Théatre d'ombres
De surprise, je laisse tomber le livre que je tenais. Sans même un regard pour le papier que j'ai froissé, perdu sur le parquet ciré, je sors de la boutique.
Une détresse étrange me prend. Je marche, je cours. Je remarque à peine la constellation de gouttes qui sertissent mes cheveux et mon corps.
Il ne faut pas être en retard à mon rendez-vous.
Mon cœur se fatigue. Le mauvais temps l'épuise. Mes articulations craquent. L'air froid les détruit.
Il ne fait pas bon vivre dans ce Paris nocturne. Je crois voir tant de visages accusateurs, au coin de ces rues étranges.
Je vais être en retard.
Les plaques bleutées scintillent. Je remonte le Boulevard Voltaire. Je passe entre les silhouettes frêles des arbres rachitiques. Seul l'empressement guide mes pas.
Se dissout, dans ma tête, le plan de ce maudit labyrinthe. La Ville lumière ne m'a jamais paru si obscure. Rien, ici, rien que des voitures aux phares se noyant dans une marée de carrosseries rouillées. Les bâtiments soupirent, geignent et craquent. De hauts balcons dissimulant les bras réconfortants de la douce lune.
Les lumières s'allument et clignotent. Les ombres chinoises d'existences entrelacées puis brisées se jouent derrière les fenêtres.
Je suis toujours plus perdue.
Il n'y a plus d'humains, à cette heure-ci, seulement des ombres craintives. Les regards s'esquivent, les sourires se froissent, les corps s'évaporent.
Je chemine sur la rue de Charonne. Ma fébrilité augmente de seconde en seconde. Les âmes errantes se font plus rares, je n'ai plus pour compagnon que les réverbères.
Chacun de mes pas me parait plus laborieux que le précédent. Je tire, accrochés à mes semelles, des boulets de regrets et d'occasions que je n'ai pas saisies. Je laisse mes yeux vagabonder sur les pavés irréguliers. Je pense à tout ce qui peut m'empêcher de réfléchir aux prochaines secondes. J'essaie de faire oublier au temps qu'il doit s'écouler.
Mais les aiguilles courent sur les montres, le sable file entre les parois de verre, les astres poursuivent leur avancée. Alors je lève les yeux.
La dernière partie arrive très prochainement, merci de votre lecture.
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