Quinzième Chapitre.
[Dimanche 23 Octobre. 16h45. Après une discussion avec Kali, Heaven a commencé à laisser ses émotions sortir pour mieux contrôler sa magie, et a réussi à progresser.]
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Presque sans réfléchir, je pose mes mains au sol, et peux instantanément sentir le lien qui se crée à son contact, le partage d'énergie qui se fait sans l'ombre d'un effort. En me concentrant, j'ai l'impression de sentir chaque particule de l'air me caresser le visage, de pouvoir percevoir le prolongement de chaque brin d'herbe dans la terre. Les battements de mon cœur deviennent l'écho du battement de la terre, se calquent sur la respiration de la nature. Dans mon esprit, ce n'est plus le flot de mes émotions qui gronde, mais bien la cohésion inédite avec chaque élément.
Je prends une profonde inspiration, l'esprit embrouillé par une telle expérience, et suis alors la sensation de mon sang qui bout dans mes veines, qui parcoure tous mes membres à une vitesse infernale et jaillit dans mes mains. Je sens la magie s'y concentrer, et à la seconde où j'insiste sur elles, j'entends le sol gronder, et l'air accélère. Voulant ne pas trop me lâcher, je m'arrête, gardant les paumes posées sur la terre que je peux sentir mouver.
— Maintenant, ouvre les yeux, Heaven, fait Kali.
Je m'exécute. D'abord, un peu sonnée, je vois flou et ai du mal à reprendre mes esprits. Mais je sais que la magie continue de courir en moi, et peux à présent le voir. De véritables ondes tournoient autour de moi, chassant l'herbe et battant l'air, m'entourant d'une orbe lumineuse que je n'ai encore jamais vue. Je peux voir des filaments incandescents briller parfois puis disparaître sous mes yeux. J'ouvre grand la bouche, et lève la tête vers Kali sans bouger.
— Tu commences à posséder ta magie, articule-t-elle.
Je ne dis rien, et essaie d'intensifier le phénomène qui se déroule. Alors, sans trop vraiment savoir comment m'y prendre, je relâche un long soupir en essayant de dénouer mon ventre. Aussitôt, les ondes s'amplifient et s'élargissent, jusqu'à soulever les cheveux de Kali avant d'aller de perdre dans les feuilles des arbres.
— Maintenant, regarde autour de toi, indique la sorcière. Regarde et puise dans tes souvenirs à nouveau. Il faut que tu ressentes tout à fond.
J'opine doucement, et dois serrer les paupières une seconde afin de me convaincre de ne pas lâcher le contrôle, de rester droite et concentrée. Lorsque j'ouvre les yeux, je n'attends pas l'approbation de Kali pour me remettre debout, et me tient immobile au centre d'un endroit qu'il va falloir que je refasse entrer dans mon esprit. J'ai réussi à dominer mes souvenirs emplis de rage et de chagrin, mais vais-je réussir à dominer ce qui sont emplis de bonheur et de nostalgie ?
Je pose une main sur mon cœur pour l'apaiser, et il ne me faut pas plus de quelques secondes pour totalement ignorer Kali et me replonger dans les abysses de mon esprit. Et comme si j'y étais, je peux revoir les scènes d'entraînement avec Zac, je peux rentendre ses conseils pour améliorer mon agilité. Je songe à son regard insistant, son air encourageant. Je peux presque ressentir mon essoufflement à ce moment là, me rappelle de chaque tronc sur lequel j'ai pris appui. Puis je me revois grimper aux arbres, complètement paniquée, je me revois progresser et le sentir. Je me revois m'asseoir sur une liane en haut, observer la magie qui émanait dans le ciel d'Érédia en compagnie de Jake. Je peux me rappeler du regard qu'il m'a lancé, de mon cœur qui a bondi quand j'ai pris conscience de ce que je commençais à ressentir pour lui.
Sans m'en rendre compte, je tourne sur moi-même, balayant du regard toute la scène comme si elle était encore sous mes yeux, revivant mes souvenirs avec violence.
Je me revois là où je me tiens, écouter Jake, l'embrasser comme je n'aurais jamais pensé pouvoir le faire, puis le suivre, passer un des moments les plus inoubliables de ma vie.
Je me remémore ensuite ma première rencontre avec les Bannis, de cette altercation qui a scellé mon sort sans que j'en ai conscience.
Tout se déroule sous mes yeux en même temps, tout se bouscule, et je suis submergée d'une infinité de sentiments et de sensations contradictoires. En pensant à ces moments, le manque me broie le ventre, la nostalgie et l'angoisse me font suffoquer intérieurement. Je peux sentir au fond de moi s'ouvrir de nouvelles brèches dangereuses. Je tente par tous les moyens possibles de ne pas songer à Zac, mais je sais que s'il faut que j'affronte mes souvenirs, il faut que j'affronte aussi ma peur qu'il soit mort. Et le fait de l'imaginer à cet instant me fait lâcher un sanglot guttural alors que je me crispe de tout mon long. J'ai d'un coup affreusement mal au ventre, si mal que je pourrais en vomir.
— Ne lâche pas, Heaven, intervient Kali, me regardant toujours attentivement. Prends le dessus.
Je plaque ma main sur ma bouche en me sentant trembler violemment. La magie commence à jaillir sans mon consentement. Je déglutis et dois canaliser toute ma force mentale pour repousser à tout prix ma perte de contrôle. Alors je m'oblige à ressentir, je m'oblige à prendre en pleine face toutes les appréhensions qui me bloquent la gorge. Je ne me rappelle même pas de la dernière chose que j'ai dite à Zac. S'il est mort, il est parti sans que j'ai pu lui démontrer tout l'attachement et la reconnaissance que j'avais pour lui. S'il est mort, il a quitté Joyce après lui avoir adressé un ultime « Je t'aime ». Et Jake... il n'est même pas au courant. Et dois-je lui en parler ? Dois-je lui briser le cœur encore plus ? Où devra-t-il découvrir la mort d'un de ses meilleurs amis en retournant chez lui ? Je nous imagine déjà rentrer, pénétrer dans la maison de Zac, celle qui est devenue la nôtre et qui n'est plus à personne.
Dans ma tête repassent les images de ce beau Changeur qui erre dans le couloir de l'entrée, qui range son bureau, qui prend le soleil dans le large salon ou qui se sert une tasse de café dans la cuisine. Les images de son fantôme, de son souvenir qui finira par s'échapper, par nous échapper. J'ai voulu me voiler la face, j'ai voulu ignorer l'évidence. Penser qu'il y avait encore un peu de chance me rassurait dans l'enfer que je vivais, mais à présent, cela ne fait que m'affaiblir. Zac est mort, et il ne reviendra pas.
Je sens un spasme parcourir mon dos et manque de vaciller. Au même moment, les arbres sont balayés par une véritable onde de choc et je sursaute. Je suis en train de perdre pieds.
— Non, Heaven, ne te déconcentre pas, sévit Kali qui est derrière moi.
Je me retourne vers elle en tremblant, serre les poings. Je sens mon cœur s'emballer, mes mauvaises habitudes revenir, et les repousser commence à se compliquer.
— Crois en toi, Heaven, déclare la sorcière lorsque je soutiens son regard brûlant. Tu dois croire en la totalité de ton être, pas seulement en les prouesses dont tu es capable. Et pour ça, tu dois t'endurcir, tu dois te forcer à souffrir. Souffre et grandis, souffre et deviens celle que tu mérites d'être.
Ses mots résonnent dans ma tête comme une sonnette d'alarme, et je sens mes oreilles bourdonner. Je ne quitte pas des yeux les pépites rouges dans ses iris, et enfonce alors mes ongles dans mes paumes jusqu'à me faire mal, ignorant mes mains déjà blessées. Je grimace, puis détourne le regard. En un instant, je suis replongée dans ma détresse.
Je laisse échapper un sanglot étouffé et m'accroupis en serrant les paupières, continuant de me battre contre mes propres instincts. J'ai envie de hurler, de pleurer, mais je sais que ça résulterait de l'explosion de la magie que je n'arrive pas à atténuer, et je ne peux pas me le permettre. Je dois faire un effort, j'en suis obligée. Je le fais pour Jake, qui souffre à cause de moi, pour Zac, qui ne peut pas être mort en vain, pour Joyce, qui a perdu l'amour de sa vie et se retrouve seule, sans nous. Mon coeur se serre violemment en songeant à elle. Je n'ose même pas imaginer la douleur qu'elle doit endurer actuellement, ce qu'elle doit affronter sans nous, la solitude qui doit la terrasser. Peut-être qu'elle non plus n'a pas survécu à cette bataille, peut-être que Jake et moi retournerons à Érédia et ne trouverons que les ruines de notre ancienne vie. Oui, peut-être. Le simple fait de l'envisager me désespère, creuse un trou profond en moi, et pourtant, je sais que ça ne me fera pas reculer.
Mon cœur est broyé, mon ventre à l'agonie, mon corps épuisé, et tout mon esprit me hurle d'abréger mes souffrances en explosant ou en me refermant. Mais je ne peux pas abandonner parce que je suis fragilisée. Je ne peux pas encore faire payer le prix de mon existence aux autres. Et ce chagrin qui me brise, ces regrets qui me tuent, je les transformerai en force. Je me vengerai. Je vengerai Zac, je vengerai Joyce et Jake, je vengerai tous ceux qui ont souffert par la faute d'un monstre que je suis la seule à pouvoir repousser. Je ne peux pas me permettre de rejeter des émotions qui pourraient me grandir. Alors si je dois être détruite pour être puissante, que je le sois. Peu importe les conséquences. À présent, il faut que j'oublie, que je m'oublie pour mieux me révéler. Je souffrirai, j'agoniserai à chaque instant, parce qu'il faudra que je ressente le trou béant que j'ai en moi, que je le ressente avec toute la puissance dévastatrice qu'il a. Ce trou béant, c'est là que va devoir naître ma détermination, ma résignation, c'est là que reposera toute ma force tranquille, tout le pouvoir que je possède. Mes émotions peuvent autant me tuer qu'elles peuvent me rendre plus puissante que jamais. Alors je vais prendre la main sur toute l'horreur qui m'empêche de penser clairement, je vais la prendre et la triturer en y mettant toute ma rage de vaincre. À présent, je ne peux plus pleurnicher, je ne peux plus me contenter d'être triste, je dois m'emplir de tristesse. Je dois m'emplir de destruction pour gagner.
J'ai arrêté de sangloter, je ne tremble plus.
— Lève toi, Heaven, résonne à côté de moi.
Silencieuse, je m'exécute et rouvre les yeux. Mon cœur rate un battement quand je me rends compte que mes veines brillent de la même lumière bleutée que lors de mes explosions désespérées. Mais cette fois, je n'agonise pas, je n'ai pas l'impression de bouillir au point de m'évanouir. Je suis emplie d'une émotion impossible à décrire, mêlant tout ce que j'ai pu ressentir jusqu'à présent. Ça fait mal, mais c'est... différent. Tout en moi a été relâché, toute la frustration a été concentrée dans l'énergie qui vient de naître dans mon cœur et que je peux sentir dans tout mon corps. Et je me sens plus forte, d'une façon inexplicable. Ma magie vibre dans chacun de mes membres, retentit dans ma tête, et je sais que je suis témoin de mon propre progrès. J'ai passé une étape.
J'observe mes bras illuminés sans dire un mot, bouche bée. Puis, je lance un regard interrogateur à Kali. Je vois un sourire discret étirer les commissures de ses lèvres, et elle croise les bras.
— Tu es forte, Heaven.
Je fronce les sourcils, ne pouvant m'empêcher d'appréhender avec méfiance le changement que je remarque en moi.
— Honnêtement, je ne pensais pas que tu y arriverais aujourd'hui. Tu dois avoir une sacrée motivation...
Son regard scintille alors et je déglutis, sentant mon cœur bondir dans ma poitrine. Ma motivation est sans pareille. Je suis prête à tout pour anéantir Jorah et sauver les miens.
— J'ai envie que les choses se terminent rapidement et simplement, soufflé-je.
— Tu as raison.
Elle marque une pause, puis pose ses yeux sur mes bras rayonnants en soupirant.
— Utilise tes pouvoirs, maintenant.
Je hoche lentement la tête. J'inspire doucement, connaissant bien les sensations. Guidé par ma volonté, le picotement dans mon corps s'intensifie, et je lève les paumes vers le ciel, observant la lumière émaner de plus en plus de mes mains. Je souffle, me laissant aller à l'instinct. Alors, des flammes semblent naître dans mes paumes, blanches et ressemblant plus à des éclairs. Au début, je me perds dans leur contemplation, un peu sidérée, puis les fais s'étendre plus haut. Je peux sentir une incroyable force rayonner d'elle, me coupant littéralement le souffle.
Sans regarder Kali, j'écarte les bras, et les flammes blanches gagnent en puissance, formant un cercle éclatant entre mes mains. Voulant essayer de tester sa puissance, je relâche ma pression dessus et fais mine de jeter les flammes autour de moi. Aussitôt, une violente vague d'énergie balaie tout le paysage et une forte lumière s'abat sur les arbres qui penchent, alors que les flammes meurent dans l'air qui siffle. Autour de nous, je remarque que la barrière de Kali grésille, faisant appesantir l'air et vriller mes tympans. En apercevant les vibrations lumineuses sur sa protection, la sorcière est obligée de la faire s'écarter de nous pour la renforcer. Pendant quelques secondes encore, je perçois les ondulations puissantes flotter à nos côtés. Kali écarquille les yeux, et j'entrouvre les lèvres sans parler. Son regard est multicolore, et elle est en position de défense.
— J'ai été obligée d'utiliser ma magie, j'aurais été projetée bien loin sinon, m'indique-t-elle à mi-voix. Et tu as fragilisé ma barrière.
Les sourcils froncés, je ne lui réponds pas et reste immobile. Mon corps est toujours à vif, et mes veines brillent encore.
Poussée par une force intérieure, je ferme les yeux, pour en finir. Je dois aller explorer au fond. Je laisse la magie monter en moi jusqu'à brûler mon crâne et ma poitrine, ayant une vague idée de la manière dont je veux la polariser.
L'atmosphère s'alourdit, l'air s'emplit d'énergie, et bientôt, je suis entourée d'un tourbillon vigoureux, expression de ma force d'âme. Je lève un peu les mains en ouvrant les yeux, me sentant habitée par une nouvelle puissance tranquille. Entre mes doigts, je sens éclore une importante force magnétique, formant comme une sphère éblouissante de magie. Et, alors qu'elle me paraît grandir, je prends une profonde inspiration, et tends le bras vers le sol. C'est quand j'expire avec brutalité que l'orbe translucide s'effondre au sol, et s'enfonce dans la terre en provoquant instantanément une onde de choc qui me surprend tellement que je suis obligée de reculer pour ne pas tomber. Quand je relâche mon bras, l'énergie que j'ai déversée fait gronder le sol sous mes pieds. Je regarde des oiseaux quitter les arbres, alertés par la soudaine force qui agresse l'espace.
Sentant que je suis toujours brûlante d'une magie qui pourrait parfaitement tout détruire, je m'oblige à me calmer en atténuant les rafales de vent qui frappent mon visage, et dois serrer les paupières en gardant les poings sur ma poitrine. Je respire lentement, avec toute ma volonté rassemblée pour reprendre le plein contrôle sur la frénésie qui me prend. Sentir une telle puissance en moi est tellement grisant que je pourrais sans problème en abuser sans réfléchir aux risques. Mais il faut que je continue sur ma bonne voie, il faut que je reste forte, que je ne me fasse aveuglée par la soif de magie, que je sois toujours plus déterminée.
Je reste dans cette position pendant quelques minutes, sentant peu à peu mon coeur s'apaiser et la chaleur en moi s'évaporer. Mon corps n'est plus à vif, et quand je rouvre les yeux, je suis ravie de constater que mes veines ont retrouvé leur état normal. Je m'aventure alors enfin à regarder Kali. Celle ci reste stoïque, les cheveux un peu en bataille par ma faute, les yeux pétillants.
— Tu as fait du progrès, c'est bien, déclare-t-elle.
— C'est tout ? soufflé-je.
Je me racle la gorge, sentant que je commence à haleter et à sentir l'énergie quitter mon corps. Je vais bientôt être affreusement épuisée.
— Tu as fait exactement ce que je voulais que tu fasses, qu'est-ce que tu veux que je dise de plus ?
Je secoue la tête.
— Je ne sais pas. Que c'est fini, que je suis prête...
— Mais ça n'est pas le cas, sourit la sorcière.
J'ose un soupir, et elle continue alors que je me plie un peu en deux.
— Tu as progressé, mais tu n'as pas encore atteint l'objectif. Demain, je n'ai aucun doute que tu l'atteindras.
J'arque les sourcils en haussant les épaules, un peu consternée. Je me demande bien ce que ça donnera demain.
— Tu as une incroyable force en toi, Heaven. Je suis très heureuse de voir que tu as réussi à en parvenir au cœur. Tu as accepté de souffrir si ça te donnait ton pouvoir. C'est bien, très bien.
Je hoche la tête, moi même satisfaite. J'ai été profondément bouleversée et anéantie par tout ce que j'ai dû ressentir, et je sais que toutes les pensées que j'ai laissé entrer dans mon esprit m'ont marquée à jamais. Je sais que je suis mutilée de l'intérieur, que j'ai été transformée, mais malheureusement, je ne dois pas m'y attarder pour l'instant, car cette mutilation me rend plus forte.
— Vous aussi, vous avez dû souffrir pour devenir aussi puissante ?
— Oh que oui, soupire-t-elle. La magie vient des tripes, comme je t'ai dit, alors pour exploiter tout son potentiel, il faut se retourner les tripes.
Je soupire à mon tour. Elle même a dû surmonter la destruction intérieure pour devenir ce qu'elle est, et c'est aujourd'hui gravé sur son visage.
Un silence pesant s'installe entre nous, et je soutiens son regard avec difficulté.
— Il va m'arriver quoi après la guerre ? finis-je par lâcher.
Kali rit du nez.
— C'est une sacrée question, ça.
— Sérieusement...
— Il ne va rien t'arriver, dit-elle alors d'un air plus sérieux. Tu pourras faire ce que tu veux.
— Donc je pourrai m'en aller ?
Elle hausse les épaules.
— Comme tu voudras. Tu n'auras qu'à partir, si c'est vraiment ce que tu veux. Enfin...
— Quoi ?
— Je ne sais pas si partir d'Érédia est une bonne idée.
— Pourquoi ?
Kali marque une pause, et je sens ma gorge se serrer. Je veux simplement qu'elle me confirme que je serai libre, pas qu'elle me donne de nouvelles raisons d'angoisser.
— Simplement que tu seras une des principales responsables d'un coup d'état qui va avoir une grosse répercussion, déclare-t-elle alors brusquement.
— Et alors ?
La sorcière pouffe un peu.
— Je te conseille juste de rester au chaud chez toi, Heaven, histoire de faire profil bas.
— Érédia ne sera plus chez moi.
Ma réponse la laisse pantoise, et elle soupire.
— Tu seras libre. Enfin, si Jorah n'a rien prévu.
Je déglutis difficilement, et elle me lance un dernier regard éloquent avant de se dégourdir les jambes.
— Bon, on en a fait assez pour aujourd'hui, on va rentrer.
Je reste paralysée pendant un instant, jusqu'à ce qu'elle se mette en marche et que j'intervienne.
— Attendez, je peux faire quelque chose ?
Kali me considère avec perplexité, et hoche la tête en agitant imperceptiblement la main. Je sens tout de suite le poids de la pression de mes menottes se rabattre sur moi, signe que je suis de nouveau prisonnière. Ayant son accord, je tourne le dos à la sorcière et lève les yeux jusqu'à l'arbre que j'avais monté avec Jake il y a quelques temps. En voyant la barrière de Kali ne pas bouger, je soupire avec soulagement et me précipite jusqu'au tronc, concentrée sur mon objectif. En quelques longues secondes, je grimpe à l'arbre avec plus d'aisance que je ne l'aurais cru, et me retrouve en haut, postée sur une branche à plusieurs mètres du sol. J'ignore les questions de Kali et me faufile jusqu'à l'endroit que je reconnais, où d'épaisses lianes forment un hamac parfaitement installé. Alors que la nostalgie chatouille mon ventre, j'attrape les branches et m'installe au cœur des lianes, laissant mon regard se perdre dans l'horizon.
Comme dans mon souvenir, la vue que j'ai d'Érédia est prenante, et revoir les traits familiers de cette ville me réchauffe le cœur d'une manière étrange. J'ai l'impression que je l'ai quittée depuis des semaines, et penser la retrouver demain me procure d'étranges émotions. Cette fois aussi, on peut voir les effluves de la magie pure émaner doucement des arbres autour des bâtiments, enveloppant la ville dans une atmosphère envoûtante, éclatante de lumière et de couleurs. Pendant un instant, cette vue féerique me fait tout oublier et desserre ma poitrine. Voir Érédia m'aide à ne penser à rien et en même temps à mieux croire en moi, en mes objectifs. Je sais qu'il ne reste plus longtemps avant la fin, et qu'après demain, ma vie prendra un tournant encore inconnu mais qui décidera de la suite de mon existence. Après demain, je retrouverai ma maison, mais rien ne sera plus jamais pareil. J'ai réellement hâte, aussi étrange cela puisse-t-il être. Hâte de me battre, hâte de cesser de me retenir, hâte de retourner aux côtés de mes proches. Retrouver Jake, retrouver Joyce si elle a survécu... Même Thaniel, Tyssia, n'importe qui qui pourrait me rendre confiance. Je sais que je n'ai qu'à penser à eux, et à la satisfaction que j'aurai, pour me sentir invincible. Il faut que je me sente imbattable pour l'être vraiment. Alors à chaque fois que je penserai ne pas y arriver, je n'aurai qu'à me rappeler de cette image, de me rappeler d'Érédia comme je la connais et comme je veux la retrouver. Mes émotions me rendront plus forte, l'amour me rendra plus forte. Mon humanité sera ma force, et c'est grâce à elle que je surpasserai Jorah.
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Voilà pour chapitre 15 ! J'espère qu'il vous a plu !
Cette fois, j'ai été moins longue j'ai carburé je suis contente ;)
Qu'avez vous pensé de cet entraînement particulier ? Vous aimez le nouvel état d'esprit de Heaven, le fait qu'elle affronte enfin ce qu'elle ressent ? J'espère que c'est bien décrit hein !
À bientôt pour la suite, bisouus ♥
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