Quarante-neuvième Chapitre.

[Après une discussion troublante avec sa mère sur la difficulté de cette dernière à envisager une vie à Erédia, Heaven a rejoint Zac et Jake qui lui ont donné des détails sur ce qu'a subi Joyce en perdant deux queues de son esprit renard.]

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Je lâche un juron, haletante. M'adossant au mur froid pour reprendre mon souffle, je laisse tomber ma dague et masse le poignet que je viens de me tordre. Je serre les dents, sentant tout mon corps pulser de chaleur. Je ne devrais pas faire subir à mon corps d'effort physique avant d'être totalement remise de mes blessures, mais je ne trouve rien de mieux à faire.

Jake et moi nous sommes endormis dès que nous sommes rentrés, laissant Zac au château. Et si lui semble encore parvenir à dormir, je me suis réveillée en pleine nuit et ai abandonné l'idée de retrouver le sommeil dans ses bras.

J'observe les veines brillantes de mes avant-bras, me réjouissant de parvenir à garder la circulation de ma magie plus facilement qu'avant.

Je n'ai pas compté les minutes depuis que je suis descendue dans la salle d'entraînement pour me défouler. D'après l'obscurité toujours totale derrière les petites fenêtres donnant sur l'herbe de l'extérieur, j'imagine que j'ai encore du temps avant le lever du soleil.

J'étire ma nuque et récupère ma dague au sol avant de repartir dans mes mouvements frénétiques. Je répète tous mes exercices, me forçant à être toujours plus rapide, plus contrôlée, plus efficace. Je fais gonfler des orbes d'énergie lumineuses plus vite, je m'entoure d'ondes plus menaçantes, je laisse ma poitrine se compresser et mes tempes battre pour suivre la course affolée de la magie en moi. Je ne peux pas me permettre d'habituer mon corps à se contenter de ce que je connais à la perfection, je dois sans cesse le pousser plus loin.

Mes bottes de combat crissent sur le sol et je repousse les cheveux qui s'échappent de mon chignon. Après avoir bondi en arrière pour récupérer mon arme que j'ai envoyé dans les airs, j'enchaîne en projetant une onde enflammée sur le mur opposé. Je souris face à ma rapidité, laissant la vague de magie remonter en moi et atteindre mes mains pour faire danser l'air autour de mes doigts. Le sifflement augmente dans mes oreilles et j'encercle mon corps du vent qui allonge mes mouvements. Je me propulse sur un mur et mes mains provoquent des impacts fumants là où j'atterris.

J'essaie de me concentrer sur l'enchaînement sans hésitation de mes mouvements au sol et l'utilisation à distance de mon arme, tâchant de ne jamais relâcher mon attention sur l'enveloppe constante de ma magie. Pour être efficace, j'ai besoin de sentir tout autour de moi, et mon temps d'attaque doit être identique à mon temps de réaction. J'ai trop de fois faibli à cause de mon inattention, et je ne laisserai plus cela arriver.

Je retombe sur mes jambes en grimaçant mais garde mon équilibre, puis pivote à la vitesse du vent qui me pousse pour envoyer ma dague droit sur le mur de l'entrée. Elle file si vite qu'elle ne semble être qu'une flamme bleue, et lorsqu'elle se plante dans le creux de la pierre du mur... je lâche un cri de surprise.

Jake me dévisage, les yeux écarquillés, la lame de mon arme à quelques centimètres de son visage. Paralysé sur le seuil de l'entrée, il alterne son regard entre moi et ma dague.

- Merci pour l'accueil, marmonne-t-il.

Je laisse échapper un hoquet stupéfait, ma poitrine s'abaissant alors que je reprends mon souffle.

- Qu'est-ce que tu fais là ? m'enquiers-je, sonnée.

- Je te retourne la question, répond-il en empoignant le manche de ma dague pour l'arracher du mur.

Je plisse les yeux. D'un geste de la main, j'attire ma dague à moi et elle rejoint ma paume en un instant.

- Ça ne se voit pas ?

Jake a un petit sourire narquois.

- Tu t'entraînes à tuer ton petit-ami ?

Je me sens rougir, mais lève les yeux au ciel pour faire mine de rien. Je m'entends respirer bruyamment. D'un pas nonchalant, Jake entre dans la salle et regarde autour de lui.

- Tu t'es réveillée et tu n'arrivais pas à te rendormir ? devine-t-il.

- J'avais besoin d'évacuer, acquiescé-je.

Il sourit de nouveau. Lorsqu'il repose les yeux sur moi, ils sont emplis de malice.

- Tu as encore de l'énergie ?

J'incline la tête, et agite ma dague dans sa direction.

- Quoi ? raillé-je en le toisant de haut en bas. Tu veux te battre contre moi en pyjama ?

Il éclate de rire et passe une main dans ses cheveux décoiffés. Je me demande s'il compte vraiment garder son jogging et son tee-shirt gris. S'il avait été pieds nus, j'aurais cru qu'il me faisait une blague.

- Je peux te battre dans n'importe quel accoutrement, déclare-t-il d'un air théâtral.

Je m'esclaffe, puis me mords la lèvre en le narguant du regard. M'avançant vers lui, je le prends de court en l'envoyant contre le mur d'un geste de la main exhalant une forte onde d'air. Je passe devant lui pour rejoindre la salle d'armes, et quand je reviens avec son couteau de chasse, il me suit toujours des yeux. Il attrape en vol l'arme que je lui lance, soutenant mon regard en affichant une expression que j'ai du mal à déchiffrer. Je décide de l'ignorer, rejoignant le centre de la salle en sautillant.

- Tu t'entraînais sur quoi ? m'interroge-t-il en s'approchant.

- Ma rapidité, réponds-je. Et l'alliance entre ma magie et mon arme. Je crois que je n'arrive pas encore à utiliser les deux en même temps sans m'arrêter.

Il plisse les yeux, désignant ma dague d'un signe de tête.

- En tout cas, elle dégage plus d'énergie qu'avant, commente-t-il.

Je baisse les yeux vers les flammes bleues qui enveloppent la lame. Il a raison. À présent, elle est bien plus qu'une simple arme. Elle est la continuité de mon corps, la signature de ma magie. Ce qu'elle était destinée à être.

- Vas-y, attaque moi, lance Jake.

Je ne me fais pas prier. Après lui avoir rendu son sourire, je laisse la vague d'énergie remonter dans mon corps et m'élance vers lui. Il pare mon coup sans difficulté, faisant s'entrechoquer nos armes et pivotant plus vite que moi. Lorsque je tente de le pousser contre le mur, il me fait trébucher d'un jeu de jambes et j'ai à peine le temps de retrouver mon équilibre qu'il retourne à l'assaut. Je lâche un rire étouffé, reprenant mes esprits tout en observant ses mouvements, toujours aussi souples et experts. Il a beau être à peine levé et en pyjama, il reste bien plus agile que moi. Sans la magie, je sais que je ne pourrais pas tenir cinq minutes face à lui.

Mais j'ai ma magie. Et c'est pour cela que je parviens à éviter ses coups, à le désarmer et le plaquer contre le sol. Je saute en arrière et fais voler ma dague dans l'air pour l'empêcher de terminer ses gestes calculés, frôlant son visage de mes flammes bleues et emplissant l'air d'ondes vibrantes. Jake a songé à enfiler des chaussures de combat, alors il n'a aucun mal à enchaîner les sauts et les roulades, ni à foncer sur moi avant que j'ai le temps de réagir.

Nos respirations et le son de nos pas effrénés brisent le silence, nos corps se tournant autour dans la lumière vacillante des lampes de la pièce.

Je vois dans les mouvements de Jake qu'il m'aide à m'exercer, m'obligeant toujours à le tenir à distance par la magie tout en parant ses coups de couteau. Sa technique de combat étant radicalement différente de la mienne, il s'adapte facilement et n'a pas besoin d'une forte proximité pour m'attaquer, profitant du fait que j'utilise souvent mes deux mains pour m'attaquer sur les flancs et les jambes. Je le remercie intérieurement de ne pas me ménager, poussant malgré moi quelques cris lorsque je me retrouve propulsée contre un mur ou lorsque mon souffle se coupe quand je tombe au sol.

Pendant qu'il revient à la charge après que je l'ai empêché de m'atteindre à l'épaule, je glisse sur le côté et, envoyant une onde circulaire au sol, je barre sa route et en profite pour lancer ma dague, qui va se nicher dans le mur juste derrière lui. Je croise brièvement le regard de mon loup-garou, et dans la lueur bleutée de mes flammes, ses yeux brillent d'amusement et de défi. Il reprend son souffle en même temps que moi, et je lui souris avec malice. Il veut me battre, je le vois. Malgré sa tenue désavantageuse, malgré le fait qu'il est bien moins puissant que moi et qu'il m'aide à progresser, il veut me battre.

Alors je le laisse essayer. Il se rue sur moi en même temps que je fais revenir ma dague dans ma main, et il profite de cet instant pour me plaquer au sol. Il se place au dessus de moi, son couteau à quelques centimètres de moi, ses cheveux plaqués sur son front par la sueur. Tentée de le contempler, je reprends vite mes esprits et me dégage en me laissant envahir par l'air ambiant, créant une bourrasque qui fait perdre l'équilibre à Jake, et, alors qu'il desserre son emprise sur mon épaule, j'en profite pour me dégager et le pousser de ma main libre, qui récupère très vite ma dague qui attendait sur le sol.

Une seconde plus tard, notre combat reprend, mais avec des coups plus proches cette fois, et je sens qu'il fatigue aussi. Alors, désireuse d'en finir, je décide d'augmenter l'intensité de la magie qui m'emplit, désarmant Jake d'un geste crispé de la main. Je lance de nouveau ma dague en l'air pour pouvoir utiliser mes deux mains lorsque je prends possession de l'air autour de moi pour immobiliser Jake et le renverser agilement. Bondissant jusqu'à lui, qui n'a pas le temps de se redresser, je m'assieds à califourchon sur son dos et, reprenant mon arme en plein vol, en pose délicatement la pointe sur sa nuque, parmi les cheveux épars bouclant sous la chaleur.

Il lâche un hoquet étranglé, entre l'amusement et le trouble. Frappant son poing sur le sol, il m'indique la fin du combat, et je laisse tomber ma dague sans réprimer un sourire triomphant. La joue contre le sol de la salle, il me jette un coup d'oeil par dessus son épaule.

- Je t'ai laissée gagner, articule-t-il alors que je résiste à la tentation de caresser ses cheveux.

- Tu parles, pouffé-je. Si je l'avais voulu, tu aurais été au sol en deux minutes.

Il agite le doigt, faisant mine de se retourner pour me faire face. Je l'en empêche en bloquant ses côtes de mes genoux.

- Je n'arrivais plus à me concentrer, dit-il à mi-voix. J'avais envie de faire autre chose.

Je roule des yeux, me tortillant pour étirer mes bras.

- Ah oui ? soupiré-je. Tu voulais faire quoi ?

- Ça.

Et, joignant le geste à la parole, il parvient à se retourner brusquement. Je manque de basculer en arrière, mais il me rattrape de justesse en m'agrippant le bras pour m'attirer vers lui. Sans que j'aie le temps de réagir, il passe sa main derrière ma nuque et lève la tête pour m'embrasser. Je sens mon cœur s'emballer sous la surprise et la chaleur envahit mes veines, mais je ne me laisse pas prendre de court. Je me penche en avant, et il m'accompagne au sol en glissant ses doigts dans mes cheveux pour les libérer de mon chignon déjà défait. Mes mèches noires tombent alors comme deux rideaux autour de mon visage, que Jake englobe de ses mains en m'embrassant. D'innombrables frissons sillonner mon corps, que je colle contre celui de Jake, brûlant. J'agrippe son cou, caressant du bout des doigts ses cheveux épais, me perdant dans les sensations infernales que provoquent sa bouche contre la mienne.

Je réprime un cri quand il roule sur le côté en m'entraînant avec lui, se retrouvant au dessus de moi. Il s'arrête pendant un instant, et, soutenant enfin son regard, j'ai l'impression que tout mon corps prend feu, me faisant oublier le froid du sol dans mon dos. C'est moi cette fois qui l'enlace pour retrouver le contact de ses lèvres, et bientôt, celles-ci parcourent ma mâchoire, et descendent sur mon cou. Je sens son cœur battre frénétiquement contre ma poitrine. Mon dos s'arque instinctivement, et j'entends sa propre respiration se couper alors que j'agrippe ses épaules pour ne pas trembler. Il y a encore quelques instants, on se balançait sur les murs en se battant. Je ne prévoyais pas cette tournure d'événements.

- Jake... articulé-je, à bout de souffle.

Il quitte le creux de mon épaule pour me regarder. Les frissons remontent, depuis le bas de mon ventre à mon crâne. Je me mords les lèvres pour résister à la tentation de les coller à celles de Jake, voulant profiter quelques secondes de plus de la couleur de ses yeux, dont le noir est envahi des paillettes dorées que j'aime tant.

Il écarte des cheveux de mon front, et le sourire qu'il m'adresse à ce moment fait chavirer mon cœur.

- Qu'est-ce que tu es belle, murmure-t-il.

Alors, c'est comme si chacun de ses mots était un baiser, une caresse dans mon esprit, dans mon cœur. Jamais il n'a été aussi tendre, aussi intime.

Incapable de retenir le flot d'émotions qui m'envahit, je lui souris, et la lumière qui naît dans son regard m'inonde aussitôt. Je redresse la tête, juste assez pour qu'il pose de nouveau sa bouche sur la mienne, cette fois avec une douceur surprenante. Je serre si fort les paupière que je vois des étoiles. Je veux graver cet instant dans ma mémoire pour toujours, ne serait-ce que pour l'impression infinie de sécurité et de certitude qui m'emplit dans ses bras.

- Tu veux me faire oublier que tu as perdu, ris-je contre ses lèvres.

Il s'esclaffe aussi, et, après avoir déposé un léger baiser sur mon front, il se remet debout d'un bond agile. Il me tend une main, que je refuse en l'imitant avec un clin d'oeil. Époussetant mon pantalon, je croise son regard moqueur.

- Tu feras attention, fait-il d'un ton moqueur en indiquant sa gorge du bout du doigt. Je t'ai peut-être laissée une marque.

Je me sens devenir écarlate et plaque ma main sur mon cou en fulminant.

- Espèce de...

Mais je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Un énorme fracas retentit dehors, nous faisant tous deux sursauter. Les sens en alerte, nous ne perdons pas de temps avant de récupérer nos armes et sortir en courant de la salle d'entraînement, puis de la salle d'armes.

Quelques instants plus tard, nous sommes dehors, et je serre fermement le manche de ma dague. Instinctivement, j'ai animé toute la magie en moi, et je la sens prête à jaillir à tout signe de danger.

Dans la rue, quelques rares personnes sont sorties, encore à moitié endormies. Je déglutis et dévale les escaliers derrière Jake pour pouvoir apercevoir l'entrée de la ville à notre gauche.

Jake et moi lâchons un hoquet de surprise en choeur.

- Ils font quoi ? fais-je à mi-voix, sentant la magie redescendre en moi.

Il ne répond pas tout de suite, les sourcils froncés.

- Protections, dit-il simplement, presque dans un soupir.

Je sens ma gorge se nouer. Au loin, plusieurs troupes des hommes du roi semblent s'affairer à créer des barrières invisibles, brillant imperceptiblement à la lueur de la lune presque pleine. J'entends leur murmure organisé, vois leurs gestes automatiques et leur tenues - de combat pour beaucoup -, et comprends qu'ils obéissent aux ordres.

- Au beau milieu de la nuit ? hasardé-je sans me tourner vers Jake.

- C'est bientôt l'aube. Certains sorts nécessitent d'être faits pendant la nuit. (Il marque une pause.) Et sans doute que le roi ne voulait pas voir un nouveau jour se lever sans des sentinelles prêtes au combat.

Je frissonne, mais pas à cause du froid.

- Je croyais qu'il avait déjà renforcé les protections, fais-je à mi-voix.

Jake ne répond pas. Je devine dans son silence la même inquiétude qui est la mienne. Après ce qui s'est passé hier, le roi a décidé de ne plus cacher la gravité de la situation. S'il place ses hommes à tous les abords de la ville, c'est qu'il sait que la guerre pourrait éclater à tout moment. Il veut que demain, son peuple se réveille avec la conscience que le pire est imminent.

Jake me précède dans la rue principale, et nous nous approchons de l'entrée d'Érédia. Les barrières translucides s'élèvent de plus en plus haut, engendrées par les sorciers, sorcières, fées et elfes de chaque côté de la frontière. À cet endroit de la ville, il doit y avoir quarante soldats. En me retournant, je devine déjà les lueurs d'autres barrières derrière le château, mais aussi à l'ouest de la ville. Le roi a déployé toutes ses forces. Sent-il que l'étau se resserre ? Que son frère est tout proche ? Je ne peux pas m'empêcher de repenser à notre dernière discussion, à la fureur qu'il y avait dans ses yeux. Il ne tolérera plus aucune erreur de ma part. Quand le soleil se lèvera, plus personne ne pourra ignorer l'urgence de la guerre, et tout le monde me surveillera. Il le sait. Je pourrais presque le voir observer son oeuvre depuis une salle de son château.

- Tu crois que Kali arrivera à briser ces barrières ?

Je sursaute en entendant la voix de Jake, et me retourne vers lui, interloquée. Je m'apprête à répondre que je n'en sais rien, mais une vibration soudaine retentit, semblant provenir du sol, et nous voyons en même temps le mur face à nous, sous les gestes synchronisés des sorciers, s'arquer vers le ciel, et bientôt, rejoindre ses autres extrémités au dessus de nôtre tête. En quelques instants, un dôme se forme et gronde, faisant frémir les arbres à sa frontière. Sa surface brille alors plus intensément, semblant parcourue de filaments étoilés, avant de s'éteindre, comme s'il n'y avait plus rien.

Je tourne sur moi même, le souffle coupé, tremblant de la puissance que je sens tonner jusque dans ma poitrine. On ne voit plus rien du dôme, mais je perçois pourtant son énergie, omniprésente. Sa force magnétique est au-delà de ce tout ce que j'ai vu jusque maintenant, au-delà de ce que Kali a montré. Au camp des Bannis, la protection de la ville était impressionnante, et j'ai bien failli mourir en la franchissant. Celle que j'ai sous les yeux, ou plutôt celle que je ressens dans mes tripes, est inqualifiable.

- Tu crois qu'on peut sortir de la ville ? dis-je d'une voix étranglée.

- Je ne sais même pas si on peut s'approcher de la barrière, répond Jake, semblant lui aussi à bout de souffle.

Je déglutis et porte la main à mon ventre. L'air s'est chargé de chaleur, de pression et d'angoisse. De pouvoir.

Non loin de nous, la quarantaine de soldats semble se détendre, et se félicite sobrement. Je reconnais quelques personnes du château. En pivotant pour observer la ville et ses chemins montant jusqu'au palais, je remarque que l'édifice lui même brille d'une étrange lueur, comme s'il reflétait le clair de lune.

- J'ai peur, lâché-je soudain.

Je me surprends moi-même et regrette aussitôt mes paroles. Je me fige, craignant de croiser le regard de Jake qui reste silencieux.

Finalement, il pose la main sur mon épaule, et je me raidis en sentant ses doigts frôler mes cheveux.

- Je serais plus inquiet si ce n'était pas le cas, raille-t-il.

J'essaie de sourire, mais n'y parviens pas. Je ne lève pas la tête vers lui, et garde les yeux rivés sur le château, semblant être le miroir du dôme qui s'élève autour de nous, le miroir de la puissance de la ville, de toutes ses craintes. Je ne sais pas pourquoi cela éveille autant de terreur en moi, pourquoi j'ai autant l'impression d'être accablée. Je ne sais pas pourquoi, au loin, le château semble me narguer, et pourquoi je prends tout cela comme un message que le roi veut me faire passer. Il protège son royaume, voilà tout. Alors pourquoi ai-je l'impression d'étouffer ?

Ma main se crispe sur mon ventre, et je ne retrouve toujours pas un souffle régulier.

- Heaven, ça va ? fait la voix de Jake, qui me paraît lointaine.

Je lève enfin les yeux vers lui, et me rends compte que ma vue est brouillée par des larmes difficilement répressibles. Jake les essuie d'un geste de la main et me considère avec agitation, écartant mes cheveux de mon visage pour planter son regard dans le mien.

- Heaven ? répète-t-il.

J'entrouvre les lèvres pour parler, mais seul un souffle étranglé les franchit. Ma gorge se noue, et je me sens suffoquer. J'agrippe les manches de Jake, comme si j'allais tomber, et il prend mon visage dans ses mains.

- Il m'enferme, parviens-je à articuler, comprenant au même moment l'origine de mon angoisse. Je ne... je ne veux plus être enfermée.

Jake écarquille les yeux, et je lâche un hoquet tant je peine à reprendre ma respiration. Les sanglots coincés dans ma poitrine me font mal au cœur, mon ventre noué me donne la nausée. Je laisse tomber ma tête contre le torse de Jake, à bout de forces, mes doigts tremblant sur ses bras.

Lorsque je sens la chaleur surnaturelle de ses mains se diffuser sur ma nuque, puis le long de mon échine, je ne réagis pas. Je le laisse m'apaiser comme seul lui peut le faire, et ne le lâche pas tandis qu'il s'exécute sans un mot.

Et même quand je parviens à respirer normalement, je ne le lâche pas. Je ne bouge pas. La tête contre son cœur, je me berce au son de son battement. Et au loin, toujours, je regarde le château, s'éveillant au rythme du ciel.

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Voilà pour le chapitre 49 ! J'espère qu'il vous a plu !

Je suis tellement désolée pour l'attente, avec la rentrée et le retour à la vie étudiante, j'ai pas réussi à me poser et à être inspirée, pardoooon

J'espère quand même que vous êtes contents et que vous aimez encore l'histoire ! Dites moi ce que vous aimez et ce que vous aimez pas, ce que vous voulez voir aussi ;)

À bientôt pour la suite, bisouus ♥

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