Trente-septième Chapitre - Réécrit
Je m'enfonce dans mon fauteuil, et soupire. Ça fait à peine quelques minutes que je suis de retour, et j'ai déjà l'impression que tout recommence à s'accélérer. Quand je suis ici, c'est comme si je pouvais de nouveau respirer librement.
— Bon, sinon, cette semaine, c'était comment ? demande soudain Zac, me faisant sortir de ma torpeur.
— Ah, euh, bien, soufflé-je. Ouais, c'était bien, reposant. J'en avais besoin.
Il hoche la tête en souriant gentiment, et je soupire pendant une seconde.
— J'ai mis du temps à comprendre et encaissé tout ce qui s'était passé, mais je crois que là, ça va mieux. J'ai accepté le tout. J'ai l'impression d'être enfin redevenue normale, ça fait bizarre.
— C'est très bien, répond mon mentor.
J'acquiesce vivement, et il inspire longuement.
— Donc, commence-t-il, tu te sens prête pour tout ce qui va suivre ?
Je ne réponds pas tout de suite et déglutis lentement. Je ne sais pas vraiment si je suis vraiment prête, mais je me sens assez forte pour y faire face, autant que je le peux.
— Je ne sais pas, mais je l'espère, finis-je par déclarer en haussant les épaules.
Mon mentor acquiesce lentement.
— Et vous ? La semaine était comment ? fais-je pour changer de sujet. Joyce m'a vite fait expliqué, apparemment ça bouge pas mal ?
— Ouais, confirme le beau blond en haussant les sourcils. Tout le monde est mobilisé pour s'entraîner et se préparer à la guerre, et il y a de plus en plus de troupes qui sont à la recherche des Bannis. L'ancien bâtiment qui servait de base d'entraînement il y a de nombreuses années à été rouvert et rénové rapidement, on comptait y aller demain, tu pourras venir avec nous, si tu veux.
Je hoche la tête, conquise par l'idée. Il me tarde de me replonger dans ce monde et ses aspects encore inconnus. De plus, m'entraîner me manque étrangement. J'esquisse un sourire. Tout ça m'avait plus manqué que je ne le pensais. Au bout de quelques minutes, Zac se lève et inspire longuement.
— Bon, je dois aller travailler, je ne reviendrai pas trop tard, pour le dîner, je pense.
Nous acquiesçons tous, puis le beau blond se penche une dernière fois pour embrasser Joyce tendrement. Je les observe pendant une seconde, légèrement envieuse. Puis, alors que je m'aventure à jeter un coup d'œil à Jake, je croise son regard et me rends compte qu'il me regardait déjà. La chaleur me monte aux joues et je détourne brusquement les yeux, embarrassée.
Zac finit par quitter la pièce, et j'entends la porte d'entrée claquer, tandis que je me retrouve en compagnie de mes deux autres acolytes, qui semblent tous deux d'assez bonne humeur. Joyce a un sourire presque amusé sur les lèvres, ce qui m'alarme un instant, sans que j'y prête vraiment attention. Ce que je remarque par contre, est l'air légèrement soucieux de Jake, qui, malgré son sourire calme, paraît réfléchir en permanence depuis tout à l'heure.
— Tu vas bien, Jake ? osé-je demander, intriguée.
— Hein ? Euh, oui pourquoi ?
— Je sais pas, hésité-je en haussant les épaules. T'as l'air un peu... pensif.
Il me répond d'un geste négatif de la tête et d'un petit sourire, et je fronce un instant les sourcils, toujours un peu troublée. Pendant quelques secondes, un silence de mort règne, et je lance un regard perturbé à Joyce, auquel elle répond par un haussement d'épaules. Puis, alors que je me racle la gorge, Jake se lève et souffle.
— Bon, je dois y aller aussi, j'ai un truc à faire.
Et, sans même que Joyce ou moi n'ait le temps de répondre, il se précipite déjà dehors.
— Mais qu'est-ce qu'il a ? soupiré-je à mon amie.
— J'en sais rien, moi.
Elle évite un instant mon regard, et je ne peux que remarquer son air faussement innocent. Mon instinct me crie qu'elle sait quelque chose.
— Tu mens, lâché-je alors. Pourquoi tu ne veux pas me dire ?
— Quoi ? feint-elle la surprise. Mais non, je ne mens pas, je ne sais pas pourquoi il est comme ça.
Je penche la tête et lui lance un regard franchement inquisiteur, qui fait visiblement son effet puisque qu'elle agite les mains en secouant la tête, et marmonne :
— Bon, OK, je sais pourquoi il est comme ça. Mais je n'ai pas le droit de t'en parler, d'accord ? Tu n'es même pas censée savoir ça, alors me pose pas de question.
— Hein ? bredouillé-je sans comprendre. Mais pourquoi il ne veut pas que je sache ?
— Pas de question, j'ai dit ! impose-t-elle en levant le doigt.
J'entrouvre les lèvres, sans parler, totalement désarçonnée. Puis la Kitsune m'adresse un clin d'œil rieur, auquel je réponds d'un soupir, avant de m'enfoncer dans mon fauteuil. La jolie blonde finit par engager une autre conversation, qui s'enchaîne calmement sur quelques sujets futiles. La discussion est légère et me permet de penser un peu moins à ce que Jake prévoit dans mon dos.
— Au fait, dis-je alors que nous discutons de mon lycée, est-ce que vous comptez revenir en cours un jour, ou c'était juste comme ça ?
Joyce sourit, puis finit par me répondre avec de petits gestes théâtraux.
— On y retournera oui, mais pas maintenant. À la base, tu sais, on devait juste aller dans ton lycée pour suivre une scolarité normale et avoir une sorte de « seconde vie » sur Terre comme on le voulait, mais à cause de toi, nos plans ont complètement été chamboulés. Parce qu'il a fallu, évidemment, que Jake, et moi du coup, on se retrouve avec toi. Ça doit être le destin.
Je ne réprime pas un petit rire, et hoche la tête alors qu'elle soupire. Pendant plus d'une heure, la Kitsune et moi discutons tranquillement. Ces moments que je partage avec Joyce sont toujours agréables, et j'apprécie chaque jour un peu plus d'avoir une amie comme elle.
Aux alentours de six heures et demi, alors que je sors du salon pour aller prendre une douche, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir et vais me planter devant celle-ci, espérant secrètement que la personne qui entre soit Jake. Mais je fais face à un grand blond à l'air assez fatigué à la place, qui me gratifie d'un sourire avant d'aller rejoindre sa petite-amie dans le salon. Puis, alors que je tente de cacher ma légère déception, je vois une nouvelle tête familière dépasser par l'encadrement de la porte, et je ravale ma salive alors que Jake entre. Il m'aperçoit ici, immobile devant lui, et affiche un sourire entre l'incompréhension et l'amusement. Puis, alors que je me demande intérieurement pourquoi je ne bouge pas, il secoue la tête.
— Ça tombe bien que tu sois là, j'allais venir te voir, commence-t-il en évitant mon regard pendant un instant.
Il marque une pause, puis pose ses yeux sur moi plus franchement, avant de prendre une courte inspiration.
— Je t'emmène quelque part, je pense que tu vas aimer.
Il esquisse un sourire alors que mon cœur rate un battement, et que je le fixe d'un air presque ahuri.
— Comment ça ? Là, maintenant ?
Il hoche frénétiquement la tête, et j'hésite pendant une seconde.
— Euh, OK, j'arrive dans deux minutes, alors.
Puis, je me dépêche de gagner ma chambre - où j'ai tout à l'heure déposé toutes mes affaires - afin d'enfiler des chaussures et une veste, fais un tour par les toilettes, et vais rejoindre Jake en brossant mes cheveux de mes doigts, légèrement tremblante. Je suis plus nerveuse que je ne l'aurais cru. Je trouve le loup-garou adossé à un mur du salon, en train de discuter avec mes autres amis. Quand ils m'aperçoivent, la conversation s'interrompt, et j'ai le droit à un petit clin d'œil discret de la part de Joyce, avant de reporter mon attention sur le beau brun qui se tient à mes côtés, un air ravi sur le visage. Ses yeux pétillent. J'ai l'impression que chaque jour, il devient plus beau, c'est insensé.
— Bon, bah on va y aller, hein, sourit alors celui-ci en commençant à quitter la pièce.
Je le suis sans un mot, et nous sortons de la maison de Zac et commençons à descendre les escaliers. Je ne le regarde pas, et concentre mon regard sur le sol, la respiration saccadée et le cœur battant. La nervosité m'a emplie en peu de temps, je ne sais pas du tout à quoi m'attendre. C'est la voix de Jake qui me sort de ma torpeur.
— Pourquoi tu parles pas ? rit-il. Je vais pas t'emmener à la mort, tu sais.
— Je sais, désolée, hésité-je avec un sourire. C'est juste que... je suis nerveuse.
Je lève les yeux vers lui, et les commissures de ses lèvres s'étirent en un petit sourire taquin, avant qu'il ne hausse les épaules en enfonçant ses mains dans les poches de son jean.
— C'est ça que tu préparais tout à l'heure ? me décidé-je à lui demander, alors que je vois que nous prenons la direction de la forêt.
— Ah, ouais. Mais je veux pas t'en dire plus, je préfère te faire la surprise. Enfin, ne t'attends pas un truc de fou non plus, s'empresse-t-il de dire en secouant la tête. Tu vas sûrement trouver ça nul, en fait.
— Mais non, le rassuré-je avec un sourire amusé. Je suis sûre que je vais aimer.
Il baisse les yeux vers moi, et j'y vois encore les mêmes étincelles dorées. Je me demande pendant un instant s'il écoute les battements de cœur, et je me sens rougir en un instant. Si c'est le cas, il doit être intérieurement mort de rire. J'ai la poitrine en feu et l'estomac tordu à un tel point que c'est douloureux, et j'appréhende réellement la suite des événements. Je déglutis et regarde le ciel au dessus de nous. Le soleil ne va trop tarder à se coucher, et la fraîcheur du soir s'installe tranquillement au fur et à mesure que nous marchons.
Le reste du chemin se fait dans le silence le plus total, et cela ne fait qu'accroître mon angoisse. Puis, alors que nous pénétrons dans la forêt, Jake s'arrête et se racle la gorge.
— OK, alors maintenant, ferme les yeux.
J'entrouvre la bouche, hésitante, puis il me lance un regard insistant qui me convainc, avant de me tendre la main. Je fixe celle-ci pendant une seconde, puis finis par lui obéir et ferme les yeux en entremêlant mes doigts aux siens, un petit frisson me parcourant l'échine. Il a les mains douces et chaudes, et elles sont beaucoup plus grandes que les miennes. Le contact est agréable, et je me concentre plus sur ça que sur la route qui suit. Je manque de trébucher à plusieurs reprises, mais parviens toujours à écouter les conseils rapides de Jake qui m'indique la direction. J'ai une étrange impression de familiarité quand je marche, comme si j'avais déjà entrepris ce parcours auparavant, mais ignore cette pensée.
Soudain, je sens Jake s'arrêter net, et lâcher doucement ma main en prenant une profonde inspiration.
— C'est bon, tu peux ouvrir les yeux.
Je m'exécute alors enfin, et reste bouche bée devant ce que je découvre. Je suis entourée de dizaines de gigantesques arbres qui s'étendent au dessus de nos têtes, si haut que je ne vois pas leur cime. C'est l'endroit où je suis allée il y a quelques temps lors de mon entraînement. J'avais dû monter à un arbre en compagnie de Jake, avant que nous n'observions le coucher du soleil tous les deux. C'est à ce moment que je me suis rendue compte que je commençais à m'attacher dangereusement à lui. Quelle belle coïncidence...
Mais ce n'est pas cela qui me laisse sans voix. Ce qui me fait presque frémir est tout ce qu'arbore ce bel endroit. Tout autour de Jake et moi, pendent des arbres et lévitent calmement d'innombrables petites lumières dorées, semblables à de minuscules étoiles, et nous entourent d'une clarté splendide et rassurante. Quand je lève les yeux, je découvre rapidement que la scène se poursuit à des mètres au dessus de nous, et que les sortes d'étincelles se désintègrent par moment en une sorte de poussière incandescente qui s'écrase au sol et s'évapore en une fine fumée brillante. C'est absolument sublime, et je me répète intérieurement que toute la magie de ce monde me fera certainement toujours vibrer, c'est indéniable. Cela me fait penser à l'ascension des fées étincelantes lors de l'éveil de la forêt que j'ai vécu il y a quelques temps avec Thaniel, mais c'est différent, et je ne saurais décrire à quel point. Je suis profondément touchée, et des frissons parcourent tout mon corps à la découverte ce tout ce que Jake a préparé, et je ne dis pas un mot, me contentant d'afficher un immense sourire ahuri en découvrant tout cela.
Puis, alors que je pense que la surprise est terminée, je m'avance légèrement au milieu de ce spectacle de lueurs, et découvre avec étonnement, dans un coin entre deux gros arbres, une épaisse couverture, et à ses pieds, de la nourriture qui semble être protégée par une sorte de voile magique. Ce coin est placé à l'endroit le plus éclairé par les petites lumières dorées, et semble créer une sorte de cocon de lumière. Je ne peux m'empêcher de sourire encore plus en apercevant tout ça, et me tourne vers Jake en un geste brusque. Il m'observe, ses yeux noirs illuminés d'or, un sourire calme flottant sur ses lèvres.
— Alors ? hésite-t-il soudain, en plissant les yeux. Ça te plaît ?
— Tu rigoles ? pouffé-je. Bien sûr que oui, j'adore. (je balaie des yeux la scène autour de nous) C'est...
Je hausse les épaules, et un sourire plus franc barre alors le visage du beau brun, qui soupire un instant avant de continuer de parler.
— Je voulais faire ça plus tôt, mais comme tu es retournée sur Terre, je n'ai pas pu, explique-t-il en se grattant la nuque un instant. Tu pourras remercier Kaleb, c'est lui qui a fait - enfin, qui a fait apparaître - tout ça. Et aussi Joyce, elle m'a donné quelques conseils pour la nourriture, je savais plus trop ce que t'aimais.
Je ne lui réponds pas tout de suite, et me contente de le regarder, un sourire irrépressible étirant mes lèvres. Je ne saurais exprimer clairement ce que je ressens en ce moment, mais c'est différent de tout ce que j'ai pu ressentir en sa présence. Une sorte d'association entre l'affection, l'attirance, le désir et la fascination. Et c'est un sentiment absolument enivrant, qui m'empêche de respirer calmement. Je me mords la lèvre inférieure, et secoue la tête.
— C'est incroyable, soufflé-je. Mais... pourquoi ? Enfin, je veux dire, c'est adorable, mais ça t'est juste venu comme ça, sans raison ?
Jake pouffe un instant, et plisse le nez avant de répondre.
— Hum... hésite-t-il sans me regarder vraiment dans les yeux. Je voulais que ce moment soit spécial.
— Comment ça ?
Je fronce les sourcils, et il prend une profonde inspiration, avant de contracter la mâchoire.
— OK, alors, je vais parler sincèrement, mais m'interromps pas, d'accord ?
J'opine vivement, alors que mon cœur s'emballe. Jake paraît nerveux, et je peux voir qu'il est réellement mal à l'aise. C'est déroutant, et je déglutis, ne sachant pas comment correctement réagir. Le loup-garou hoche alors la tête, et s'éclaircit la voix.
— Bon, alors... Voilà. Je sais que je t'ai fait attendre, pour tout ça. Je crois que j'avais juste besoin de temps parce que j'avais du mal à m'avouer que... qu'il se passait quelque chose entre nous que je ne contrôlais pas.
Il marque une pause, et je vois son regard s'animer d'une émotion que je ne lui connais pas. Je me sens frissonner de tout mon long. Et si Joyce avait raison depuis le début...
— Tu sais, continue-t-il en levant la tête vers le ciel, je suis pas doué avec ça. L'amour, c'est trop perturbant, je préférais m'en éloigner pour pas perdre le contrôle sur moi-même. J'aime vraiment pas ressentir des trucs un peu trop forts.
— L'amour ? répété-je d'une voix à peine audible.
Il prend une longue inspiration, sans me regarder dans les yeux. Il a l'air en effet étrangement désemparé, et je pense qu'il a longtemps pensé a ce qu'il voulait dire, puisqu'il parait réfléchir à chacun de ses mots, et semble au bord de la crise de nerfs. Je ne l'ai jamais vu ainsi, aussi honnête, aussi transparent, et je suis moi-même désarmée. Il finit par poursuivre, la voix rauque.
— Pour moi, aimer c'est souffrir. Je sais, c'est ridicule, mais j'y peux rien. Si on aime vraiment quelqu'un, on risque de souffrir bien plus si on le perd. Alors, m'attacher à une fille était vraiment, vraiment pas dans mes plans.
Il étire sa nuque en passant la main sur son visage, et je sens mes jambes flageoler. Lorsqu'il arrime ses yeux aux miens pendant un instant, je suis foudroyée d'une multitude de sensations, et je manque de vaciller tant la chaleur qui me prend aux tripes m'est insupportable. Ça ne va pas du tout.
Jake ferme les yeux une seconde, et je réprime l'envie de parler. Je ne saurais pas exprimer correctement ce que je veux, alors autant m'abandonner à ses mots.
— Tu sais ce que je suis en train de faire, là ?
Je ne bouge pas, persuadée que si je fais un seul mouvement, les frissons violents qui parcourent mon corps me feront m'effondrer.
— J'essaie de faire des efforts, poursuit-il alors.
Le sourire qui barre alors son visage me serre le cœur tant il est innocent et attendrissant. Je pouffe silencieusement, et penche la tête sur le côté. Il m'avait promis de faire des efforts après notre confrontation lorsqu'il m'avait affirmé que nous n'étions que des amis. Alors c'est ça, sa manière d'arranger les choses...
Je ne sais que dire, que faire, pour l'instant. Le Jake que j'ai sous mes yeux semble incroyablement sincère, presque vulnérable tant il est transparent. Je déglutis, et entrouvre alors les lèvres, hésitante, avant que Jake ne lève la main et secoue la tête. Ses yeux brillent d'une lueur que je leur ai rarement vue.
— Je veux que tu comprennes. Heaven...
Je tremble en l'entendant prononcer mon nom. Jamais sa voix ne m'a semblé si douce. Mon dieu, je suis en train de m'enfoncer peu à peu, et je risque de ne pas pouvoir m'en sortir. Je ne peux plus rien contre lui, je ne peux plus rien contre ce que je ressens.
— Tu me fais perdre la tête, lâche-t-il alors brusquement.
Mon cœur manque un battement, et je n'ose pas le regarder dans les yeux. Je fixe son torse en sentant mon corps brûler un peu plus à chaque seconde, les veines pulsant sous l'émotion.
— Qu-qu... Attends, Jake...
Il ne faillit pas, et plonge cette fois ci son regard dans le mien. Je suis paralysée par l'émotion qui enserre alors ma poitrine. Je suis chamboulée. Par son regard, par ses mots, je suis retournée par tout ce qu'il se passe alors que je n'en réalise pas la moitié.
— Heaven, écoute moi.
Sa voix est rauque, suave, et je me mords l'intérieur des lèvres pour calmer les ardeurs qui remontent violemment dans mon ventre. Je ne vais pas tenir, cette fois, c'est beaucoup trop fort.
Jake respire lentement, et je le vois contracter sa mâchoire. Dans ses yeux dansent des flammes que je n'ai jamais vu aussi intenses, et il semble émaner de lui une chaleur enivrante que je peux ressentir jusque dans ma poitrine.
— Aujourd'hui, je ne sais plus quoi penser de tout ça, de mon état d'esprit. Mais... je sais que je te trouve incroyablement attirante, et que je suis plus heureux quand tu es là. Je sais que tu me fais rire, et que dès que je te vois, j'ai envie de te sauter dessus. Et franchement, c'est flippant, parce qu'avec toi, j'ai l'impression que tout ce que je m'étais convaincu être la vérité peut changer. Je ne sais pas du tout ce qui se passe dans ma tête ni ce que cette relation veut dire, mais... je veux lâcher prise, avec toi.
Je n'ai pas de mots pour décrire ce que je ressens en cet instant même. Mes oreilles bourdonnent, et des vertiges me font frissonner, alors que mon corps entier semble brûler de l'intérieur. Mon cœur menace à tout moment d'exploser, je suis complètement désemparée et chamboulée par les mots de Jake. Tous les doutes que j'avais, toutes les questions que je me posais, tout ce qui tracassait mon esprit à son propos, tout s'est envolé en un instant. Je tentais de me persuader que je pouvais ne rien ressentir pour lui, mais j'étais dans un déni aveugle. Jamais je n'aurais cru qu'il me dirait de telles choses, ni même qu'il pensait de telles choses. Ce qui se passe actuellement est au delà de toutes mes espérances, et je ne sais absolument pas comment réagir. C'est irréel. Totalement irréel.
Jake, lui, ne dit pas un mot non plus, et me dévisage, le visage crispé par sa flagrante anxiété. Nous restons ainsi, immobiles et muets, pendant un court instant, durant lequel je tente de me remettre de mes émotions, en vain. Je suis dans un état second, à un tel point que j'ai envie de pleurer. Je finis par étirer les lèvres en un léger sourire ému, et déglutis, tandis que le beau brun en face de moi inspire. Je vois qu'il essaie de ne pas paraître tendu, mais il vient de dévoiler ce qu'il gardait en lui, et je sais combien ça a dû être dur pour lui.
— Jake... soufflé-je faiblement.
Je secoue la tête, à court de mots, et me contente de papillonner des cils nerveusement, alors que je vois le visage du beau loup-garou se détendre peu à peu. Et soudain, alors que j'inspire difficilement, il fait un pas vers moi, et un autre. Puis, sans que je n'ai le temps de bouger, il tend les bras vers moi et prend mon visage entre ses mains, avant de se rapprocher une dernière fois, et de coller ses lèvres aux miennes sans aucune hésitation, en un seul geste d'une spontanéité désarmante. Je me laisse m'abandonner à son baiser, et colle mon corps un peu plus au sien, tandis qu'il desserre son étreinte sur mon visage et glisse ses doigts derrière ma nuque, me faisant frissonner jusqu'en bas du dos. J'agrippe doucement le col de son tee-shirt, ne voulant plus quitter ses lèvres. Ce baiser est totalement différent du premier. Il est plus sincère, moins irréfléchi, plus enflammé encore, animé d'une passion qui n'existait pas auparavant. Je suis ivre de chaleur et de désir, je n'ai jamais connu tel sentiment. Je ne respire plus, sens mon cœur tambouriner violemment dans ma poitrine et le sang pulser dans mes veines. Je suis brûlante, assommée par les émotions, le corps frissonnant. Le temps me semble s'être suspendu, je me sens comme dans un autre monde. Collée au torse bouillonnant de Jake, son cœur me parait battre la chamade lui aussi, ce qui aggrave mon état. Je peux sentir son pouls battre dans ses mains brûlantes, je peux sentir les frissons dans ses lèvres. Comme je l'imaginais, je suis au bord de l'évanouissement. Ce moment est indéniablement magique, et je n'ai pas envie qu'il cesse. J'ai du mal à croire que j'embrasse enfin, après tout ce temps, le garçon qui me semblait aussi inaccessible. Je ne peux plus le nier, j'ai des sentiments pour lui, qui évoluent depuis des semaines déjà. J'ai voulu repousser toutes ces sensations effrayantes, j'ai voulu les ignorer alors qu'elles étaient juste là, et il a suffi d'un baiser pour les faire surgir brutalement. Je suis en train de tomber amoureuse de Jake.
Nous décidons de mettre fin à notre baiser après quelques instants, haletants. Il se détache légèrement de moi, tout en gardant ses mains sur mes joues, et m'observe, un sourire ahuri sur le visage. Ses yeux aux iris totalement jaunes sont plus étincelants que jamais, et j'ai du mal à reprendre mon souffle tant son regard est envoûtant. Il semble aussi grisé que moi, et je n'arrive toujours pas à descendre de mon petit nuage, toujours aussi étourdie. Je me mordille les lèvres, tentant de calmer mes ardeurs, sans grand succès. Jake sourit légèrement en caressant du bout des doigts le coin de mes yeux, et il ne me faut pas longtemps pour comprendre qu'ils ont pris leur teinte surnaturelle. Je me sens rougir en me rendant compte que je suis si folle d'émotions que cela a activé ma magie, et ferme les yeux quelques instants pour faire cesser le phénomène, avec beaucoup de peine. Lorsque je desserre les paupières, je détache mon regard de celui de Jake en voyant virevolter entre nous, puis autour de nous, des centaines de paillettes enflammées résultant de la disparition des étincelles dorées au dessus de nos têtes. Une fine pluie de lumière nous inonde bientôt, formant une légère brume à nos pieds, et s'unissant aux sortes d'étoiles minuscules nous entourant déjà, brillant encore plus à présent que le ciel s'assombrit.
— J'aurais dû le faire plus tôt, lâche alors Jake d'une voix rauque, le regard brûlant.
— Ne t'inquiète pas, c'est parfait, réponds-je en reportant mes yeux vers lui, un sourire béat sur le visage.
Jake sourit à son tour, puis dépose un second baiser sur mes lèvres, que je lui rends avec douceur, appréciant à sa juste valeur ce contact délectable. Je ne réalise toujours pas.
Étourdie, je sépare ma bouche de la sienne, et Jake colle son front au mien, son regard pétillant d'or toujours plongé dans le mien, l'air aussi hébété que moi. Il ferme les yeux, puis se détache tranquillement de moi.
— Bon, on devrait aller manger, non ? me propose-t-il, un vague sourire angélique flottant à ses lèvres.
J'acquiesce vivement, et il me précède dans le court chemin qui nous sépare du coin aménagé par ses soins, semblant si intime et confortable que j'ai envie d'y courir. Les yeux perdus sur Jake, je me laisse aller à la contemplation de son visage, qui affiche un air à la fois soulagé et soucieux. Je détaille les légères boucles brunes tombant sur son front, ses longs cils aussi noirs que le sont habituellement ses yeux. Je contemple les courbes douces de son nez et de ses lèvres, de sa mâchoire discrètement saillante. Sa beauté est envoûtante. J'inspire calmement, tentant de calmer mes émotions, sans grand succès. Il m'est presque impossible de me rendre compte que lui, Jake Eastwood, ce magnifique loup-garou, si irrésistible et attachant, si gentil et à la fois mystérieux, si fascinant, vient de m'avouer qu'il voulait être avec moi. Il ressent donc quelque chose pour moi. C'est presque inimaginable, et met mon esprit et mon cœur dans des états dévastateurs.
Je sors de ma torpeur quand Jake et moi prenons place sur la couverture étendue entre les deux arbres. Il tourne les yeux vers moi, et me sourit gentiment, tandis qu'un frisson chaud parcourt mon échine. Cette soirée ne fait que commencer, et elle promet d'être absolument merveilleuse.
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