Quarante-et-unième Chapitre - Réécrit
Je détache mes cheveux et les ébouriffe avant de me laisser tomber sur mon lit, exténuée. Et, alors que je me glisse sous mes draps avec allégresse, j'entends frapper doucement à ma porte, et tourne ma tête vers celle-ci, avant de découvrir le visage de Joyce dépasser de l'embrasure.
— Qu'est-ce qu'il y a ? rigolé-je presque en voyant le bout de sa tête n'osant pas entrer.
— Je peux dormir avec toi ? s'enquiert-elle à ma plus grande surprise, restant toujours presque totalement dehors.
— Oui, bien sûr, pourquoi ?
Un léger sourire étire ses lèvres, et elle pénètre enfin vraiment dans ma chambre.
— Bah... Tu m'as manqué, avoue-t-elle en haussant les épaules.
J'arque les sourcils, surprise et attendrie par sa réponse.
— Oooh, laissé-je échapper avec un large sourire. Toi aussi tu m'as manqué.
Je m'écarte pour lui faire de la place dans le lit. Nous nous installons plus confortablement, et commençons à discuter avant de dormir. Évidemment, le premier sujet de conversation s'avère être mon couple frais avec Jake, et je lui raconte enfin en détails le rendez vous que nous avons partagé. Les réactions de Joyce, aussi adorables qu'excessives, ont le mérite de me faire rire et me détendre. Des discussions futiles et légères s'en suivent, jusqu'à ce qu'un sujet plus sérieux ne soit abordé. Les Bannis, évidemment. Joyce se tourne vers moi, et même si nous sommes seulement éclairées par la faible lumière de la lune, je peux voir ses yeux noisettes percer les miens.
— J'ai un mauvais pressentiment à propos des Bannis, confie-t-elle alors.
— Moi aussi... fais-je d'une faible voix, d'autant plus inquiète qu'elle soit dans la même situation que moi.
— On est d'accord, y a un truc qui va pas. Tu penses que l'affrontement va avoir lieu bientôt ?
Je hausse les épaules, et fronce le nez.
— C'est possible, oui. Comme ils n'ont pas donné signe de vie depuis quelques temps, il se pourrait qu'ils se préparent. En plus, le Banni de tout à l'heure m'a dit qu'ils faisaient des repérages. Ils ont l'air de s'organiser plutôt que de se faire remarquer, c'est pas bon signe...
Joyce déglutit, et reste silencieuse pendant un instant.
— J'ai peur, tu sais, avoue-t-elle d'une voix étrangement rauque. Enfin, j'ai pas peur de me battre et d'être blessée, mais... Je sais pas, j'ai peur... J'ai peur qu'ils arrivent à nous...
— Ils n'y arriveront pas, l'interromps-je fermement. On est assez forts et nombreux, Joyce, tu le sais encore mieux que moi. Et puis... je suis là, je peux être comme une arme secrète, non ?
Elle sourit à ma remarque. Mais je pense avoir raison. Après tout, si j'ai vraiment autant de pouvoirs qu'on le dit, je pourrais être un atout dans cette guerre.
— Oui, tu as raison, marmonne mon amie. En tout cas, on a intérêt à se préparer correctement, donc demain, entraînement à fond !
Je souris à mon tour, et comprends que cela veut dire que nous devrions aller dormir. Nous nous souhaitons une bonne - et relativement courte - nuit de sommeil, et nous assoupissons à peine quelques minutes plus tard.
Aux alentours de neuf heures et demi, Joyce et moi sommes réveillées par l'éclat de la voix de Zac derrière la porte de ma chambre. Nous râlons toutes les deux, et nous levons après quelques minutes de jurons fainéants. Nous passons par les toilettes et la salle de bains pour rincer nos visages cernés, avant de finalement rejoindre les garçons dans la cuisine.
— Salut, les filles, nous lance Jake qui s'affaire au rangement des courses dans les placards, vision qui me fait rire intérieurement.
— Salut, faisons-nous en chœur avec Joyce.
Quand je passe à côté de Jake pour aller m'asseoir, il me surprend en déposant un brusque baiser sur ma joue, que je lui rends rapidement, avant de prendre place à table. Zac dépose gentiment un gros paquet de céréales, de la nourriture un peu plus consistante, et des bols sur la table.
— Mais qu'il est galant, cet homme, sourit Joyce avec un petit rire.
L'intéressé dodeline de la tête d'un air théâtral, et tapote dans ses mains.
— Bon, prenez pas trop de temps, on a rendez vous dans une demi-heure à la base d'entraînement.
— Mais à quelle heure vous vous êtes réveillés ? l'interrogé-je, interloquée par l'énergie que semblent afficher les deux garçons.
— Huit heures, lance Jake en fermant le dernier placard à ranger. On est allés faire des courses, et on a fait un peu de sport pour s'échauffer.
Joyce et moi écarquillons les yeux, sans dire un mot. Je ne sais même pas comment réagir, alors je me contente de manger, en silence.
Quinze minutes plus tard, nous sommes déjà dehors, habillés et prêts à partir.
— Tout est assez près pour y aller à pieds, ou c'est une impression ? lancé-je alors que nous dévalons prestement les escaliers. Vous n'avez pas de voitures, de transports en commun ou je ne sais quoi qui pourrait vous emmener plus loin ?
J'entends Zac pouffer légèrement.
— On vit dans le centre ville, c'est pour ça que tu as cette impression. Du coup, tout est près, même à pieds, oui. Mais sinon, on a presque tous des voitures, mais presque personne ne les utilise, ici.
— Pourquoi ?
— C'est un peu trop... terrien, j'imagine, sourit mon ami. Heureusement qu'elles ne sont pas polluantes et fonctionnent avec la magie, sinon, il n'y en aurait pas, je pense.
— Des voitures qui roulent grâce à la magie, alors là... soufflé-je avec un petit rire. Décidément, vous n'arrêterez jamais de m'étonner.
Nous continuons le chemin en discutant de la séance d'exercice qui va suivre. Apparemment, nous allons travailler absolument tout ce que j'ai pu travailler durant la préparation à ma majorité. Le corps à corps, le combat armé, la précision, la technique, l'endurance, la rapidité... Ça va me rappeler pas mal de choses. J'ai l'impression que c'était il y a si longtemps...
Nous arrivons finalement face à un immense, que dis-je, gigantesque bâtiment un peu excentré de la ville même, à l'orée de la forêt et s'étendant sur je ne sais combien de mètres. Il me semble de l'extérieur plus vaste que n'importe quel bâtiment que j'ai pu voir à Érédia. Et cette hypothèse se confirme lorsque j'y pénètre. L'intérieur est encore plus impressionnant. Je ne sais plus où donner de la tête. Devant moi, des centaines de personnes s'affairent à leurs entraînements divers, dans une salle aux dimensions comparables à celles d'un stade de football, si ce n'est plus. Sur les côtés, des gradins où se reposent quelques gens, et au centre, une incroyable aire d'entraînement, présentant d'innombrables outils de toutes sortes. Il y a des rings où semblent se dérouler des corps à corps, des cibles, un mur d'escalade et des parcours physiques légèrement effrayants, un endroit libre au fond visiblement destiné à une préparation magique, une zone d'échauffement, une zone de musculation, une zone de combat armés un peu plus à l'écart... Tout est monumental, et je ne peux réprimer un sourire béat face à toute cette mobilisation et cette organisation sidérante.
— J'ai jamais vu ça de ma vie, articulé-je, sans quitter des yeux la scène se déroulant devant moi.
— Même pour nous, c'est impressionnant, fait Joyce, les yeux pétillants.
— On va s'éclater, sourit à son tour Jake.
Après quelques secondes, Zac nous mène à une grande salle des armes, où est exposé un attirail impressionnant. En jetant un coup d'œil aux murs, je ne vois sans surprise aucun signe de l'arme de mon espèce. Malheureusement, il me faudra aujourd'hui combattre avec une arme plus banale. Je remarque quelques épées translucides, semblant faites de verre, et en empoigne une après une seconde d'hésitation. Si je me rappelle bien, c'est l'arme qu'il faut utiliser pour tuer un Sylphe. Et bien, autant apprendre à la manier, on ne sait jamais. Je frissonne sous le contact froid de l'arme, mais finis par l'agiter légèrement et me tourner vers mes amis.
— Tu es sûre de toi ? fait Zac en prenant une simple épée en acier.
J'acquiesce vivement, et il hausse les épaules. Joyce et Jake choisissent les armes attribuées à leurs espèces respectives, le katana et le couteau de chasse, et nous voilà partis vers l'espace d'entraînement. Je serre l'épée dans ma main, moins à l'aise qu'avec ma dague.
— Normalement, Tyssia, Kaleb et Thaniel nous attendent à la zone d'échauffement, annonce mon mentor.
Nous y trouvons en effet les trois amis, assis sur la dernière marche des gradins, en train de discuter. Je déglutis en voyant Tyssia. Hier soir, elle a dévoilé connaître mon identité. Alors, aujourd'hui, je ferais bien de garder profil bas. Lorsqu'ils nous aperçoivent, de grands sourires éclairent leurs visages, et ils se lèvent pour nous rejoindre en quelques foulées.
— Ah, bah il était temps ! nous lance Kaleb. Comment vous allez ?
— Très bien, sourit Joyce. Vous êtes là depuis combien de temps ?
— Quinze minutes, peut-être. On vous attendait. On commence ?
Nous opinons tous, et les suivons en silence. La zone d'échauffement présente essentiellement du matériel de cardio, ce à quoi nous nous attelons pendant une dizaine de minutes. Étrangement, ça me fait plus de bien que je ne l'aurais pensé. Je ne décoche pas un mot pendant ces quelques minutes, peut-être trop prudente à l'idée d'éveiller de nouveau la curiosité de Tyssia. J'ai d'ailleurs le droit à quelques regards interrogateurs de la part de mon petit-ami, que j'ignore avec un sourire. Je décide de me détendre après que Tyssia m'ait toisée, les yeux plissés, pendant plusieurs secondes. Finalement, rester silencieuse et tendue semble encore plus suspicieux.
Une fois l'exercice terminé, nous pouvons enfin commencer sérieusement l'entraînement. Nous nous dirigeons donc vers le côté où se déroulent les affrontements armés. En passant devant quelques personnes combattant ardemment, je ne peux qu'être admirative face à leur technique parfaite. Nous nous choisissons un endroit assez spacieux pour nous tous, et décidons de passer aux choses sérieuses. Kaleb et Tyssia ont en un main l'arme des sorciers, deux longs sabres aux manches tapissés de mousse, un dans chaque main. Thaniel, quant à lui, s'est muni d'un arc en bois sombre, entouré de lierre par endroits. J'apprécie toujours de voir les gens manier leurs armes respectives, comme si elles étaient un prolongement d'eux.
— Je vais aller aux cibles, lance Thaniel. Je reviendrai après.
Tous acquiescent, et nous pouvons ensuite commencer l'exercice. Au début, je décide d'affronter Joyce, qui agite depuis tout à l'heure son katana, visiblement impatiente. Les autres choisissent leur adversaire également, et je vois Jake se placer pas trop loin de moi, avant de me décocher un clin d'œil brillant. Je ne peux réprimer un sourire amusé. Même sans rien faire, il reste irrésistible.
— Après, on fait l'un contre l'autre, sourit-il sans me donner le choix.
— Je vais te foutre une raclée, mais d'accord.
Il pouffe, et nous nous observons pendant une seconde, avant qu'il ne se tourne finalement vers sa partenaire de combat, Tyssia. Je l'imite et me concentre vers mon amie Kitsune, qui secoue légèrement les hanches.
— Cette fois, c'est pas comme pendant ton entraînement, tu sais ? On se bat vraiment.
— Même pas peur, ricané-je, avant que la belle blonde ne signe le départ de notre affrontement avec un signe de la tête.
Elle élance son arme vers moi, que j'esquive de justesse en pivotant sur moi-même, avant de décocher un coup instinctif qui n'aboutit à rien. Elle s'approche de nouveau, et je parviens à m'éloigner agilement d'elle, tout en faisant basculer son bras en arrière, la déstabilisant un instant. S'en suivent de nombreux mouvements souples et rapides, s'enchaînant naturellement. Joyce est une véritable guerrière avec son Katana, il m'est presque impossible de l'atteindre pendant les quelques minutes d'affrontement. Elle saute, tourne, se baisse et se déplace plus vite que l'éclair, semblant imbattable, m'impressionnant chaque seconde un peu plus. Cependant, je ne me sens pas peu fière en observant mes propres manœuvres de combat. Je ne suis pas aussi habituée à l'épée qu'à la dague, mais je pense m'en sortir plutôt bien. C'est une arme fluide bien que difficile à manier au début, et malgré son apparence fragile, le verre la constituant est d'une résistance déconcertante. Parfois, sa taille trop conséquente m'empêche de bien bouger, mais je m'y fais peu à peu. Les coups pleuvent de nos deux côtés et s'exécutent habilement, évidemment toujours contrôlés. Après de longs instants de bataille acharnée, je finis par être mise à terre une bonne fois pour toute par Joyce, qui jaillit derrière moi et bloque mes bras, me désarmant en une seconde. Je me retrouve face contre terre, marmonnant légèrement après ma défaite. Si ça avait été un véritable combat, je serais morte.
— Eh ben, c'était sympa, non ? fait mon amie, à peine essoufflée, en me tendant la main pour que je me relève.
— Ouais, c'était plus physique que d'habitude, mais ça fait du bien un peu de sérieux, réponds-je, les mains sur les genoux.
— Tu t'en es super bien sortie avec l'épée. Décidément, tu as ça dans le sang, hein !
— Et toi, alors !
Joyce rigole un instant, et nous attendons que les deux autres combats se terminent. Du côté de Zac et Kaleb, c'est le sorcier qui prend l'avantage à la fin en pivotant rapidement, et je peux voir le bout tranchant de ses deux sabres encercler le cou du Changeur face à lui, sous les paupières plissées de ce dernier. Quant aux autres, c'est Jake qui bat Tyssia, de justesse j'ai l'impression, puisqu'il parvient à esquiver un coup bas d'un des sabres de la petite blonde, avant qu'il ne lui lance un dernier coup de couteau, la faisant tomber en arrière. Tous se relèvent et se sourient.
— On continue ? lance Jake, sans un seul signe de fatigue.
Nous acquiesçons lentement, et nous échangeons de partenaire. Je me retrouve, comme prévu, face à mon petit-ami, tout sourire. Il est de bonne humeur aujourd'hui, et ça me rend également étrangement joyeuse. Je sais que notre relation ne fait que naître, mais je ne peux m'empêcher de me dire que si ça dure et reste ainsi, rien ne pourrait me rendre malheureuse. Puisqu'il est là, à présent.
— Bon, prête, ma petite battante ? lance-t-il alors que je suis perdue dans mes pensées.
Je soupire avec un sourire exaspéré, et lui lance un regard inquisiteur. Ma petite battante. Cessera-t-il un jour de sortir ce surnom pour me narguer ?
— T'es insupportable, tu sais ? râlé-je gentiment.
Il répond d'un sourire faussement innocent.
— Je vais te battre, je te préviens, lâché-je, soudainement revigorée.
Et, n'attendant pas de signal de sa part, je m'élance vers lui, l'épée sur le côté, avant qu'il ne saute au dessus de moi - me laissant stupéfaite pendant une seconde -, pour tenter de m'attaquer au dos. Par chance, je parviens à reculer en un bond, et tourne sur moi-même, lui lançant un coup d'épée, rapidement esquivé. Je croise son regard sombre plusieurs fois, motivant à la fois mon envie de le plaquer au sol par pure stratégie de combat, et mon envie de le plaquer au sol, disons... moins sérieuse. Je tourne dans tous les sens pour éviter son couteau de chasse, et il semble lui même devoir fournir quelques efforts pour m'empêcher de le battre. Nos gestes énergiques se poursuivent durant quelques courtes minutes, durant lesquelles aucun de nous ne prend réellement l'avantage. Ce n'est qu'à la fin, alors que je suis encore accroupie après une esquive bancale, que Jake parvient à bondir derrière moi et m'entourer le cou de son bras, me levant de force pour coller son torse à mon dos, m'empêchant de bouger correctement. Je vois la pointe de son couteau de mon ventre, signifiant sa victoire, et je comprends alors qu'il ne me reste qu'une demi-seconde pour prendre le dessus. Alors, je passe difficilement mon pied droit entre ses jambes, et le fait vaciller en mettant toute ma force dans ce dernier mouvement. Il se retrouve au sol rapidement, et je peux ainsi me mettre au dessus de lui, plaquant son bras armé au dessus de sa tête, ma propre arme effleurant son cou.
— J'ai gagné, chuchoté-je, fière de moi.
Jake répond d'un sourire hilare, les yeux pétillants.
— Bravo, bravo, on va faire comme si je m'étais donné à fond. Tu comptes bouger, maintenant ?
Je me sens rougir en un instant, alors qu'il s'esclaffe. C'est vrai que je suis restée dans la même position, à quatre pattes au dessus de lui, nos visages à quelques centimètres, et que je ne n'ai même pas pensé à lâcher son bras. Je secoue alors la tête, et m'exécute maladroitement.
— Enfin, après, tu aurais pu rester, ça me dérangeait pas, ajoute discrètement le loup-garou une fois que nous sommes debout.
Je déglutis et décide de ne pas réagir à sa remarque, alors que nos amis semblent avoir terminé leurs combats également. Joyce a gagné, une nouvelle fois, contre Kaleb, et Tyssia contre Zac. Lorsque j'annonce avoir battu Jake, celui-ci feint une moue agacée face aux quelques applaudissements de mes amis.
L'entraînement se poursuit dans la même humeur légère. J'effectue encore un combat, contre Tyssia cette fois, qui, durant tout le long, reste silencieuse et semble plus se concentrer sur mes mouvements que sur les siens. Je parviens donc à la battre, en un temps plus court qu'avec les autres.
— C'est marrant, tu n'es pas là depuis longtemps, et pourtant, on dirait que c'est tout naturel, lance-t-elle à la fin de notre affrontement.
— Pas vraiment, j'ai beaucoup bossé, c'est tout.
Un léger silence s'installe entre nous. Je sais qu'elle est aussi sur la réserve aujourd'hui. Je pense qu'elle se contente d'observer sans poser de questions, tandis que moi, je tente d'éviter la conversation et passer inaperçu. Hier, après notre discussion, c'était plus simple, au vu du contexte léger de la soirée. Mais là, c'est différent. Nous nous préparons à une guerre, et je peux peut-être m'avérer d'une grande aide dans cette bataille. Alors, je comprends l'insistance de Tyssia.
— Tu sais, à propos d'hier...
— On en parlera plus tard si tu veux bien, d'accord ? la coupé-je brutalement, tentant cependant de ne pas être vexante.
Elle entrouvre les lèvres, pantoise, et finit par hocher la tête. J'apprécie qu'elle comprenne mes réticences. Je pense que je lui dirai la vérité. Mais pas maintenant.
Le reste de l'entraînement se déroule tranquillement, et je ne vois pas le temps passer. Après les combats armés, nous rejoignons Thaniel et commençons à nous activer aux rings pour quelques corps à corps vifs. Moi qui n'étais pas trop épuisée après tout à l'heure, ces combats à mains nues m'essoufflent en quelques minutes. Alors je décide de me reposer pendant que mes amis poursuivent les affrontements. Si je pensais être devenue forte au combat, je me rends compte qu'il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Heureusement que j'ai la magie pour m'aider, car je pense que je ne survivrais pas une seconde sans elle.
Les exercices s'enchaînent avec de l'escalade, un peu de course pour commencer un parcours de quelques enchaînements plus physiques les uns que les autres, nécessitant rapidité, endurance et agilité, choses que j'ai encore du mal à assimiler. S'en suit du tir à l'arc, auquel je me découvre une impressionnante nullité. Visiblement, la précision n'est pas mon truc... du tout. Je ne mets aucune flèche sur la cible, au bout de dix essais, si bien que, voyant ma détresse, Thaniel se sent obligé de me venir en aide. Se plaçant derrière moi - je crois d'ailleurs apercevoir un rapide coup d'œil curieux de la part de Jake, qui arrête son exercice pour nous observer -, il me montre rapidement comment placer correctement mon doigt, comment me concentrer, comment réussir, pour être plus simple.
— Tu vas voir, si tu comprends le truc, tu ne peux plus te rater, sourit-il en se détachant de moi.
Je hoche la tête, et prends une profonde inspiration comme il me l'a conseillé. Je bloque ma respiration, ferme un œil, vise aussi bien que je le peux, tire la corde avec lenteur et anticipation, attends encore un peu, et lance la flèche en expirant. Elle fonce directement dans un côté de la cible. Bon, elle n'est pas dans le centre, mais au moins, elle n'est pas par terre. Thaniel me félicite, et je le remercie en un souffle. Il est aussi bon professeur qu'il est doué au tir à l'arc. Il ne rate aucune cible, et enchaîne les flèches au centre, même sur celles accrochés au plafond et de travers, un peu partout. C'est incroyable.
Je parviens tout de même à mettre une flèche au milieu de la cible, me faisant lâcher un petit cri de fierté. Je décide de m'arrêter là pour cet exercice, voulant terminer sur une victoire.
Mon sourire ravi s'éteint rapidement quand je vois mes amis se diriger vers la zone de préparation magique, où de nombreuses personnes s'attellent au perfectionnement de leurs pouvoirs, en se battant, en essayant de se partager de la technique, ou en s'entraînant dans leur coin, plus calmement. C'est un endroit un peu à part par rapport au reste de la salle, qui est elle beaucoup plus consacrée au physique qu'au psychique. Je préfère le psychique, c'est plus intéressant à faire, et à regarder.
— Alors, ça va ? me fait soudainement Jake, qui s'est glissé à côté de moi, marchant derrière les autres.
Je hoche la tête en levant les yeux vers lui. Il a l'air plus essoufflé que tout à l'heure, et transpire enfin un peu.
— Tu vas rester regarder, j'imagine, hésite-t-il.
— Oui, je suis obligée. Mais c'est pas grave, je suis fatiguée de toute façon.
Jake m'observe longuement, alors que nous nous dirigeons vers le bas des gradins.
— Quoi ?
— Rien, soupire le beau brun en passant la main dans ses cheveux, les yeux rivés sur nos amis. Je sais juste que t'as envie de les rejoindre, et... voilà, c'est dommage.
Je hausse les épaules. Puis, j'entends un éclat de voix qui m'est destiné et tourne la tête.
— Heaven, tu viens pas ? lance Kaleb.
— Non, je suis fatiguée, souris-je, feignant un air détaché.
Le groupe acquiesce, légèrement dubitatif, avant de se reconcentrer sur leur magie. Joyce et Zac sont partis faire un tour je ne sais où, alors il ne reste plus que Jake et moi, pendant les quelques longues minutes suivantes. Je reste silencieuse, et ramène mes jambes en tailleur.
— Un jour, tu seras complètement libre, Heaven, tu sais ? intervient alors le loup-garou à côté de moi.
— Oui, je sais, t'inquiète.
Je lève mes yeux vers lui, et il me sourit timidement. J'aime cette manière qu'il a de toujours me rassurer gentiment quand il voit qu'un tout petit truc ne va pas avec moi. C'est adorable, et cette facette de lui me fera toujours fondre. Il pince ma joue, et je souris alors qu'il passe sa main derrière mon dos pour me coller un peu plus à lui. Nous attendons en silence que l'entraînement d'aujourd'hui prenne fin. Je ne sais pas combien de temps il a duré, mais il a été enrichissant. Je suis rassurée, en voyant autant de monde mobilisé pour la lutte contre les Bannis. Même si le danger est imminent, j'ai pleinement confiance à présent. Nous allons y arriver, tous ensemble.
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