Septième Chapitre 2/2 - Réécrit
Nous atterrissons, et je reste immobile quelques instants en ouvrant les yeux. J'observe le paysage improbable qui s'étend devant moi, toujours déroutée. Je ne m'y habituerai jamais vraiment, je pense. Je prends une profonde inspiration, et balaie des yeux l'entrée de la ville. Il y a très peu de monde dans les rues, et le soleil n'est pas encore totalement levé. Il semblerait qu'il soit la même heure que sur Terre, cette fois ci. Je vois Jake et Joyce commencer à avancer en direction des rues, mais je ne bouge pas tout de suite. Il faut que Jake me fasse un signe de la main pour me sortir de mes pensées, et que je les suive d'un pas pressant. Nous marchons en silence pendant deux courtes minutes, avant de nous arrêter devant une grande maison, que je reconnais directement comme étant celle de Zachariah. Le grand escalier de pierre, l'emplacement à la fois près de l'entrée de la ville et de son centre, c'est bien celle là.
Je suis la première à gravir les marches de l'escalier, et je retiens ma respiration en me plaçant devant la porte.
— Tout va bien ? me lance Jake, qui me rejoint avec un sourire en coin.
Je hoche la tête, tentant de me convaincre moi-même, et le loup-garou frappe à la porte un instant plus tard. J'entends Joyce se racler la gorge derrière moi, et me retourne vers elle. Elle a l'air étrangement nerveuse, le regard fuyant et la mâchoire contractée. Je l'interroge silencieusement, et elle entrouvre les lèvres pour répondre, mais nous sommes interrompues par le son de la porte qui s'ouvre lentement. Je pivote brutalement, faisant alors face à la personne qui nous a ouverts, et reste bouche bée, pantoise. Devant moi se tient un grand et très beau blond semblant un peu plus âgé que nous, et arborant un regard électrique d'un bleu tirant sur le gris, empli de malice. Je fronce les sourcils, surprise face à l'impression étrangement familière que son visage et son regard me donnent à l'instant. Il est le parfait sosie du guérisseur, mais en bien plus jeune. C'est impossible... ou bien ne l'est-ce pas ?
— Je me demandais quand est-ce que j'allais vous revoir, sourit-il soudain en posant son regard sur moi, puis Jake.
C'est donc bien Zachariah, je n'en ai presque aucun doute. Lorsqu'il aperçoit Joyce, il semble répondre à la réaction de cette dernière. En évitant rapidement son regard, je l'entends prendre une grande inspiration, et vois son poing se contracter. Il y a définitivement quelque chose entre eux deux.
— On peut entrer ? fait alors Jake.
Le présumé Zachariah acquiesce lentement, et nous invite à entrer en s'écartant. Jake me précède, et je le suis en faisant un pas vers la maison.
— Aïe ! lâché-je en reculant d'un pas.
Je viens de me heurter à une porte invisible, me la prenant en plein nez. Un peu sonnée, je lance un regard noir à Jake qui se fout ouvertement de moi.
— Désolé, protection, sourit soudain Zachariah d'un air narquois. On ne sait jamais ce qui peut entrer.
Je le regarde en fronçant légèrement les sourcils, sans savoir répondre. Je ne m'attendais pas à une situation aussi impromptue. Notre hôte fait alors un bref mouvement de la main, et je parviens enfin à entrer dans la maison. J'avance dans l'entrée sans le regarder, et il ferme la porte derrière Joyce, nous faisant ensuite signe de le suivre. Nous avançons dans le couloir, et entrons rapidement dans une pièce qui semble être le salon. Grande et chaleureuse, elle est illuminée par le soleil matinal perçant par la grande fenêtre derrière le canapé en cuir contre le mur. Après un signe de Zachariah, je vais m'y installer. Jake se dirige vers moi, mais Joyce est plus rapide et prend place près de moi. Le loup-garou va donc s'asseoir dans un des deux fauteuils en cuir à côté de la table basse. Je détaille le reste de la pièce, admirant la belle bibliothèque à côté de la télévision, et regarde l'heure sur l'horloge sur le mur en face de moi. Il est sept heures et demi.
— Vous voulez quelque chose à boire ? nous propose alors Zachariah.
Tous acceptent, et je demande timidement un café. Le guérisseur quitte la pièce, et je me penche légèrement en me raclant la gorge.
— C'est vraiment lui, Zachariah ? hésité-je à mi-voix.
— Bah oui, pouffe Jake en fronçant les sourcils. Pourquoi ?
— Euh... La dernière fois, il avait l'air d'avoir... cinquante ans.
Jake sourit, et j'entends Joyce ricaner à son tour. Je les interroge du regard, et ils s'échangent un coup d'œil amusé.
— C'est un Changeur, fait alors Jake. Un métamorphe, qui peut prendre la forme qu'il veut. Quand il travaille et qu'ils soigne des inconnus, c'est vrai qu'il préfère prendre une apparence plus... adulte.
J'entrouvre la bouche, stupéfaite. Un métamorphe. C'est difficilement imaginable.
— D'accord... soufflé-je. Alors il a quel âge ?
J'ai une nouvelle fois le droit à deux sourires railleurs.
— Il est immortel, lâche Joyce en penchant la tête. En vrai, il a plus de cent ans. Il a arrêté de vieillir à dix-sept ans, à sa majorité, donc cette apparence est la « vraie » si on veut.
Je hoche la tête d'un geste lent, et m'enfonce dans le canapé, sans mots. L'immortalité existe donc aussi. Je nage en plein délire.
Zachariah revient quelques instants après, et nous tend nos boissons chaudes avant de prendre place dans le second fauteuil du salon. Je le vois jeter un regard furtif à Joyce, qui elle, l'évite avec précaution. Je fronce les sourcils, alors il s'éclaircit la voix et s'adresse à nous en sirotant son thé.
— Bon, si vous êtes venus me voir, c'est que vous pensez que je peux l'aider, n'est-ce pas ?
Je croise son regard, et il sourit.
— Tu ressembles beaucoup à ta mère.
Je manque de m'étouffer avec mon café, et toussote.
— On était de très bons amis, mais ça, je pourrai t'en parler plus tard.
Je reste pantoise, sans savoir quoi répondre, et il poursuit.
— Jake, tu penses que je peux l'aider à apprendre à contrôler ses pouvoirs, c'est ça ?
— Oui, c'est ça, répond l'intéressé.
Zachariah m'observe un instant, et je coupe ma respiration.
— Il reste combien de temps ?
— Un mois, réponds-je timidement. Jusqu'au cinq Octobre.
Il hoche la tête, et relève le menton.
— Je peux t'aider, mais il va falloir être forte, dit-il après quelques secondes.
Je déglutis, et acquiesce lentement. Zachariah soupire un instant, et place ses mains sur ses genoux en prenant un air plus sérieux.
— Cette semaine, je suis trop occupé, fait-il calmement. Mais reviens Lundi, et là, on pourra commencer l'entraînement.
— D'accord, articulé-je difficilement.
— Par contre, tu vas devoir rester ici. Tu auras besoin d'être totalement concentrée sur ton apprentissage, jusqu'à ta majorité. Alors, il vaut mieux éviter les allers-retours entre la Terre et ici.
— Donc, je vais... vivre ici ?
— Oui, mais pas indéfiniment, ne t'inquiète pas. C'est beaucoup mieux pour toi.
— D'accord... soufflé-je.
Je prends une gorgée de café, et Zachariah enchaîne avec un sourire.
— Mais tu ne seras pas seule, hein. J'ai assez de chambres pour vous... (il se racle la gorge) vous tous.
— Donc on peut rester aussi ? se réjouit Jake.
— Oui, je pense que Heaven sera plus à l'aise si vous êtes là.
Je réprime un soupir de soulagement. C'est vrai que je me sentirai bien mieux si Jake est là. Quant à Joyce, une présence féminine me sera sûrement bénéfique. Un court silence s'installe, et j'entends la belle blonde se tortiller à côté de moi.
— Zac... hésite-t-elle d'une voix rauque. Je peux rester chez mes potes aussi, tu sais.
— Non, répond-il en évitant son regard. Ça ne me gêne pas. Je ne vais pas te mettre dehors juste parce que...
Joyce hoche frénétiquement la tête, et baisse les yeux.
— Merci, souffle-t-elle à mi-voix.
Je fronce les sourcils, et lance un regard interloqué à Jake, qui me répond d'un sourire en coin faussement innocent. Il se passe définitivement quelque chose entre Joyce et Zachariah - « Zac ».
— Bon, me fait ce dernier. Est-ce que tu as des questions ?
— Euh... bafouillé-je, je pense que j'en ai trop pour savoir laquelle poser.
Il sourit légèrement, et je hausse les épaules. Mon esprit est assailli de questions, mais mettre des mots dessus ne fait que m'angoisser un peu plus.
Je m'éclaircis la voix, et enchaîne avec hésitation, les sourcils froncés.
— Zachariah, quand vous... tu...
— Tu peux me tutoyer. Et appelle moi Zac.
J'acquiesce lentement, embarrassée.
— Tu connaissais vraiment bien mes parents ?
— Oui, comme je l'ai dit, on était amis. Pourquoi ?
Je déglutis, et lance un regard hésitant à Jake, qui m'adresse un léger sourire, qui me rassure immédiatement.
— Ma mère n'est pas complètement morte, lâché-je. Elle est dans les limbes, et elle dit que je pouvais l'aider à en sortir. Elle m'a dit de venir te voir, que tu étais une personne « expérimentée et de confiance ».
Je vois les yeux du guérisseur s'écarquiller, et il ravale difficilement sa salive en se crispant sur son fauteuil alors que je lui explique le plus efficacement possible les derniers événements à son propos. Il est sous le choc, je peux le comprendre. Elle est censée être morte depuis presque vingt ans. Et si c'était vraiment une amie proche, la savoir toujours potentiellement en vie doit le remuer particulièrement. Les yeux brillants, l'air visiblement bouleversé, il articule lentement :
— Je lui ai promis de t'aider et de protéger si tu venais à moi un jour, alors bien sûr que tu peux me faire confiance.
J'ébauche un sourire ému, et prends une profonde inspiration. Il était vraiment proche de ma mère. J'ai encore plus de questions. Mon cœur bat la chamade, et mes oreilles bourdonnent légèrement. Il va vraiment m'aider, je vais vraiment commencer, dans quelques jours, un entraînement pour appréhender du mieux que je peux mes futurs pouvoirs. La magie. Je vais apprendre à contrôler la magie, la mienne.
— Bon, souffle alors Zachariah en se levant. Je ne veux pas vous mettre dehors, mais je dois déjà partir, je suis désolé.
Je me lève à mon tour, légèrement mal à l'aise, et Jake puis Joyce m'imitent.
— À partir de Lundi, poursuit le beau blond en nous raccompagnant à la porte d'entrée, je serai tout à toi, ne t'inquiète pas. Tu es entre de bonnes mains.
Il me décoche un sourire railleur, et je hoche timidement la tête, tout de même soulagée. Il semble pouvoir répondre à beaucoup des innombrables questions que je me pose, et c'est plutôt rassurant.
Zachariah nous salue quelques secondes plus tard, et m'adresse un clin d'œil avant de fermer la porte derrière nous. Il a l'air si bienveillant et détendu que c'en est perturbant.
En descendant les escaliers, je m'oblige à poser une question idiote, d'une voix hésitante :
— Vous pensez vraiment qu'il peut m'aider ?
Jake rit légèrement, et Joyce penche la tête, amusée.
— Oui, sourit cette dernière.
— Il s'y connaît vraiment bien tu verras. Tu peux lui faire confiance. Et si t'es perturbée par ses airs un peu... « directs », c'est normal, tu t'habitueras.
J'acquiesce vivement, et nous arrivons dans la rue presque vide. J'inspire lentement, et laisse mes yeux se balader sur les rues sinueuses.
— Tu veux qu'on te fasse visiter ? lance Joyce, remarquant mon apparente curiosité.
Je souris en signe d'accord, et elle s'élance dans la rue, suivie de Jake.
— Ici, on est à l'entrée de la ville, mais aussi en son centre. On a de la chance, m'explique Joyce. En fait, Érédia est immense et s'étend sur je ne sais combien de kilomètres, mais il n'y a pas de point assez haut pour le voir, à part le château.
Je hoche la tête. En effet, la ville n'a pas l'air si grande que ça à première vue, mais à en juger par la grandeur de son palais et la superficie de son simple centre, il ne fait qu'aucun doute qu'elle est gigantesque.
Nous arpentons les rues dans le calme, Joyce me présente avec enthousiasme sa ville, que je me surprends à aimer traverser. Le moderne et l'ancien se confrontent à chaque endroit, et les ruelles s'entremêlent, donnant à tout lieu une particularité reconnaissable. Des petites auberges aux grands bâtiments en verre, des immenses édifices en pierre aux cabanes modestes, tout y passe. Partout, on peut apercevoir un bout du château qui surplombe toute la ville.
Alors que nous passons dans un quartier verdoyant, entourés de parcs, je m'attarde sur les scènes déroutantes qui s'y déroulent. À quelques mètres de moi, des enfants elfes jouent et je vois clairement qu'ils utilisent leurs pouvoirs, se repoussant avec la force du vent, faisant des figures aériennes avec le sable, faisant éclater certaines paillettes enflammés en courant, sous l'œil attentifs de leurs parents, les conseillant tant bien que mal. Je les observe, bouche bée, m'émerveillant malgré moi face à ne serait-ce que leurs yeux colorés, la manière dont leurs cheveux volent sans raison, les légères bourrasques balayant l'herbe à chacun de leurs pas. Jusqu'à cet instant, j'avais simplement imaginé la magie, et me voilà face à elle. Et j'ai beau être effrayée par tant d'inconnu, je crois que c'est la chose la plus fascinante que j'ai pu voir.
Plus loin, un groupe de jeunes s'affaire à une sorte de médiation collective, et je peux voir un halo immaculé les entourer, ayant l'impression d'y discerner des silhouettes.
— Ils font quoi ? soufflé-je.
— Projection astrale, sûrement, répond Joyce. Ils doivent être bien loin, vu leurs têtes.
— C'est possible ? m'estomaqué-je.
Elle sourit.
— Pour les sorciers, oui. Ils ont dû prendre une potion élévatrice, sinon.
Je pouffe malgré moi. Elle dit ça comme si c'était parfaitement normal. Une potion élévatrice, alors là.
Je sens ma gorge s'assécher tant je suis perturbée par un tel environnement, et n'ose plus parler, me laissant happer par chaque détail, chaque étincelle.
Rapidement, nous arrivons à un carrefour, où trône une fontaine monumentale que je me rappelle avoir aperçue de loin lors de ma première venue, apparemment réel centre de ce côté d'Érédia. Toutes les rues principales mènent à cet endroit, et c'est ici que l'on trouve les meilleurs coins de la ville selon Joyce. Celle ci précède Jake sur le rebord de la fontaine, et me fait signe de la rejoindre. Je vais m'y asseoir à mon tour, et souffle silencieusement alors que mes deux guides entament une conversation rapide. Je n'ose même pas parler, tant je suis obnubilée par la découverte d'une partie de ce monde qui m'est encore totalement inconnu. On pourrait se croire sur Terre, mais il y a dans l'atmosphère, dans l'air même, une inexplicable singularité, une force silencieuse, qui dégage l'essence profonde, la réelle magie de cet endroit. Je ne saurais mettre de mots dessus, peut-être que je délire complètement et que je suis simplement influencée par les quelques créatures improbables que je croise ou le simple fait de me savoir dans une autre dimension, mais je ressens ici ce sentiment indéfinissable que jamais je n'avais encore ressenti.
— Alors, t'en penses quoi ? me sourit Jake.
— J'adore, j'ai hâte de tout découvrir.
Nous avons marché pendant à peu près trente minutes, et il est à présent un peu plus de huit heures. Je sais que je dois retourner sur Terre... chez moi, puisqu'il me faut attendre jusqu'à lundi pour revenir, mais je n'en n'ai aucunement l'envie. Ici, même si je me sens toujours mal à l'aise, c'est comme si avec l'inconnu, on m'avait offert la liberté, une liberté que je n'avais jamais connue et qui m'effraie autant qu'elle me fascine. J'ai encore tout à découvrir, tout à comprendre, et il me tarde de commencer, même si j'appréhende énormément.
— Je dois rentrer... soupiré-je.
— Maintenant ? s'étonne Joyce. Tu ne veux pas continuer la visite ?
J'ai un temps d'hésitation, et me mords légèrement l'intérieur de la lèvre.
— J'aimerais bien, mais j'en ai déjà vu beaucoup, je continuerai ça la semaine prochaine. De toute façon, il faut que j'aille en cours.
La Kitsune hausse les épaules, et se lève pour se placer face à moi.
— Je t'emmène, dans ce cas. Jake, tu viens ?
Ce dernier secoue la tête, et indique devoir aller voir des amis. Il nous adresse un clin d'œil avant de pivoter, et s'éloigner de nous.
Quelques minutes plus tard, je suis dans mon appartement, seule et dans un silence de mort. Peut-être que j'aurais dû rester un peu plus longtemps...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top