Cinquante-quatrième Chapitre.
[Samedi 4 mars. Heaven a pris une pause dans l'entraînement. Isolée avec Jake, ils se sont confiés mutuellement et ont partagé un moment intime.]
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— Vous étiez passés où ?
Je réponds à Zac d'un geste évasif de la main, m'abritant de la pluie avec les autres. Le Changeur est assis sur le fauteuil que j'occupais tout à l'heure. Sur un des accoudoirs, il y a une tache de sang.
Ici, on entend le bruit assourdissant des trombes d'eau, et l'odeur de l'herbe mouillée emplit l'atmosphère, se mêlant au métal du sang et à l'amertume de la sueur. J'essore mes cheveux en jetant un regard autour de moi, dans un silence teinté d'impatience.
Et le roi arrive un instant après, comme s'il n'attendait que que nous soyons tous réunis pour faire une entrée théâtrale. Accompagné de gardes portant deux grosses malles en bois, il referme la double porte derrière lui en faisant passer un coup de vent dans toute la pièce, soulevant cheveux poisseux et fleurs fanées. Du coin de l'oeil, je vois Stefen sourire imperceptiblement en s'avançant vers son souverain.
— On les attendait, commente-t-il alors que les gardes posent les malles au sol.
Quand ils les ouvrent, je n'ai pas besoin de demander ce qu'elles contiennent. La plus grosse s'ouvre sur une masse de cuirasses sombres, l'autre sur des armes, des ceintures et des baudriers.
— Voilà ce que vous devrez porter dès que vous serez dehors à partir de maintenant, annonce le roi.
Kaleb est le premier à se pencher pour prendre une cuirasse, la dépliant pour en dévoiler les couches étrangement scintillantes vues de près. Il l'enfile par dessus sa tenue de combat, recouvrant son torse de l'étrange matière. Je le vois écarquiller les yeux, et à l'instant où il commente sa légèreté, la cuirasse s'étale d'elle même, remontant jusqu'à son cou et recouvrant tous ses bras. Je ne réprime pas un « Oh ! », auquel le roi répond avec un sourire :
— La science des fées sera toujours épatante.
Ce commentaire semble engager le mouvement, et tout le monde prend une cuirasse avant de l'enfiler. S'ajoutant au pantalon cargo et à la veste renforcée, le nouveau vêtement semble s'adapter au corps de chacun.
Je prends la mienne au même moment que Nadia, manquant de me cogner contre elle. Ses oreilles pointues frémissent, comme si elles étaient la seule partie de son corps ne pouvant feindre l'indifférence.
Comme Kaleb l'a dit, la cuirasse est si légère qu'on la sent à peine. S'ajustant parfaitement au moule de mon corps, la matière s'étend comme sur les autres, m'arrachant des frissons sur le cou et les poignets lorsqu'elle s'y dépose. J'observe mes bras, tentant de définir ce mélange de cuir et de métal sombre, semblant être à la fois aussi souple que de la soie et aussi résistant qu'une armure. Je pensais suffoquer, enfermée, mais c'est comme si elle faisait tout pour se faire discrète sous mon inquiétude.
Lorsque je relève les yeux vers les autres, ils sont en train d'attacher leurs ceintures et baudriers, brillant rapidement de couteaux, haches, massues, faucilles et autres lames. En prenant une ceinture à trois rangs, je vois ma mère attacher une épée à la sienne, manquant de bousculer une Cora occupée à aligner les couteaux par ordre croissant sur sa poitrine.
Jake, en train de discuter avec Kaleb et Tyssia, a rajouté des lames à son baudrier, gardant son couteau de chasse contre sa côte. Pour la première fois, je vois qu'il a entouré le manche de son arme de son collier, la griffe lui servant de pendentif ressortant étrangement sur le sombre de sa cuirasse.
Je pioche plusieurs lames pour les aligner à mes hanches, gardant ma dague à la meilleure portée. Bientôt, je suis aussi bien parée que les autres, et je passe un regard impressionné sur tous mes compagnons. Si la tenue de combat classique nous permettait de varier les couleurs, nous sommes à présent tous recouverts du même anthracite épais. À cet instant, on dirait une vraie armée. De vrais guerriers. Aussi mensongère puisse être cette apparence.
Resté silencieux tout ce temps, le roi tape dans ses mains, refermant sans les regarder les malles à présent vides.
— Voilà votre nouvelle tenue de formalité, déclare-t-il. Vous devez servir d'exemple. Bientôt, tout le monde vous imitera. Cette armure spéciale est faite à partir d'un cuir à base d'écorce et d'écailles de sirènes, brûlé et lié par la poussière de fée. En plus de renforcer tous vos muscles, elle permet des mouvements plus souples et vous protège dix fois plus efficacement que vos vestes habituelles. Elle est renforcée au niveau de la poitrine et repousse les coups latéraux des lames.
Alliant le geste à la parole, il dégaine une épée et fait mine de trancher le ventre de Stefen, qui ne fait aucun mouvement de recul. La lame se heurte à la cuirasse, qui s'anime le temps d'une seconde de reflets argentés au niveau où elle aurait dû être déchirée.
Interloquée, je tire un couteau pour essayer de fendre le cuir sur mon abdomen. J'appuie de plus en plus fort mais ne parviens qu'à de légers fourmillements et des lueurs argentées. Les dents serrées, j'attrape fermement le manche et le tourne pour essayer de l'enfoncer dans mon ventre, une douleur fantôme s'y installant.
— Je ne ferais pas ça à ta place, m'interrompt le roi.
Je suspends mon geste, le regardant avec l'impression de sortir d'une rêverie.
— Elle est moins résistante face au coups frontaux, explique-t-il.
— Que fait-elle face au feu ? interroge ma mère.
Je vois le roi sourire le temps d'une demi-seconde avant qu'il ne réponde.
— Vous pouvez vous défendre des flammes, non ?
Teresa relève le menton, et ses yeux bleus prennent leur lueur surnaturelle.
— Je veux savoir ce qu'elle fera face à mon feu.
Cette fois, le roi sourit pour de bon.
— Essayez.
Après un froncement de sourcils, elle baisse les yeux et délie les doigts. Raide, elle se concentre un instant. Quand d'un coup, sa cuirasse prend feu, même elle recule sous le choc. Son visage est peigné d'un mélange de rouge, de orange et de bleu, ses cheveux se fondant aux flammes comme si elles en étaient.
Tout le monde la regarde avec plus d'émerveillement que de peur, et je n'ai pas le temps d'assimiler que les elfes de feu l'imitent. Torses en flamme, ils s'échangent des coups d'oeil satisfaits. La pièce est baignée dans la braise. Les sorciers, dont Tyssia et Kaleb, s'amusent du mélange de couleurs qui émane de leurs armures, à mi chemin entre le orange du feu et le vert des arbres, caressant leur peau plus qu'elle ne l'embrase.
— Elle joue aussi le rôle de réceptacle, explique le roi par dessus le crépitement des flammes. Si vous concentrez votre magie dessus, vous l'affaiblissez dans le reste de votre corps mais vous devenez bien plus difficiles à atteindre. Si votre force est purement physique, ajoute-t-il en regardant Jake, elle est transformée en bouclier. Jake, avec ça, tombe de la tour principale du château et tu finiras sans égratignure.
Ce dernier passe une main songeuse sur son torse, et je fais de même en essayant de concentrer les reflux de ma magie. Instinctivement, c'est encore l'air qui parcoure plus vite mes veines que les autres éléments. Comme s'il répondait aux battements de mon cœur, je le sens longer mes bras et mon cou, m'enveloppant bientôt d'un courant agréable. Les bruits s'atténuent autour de moi, et je sens ma poitrine se dénouer quand une onde s'en échappe, fonçant droit sur la porte qui se détache de ses gonds. Le sol tremble lorsqu'elle tombe, et je sens le sang affluer à mes joues en même temps que je fais taire ma magie.
— Oui, toi, évite, commente Elijah en me pointant du doigt.
D'instinct, j'évite le regard des autres, un peu honteuse. Mais je me reprends aussitôt, soulevant mes cheveux d'un coup de vent faussement naturel pour avoir l'air en parfait contrôle. Me masquant d'un air détaché, j'entends le roi préciser que pour les autres éléments, l'armure n'est pas un réceptacle aussi évident.
— Et moi ? s'enquiert Nadia. Je dois passer tout mon combat collée au sol pour que ça ait un effet ?
Elle réussit à faire rire le roi, qui secoue la tête et lui indique l'extérieur.
— Toi aussi, essaie.
Elle marmonne mais traverse quand même notre groupe pour sortir sous la pluie. La suivant du regard, nous nous rapprochons tous des vitres. Un elfe s'avance plus près, et je devine qu'il est lui aussi de l'élément de la terre.
Sous l'averse, Nadia se retourne vers nous en levant les bras pour signaler son impatience. Elle se penche vers l'herbe et le sol semble se fendre sous son contact, la laissant tremper ses bras de boue. Elle s'en tartine la poitrine, le visage et les cheveux, faisant sourire la plupart d'entre nous.
Mais alors qu'elle semblait plus s'amuser qu'autre chose, je vois son expression changer. Soudainement figée, elle passe ses mains sur son ventre, puis sur ses bras, comme pour s'assurer qu'ils sont bien présents. Puis, soudain, elle est propulsée en arrière par le jaillissement de racines autour d'elle. Je lâche un cri de stupeur en même temps que Tyssia et une autre sorcière, considérant avec des yeux écarquillés les racines qui ne cessent de s'étendre autour de Nadia, semblant naître directement de ses entrailles et de ses bras qui ont disparu, remplacés par ces membres tentaculaires. Fouets parsemant le sol d'écorce, les s'enroulent autour d'elle au point de complètement masquer l'armure. Spectacle à la fois terrifiant et fascinant, il nous tient tous en haleine, nous donne sûrement tous envie de courir sous la pluie.
— C'est impossible, fait Cora en s'approchant de la vitre ouverte. Les elfes ne sont pas métamorphes.
— Ce n'est pas elle qui se transforme, répond Zac immédiatement. C'est l'armure.
Et je m'en rends compte en observant de plus près. Les bras de Nadia n'ont pas disparu, et les racines n'ont pas percé la cuirasse en naissant de son ventre. C'est le cuir lui même qui s'est déformé, répondant à l'appel de la terre. Au lieu d'élever les racines du sol, Nadia devient l'arbre qui les fait naître.
Elle même déconcertée par sa nouvelle capacité, elle admire plus qu'elle ne maîtrise les branches faisant siffler le vent et claquer la pluie, mouvant au rythme de la nature. Je vois un sourire s'étendre sur son visage, lui rendant l'air plus jeune. À cet instant, émerveillée devant sa propre magie, elle me paraît moins méprisante, moins inaccessible.
Plus elle prend contrôle de ses racines, plus elle a l'air forte, et plus nous nous approchons de l'extérieur. Un instant plus tard, nous sommes tous dehors, et la pluie n'a plus d'importance.
Au contraire, les elfes de l'eau - dont Stefen - semblent l'absorber, s'unir aux trombes d'eau qui ne font bientôt qu'un avec eux. L'air de Cora élève l'eau autour d'elle, combattant le feu. Je tourne sur moi même, un sourire béat sur le visage, observant la nature se déchaîner en tous ceux qui m'entourent, observant notre nouvelle armure sublimer nos pouvoirs. Observant avec espoir le pouvoir qui emplit l'atmosphère, qui m'éblouit et me fait suffoquer. Les Bannis ont beau avoir la forêt de leur côté, la balance est en train de pencher du nôtre.
Les combats reprennent avec un naturel déconcertant. Aux armes et aux jeux de jambes s'ajoutent le bouclier et le siphon que constitue la nouvelle cuirasse. Je vois Jake sauter plus haut qu'il ne l'a jamais fait, parvenant à mettre à terre Kaleb alors qu'il se protégeait avec des flammes fluides, pareilles à de la lave. Non loin, Tyssia et une autre sorcière s'affairent à repousser les racines de Nadia avec leurs sabres et se propulsent dans l'air en s'aidant autant du sol mouvant à leurs pieds que de l'air qui les parcourt. Je sens en moi l'écho de tous leurs pouvoirs, appelant à chaque partie d'eux qui me constitue, à chaque cellule d'une origine différente dans mon corps. Je sens l'air qui vrille mes tympans, l'eau qui s'immisce dans les reliefs de mon armure, la terre qui gronde, le feu qui brûle dans ma poitrine. Je sens l'appel du combat, l'alarme qui s'anime dans mon crâne dès que j'entends le tintement des lames et que le sang se mêle aux gouttes d'eau. Si je ne bouge pas, c'est parce que je sens aussi que si je le fais, ma lumière pourrait exploser, et tous les balayer en même temps que les arbres. Je me sens comme s'il me suffisait de lever les bras pour atteindre le dôme et le fendre en deux.
— Essaie.
Je sursaute, me retournant pour faire face au roi. Il est en tenue de combat, et il a étonnamment gardé le gris sombre de notre cuirasse commune, paraissant noire sur le translucide de sa peau et l'immaculé de ses cheveux. Le cuir ne s'est pas étendu sur son bras gauche, comme s'il savait qu'elle devait laisser le verre briller à l'air libre. À sa ceinture, deux manches d'épées aussi brillantes dépassent de leurs fourreaux.
— Essaie quoi ?
Il sourit.
— De toucher le dôme.
Je fais de gros yeux, m'apprêtant à le questionner brusquement. Mais je me rappelle ensuite qu'il est à l'origine de toute la protection d'Érédia. Qu'il a dû sentir une vibration, un frémissement dans son cœur, un basculement dans l'équilibre de sa magie. Mais je ne devais pas toucher au dôme avant demain, où il sera plus résistant. Demain, parce que le dernier jour avant la montée de la pleine lune, la magie se régénère.
Comme s'il entendait mes pensées, il les balaie d'un geste de la main.
— Demain est un autre jour. Je sais que tu en meurs d'envie. On verra si ton pouvoir a grandi.
Je plisse les yeux, pas trop sûre qu'il ait envie que je réussisse ou non.
— Si Sa Majesté le demande, dis-je platement en lui tournant le dos.
Et je suis contente qu'il ne me rejoigne pas, parce que je ne peux pas m'empêcher de sourire. Je sais que je n'attendais que de pouvoir laisser sortir toute la magie qui me démange.
Soulagée que le groupe se soit éloigné vers les arbres pour de meilleures prises, j'étire mes bras sans avoir trop peur des dégâts. Comme à chaque fois, mon cœur s'emballe et mon ventre se dénoue quand j'accueille enfin tout ce qui flotte autour de moi. Mes poils se hérissent et mon crâne s'alourdit, ma peau piquée par mille aiguilles. La sensation maintenant familière du bouillonnement dans mes veines me ramène à moi-même, et je la dirige dans mes bras, jusqu'à mes paumes déjà brûlantes. J'ordonne aux flammes de jaillir, et elles obéissent sans m'arracher de douleur. D'une blancheur immaculée, la colonne de feu qui se dirige vers le ciel sans interruption irradie de sa lumière l'herbe à mes pieds, me donnant l'impression d'avoir gelé le jardin autour de moi.
Je me force à respirer, ignorant les brûlures dans mes poumons et les tremblements dans mes genoux. Je l'ai déjà fait, et j'étais bien moins forte que maintenant.
Je lève la tête, la pluie frappant mon visage alors que j'observe le spectre incandescent foncer droit vers le dôme. Mon cœur pulse dans tout mon corps, et le bourdonnement dans mes tympans devient un sifflement strident. Je sais que sous mon armure, mes veines brillent, parce que je les sens crépiter, mourant d'envie d'exploser comme le reste de mon corps. Mais j'ignore encore les vibrations, concentrant toute la lumière que je trouve en moi dans mes mains, puis mes doigts, puis le ciel. Perçant l'atmosphère, illuminant l'air et rejetant la pluie, mes flammes sont la continuation de mes membres, la projection de mon être et la plus pure expression de ma magie.
C'est quand je reprends une profonde respiration qu'une vague de pouvoir jaillit vraiment de ma poitrine, poussant jusqu'au ciel le gigantesque spectre immaculé. La chaleur qui m'enveloppe s'intensifie, épanouissant des frissons apaisants dans tous mes membres. Je ne souffre pas d'utiliser autant de magie, au contraire. Au lieu d'avoir l'impression de forcer mon corps à se dépasser, je me sens en pleine possession de mes moyens, calme, confiante. Je suis coupée du monde, sereine.
Soudain, je lâche un cri étouffé, le souffle coupé par la violente douleur qui vient de me comprimer le cœur. Avec une seconde de retard, je sens comme si elle était au bout de mes doigts la collision avec le dôme. Sonnée, je vois du coin de l'oeil que tout le monde a arrêté le combat et que certains se tiennent le cœur. Ils ont senti l'impact.
Ma colonne de feu se bat d'elle même contre la barrière translucide du dôme, et je sens ses tremblements jusque dans mes tripes. Cette fois, les vagues de magie qui refluent en moi me donnent la nausée, et mes sens me reviennent tous face à la résistance de la protection du roi. Je sais qu'il est derrière moi, et je sais qu'il a l'affreuse impression que son cœur est en train d'être perforé.
Je me contracte, mes doigts se crispant pour rétrécir la colonne. Ainsi concentrée, elle ressemble à une interminable épée, lame perçant l'atmosphère. À un éclair éblouissant, menaçant de faire gronder le ciel tout entier.
Mais je sens la lame se briser. Un crissement strident retentit autour de nous, et je serre les dents, sentant bien la balance pencher dangereusement. Puis, soudain, je sens un pic de douleur dans mon crâne, anormal et qui arrive à me déstabiliser pendant une fraction de seconde. Fraction de seconde qui m'est fatale, car elle suffit à donner l'avantage à la protection du roi.
Je lâche un gémissement, sentant la pression retomber violemment dans mon ventre, et plisse les yeux quand ma résistance disparaît en une lumière aveuglante. Je sens mes mains trembler à l'instant où le feu atteint mes bras. Je sais ce que ça veut dire, et quand je relève la tête vers le ciel, ma peur se confirme. Au lieu de pulvériser mon pouvoir, le dôme me le renvoie.
Pendant un instant, je revois la clairière, Kali et Derek, je revois le ciel m'abattre de toute ma magie. Mais cette fois, au lieu de me protéger d'elle, je la laisse foncer sur moi sans faillir. Enfonçant mes pieds dans la boue, je garde les bras en l'air pour qu'ils servent de conduit, menant le feu du ciel à mon cœur.
Lorsque je me sens prête, j'expire. Un instant après, je ne vois plus rien. Mes paupières sont noyées dans le blanc, le sol à mes pieds me semble avoir disparu, le bruit de la pluie réduit au silence.
Je sens le moment où ma propre lame s'abat sur moi, m'arrachant un grognement de douleur. Je sens la brûlure électrique dans mes doigts, les étincelles parcourant ma peau sous ma cuirasse. Je tombe à genoux et dois m'appuyer sur un bras, mais je garde l'autre main tendue vers le ciel, serrant peu à peu le poing tant je dois tendre mon corps pour ne pas m'effondrer. Ma respiration est sifflante, ma gorge brûlante et mon cœur affolé. Je serre les paupières, sentant mes propres flammes brûler mes doigts et rugir contre mes tympans. Mais je ne me sens pas perdre le contrôle. Je ne ressens pas le besoin de me protéger de moi même, je garde la certitude que je peux encaisser. Mon bras tremble, s'enflamme, mais il guide ma magie. Et je me rends compte, en rouvrant les yeux, qu'il fait le pont en passant par la cuirasse qui me recouvre. Tandis que la colonne de feu finit de s'abattre sur moi, m'entourant d'un halo éblouissant me rendant probablement invisible, je peux apercevoir les crépitements des flammes parcourir mon armure, leur lumière s'immisçant en elle comme de l'eau. Sans surprise, je suis peu à peu recouverte de blanc, et quand je me redresse, les jambes encore flageolantes, je brille. Je brûle de la couleur des étoiles.
Je frémis, comme parcourue par toute l'électricité ambiante. Enveloppée d'un feu immaculé, je me sens plus calme que je ne l'ai jamais été en présence de ma magie. Je n'ai senti aucun craquement, aucune angoisse, aucune perte de contrôle. L'éclair a percé le ciel, et le tonnerre en moi ne m'a pas détruite.
Je tousse, sentant l'atmosphère revenir à la normale peu à peu malgré le pouvoir que je dégage. Je me remets à entendre la pluie, à voir les silhouettes de mes amis, à pouvoir sentir mes doigts. À bout de souffle, je regarde mes mains rougies et encore tremblantes des derniers échos de la magie. Je chancelle un peu, sonnée de la tension retombée d'un coup, le bourdonnement persistant dans mes oreilles. La lumière sur ma cuirasse se stabilise, et je sens l'écoulement de ma magie retrouver son flux habituel. Je sens mon cœur résonner contre mes tempes, encore pulsé par l'adrénaline, ne demandant qu'à mon corps de recommencer. Passant des mains curieuses sur la lumière qui me recouvre, je frissonne à son contact, ayant l'impression de caresser ma chair à vif. Cette lumière, c'est ce qu'il y a au plus profond de moi.
Je n'aurais jamais pu la canaliser il y a quelques temps. Je n'aurais jamais pu me faire confiance, ni accepter la plénitude de cette terrifiante magie.
Pendant un instant, je me demande ce que Jorah penserait en voyant ça. Et si je me délecte de l'imaginer prendre peur, je me rends compte avec horreur que j'aurais aussi envie qu'il soit fier.
Cette flamme, cette force qui s'est éveillée en toi... voilà ce qui mettra le monde à tes pieds.
Je me demande si, quand il me regardera le tuer, il sera fier.
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Voilà pour le chapitre 54 ! J'espère qu'il vous a plu !
Je suis contente d'avoir pu écrire malgré mon mois de février très intense niveau travail ahah, j'espère m'y remettre régulièrement :)
Et LE TOME 1 A ATTEINT 2 MILLIONS DE VUES !! C'est juste fou, j'en ai pleuré de joie, merci du fond du coeur vous vous rendez pas compte à quel point je suis heureuse que vous soyez aussi nombreux à vivre cette aventure avec moi ♥♥
À bientôt pour la suite, bisouus ♥
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