Neuvième Chapitre.

[Samedi 22 Octobre. 22h. Dans la journée, Heaven a vu Molly qui semble être toujours de son côté. Elle a ensuite lu le carnet de rapport de Jorah, et a réagi brutalement, assaillie par l'émotion.]

_ _ _ _ _

J'ai beaucoup réfléchi à cette profonde culpabilité. Je ne m'étais jamais rendue compte du point auquel je m'en voulais, et c'est en lisant l'histoire de ma propre création que j'ai pris conscience de ce sentiment refoulé. Je m'en veux d'être encore là alors que tous les autres ont péri. C'est peut-être de là que vient cette sorte de blocage inexplicable qui m'empêche d'atteindre le cœur de mon pouvoir. J'ai une puissance que je ne mérite pas à mes yeux, qui n'aurait pas dû exister, une puissance qui a couté des centaines de vies. Je sais qu'elle est mienne, mais peut-être que je ne le ressens pas encore, parce que je garde l'éternelle question du « Pourquoi moi ? ». C'est sur ça qu'il faut que je mette le doigt. Sur cette culpabilité dont je dois me défaire. Alors, je pourrai en faire ce que je veux.

Je soupire en tournant dans mon lit. Jorah m'a permis de retourner dans la première chambre où je logeais en arrivant ici, alors je retrouve le peu de routine que je m'étais fixée au début. Au moins, je peux dormir tranquillement, sans avoir peur d'être surveillée. Il est déjà bien tard, et la nuit est tombée depuis des heures. Mais je n'arrive pas à trouver le sommeil, l'esprit assailli malgré moi. J'ai examiné mes menottes sous toutes leurs coutures, analysé chacun des souvenirs que j'avais depuis mon arrivée dans ce camp. Je n'arrive toujours pas à déterminer combien de temps je devrais attendre. Si j'arrive à être prête avant mardi, je pourrais peut-être m'enfuir avant la guerre. Il faut absolument que je parle à Molly, elle pourrait être d'une grande aide dans mon plan.
Je me blottis dans les draps froids, collée au mur. Malgré moi, je commence à m'habituer à la profonde solitude qui enserre ma poitrine depuis quelques jours. C'est tout de même étrange. J'ai été seule toute ma vie, et je n'ai jamais ressenti un tel sentiment. Peut-être parce qu'avant, rien ne pouvait me manquer.
Mon ventre se tord en songeant à tout ce qui aujourd'hui, me manque. Me manque affreusement.
Et c'est en pensant à la vie que je n'ai plus que je finis par m'endormir.

Je suis réveillée en sursaut par le son de grincement de porte qui résonne dans la pièce. Me redressant d'un coup sur mon lit, je me plaque contre le mur en observant ma porte s'ouvrir lentement. L'embrasure laisse échapper un léger trait de lumière froide, et je déglutis en plissant les yeux pour distinguer la silhouette qui se dessine peu à peu dans la pièce.

— C'est qui ? lancé-je dans un souffle.
— C'est moi. Molly.

Sa voix me fait frissonner violemment de soulagement, et je bondis hors de mon lit pour aller la rejoindre.

— Chut, chut, impose-t-elle alors.

J'arrive à son niveau en ralentissant la cadence, et peux enfin voir son visage, et ses yeux bleus briller dans la nuit.

— Qu'est-ce que tu fais là ? chuchoté-je.
— Je t'emmène quelque part, on n'a pas beaucoup de temps.
— On sort du camp ?

Ma voix était plus tremblante que je l'aurais voulu, mais l'incompréhension et l'émotion est si forte à cet instant que je ne réfléchis plus.

— Non, répond brusquement Molly. Pas encore. Allez, viens.

Je fronce les sourcils et il ne me faut pas plus de dix secondes pour enfiler des chaussures et la précéder dehors. Lentement, elle referme la porte derrière elle, et je l'observe s'engager sur le balcon, le cœur battant. Le froid qui frappe mon visage me force à souffler, et je regarde les allées vides du camp, plongées dans l'obscurité et le silence. La lune est haut dans le ciel et éclaire vivement la nuit, rendant l'atmosphère encore plus pesante qu'elle ne l'est déjà. Cette ambiance nocturne, chez les Bannis, en pleine forêt, rien ne pourrait la décrire correctement.

— On va où ?

Molly place son doigt sur sa bouche, et je peux voir à son expression qu'elle est très sérieuse. Elle lance des regards vifs autour de nous, tendue. Nous descendons à pas de loup les petits escaliers qui mènent à la rue, et alors que nous nous engageons dans une étroite allée, mon amie prend enfin la parole.

— C'est très dangereux, alors évite de trop parler, d'accord ?

J'acquiesce vivement.

— On va où, alors ?
Je t'emmène voir Jake.

Mon cœur rate un battement, et je suis obligée de poser la main sur ma poitrine pour me détendre. Je sens une chaleur infernale affluer dans mes tempes, et Molly retient mon bras en me voyant presque vaciller.

— Faut qu'on se dépêche, souffle-t-elle.
— Oui, d'accord.

Le cœur affolé, je la suis en me faufilant dans les ruelles sombres. Nous débouchons sur une large allée, elle s'arrête quelques instants.

— Pourquoi tu fais ça ? l'interrogé-je, la voix tremblante.
— Je sais que vous vous manquez. Et je suis la seule de votre côté à être libre ici.
— Tu es vraiment de notre côté ?
— Bien sûr.

Molly sourit, et je lui rends l'accolade qu'elle m'offre ensuite. Ses yeux pétillent, et j'ai soudainement l'impression que ma poitrine s'allège. Elle est avec nous, elle va nous aider.

— On parlera de ça tout à l'heure, avec Jake, OK ? chuchote-t-elle.

Je hoche frénétiquement la tête. Alors, elle se remet en route et nous remontons la rue plus tranquillement.

— Rah, je risque ma vie pour votre petit couple, là, soupire l'Ondine d'un air mi-agacé mi-amusé.
— Merci...

Elle se retourne brièvement vers moi et m'adresse un sourire franc. Mon cœur est si affolé et ma tête si embrumée que j'ai du mal à reprendre mes esprits. Je ne me rends plus compte de l'endroit où je suis, je ne me rappelle plus de rien. Il n'y a que Jake qui compte.

Nous arrivons face à un bâtiment que je devine être relié à celui où je m'entraîne depuis ce matin, et je retiens ma respiration. Il était aussi près de moi ?

— Alors là, il va falloir être très discrète, lance Molly en posant sa main sur la poignée métallique de l'entrée. Ce n'est pas surveillé, mais il se peut qu'il y ait des patrouilles. Alors fais comme si c'était normal, OK ?

J'opine sans hésitation, et elle me précède enfin dans le bâtiment. Rapidement, nous gagnons un large couloir éclairé d'une faible lumière artificielle, et je devine la suite de pièces qui sont visibles par un petit hublot. On dirait une sorte d'hôpital, d'infirmerie. Voilà pourquoi Molly connaît parfaitement l'endroit.

— Qui est là ? fait alors brutalement une voix masculine dans notre dos.

La voix au ton sévère résonne dans tout le couloir, et je lance un bref regard affolé à Molly avant de me retourner. Elle m'imite, et inspire longuement. L'homme nous rejoint, et pose un regard inquisiteur sur nous. Il ne faut pas paniquer, surtout pas.

— Je suis la guérisseuse temporaire du camp, annonce Molly. J'emmène Heaven dans une cellule.
— En pleine nuit ?
— Elle a besoin de surveillance médicale.
— Jorah n'a jamais précisé ça.
— Il me l'a dit tout à l'heure.
— Il a besoin de vérifier mon évolution, interviens-je alors brusquement.

J'affronte enfin son regard, et relève le menton. Il plisse le front, les traits durcis.

— Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ?

Mon cœur menace d'exploser à tout moment. Je suis à quelques mètres de Jake, et il faut évidemment qu'un obstacle impromptu me sépare encore de lui. Je serre les poings, et soutiens un peu plus son regard en déglutissant.

— Je pense que vous devriez nous croire, déclaré-je calmement. Je ne suis pas ici pour rien, non ? Jorah a lui même dit à Molly de m'emmener ici, et je ne pense pas qu'il ait de temps à perdre. Il doit surveiller mon état pour être sûr que le jour venu, je puisse tous vous sauver. Vous comprenez ?

L'homme fronce les sourcils, et me lance un regard indéchiffrable, gardant ses yeux solidement accroché aux miens. Un étrange frisson parcourt ma nuque, et l'homme nous considère en silence pendant quelques instants avant de porter ses doigts à l'arête de son nez et soupirer. Puis, sans un mot, il nous adresse un signe de tête cordial, et fait demi-tour. J'affaisse les épaules en lâchant un soupir de soulagement, et desserre les poings en grimaçant de douleur. Mes ongles se sont enfoncés dans mes paumes. Je sens que mon pouls est affreusement anormal, et je pose de nouveau une main sur ma poitrine pour me détendre, en reprenant peu à peu mon souffle avec douleur. Ma respiration est déjà saccadée, mon crâne sur le point d'exploser. Chaque instant aggrave mon état.

— Bien joué, Heaven, souffle à son tour Molly. La carte de la sauveuse surpuissante a l'air efficace.
— Ouais...
— Je ne pensais pas qu'il allait nous lâcher aussi facilement.

Je hausse les épaules, moi même un peu perturbée par cette brève rencontre, et prends une profonde inspiration en voyant Molly reprendre le chemin. Je lui emboîte le pas en tournant vers un nouveau couloir.

— Il est dans la dernière chambre, fait mon amie.

Ma respiration se bloque définitivement, et je suis obligée d'accélérer en apercevant déjà le bout du couloir.
Quelques mètres à peine me séparent de lui. Quelques secondes à peine me séparent de lui.
Nous arrivons enfin à la fameuse porte, et je ne peux pas résister à l'envie d'observer par le hublot. Je suis aussitôt brutalement repoussée par le bras de Molly.

— Non, il y a des caméras dans les chambres.

Je hausse les sourcils, et recule instinctivement.

— Comme je t'ai dit, on n'a vraiment pas beaucoup de temps, enchaîne l'Ondine. Si on détruit la caméra, on aura à peu près quinze minutes avant que quelqu'un s'en rende compte et vienne. Faut vraiment qu'on se dépêche pour avoir le temps de s'enfuir.

Je hoche la tête. Je dois rassembler toute ma concentration pour ne pas m'affoler et rester pragmatique tout en sachant que Jake est de l'autre côté de cette porte. Dans un instant, je le retrouverai.

— Pourquoi tu fais ça si c'est aussi dangereux ? interrogé-je Molly.
— On doit s'organiser, et cette nuit, la plupart du camp est occupé en réunion ou en patrouille. On n'aura pas beaucoup d'occasions de se retrouver. Et puis Jorah finira par se douter que je joue sur les deux tableaux.

Je reste silencieuse une seconde, fixant Molly avec insistance. Je ne saurais décrire mon état émotionnel actuel.

— Pourquoi tu nous aides autant ?

Elle soutient mon regard, d'abord sans dire un mot. Puis elle penche la tête et me répond.

— Parce que vous êtes les seuls à avoir l'esprit clair ici. Tous les Bannis vivent comme ça depuis trop longtemps, alors ils ont pris l'arrivée de Jorah comme un signe du destin. Mais moi, je vois les choses de plus loin. Ce combat est ridicule, et on devrait trouver une autre solution. On peut en trouver une, mais pour ça il faut s'assurer que tu es hors de portée de Jorah.

J'inspire profondément, soulagée et émue par les mots de Molly. Enfin une Bannie qui n'est pas aveuglée. Je n'aurais jamais pensé qu'elle puisse être d'une si grande aide, et en la laissant rejoindre le camp des Bannis, je pensais un peu naïvement la laisser se rallier à leur cause. Mais j'avais tort.

— Et puis... je t'en dois une, ajoute l'Ondine.

Je redresse le menton, et ébauche un sourire lorsqu'elle m'adresse un clin d'œil.

— Alors tu as un plan ? m'enquiers-je.

Elle secoue brièvement la tête.

— Pas vraiment. Mais on en parlera plus tard.

Elle me fait signe de me cacher derrière le mur afin de ne pas être repérée par la caméra de la chambre, et pose son doigt sur la poignée de la porte. Elle m'indique de ne pas faire un bruit, et j'entends le mécanisme de la porte s'activer alors qu'elle pousse dessus. Je serre les poings, le cœur prêt à exploser, et fixe le mur en face de moi en me concentrant pour calmer mon pouls infernal. J'entends la lumière de la pièce s'allumer, et Jake se lever d'un bond de son lit.

— C'est moi, calme toi, lance Molly.
— Oh, tu m'as fait peur.

Je pose ma main sur ma bouche en entendant sa voix pour la première fois depuis ce qui m'a semblé être une éternité, alors qu'un frisson gelé hérisse tous les poils sur ma peau, fait bourdonner mes oreilles.
Molly demande à Jake de casser les caméras autour d'eux, et il ne faut que quelques secondes pour qu'il s'exécute.

— Bon, tu vas m'expliquer ce qu'il se passe, ou quoi ? s'impatiente-t-il alors.
— Il vaut mieux que tu le vois par toi même.

Alors, l'Ondine recule et me lance un bref coup d'œil, me faisant signe d'entrer. Je soutiens son regard en silence pendant un instant, avant de faire enfin un pas pour me montrer.
Et je le vois. Il est là, debout devant son lit, éclairé par les néons au dessus de lui. Mon ventre se tord avec violence, et je réprime un gémissement de douleur en sentant mon cœur se serrer tant il bat frénétiquement. Aucun de nous ne bouge, et je l'observe entrouvrir la bouche, les bras ballants, ayant dans les yeux tout ce qu'aucun de nous deux ne peut dire. Puis, je sens un sourire étirer doucement les commissures de mes lèvres, et fais un premier pas vers lui. Je garde mes yeux plongés dans les siens, détaillant sans vergogne son visage, celui qui m'a tant manqué. Ses cheveux ébouriffés, sa mâchoire saillante et son cou marqué, ses yeux brûlants, ses longs cils. Il ne m'a jamais semblé plus beau.

Il avance à son tour, et nous sommes rapidement à quelques centimètres l'un de l'autre. La chaleur dans mon corps est telle que j'ai l'impression que je pourrais m'évanouir à tout moment, et ma poitrine menace d'imploser. Je pourrais pleurer tant je suis envahie d'émotions.
Lentement, comme s'il avait peur de trop bouger, Jake lève la main, et l'approche doucement de mon visage. Et, lorsque ses doigts se posent sur ma joue, tout mon corps tremble. Il est bel et bien là. Le regard de mon petit-ami s'anime d'une émotion indescriptible, comme si lui aussi prenait conscience que je suis près de lui. Il porte son autre main à mon autre joue et dévore mon visage des yeux, d'une façon qu'il m'est impossible de définir tant elle me fait bouillonner. Mais les larmes qui coulent alors de mes yeux expriment d'elles même ce qui se joue en moi à cet instant. Jake secoue la tête, et je le vois sourire imperceptiblement. J'agrippe ses poignets, ne parvenant pas à m'arracher à la contemplation de ses iris brillants, parsemés de paillettes jaunes.

— Tu es vraiment là...

Sa voix est presque inaudible, brisée, tremblante. Je n'ai jamais entendu une telle émotion de sa part, et m'en rendre compte me met encore plus dans tous mes états.

— Je suis là, articulé-je en un souffle.

Un sourire étincelant barre le beau visage du loup-garou, et il enfouit alors mon visage contre son torse, en me serrant fermement contre lui. Il cache son menton dans mon cou, et je pose mes mains derrière lui en fermant les yeux, alors totalement coupée du monde, grisée par son odeur, hypnotisée par le contact de son corps chaud contre le mien. C'est comme si, le temps d'un instant, j'oubliais tout ce qu'il se passait, grâce à lui.
Je sens Jake frissonner, et me décide à me détacher de lui avec un tremblement, sachant que nous n'avons pas beaucoup de temps. Il enferme de nouveau mon visage entre ses mains, et je soutiens son regard ardent. Ses yeux brillent, mais pas comme d'habitude. C'est comme s'il était au bord des larmes...

Il ne faut pas plus d'une seconde pour qu'il se baisse et pose ses lèvres sur les miennes, d'abord doucement, puis plus brutalement. Son baiser a le goût salé de mes larmes. Je me colle à lui, soudainement complètement affolée, les sens alarmés alors que je retrouve le contact délectable de sa bouche. J'agrippe les côtés de son cou, appréciant la sensation de mes doigts parcourant sa mâchoire. Notre baiser se fait plus pressant, plus avide, et je me sens perdre haleine. Mon cœur va lâcher.
C'est lui qui brise le contact et s'éloigne d'un coup, gardant ses mains sur mes épaules, à bout de souffle. Je ris intérieurement en voyant ses joues rosies et la lueur fiévreuse dans ses yeux.

— Tu vas me rendre fou, rit-il dans un soupir.

Je lui rends un sourire, et il essuie les dernières larmes fines qui perlent au coin de mes paupières. Je pourrais jurer que j'en vois naître dans ses yeux aussi, et ça me retourne encore plus le ventre.

Soudain, j'entends le raclement de gorge pressant de Molly derrière nous. Je me sens sursauter, ayant malgré moi oublié sa présence.

— Je ne voudrais pas casser l'ambiance, mais il nous reste à peine dix minutes.

Je hoche la tête, et m'éloigne de Jake en croisant les bras. Il reste près de moi, et je me sens rassurée rien que de le sentir à mes côtés.
Molly prend alors la parole, l'air plus déterminé que jamais. Elle reste alarmée, alternant les coups d'œils entre le couloir et sa montre.

— Jake, j'ai amené Heaven ici parce que c'était la seule occasion pour vous de vous voir, mais aussi parce qu'il faut qu'on mette au point une stratégie.

Il acquiesce, à l'écoute.

— Comme vous le savez, la guerre aura lieu mardi. J'imagine que vous ne voulez pas vous battre contre votre peuple, non ?

Jake et moi secouons la tête, et Molly poursuit.

— Je dois encore me renseigner sur les plans de Jorah, mais il faut qu'on trouve un moyen pour sortir d'ici avant le début de l'affrontement. Le plus tôt possible.
— J'ai besoin de temps ici, l'interromps-je.

Elle fronce les sourcils, et je serre les poings en inspirant lentement.

— Je dois suivre l'entraînement qu'il me donne pour devenir la plus puissante possible. Je veux me retourner contre lui au dernier moment et le battre pour l'empêcher de reprendre Érédia.

Molly entrouvre les lèvres sans répondre, et je sens le regard pesant de Jake se durcir. Je sais que ma stratégie est un peu bancale, mais je la crois possible d'aboutir.

— Ça n'empêchera pas la guerre, commente Molly.
— Je sais, réponds-je en haussant les épaules. Mais ça le neutralisera.
— Tu ne pourrais pas le faire avant le début de la bataille ? intervient alors Jake.

Je soutiens son regard un instant, et affiche une moue dubitative.

— Si je progresse assez vite, déclaré-je enfin. Mais peut-être qu'il sera trop tard...
— On doit essayer, souffle Molly. L'idéal serait qu'on retourne à Érédia pour prévenir tout le monde. Si on veut empêcher la guerre...
— Mais toi tu ne peux pas ? la coupé-je brutalement. Tu es libre, pourquoi tu ne vas pas à Érédia ?

L'Ondine secoue la tête, et montre ses poignets, qui sont marqués d'une fine ligne noire.

— Je n'ai pas le droit de sortir d'ici tant que je n'aurais pas prouvé mon allégeance, donc pas avant la guerre. Jorah ne me fait pas encore assez confiance pour me laisser vagabonder à ma guise.

Elle soupire, et je grimace.

— Les Bannis vont avoir l'aide de tous les Bannis alentours, annoncé-je.
— C'est vrai... souffle Molly.
— Alors il faudrait que tout Érédia soit mobilisée et prête si elle veut pouvoir les battre, c'est ça ? fait Jake.

Je hoche la tête, et Molly intervient d'un ton plus pressé.

— Imaginons que tout Érédia arrive ici en premier, et qu'ils encerclent le camp de manière à neutraliser tous les Bannis en réduisant leurs forces sans les tuer. Si Heaven parvient à elle même mettre Jorah hors d'état de nuire, et que l'on parvient alors à prendre le dessus sur les Bannis, il ne devrait pas y avoir de guerre. S'ils savent qu'ils n'ont ni leur chef ni leur arme secrète, ils ne feront rien. Surtout si tout ce qu'ils souhaitent c'est revenir à Érédia, et qu'on leur propose un marché pour les convaincre.

Nous opinons lentement, et je sens mon cœur bondir dans ma poitrine en l'entendant. Elle a raison. Les Bannis ne pourront rien contre une Érédia surpuissante. Encore faut-il réussir à les prévenir.

— Et on fait comment pour les avertir ? lancé-je.

Molly ne répond pas, et passe sa main sur son visage en vérifiant sa montre. Puis, elle hoche frénétiquement la tête et souffle.

— Il faut que je trouve comment fonctionne la barrière. Ça a l'air d'être un charme très puissant...
— Je pourrais m'informer aussi, fais-je. J'arrive à faire parler Jorah de temps en temps.

Elle acquiesce.

— En dernier recours... hésite-t-elle.

Je l'interroge du regard, et elle soupire brièvement.

— Tu penses que tu pourrais supporter un nouveau passage hors de la zone ?

Je frissonne, et entrouvre la bouche, d'abord silencieuse. Puis, je serre les poings et bloque ma respiration, le cœur battant.

— S'il le faut, je le supporterai.
— Tu risquerais de perdre connaissance, lâche alors Jake. Tu ne pourrais pas te battre.
— Alors on aura plus qu'à prier pour que je reste consciente.

Je lève les yeux vers lui, et il pose une main sur mon épaule, le regard durci. Je sais qu'il s'inquiète pour moi, mais j'ai confiance. Si je m'améliore véritablement comme je suis censée le faire, je serai assez robuste, je dois y croire, car ça sera alors notre dernier espoir.

— Si tu parvenais à créer une brèche comme ça, ajoute Molly, tu ferais diversion et je m'enfuirais le plus vite possible vers Érédia.
— OK. Donc on a quand même un plan B, même si c'est risqué.

Un court silence s'installe, et je me racle la gorge en essayant de remettre mon esprit en place.

— J'ai vu dans le bureau de Kali une carte qui a l'air importante, dis-je. Je vais essayer de mettre la main dessus, elle peut révéler des éléments essentiels sur leur stratégie.
— D'accord. De mon côté, je me renseigne discrètement. On fait un point dès que possible.
— Est-ce que Thaniel sera mis dans la confidence ? osé-je alors demander.

Molly me considère d'un air pensif, et je sens la main de Jake se crisper.

— Ça dépend de toi... Tu penses qu'on peut lui faire confiance ? soupire Molly.
— Il s'est retourné contre Jorah pour me sauver la vie...
— Ça ne veut rien dire, lâche brusquement Jake. Il tient à toi et c'était sur le moment, mais il pourrait très bien faire foirer notre plan avant même qu'il ne soit mis en place.

J'ouvre la bouche pour répondre, mais ne trouve rien à redire.

— Il faudrait que je lui parle, déclaré-je finalement.
— On trouvera une occasion. En attendant, on doit se concentrer sur nos tâches respectives. Heaven, tu progresses et tu espionnes, moi, je continue de jouer les agents doubles.
— Et moi, je fais quoi ? souffle Jake.
— Toi, tu fais profil bas et tu reprends des forces, déclare Molly. Jorah a visiblement une relation particulière avec toi aussi, alors mieux vaut ne pas trop te faire remarquer.
— Relation particulière ? répété-je à mi voix.

Je soutiens le regard de Molly, puis de Jake, sans un mot. Je vois passer dans leurs yeux une lueur énigmatique, et observe mon petit-ami secouer lentement la tête.

— Pas maintenant...

Je fronce les sourcils, et insiste du regard.

— Il m'a dit qu'il avait des trucs à régler avec toi. Qu'est-ce que ça veut dire ?

Ma voix tremble malgré moi. Je m'écarte de Jake pour me mettre devant, et je fais alors face à son visage torturé par l'émotion, peignant ses traits d'une expression que je ne lui reconnais pas. C'est comme si son esprit luttait, qu'il ne disait rien parce qu'il avait peur de mettre des mots sur ses pensées. J'ai beau réfléchir à un quelconque lien possible entre Jorah et Jake qui pourrait le mettre dans cet état, je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

— Heaven.

La voix de Molly m'arrache aux yeux de Jake, et je me retourne vers elle d'un air alarmé.

— On doit y aller. Ils ne vont pas tarder, il faut se dépêcher.

Je tremblote, et me retourne brièvement vers Jake.

— Tu ne veux pas me dire ? lâché-je dans un souffle.
— Pas maintenant.

Je serre les dents en sentant ma gorge me bruler, puis opine lentement.

— D'accord, c'est pas grave.

Je lui souris doucement, et, alors que je m'apprête à reculer pour interroger Molly, Jake me tire contre lui en m'agrippant le bras. Je n'ai pas le temps de respirer qu'il m'embrasse brutalement, semblant puiser dans mes lèvres tout la force du bref instant qui nous unit. Je m'abandonne à son étreinte pendant une seconde, brûlée de l'intérieur, l'émotion tordant mon ventre. Ce baiser à un goût amer. Je ne saurais dire pourquoi, mais il semble exprimer plus de tristesse que je ne pourrais le dire. Jake m'embrasse comme s'il pensait ne plus jamais pouvoir le faire. Mais je le comprends. Ici, chaque baiser pourrait être le dernier.
Je décolle ma bouche de la sienne en respirant bruyamment, et ai juste le temps de me retourner une dernière fois, croisant alors son regard foudroyant le temps d'une seconde, pouvant alors voir clairement les larmes qui naissent dans ses yeux. Et, avant que je puisse me questionner sur cette expression déchirante, la porte se referme sur moi alors que je suis entraînée dans le couloir par Molly. Et nous nous mettons à courir.

_ _ _ _ _

Voilà pour le chapitre 9 ! J'espère qu'il vous a plu !

Je sais, vous avez attendu pas mal de temps, j'étais en vacances à l'étranger donc je ne pouvais pas écrire désolée ! Mais bon, l'attente valait le coup... non ?

RETROUVAILLES ! Je savais à quel point vous en mourriez, donc j'ai décidé de les faire maintenant pour ne pas vous torturer plus longtemps ! Qu'en avez vous pensé ? S'il y a quelque chose qui cloche, dites moi et je changerai, vous savez que je veux tout soit parfait pour vous !!

Sinon, vous pensez que leur plan peut marcher ? Est-ce que vous voulez qu'il marche, d'ailleurs ? Parce qu'après tout, vous attendez une guerre, pas vrai ? ;)

Je ne sais pas si vous avez suivi mes mésaventures dernièrement, mais cette histoire a été supprimée par Wattpad 2 fois en une semaine, avant de réapparaître quelques heures après à chaque fois D: De quoi bien me foutre la trouille en tout cas !

J'espère que ceux qui lisent la réécriture en parallèle en sont satisfaits, et sinon, je vous invite à donner votre avis :)

À bientôt pour la suite, bisouus ♥

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top