semblant donner directement sur la cascade plus loin. J'avance dans cet endroit particulier, où je finis par voir de simples maisons. Puis, alors que nous passons devant une auberge animée qui semble abriter nombre de gens, une silhouette en sort, et je n'ai plus besoin de questionner Jorah. Face à nous, se trouve en effet une de mes "amies". Cette Ondine Bannie, celle que j'ai rencontrée par hasard au lycée. Celle que j'ai ramené ici et que je croyais disparue, celle que je n'aurais jamais cru revoir dans de telles conditions. Molly.

_ _ _ _ _

Voilà pour le chapitre 7 ! J'espère qu'il vous a plu !

Vous avez vu comme j'ai posté vite la suite ? Je suis vraiment contente, je peux enfin écrire quand je le veux, ça m'avait manqué, héhé

Qu'avez vous pensé vous de cette première séance de préparation psychique ? Et du retour de Molly ? Beaucoup d'entre vous l'ont sûrement oubliée, mais vous vous en rappellerez dans le chapitre suivant, elle n'est pas si insignifiante que ça (encore faut-il que vous compreniez pourquoi)

Sinon, autre sujet, je voulais vous parler de la réécriture du tome 1 ! Oui, je sais, il n'y a pas grand rapport vous me direz, mais je voulais juste vous avertir que je vais sûrement la poster, et l'intégrer au tome 1 en alternant "chapitre réécrit/chapitre initial" ! Et je pense que c'est important que vous la lisiez (du moins la survoliez, parce que l'histoire ne change pas trop), pour plus tard si jamais j'évoque dans ce tome des éléments qui n'existent que dans la réécriture(par exemple, Heaven a vu Jake et Joyce pour la première fois dans un café en été avant la rentrée, c'est complètement nouveau), et que vous ne soyez pas perdus ! Donc je voulais savoir, est-ce que vous lirez la réécriture, et est-ce que vous voulez que je vous prévienne si je la poste ?

ET LE BAC ? Ceux qui ont eu les résultats alooooors ? J'espère que vous l'avez tous ❤️ (pour moi, aucun problème mention très bien comme je voulais !)

À bientôt pour la suite, bisouus ♥

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top