Vingtième Chapitre - Réécrit
J'inspire longuement, et lorsque Jake descend agilement de l'arbre, je ne daigne pas le regarder, les yeux rivés devant moi. Cette prise de conscience me donne le tournis, et je sens comme un poids sur mon cœur. C'est angoissant. La gorge nouée, je reprends mes esprits et me redresse sur la branche.
— Tu comptes descendre un jour ? me lance Jake.
Je baisse les yeux vers lui, peinant à l'apercevoir. Je secoue la tête, voulant chasser les pensées assaillantes qui m'empêchent de réfléchir.
— J'arrive.
Je souffle longuement. Je me concentre, et me tourne puis saute sur la branche sous mes pieds. Je m'arrête une seconde puis recommence, avec prudence. Je me répète que ce n'est que l'inverse de ce que j'ai parfaitement réussi à faire il y a quelques minutes, et m'en sors plutôt bien. Je manque de tomber une seule fois, lâchant un petit cri, mais continue en accélérant pour ne pas avoir le temps d'avoir peur, et atterris sur le sol, les pieds joints.
J'époussette mon pantalon, et me retrouve face à Jake. Quand je croise son regard, je sens mes tempes battre, et je m'insulte intérieurement. Super, maintenant que je m'en suis rendue compte, je ne pourrai plus le regarder dans les yeux sans paniquer ?
Sur le chemin du retour, aucun de nous ne parle, jusqu'à ce que j'entende un petit ricanement. Je lance un regard interloqué à Jake.
— T'es en état de courir ? sourit-il.
Je lui réponds positivement, en plissant les yeux.
— Pourquoi ?
— Eh bien, je t'avais promis une course, non ?
Je rigole. Il s'en souvient.
— Alors c'est parti, réponds-je.
Il affiche un immense sourire, que je ne peux m'empêcher de lui rendre. Il commence déjà à presser le pas, et je fais de même, jusqu'à ce qu'il donne le signal de départ. Je cours le plus vite possible, slalomant entre les arbres, parvenant à rester à son niveau, mais sans le dépasser. Il me devance largement pendant les derniers mètres qui nous séparent de l'orée de la forêt. Dans un calme absolu, Jake s'arrête quelques secondes avant moi, malgré mes efforts. Quand je le rejoins, il m'accueille d'un air théâtral, visiblement fier de m'avoir montré sa vitesse surnaturelle.
— Ça va, tu te débrouilles, se moque-t-il en se remettant déjà en marche.
Essoufflée, je lève les yeux au ciel.
— J'ai deux semaines d'expérience, me justifié-je.
Il sourit alors que nous pénétrons dans la ville. Alors, Jake reprend la parole.
— Tu commences à t'habituer, pas vrai ?
Je lève les yeux vers lui, et son regard chaleureux me force à sourire légèrement.
— Je crois, oui. Ça fait du bien.
Il hoche la tête, et je poursuis, plongée dans une émotion particulière.
— Quand j'étais petite et que ma télépathie est apparue, j'ai dû m'y faire seule, je crois que c'était plus dur.
— Tu ne t'es jamais sentie seule ?
Je suis surprise par sa question, et lui glisse un regard.
— Je ne me suis jamais pas sentie seule, tu veux dire, soufflé-je. J'ai vite pris conscience que personne ne me comprendrait. (j'esquisse un sourire) Au début, comme j'avais du mal à me contrôler et que ça me faisait flipper, j'avais écrit sur un ruban « Tu es normale. Ce n'est pas parce que personne n'est comme toi que tu dois avoir peur. », et je l'avais toujours sur moi au cas où.
En repensant à cette habitude ridicule que j'avais, je secoue la tête. Un silence s'installe, et je me sens soudainement un peu embarrassée d'avoir raconté une chose aussi futile.
— Mais c'est hyper triste ! s'exclame alors Jake.
Je vois alors qu'il a en fait une mine éberluée, et me fixe avec perplexité.
— Mais non, ris-je. Ça m'a bien aidé jusqu'à ce que je m'habitue.
Le beau brun penche la tête sans répondre, et fronce les sourcils. Je souris, amusée malgré moi qu'il réagisse de cette manière. Après quelques instants à en débattre, il finit par se détendre, et je vois la maison de Zac se dessiner plus loin.
Soudain, Jake est interpellé, et nous nous retournons. Un grand brun à la peau foncée s'avance et salue le loup-garou en lui offrant une frappe dans le dos. Je reste en retrait, muette, et il m'adresse un signe de tête cordial.
— Ça fait longtemps !
Jake sourit, et je vois sur son visage une expression si innocente que j'en suis déroutée.
— Faudrait qu'on sorte si t'es libre, continue son ami.
— Je verrai, oui.
— Peut-être que tu t'es trop occupé avec elle, raille-t-il alors.
Il me lance un regard malicieux, et Jake le coupe en râlant.
— Arrête, c'est pas du tout ça.
Je dois avouer que je ne m'attendais pas à une réponse aussi radicale. Je sens mon ventre se nouer, et redresse le menton.
— Si tu le dis. Bon, dans tous les cas, on se voit ce soir ?
Jake fronce les sourcils.
— Ce soir ?
— Vous n'êtes pas au courant ? Le roi organise un bal au château pour fêter ses seize ans de règne.
Je réprime un hoquet ahuri. Un bal...
— C'est vraiment le moment ? interviens-je alors. Avec les Bannis...
— Le danger est encore loin, apparemment, souffle l'homme. C'est justement le moment de se détendre. Bon, je te laisse Jake, à plus !
Et il court rejoindre son groupe d'amis. Jake et moi nous regardons, perplexes, et reprenons notre chemin.
— On y va ? l'interrogé-je.
Il hausse les épaules, et nous montons les marches de l'escalier qui m'est maintenant familier.
Je passe le reste de l'après-midi seule au sous-sol, à perfectionner ma technique et mes mouvements, à accélérer ma concentration pour tous les exercices, à m'habituer aux nouvelles sensations que je ressens. Je n'avance pas vraiment dans la découverte de mes capacités, encore incapable d'en mesurer seule l'étendue. Je sens que je progresse néanmoins, et que tout ce que j'ai appris durant ces derniers jours commence à devenir presque naturel, aussi surprenant cela soit-il.
En fin de journée, en remontant au rez-de-chaussée, transpirante, je m'isole dans la bibliothèque, m'étant promis de faire moi même des recherches pour soulager Zachariah. En piochant des livres sur la magie, sur les espèces et sur l'Histoire d'Érédia, j'en profite pour attraper le Bestiaire que j'ai seulement survolé la dernière fois. Je m'y plongerai sérieusement plus tard, mais aujourd'hui, je m'accorde le droit de regarder au moins une page.
« Le Silencieux de Sang Pur est un être très puissant, se différenciant du Silencieux commun par de nombreuses caractéristiques psychiques et physiques.
Il présente, au contraire de son parent le Silencieux, une apparence humaine, se spécifiant par ses yeux, dont l'iris est d'un bleu étincelant, couleur se manifestant à l'utilisation de la magie.
Il descend directement du Silencieux et de la Sorcière, et possède ainsi les capacités psychiques de chacun. Cette alliance permet ainsi au Silencieux de Sang Pur de posséder une concentration de magie importante, lui donnant un pouvoir plus conséquent. Il est connu pour être une des espèces les plus puissantes de ce monde.
Il possède nombre de capacités psychiques, et la première à se manifester est la télépathie impliquant l'aptitude à pénétrer les pensées des autres personnes, presque toute espèce confondue. En plus de cette télépathie, le Silencieux de Sang Pur maîtrise la télékinésie, et possède une force et une ouïe plus développés que la moyenne. Mais leur pouvoir le plus puissant, qui leur vient directement des Sorcières, est le contrôle des quatre éléments : le Feu, l'Air, la Terre, et l'Eau.
Il utilise généralement la magie pour le combat, mais y reste tout de même souvent doué. L'arme qui lui est attribué est la dague en cristal, s'animant d'un halo bleu à son contact.
Le Silencieux de Sang Pur est très résistant, et il est souvent compliqué de faire face à ses capacités magiques. Il peut toutefois être tué naturellement. »
Je reprends mon souffle après la lecture de cette page. Il n'y a rien sur celle-ci que je ne savais pas déjà, mais cela me procure un sentiment très étrange de voir écrit très clairement une description de ce que je suis. C'est une nouvelle preuve que cela est vrai, que je fais partie d'une véritable lignée, que je suis normale. Enfin...
À peine quelques minutes plus tard, alors que j'abandonne l'ouvrage sur l'Histoire, et me plonge dans celui parlant de certains aspects de la magie, Joyce passe la tête par l'embrasure de la grande porte.
— On part dans dix minutes pour le bal, tu seras prête ?
J'entrouvre les lèvres, sans répondre. Ce bal m'était complètement sorti de la tête. Il est vrai que quand nous sommes rentrés, Joyce partait chercher les tenues nécessaires, mais je n'y avais plus pensé.
— J'avais oublié... soufflé-je.
Elle pousse un soupir, et me fait signe de me hâter.
— Bon, alors range ça et dépêche toi. Tu viens, hein ?
— Oui, oui. Mais je dois prendre une douche avant.
Elle rit doucement, et je m'empresse de remettre tous les livres à leur place, avant de la rejoindre dans le couloir.
— Si tu n'es pas prête en même temps que nous, on part sans toi ! me crie-t-elle alors que je m'élance dans les escaliers.
J'expédie ma douche et ressors de la salle de bains, courant vers ma chambre enroulée de ma serviette. En jetant un coup d'œil à mon téléphone, je vois qu'il est déjà dix-neuf heures, et je sais parfaitement que je ne serai pas prête à temps. Alors, je m'arrête devant ma porte et crie depuis le palier.
— Joyce ?
Celle ci me répond depuis le rez-de-chaussée.
— Je ne serai pas prête, je vous rejoindrai, lancé-je.
Elle met un instant à répondre.
— On y va alors. J'ai mis ta robe sur ton lit, j'espère qu'elle te plaira.
Et quelques secondes plus tard, j'entends la porte d'entrée claquer. Je me hâte, et lâche un hoquet d'émerveillement en apercevant ladite robe. Rouge flamboyant, elle est longue et épaisse, elle semble être en satin et est ornée d'une légère dentelle sur toutes les manches et le buste. Elle est absolument magnifique.
Sans plus attendre, je me déshabille pour l'enfiler, et me ravis qu'elle soit à ma taille, avant de m'observer dans le miroir. Je hausse les sourcils, surprise par le rendu. Elle me va bien, c'est stupéfiant. Les manches dévoilent mes épaules et remontent un décolleté pas trop plongeant mais inhabituel pour moi, et ma taille est parfaitement marquée, les pans de la robe s'élargissant harmonieusement. Je souris, perplexe, puis caresse la dentelle en quittant la pièce.
Je m'empresse de sécher mes cheveux et de me maquiller mes cils et mes lèvres. Je souffle un coup, et jette un coup d'œil au miroir. Perturbée malgré moi, je me reconnais à peine. Et, pour la première fois depuis longtemps, je me trouve belle.
Après avoir enfilé les escarpins beige au pied de mon lit, je descends avec précaution, enfin prête.
Une fois dehors, je frissonne. Et en descendant, je reste une nouvelle fois bouche bée. Dans les rues, tout le pavé est jonché de paillettes multicolores qui semblent virevolter au dessus du sol. Je mets un pied par terre, et je comprends en lâchant les pans de ma robe qu'elles sont en réalité là pour soulever cette dernière. J'ose alors à peine bouger. Même pas besoin de tenir sa robe ici, la magie se charge du boulot.
En arrivant au château, je suis d'abord surprise du monde que je trouve à l'entrée. Deux gardes y sont postés, et ils nous ouvrent alors l'immense porte après un geste solennel de la tête. J'entre dans la salle, et écarquille les yeux.
L'immense pièce d'entrée du palais est totalement métamorphosée. Elle semble encore plus grande, et s'étend sur des dizaines de mètres d'un sol en marbre, magnifiquement décorée. Des lustres étincelants lévitent au plafond et laissent tomber dans la pièce entière une pluie fine de paillettes illuminées, faisant ressortir la couleur des grands rideaux vert émeraude qui ornent les impressionnantes fenêtres derrière les colonnes. Je crois distinguer une longue table au fond, sûrement un buffet, et le trône, tout au fond. Les instruments jouent en arrière plan, et je remarque qu'ils ne sont pas accompagnés de musiciens, ils s'agitent seuls.
La salle grouille de monde, tous vêtus de tenues époustouflantes. Même les plus « monstrueux » sont apprêtés. Personne ne danse encore, et préfère discuter tranquillement.
Je cherche mes amis du regard, me mettant sur la pointe des pieds pour arriver à en distinguer un, sans succès. Je décide donc d'aller rejoindre le buffet, sentant mon ventre grogner. Je traverse la salle, évitant de paraître trop mal à l'aise.
J'arrive à l'immense table où trônent des dizaines de petites gourmandises appétissantes. Je prends discrètement un petit macaron rouge.
Je souffle et observe la scène qui se déroule face à moi. On dirait un film, un dessin animé sur les princesses, un rêve. C'est tellement déconcertant. Et dire que je suis née dans ce monde...
Une voix masculine me sort de mes pensées.
— Bonsoir.
Je tourne la tête, et me retrouve nez à nez avec un jeune homme aux oreilles pointues. Il est très beau. Grand, blond, avec de magnifiques yeux jaunes aux éclats verts qui éclairent son visage. Il me sourit sereinement. Je lui rends un « Bonsoir » sceptique.
— Je ne t'ai jamais vue ici, c'est normal ? me fait-il.
— Oui, je... je vis autre part.
— Je me disais bien, je n'aurais pas oublié ton visage.
Je retiens un ricanement.
— Dis-moi, quel est ton nom ? poursuit-il en s'accoudant à la table.
— Heaven... Et toi ?
— Thaniel.
— C'est joli.
Il me sourit, et je me gratte la nuque, un peu gênée. Il est sympathique, mais non merci. Je crois que de toute façon, mon esprit est trop occupé par...
— Heaven ?
Quand on parle du loup. Jake se tient devant moi, les yeux exorbités. Je sens mon ventre se nouer quand je le vois, aussi magnifique dans son costume, qui souligne agréablement son corps. Pendant une seconde, il ne dit rien, et je le vois me scruter de la tête aux pieds, sous mon regard médusé.
— Excuse moi, on avait une conversation intéressante, intervient alors Thaniel.
— Super pour toi, elle est terminée, lâche Jake en me prenant par le bras.
Je hausse les sourcils et me retourne pour m'excuser rapidement auprès du garçon.
— Pourquoi t'as fait ça ? fais-je quand Jake me lâche.
Il penche la tête sur le côté.
— Arrête, je t'ai sauvée.
Je pouffe, et secoue la tête. Il a tout de même réagi excessivement, et un ton aussi désagréable n'était pas nécessaire.
Soudain, je vois le garçon de cet après-midi, l'ami de Jake, s'approcher en souriant. Pour m'éclipser, je demande à Jake où sont les autres.
— Ils sont de l'autre côté.
Et, alors que je m'élance dans la foule, Jake me retient et glisse sa tête contre mon oreille.
— Tu es très belle ce soir.
Je me sens comme foudroyée par son ton suave, et je sens mon cœur s'emballer. Sans oser le regarder, je remercie intérieurement son ami qui nous interrompt, et en profite pour partir rapidement. Je souffle longuement, et commence à chercher Joyce et Zac du regard.
Je parcours la foule, et parviens à reconnaître Joyce au loin au bout d'une minute. Lorsqu'elle accourt vers moi, je suis obligée de rester la contempler pendant quelques instants. Elle porte une longue robe turquoise échancrée avec de fausses plumes de paon ornant ses hanches, et ses cheveux semblent briller. Elle est sublime, et ne m'a jamais semblé aussi inhumaine.
— Heaven, enfin ! Waouh, tu es magnifique.
Je lui retourne le compliment, et elle m'attire alors sur le côté, dans un coin près des escaliers et caché d'une colonne.
— Il faut que je te parle de Zac, lance-t-elle en s'adossant au mur. Je l'imite, et me laisse tomber contre le pilier derrière moi.
Je l'invite à poursuivre.
— Je crois qu'on va se remettre ensemble.
Je hausse les sourcils et demande des explications. Elle soupire.
— Cet après-midi, comme il est revenu avant toi et Jake, on a pu parler, et on a tout mis au point. Et, en gros, il m'a expliqué qu'il arrivait pas à m'oublier et que notre histoire ne pouvait pas se terminer maintenant, qu'on avait encore trop de choses à découvrir ensemble. Il a dit qu'il ne voulait pas m'abandonner malgré ce qui s'est passé.
Je souris, et remarque que ses yeux brillent, reflétant une émotion que je n'ai pas l'habitude de voir chez Joyce. C'est vraiment mignon. Ils ont l'air si amoureux...
— C'est super, non ?
Elle hoche frénétiquement la tête.
— Oui, t'imagines pas. Mais... j'ai du mal à ne pas penser à après... Si notre relation est vouée à être gâchée par le temps, à quoi bon ?
Je souffle, compatissante.
— Écoute, je ne suis peut-être pas la meilleure conseillère du monde, mais je suis d'accord avec Zac. Ne passe pas à côté de ça. Vous êtes fous l'un de l'autre. Alors, fonce. Tu penseras à l'avenir plus tard.
Elle respire profondément.
— Tu as raison. Je ne dois plus m'empêcher de vivre.
— Exactement.
Un large sourire étire ses lèvres, et j'attends qu'un silence s'installe pour reprendre la parole, pouvant enfin aborder le sujet qui m'obsède depuis peu.
— Joyce... tu sais, à propos de Jake ?
Elle plisse les yeux.
— Je crois que tu avais raison.
Son visage s'illumine, et elle ouvre grand la bouche.
— Je le savais ! Tu as des sentiments pour lui ?
— Non, non. Mais il me plaît, et c'est vrai que je suis sûrement... « intéressée » par lui.
Elle sourit, et expire longuement.
— Comment tu en es rendue compte ?
Je souffle un instant.
— Quand on était que tous les deux tout à l'heure, je... je me suis rendue compte que j'étais un peu plus perturbée par lui que je le pensais.
— En même temps...
Elle écarquille les yeux, me signifiant qu'elle comprend bien mon attirance pour Jake. C'est vrai, comment aurais-je pu lui résister ?
— Et c'est juste un intérêt ou un peu plus ? m'interroge la Kistune.
Je hausse lentement les épaules.
— Je suis un peu perdue. Je... En fait, j'ai rompu avec mon ex il y a presque un an, parce qu'il a déménagé. Et j'ai réussi à l'oublier à force et maintenant je m'en fous complètement. Mais c'était mon premier amour, et j'ai du mal à m'imaginer aimer quelqu'un comme lui.
Elle hoche la tête.
— Tu ne m'avais jamais parlé de lui.
— Je sais, j'en voyais pas trop l'intérêt.
— Et ça change quoi à ta relation avec Jake ?
— Rien, enfin... Je ne m'étais jamais intéressé à un autre gars, c'est tout.
— Et ça te fait bizarre ?
— Ouais, un peu. Surtout que cette fois, je ne contrôle rien. Avec Aidan, j'étais à fond dès notre rencontre. Mais avec Jake c'est différent, je suis beaucoup plus perdue...
— T'as peur ?
— Pourquoi j'aurais peur ?
Elle penche la tête.
— Ton ex savait que tu étais télépathe ?
Je secoue la tête.
— Voilà. Jake est le premier mec que tu rencontres qui te connais vraiment, et qui te comprend.
Je fronce les sourcils. Je n'avais jamais vu notre relation sous cet angle.
— Et donc, insiste-t-elle, il est probable que tu tombes encore plus amoureuse de lui que tu ne l'étais d'Aidan.
J'entrouvre les lèvres, sans savoir quoi répondre. Car je sais qu'elle a raison. Avec Aidan, c'était un amour innocent, un amour qui me permettait de m'éloigner de moi-même, qui m'apaisait. Avec Jake, je n'ai aucune idée de ce que ça donnerait. Alors j'ai peut-être peur...
— Il faut que je me le sorte de la tête avant d'avoir des sentiments pour lui, lâché-je.
— Pourquoi ? Tu ne veux pas être avec ?
— Non. De toute façon, Jake n'est qu'un ami, et notre relation n'ira pas plus loin.
Joyce ricane.
— C'est toi qui le dis. Mais je vois plus, moi. Je le connais mieux que personne, et je pense qu'il y a clairement quelque chose qui se passe.
J'inspire, l'écoutant malgré mes réticences. Je sais que Jake ne pense pas du tout à ça, et qu'il ne tient à moi que dans le cadre de l'amitié. Et moi aussi, je suis simplement troublée par sa beauté et sa gentillesse que je dois arrêter d'interpréter comme de l'affection séductrice. Et puis, en couple avec Jake, quelle idée ?
— Peu importe, affirmé-je. Je ne veux pas me prendre la tête, alors on oublie. D'accord ?
Joyce soupire, et ne répond plus, se contentant de me fixer avec perplexité. Parler avec elle s'est avéré très soulageant, et avoir un soutien comme le sien se révèle pour moi de plus en plus indispensable. Je me rappelle qu'à notre rencontre, je n'arrivais pas à la voir plus que comme la potentielle petite-amie un peu encombrante de Jake, et que jamais je n'aurais imaginé me rapprocher autant d'elle. Je m'en suis à peine rendue compte, mais il semblerait que j'ai bel et bien des amis à présent. Et je ne saurais définir ce que ça me fait ressentir.
Soudain, mon « amie » jette un regard derrière moi.
— Ah bah vous êtes là ! s'exclame alors Jake. Vous comptez vous isoler toute la soirée ?
Je me raidis en croisant son regard. S'il était arrivé dix secondes avant, il nous aurait entendu parler de lui. Je remarque qu'il est très joyeux, sûrement heureux de revoir ses autres amis - qui l'attendent plus loin, d'ailleurs.
— Roh, on discutait, ça va, marmonne Joyce.
— Et vous comptez danser, au moins ?
— Oui, quand ça commencera.
— Zac te cherche.
Joyce lève les yeux au ciel, et ne met qu'une seconde à nous quitter. Me retrouvant seule avec Jake, je fais mine de la suivre, et Jake se penche vers moi le temps d'une seconde :
— Tu danseras avec moi, murmure-t-il à mon oreille.
Il m'adresse un clin d'œil, vite happé par son groupe d'amis, et je reste pantoise. Alors, je ne sais pas ce qu'il a ce soir, mais la façon dont il me parle ne m'arrange pas du tout. Je reprends mes esprits en pressant mes paupières, et entreprends rapidement l'exploration de la pièce. Cette soirée commence plutôt bien, mais j'ai une boule au ventre, et je n'arrive pas à savoir si c'est juste ma nervosité, ou un mauvais pressentiment.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top