Dixième Chapitre 1/2 - Réécrit

Le reste du repas s'est bien passé, mais je me suis rapidement perdue dans mes pensées embrouillées. J'ai bien l'impression que rares seront les instants calmes et sereins à Érédia.

Je baille, et poursuis mon brossage de dents en observant mon reflet. Zac avait raison, je n'ai pas bonne mine. J'ai le teint livide, des cernes marqués et les cheveux filasses. J'ai l'air malade, je pense que je me dois une bonne nuit de sommeil, malgré ma longue sieste de cet après-midi.

— Oh, salut, entends-je résonner à l'entrée de la salle de bains.

C'est Jake. Il s'avance alors que je me rince le visage, et me scrute un instant.

— Quoi ? m'enquiers-je en m'épongeant les joues, un peu mal à l'aise.

— J'ai du mal à m'habituer à te voir ici, ça fait bizarre.

Je hoquette avec un léger sourire.

— Je suis là depuis hier, tu vas t'y faire, hein. Dis toi que je suis beaucoup plus perturbée que toi.

Il sourit, et je sens mon ventre se tordre légèrement. Il commence à s'affairer, et prend sa brosse à dents, me faisant prendre conscience que je ne l'ai toujours pas quitté des yeux, obnubilée par je ne sais quoi sur son visage. Alors je détourne brusquement le regard, et m'empresse de faire volte face pour quitter la pièce.

— Bonne nuit ! articule le beau brun avant que je ne referme la porte en lui répondant expéditivement.

Je sursaute en manquant de me prendre Joyce, qui a un mouvement de recul.

— T'as quoi ? m'interroge-t-elle en remarquant mon air sûrement un peu ahuri.

Elle plisse les paupières, et fronce les sourcils en baissant le ton.

— C'est Jake qui est dans la salle de bains ?

— Oui, pourquoi ?

Elle m'attire devant ma chambre, et se penche vers moi, l'air plus sérieux que d'habitude.

— Est-ce que tu es intéressée par Jake ? m'intime-t-elle doucement.

Je laisse échapper un hoquet étranglé, et la considère, interdite.

— Intéressée ? Tu veux dire amoureusement parlant ?

Elle acquiesce vivement, et je secoue la tête, pantoise.

— Non, ça va pas. Je le connais à peine, en plus. Pourquoi tu penses ça ?

— Je ne sais pas, j'observe juste. Il y a une petite tension entre vous, j'ai l'impression. Et t'avais l'air un peu jalouse de moi, au début.

Je lâche un petit rire, sonnant involontairement nerveux.

— Tu te fais des films, je... Non.

Joyce acquiesce avec une moue perplexe.

— Dans tous les cas, finit-elle par ajouter, si jamais tu finis par t'y intéresser, ou avoir carrément des sentiments pour lui, parle-m'en. Il est... compliqué, alors je pourrai te conseiller.

— Oui, d'accord, mais c'est pas dans mes plans, tu sais ?

Elle sourit légèrement, et agite ses mains.

— Tu as raison. Mais bon, on ne sait jamais, alors...

Jake l'interrompt en sortant de la salle de bains, et nous lui lançons toutes deux un regard alarmé avant de nous séparer d'un accord rapide. Le loup-garou ne préfère même pas nous questionner quand Joyce prend sa place dans la pièce, et nous tourne le dos pour rejoindre sa chambre. Je rejoins la mienne en accélérant le pas, et pousse un soupir de soulagement. Joyce m'a fait peur, avec son interrogatoire angoissant. Elle m'a complètement prise de court avec sa question, et j'avoue en avoir été un peu troublée. Jake, évidemment qu'il est incroyablement beau, et adorable, mais l'est-il au point de m'intéresser d'un point de vue amoureux ? Non. Définitivement pas. Et quand bien même, je pense qu'il est totalement inaccessible.

Je secoue la tête, chassant ces pensées de mon esprit d'un revers de la main, et m'affale dans mon lit avec mon ordinateur. J'espère que cette nuit sera moins mouvementée que la dernière.

Le lendemain matin, le réveil n'est pas des plus plaisants. Après une nuit abominable, passée à bouger et me réveiller sans aucune raison, me voilà prise d'une migraine insupportable avec l'impression que je vais mourir sur place, balancée entre des bouffées de chaleur et des sueurs froides qui me clouent sous les draps. Si je suis malade, je ne pense pas pouvoir accepter une telle poisse. En me levant, je me maudis intérieurement d'être sortie sous la pluie en pleine nuit dans une forêt inconnue sans aucune idée de comment j'allais m'y retrouver. Car oui, je ne vois pas ce qui pourrait causer ce soudain état fébrile à part cette excursion nocturne.

En me passant de l'eau gelée sur le visage, j'ai la brève impression que ça va mieux, mais me retrouve à vaciller devant le miroir. Après avoir bu un peu, je me dis que la meilleure idée est d'aller me recoucher.

Je croise Joyce sur le palier, qui me lance un regard évocateur, et je la salue faiblement.

— Oulà, ça va ?

— Bof, je vais retourner dormir.

— Il est onze heures quand même, sourit-elle, avant de s'avancer vers moi en tendant sa main vers mon front. Je peux ?

Alors que j'acquiesce, elle pose sa paume sur mon crâne et écarquille les yeux.

— La vache, t'es brûlante. T'as raison, va te recoucher, tu dois être malade. Ma pauvre, t'as pas de chance, rit-elle légèrement.

Je soupire, et ne me fais pas prier plus longtemps pour regagner mon lit. Sans vouloir plus y penser, je me blottis de nouveau sous la couette et me rendors en quelques minutes.

Je suis réveillée par Zac qui après avoir toqué à ma porte, entre en hésitant.

— Salut... Comment tu te sens ?

— Malade ? ironisé-je en me redressant difficilement.

Il fronce le nez, et me lance un regard compatissant. Alors qu'il prend ma température, et vérifie mon pouls, je vois Joyce débarquer dans l'embrasure de la porte, et avancer en posant un grand verre sur ma table de chevet. Avant de repartir, elle me décoche un sourire encourageant, et brandit son poing en signe de soutien, auquel je réponds en souriant légèrement. Zachariah la remercie rapidement, et se retourne vers moi.

— Bon, tu es définitivement tombée malade, déclare Zac en soupirant. Ça n'a pas l'air d'être grand chose, ça ne durera pas plus de deux jours. Bois ça, ça t'aidera.

Il me tend le verre, dont je fixe le contenu jaunâtre pendant une seconde, avant de lui obéir. Je grimace au goût amer, et secoue la tête.

— J'ai la poisse, marmonné-je.

— Non, souffle Zac, c'est aussi de ma faute. C'est sûrement à cause de ta nuit dans le froid, mais aussi à cause de ton entraînement.

— Comment ça ?

— Ça t'a trop affaiblie, j'aurais dû faire plus attention. Parfois, ça arrive. Si tu pousses trop, la magie peut avoir cet effet. Surtout que c'était ton premier essai. Je suis désolé, j'aurais dû attendre et ne pas t'écouter.

Il soupire d'un air renfrogné, et je chasse sa culpabilité d'un geste évasif de la main.

— Mais non. De toute façon, je serai vite rétablie, et on pourra recommencer sans attendre.

Il penche la tête et hoquette, ne préférant pas répondre. Puis, il recule lentement.

— Je vais te laisser te reposer. On est à ta disposition si tu as besoin de quoi que ce soit, on viendra voir de temps en temps si tu vas mieux.

— D'accord, merci, fais-je, un peu amusée.

Il referme la porte derrière moi, et je me renfonce dans mon lit. Espérons que tout passe vite.

*  *  *

Je soupire, sentant mon mal de tête reprendre. Aujourd'hui, après avoir passé deux jours dans mon lit, j'ai osé m'aventurer dehors pour prendre l'air. Alors, seule depuis presque une heure, je déambule dans une Érédia bondée. Apparemment, le quinze septembre est une date à laquelle ils célèbrent le premier voyage transdimensionnel. Tous les bars sont ouverts et ont leurs façades couvertes de lumières, les rues sont inondées de confettis volants, et je vois autour de moi les commerçants aborder nombre de passants. Je n'ai pas le temps de redouter que l'on m'interpelle, et qu'un gobelin m'attire vers lui avec un geste de la main que je n'ose ignorer. Je m'efforce de ne pas le dévisager, troublée malgré moi par son apparence et ses yeux énormes et perçants. Entouré de clients qui entrent dans son magasin, il est installé sous l'enseigne avec un petit chaudron et nombre de fioles, disposées pour être remarquées. Il m'invite à m'asseoir face à lui, j'obtempère, sans savoir comment m'éclipser. Pendant quelques secondes, il me scrute avec attention, et je vois ses yeux briller sous la réflexion. On dirait qu'il tente de m'analyser...

— Toi, tu veux une potion de clairvoyance, siffle-t-il alors.

— Pardon ?

— Tu as besoin de calmer tes angoisses, et pour ça, il te faut des réponses.

Je secoue la tête, perdue, et lève la main pour refuser. Mais il ne m'en laisse pas le temps, et me fait taire avec un geste vif, en faisant alors une fiole rejoindre ses doigts. Il en verse le contenu entier dans le minuscule chaudron à côté, et je le regarde sans un mot enchaîner les mélanges, faisant exploser les couleurs, les odeurs et les paillettes. Cette concoction est exactement comme je l'imaginais. Pleine de fantaisie.

Après avoir lâché une goutte d'un liquide argenté semblable à du métal fondu, il verse le résultat dans un petit flacon, qu'il me tend avec un sourire indéchiffrable.

— Bois ça, et tu calmeras ta tête.

Il fait mine de me faire la révérence, et me laisse me lever sans me quitter des yeux. Je déglutis, et le remercie en bafouillant, avant de prendre la fuite, le flacon fermement tenu dans mes mains. Je m'arrête au milieu de la foule, le cœur battant, pour regarder la fiole en respirant longuement. Puis, sans réfléchir, je jette le bouchon et en avale le contenu d'une traite. Je lâche un long soupir anxieux, et attends le résultat qu'il m'a promis. Et soudain, ma tête me semble plus légère, et je suis éblouie sans raison aucune par une lumière si blanche que je plisse les yeux. L'éclair immaculé se divise alors, et deux points noirs s'y posent brièvement, comme deux pupilles brillantes, avant de disparaître quand je secoue la tête. Je frotte mes paupières, surprise d'être vraiment débarrassée de ma migraine, et me maudis un peu d'avoir cru que cette potion « m'apporterais des réponses ». À part me faire l'effet d'un flash en pleine tête, ça n'a pas été très révélateur.

Lorsque je rentre chez Zac quelques minutes plus tard, et leur raconte ma mésaventure, j'ai le droit à quelques moqueries, ainsi qu'un très clair ordre de retourner me reposer pour ne pas perdre plus de temps.

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