Sixième Chapitre 2/2 - Réécrit
Lorsque je me réveille le lendemain, mon esprit est encore plus embrouillé que la veille. Assaillie par une migraine douloureuse, je mets un temps fou à me lever, et encore plus à quitter mon appartement. Espérons que cette journée ne soit pas trop forte en émotions, même s'il y a peu de chances que cet espoir soit satisfait.
J'entreprends une arrivée discrète au lycée, toujours toisée par quelques personnes et agressée par leurs pensées réprobatrices. Préférant les ignorer, je prends une profonde inspiration, et ne peux réprimer un soupir de soulagement en apercevant Jake au loin, seul, pour une fois. Je me dirige vers lui alors qu'il me remarque enfin, et m'adresse un sourire cordial.
— Salut, comment ça va aujourd'hui ? fait-il.
— Ça va... réponds-je en haussant les épaules.
Et, alors que je m'apprêtais à lui retourner la question, je suis interrompue par l'arrivée impromptue de Joyce, qui apparaît en quelques secondes près de nous.
— Oh, salut ! me lance-t-elle avec un sourire. J'étais aux toilettes, j'ai failli me perdre, ajoute-t-elle en soupirant.
Je la salue à mon tour, et elle prend place à côté de Jake. En effet, ils sont absolument époustouflants à deux, comme lors de ce jour dans le café. Leur aura surnaturelle est impressionnante, et je ne peux m'empêcher de me demander si un jour, moi aussi, je dégagerai une telle chose. Ça me paraît peu probable. Un léger silence s'abat sur nous, et je me racle la gorge.
— Donc, lancé-je à l'intention de Joyce, tu as décidé d'intégrer le lycée une semaine après la rentrée ?
— Ouais, j'étais en vacances avec des amis, je n'allais pas les interrompre pour une rentrée, quand même.
J'esquisse un sourire, et elle lève des yeux pétillants vers Jake.
— Vous vous connaissez depuis longtemps ? hésité-je alors.
— Depuis toujours, répond Jake.
— Nos familles étaient amies, donc on est vite devenus proches, ajoute Joyce.
Je hoche la tête. Peut-être que je devrais leur demander directement s'ils sont en couple, parce que j'avoue me poser sérieusement la question, bien que je ne sache pas vraiment pourquoi je m'y intéresse autant.
Mais, avant que je n'aie le temps de vraiment hésiter à la poser, la sonnerie retentit, et nous nous pressons jusqu'en cours d'Histoire. Apparemment, Joyce est dans ce cours également. Son arrivée est sans surprise très remarquée, et lire les pensées des garçons — et de quelques filles — dans la salle à ce moment s'avère très amusant. Elle est sublime, ils le pensent tous, et Joyce le sait parfaitement. Elle respire la confiance en soi, peut-être plus que Jake. Ces deux là vont prendre place au fond de la salle, et je peux entendre dans les esprits de beaucoup des « Ils sont tous les deux aussi beaux, c'est incroyable », ne pouvant qu'approuver leurs pensées. Je lance un regard à Jake, mais celui-ci semble trop occupé à discuter avec son amie pour me voir. Alors, je détourne les yeux, et écoute le professeur faire l'appel, dévoilant ainsi le nom de Joyce comme étant « Webster ». Et après cela, je n'écoute plus que d'une oreille le cours qui suit.
À dix heures, je décide de m'isoler quelques minutes, ne souhaitant pas particulièrement rejoindre Jake et son « amie », qui évidemment, discutent avec d'autres personnes. Alors je retrouve l'endroit caché où Jake m'a tirée hier, après mon léger pétage de plombs, et m'adosse au mur en observant les arbres devant moi. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être complètement ailleurs, comme si je n'étais pas totalement là, c'est étrange. Peut-être que c'est la fatigue, mais ça ne me plaît pas vraiment. Je ferme les yeux, et inspire lentement. Il faut que je me calme.
— Heaven, fait soudain une voix devant moi.
J'ouvre les yeux en un sursaut, et laisse échapper un hoquet étouffé en apercevant la personne à environ un mètre de moi. La femme de mon rêve, celle qui pourrait être ma mère. Toujours aussi belle et avec les mêmes yeux bleus brillants. Elle me fixe avec calme, une tendresse inattendue dans le regard, et un léger sourire étire ses lèvres. Mon cœur bat la chamade, et j'ai du mal à respirer correctement. Elle se tient devant moi, semblant aussi réelle que moi.
— Cette fois, ce n'est pas un rêve, articulé-je, le souffle court.
— La dernière fois non plus, me répond-elle doucement.
Je sens ma gorge se serrer, et secoue légèrement la tête. Je suis complètement désemparée. Je déglutis, et inspire profondément, tentant tant bien que mal de reprendre mes esprits.
— Qui êtes vous ? lâché-je d'une voix rauque après un instant d'hésitation.
Elle ne dit rien, et je sens mon cœur battre contre mes tempes, ma migraine s'intensifiant peu à peu. À cet instant, il n'y a rien que je redoute plus que sa réponse. Elle esquisse un sourire triste, et penche la tête, avant de déclarer à mi voix :
— Je pense que tu l'as déjà deviné, non ?
Je me paralyse, sentant mon ventre se retourner et un sanglot remonter dans ma gorge. C'est donc réellement ma mère ? Je me plaque un peu plus contre le mur en béton derrière moi, et secoue la tête. C'est impossible. Je suis en face de ma mère, morte depuis dix-sept longues années, dans mon esprit et dans mon cœur.
— Est-ce que vous êtes ma mère ? fais-je, la voix tremblante.
Lentement, elle acquiesce, et je sens de nouveau ma poitrine s'enflammer. C'est donc la vérité.
— Vous êtes morte, déclaré-je avec difficulté.
Je ravale un sanglot, et empêche les larmes de perler à mes yeux. J'ai envie de pleurer, envie de me laisser tomber à terre. Je ne sais même pas comment je tiens debout, complètement sous le choc.
— Non, pas totalement, souffle-t-elle alors.
Je fronce les sourcils, sentant ma respiration se couper lentement. Je suis en train de paniquer peu à peu. Il faut que je me calme.
— Hein ? Mais...
— Écoute, je n'ai pas beaucoup de temps, d'accord ? Alors écoute moi, s'il te plaît.
Je frissonne, et l'écoute alors sans dire un mot, complètement bouleversée. Tout va bien trop vite. Son visage est peint d'une multitude d'émotions, et je sais qu'elle aussi, elle se retient de pleurer.
— J'ai senti que notre lien psychique s'était renforcé, et j'ai enfin réussi à entrer en contact avec toi. Le rêve que tu as eu, c'était une vision que je voulais te transmettre. Ce que tu as vu, c'était moi, dans la pièce où j'ai été enfermée lorsqu'on m'a enlevée quand j'avais à peu près ton âge. J'avais besoin de te le montrer, car des bribes de souvenirs commencent à me revenir, et je n'ai jamais compris ce qu'il m'était arrivé là bas. Alors peut-être que ça t'aidera, toi, à y voir plus clair.
Je hoche la tête, déboussolée.
— Mais... soufflé-je, avant de me taire pendant quelques secondes. Vous êtes réelle ?
— Non, pas vraiment. Ce que tu vois n'est que ma projection astrale, je ne suis pas ici. Les projections astrales ne peuvent se montrer qu'avec un miroir ou une autre surface reflétant leur apparence. Aujourd'hui, j'ai utilisé une fenêtre.
— Alors vous êtes où ?
— C'est mon deuxième point. Je suis entre ton monde, et les autres, dans les limbes.
J'entrouvre les lèvres, ne comprenant pas un mot de ce qu'elle me raconte. Les limbes ?
— J'y suis bloquée depuis ma mort, et je pense que tu peux m'aider à en sortir.
— Quoi ? Qu'est-ce que...
— Je peux sentir ta puissance, Heaven. Elle est incroyable, plus que je n'ai jamais vu, et elle n'a pas fini de grandir. Tu n'es pas encore capable de m'aider, mais bientôt, oui. Tout est en train de changer. Tu ne t'en rends pas encore compte, mais je peux le sentir, en toi. Parle à Zachariah, Zachariah Moran, c'est une personne expérimentée, et de confiance.
— Zachariah ? Non, arrêtez, je...
Je sens tout mon corps frissonner, et je tremble en m'empêchant difficilement d'éclater en sanglots.
— Je suis désolée, Heaven, je sais que tu ne dois rien comprendre en ce moment, et que tu es sûrement en train de découvrir à peine tout un monde qui t'a été caché par ma faute, mais...
— Comment je peux savoir que vous ne mentez pas ? osé-je lancer, la voix étranglée. Peut-être que vous n'êtes même pas ma mère.
Elle hausse légèrement les sourcils, et s'approche un peu plus de moi. Puis, soudain, elle prend mon visage entre ses mains. Ses longs doigts fins frôlent doucement mes joues, elle plonge son regard ensorcelant dans le mien. Et, lentement, elle fait d'une douce voix :
— Je m'appelle Teresa Caldwell, et je suis ta mère, Heaven. Je t'ai cachée sur Terre juste avant de mourir, pour te protéger, sachant très bien qu'à l'approche de ta majorité, tu découvrirais qui tu es. Cela fait dix-sept ans que je suis bloquée entre la vie et la mort, et j'ai aujourd'hui l'opportunité d'en sortir, et d'avoir une seconde chance. J'ai l'opportunité de connaître ma fille, et je te demande simplement de m'y aider, si toi aussi, tu as envie de connaître ta mère.
Sa voix est tremblante, et je contrôle moi même difficilement les tremblements de mes lèvres. Elle me dit la vérité, c'est elle. Je viens de rencontrer ma mère. Ce que je ressens à cet instant m'est totalement inconnu, et c'est probablement un des moments les plus forts de ma vie. Mon cœur bat violemment, et tout mon corps est tendu et brûlant. J'ai le ventre en miettes, les tympans qui sifflent. Je ne peux quitter des yeux le regard de ma mère, exprimant tout ce que je n'avais jamais vu dans les yeux de qui que ce soit. La tendresse, l'amour, un amour que je n'ai jamais connu, celui d'une mère. Je le sens en elle, et en moi à présent, semblant combler une partie ce trou béant dans ma poitrine que je pensais impossible à réparer. J'ai vécu depuis toujours sans parents ni famille, sans attaches, et me retrouver aujourd'hui face à celle qui m'a mise au monde me semble impossible à croire réellement. Mais c'est pourtant bien vrai, et je ne saurais exprimer correctement tout ce qui se joue en moi à cet instant.
Des larmes roulent lentement le long de mes joues, et je souris avec hésitation. Un nouveau sanglot me secoue, et je ne lâche pas le regard de Teresa, de ma mère, elle aussi au bord des larmes.
— Si tu savais... fait-elle lentement. Depuis ce jour où je t'ai laissée, si tu savais... Mon cœur s'est brisé, j'ai abandonné ma propre fille, et je ne pouvais rien faire d'autre...
— Pourquoi vous n'êtes pas venue avec moi ? soufflé-je difficilement, les larmes coupant ma respiration.
— Car j'étais condamnée, Heaven. Ils m'auraient retrouvée, et ils t'auraient tuée toi aussi, j'étais obligée.
Une larme fine coule de son œil, et elle contracte la mâchoire. Je tremble, toujours remuée par les sanglots.
— Écoute moi, ajoute-t-elle, je sais que tu dois être bouleversée par tout ce qu'il t'arrive, mais tu dois te rassurer. Tu finiras par t'y habituer. La magie en toi est impressionnante, et tu ne te rends pas encore compte de la puissance que tu auras bientôt. Je reviendrai, dès que je le peux, je te le promets.
Je hoche frénétiquement la tête, le cœur battant, et elle fait un pas en arrière en lâchant mon visage. Avec un sourire, elle m'adresse un bref signe de la main, et s'évapore comme la première fois, alors que je vois sur ses lèvres se dessiner un « Je t'aime ».
Je reprends mon souffle avec difficulté, et essuie les larmes brûlantes sur mes joues. Je tremble de tout mon long, complètement bouleversée. Je m'agrippe au rebord de la fenêtre à coté de moi, et lève les yeux au ciel. J'entends la sonnerie du lycée, mais ne bouge pas. Si je bouge, je risque de m'effondrer. Je viens de discuter avec ma mère, que je pensais morte depuis toujours. Mais non, elle ne l'est pas, pas totalement, et je peux apparemment la faire revenir parmi nous, bien que je ne sache absolument pas de quelle manière. Je sens de nouvelles larmes couler sur mes joues, et je les laisse s'écraser dans mon cou en respirant le plus calmement possible. Tout va bien. Tout. Va. Bien.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top