Epilogue

- C'est quand même atroce, le monde dans lequel on vit. Tu vois, je suis une femme. Une femme, c'est beau, c'est magnifique... Tu es le premier à le dire, Côme, alors ne me regarde pas comme ça. Je disais donc : une femme, c'est magnifique, a repris Alice. La Terre s'en tirerait beaucoup mieux s'il n'y avait que des femmes pour la gouverner. Et je n'aurais pas ce fichu boss qui m'en demande toujours plus ; pervers, qui plus est ! Tu te rends compte : me demander, à moi, de terminer un dossier sur lequel ma responsable planche depuis des semaines en une soirée ? Parce qu'elle a décidé de prendre des vacances ? Tu n'imagines pas à quel point j'ai envie de tout plaquer et d'aller partir vivre dans les montagnes pour élever des chèvres.

- C'est bien ton genre, d'aller élever des chèvres, ai-je lâché.

- Oui, bon. Je n'ai pas trouvé d'autres plans de secours.

Alice a bu une longue gorgée de vin rouge. Sara et moi avons échangé un regard : le seul moment de repit, de silence qu'on avait. Il allait falloir en profiter.

- Pourquoi tu ne prendrais pas des vacances, toi aussi ? ai-je tenté.

- Côme n'a pas tort : ça te ferait du bien, de te reposer, a renchéri Sara. Ça fait plus d'un an que tu bosses dans cette boîte et tu n'as toujours pas pris ne serait-ce qu'une semaine de congé.

- Non mais vous plaisantez j'espère ?

Sara a poussé un long soupir. J'ai rempli une nouvelle fois son verre en riant ; ça allait faire quelques semaines qu'elle et moi, on s'attelait à vouloir faire prendre des vacances à Alice. Elle n'était pas en dépression ou au bord du burn out, non, c'était bien pire : elle nous soûlait avec ses histoires de boulot. Encore plus que le vin nous saoulait pour l'oublier, d'ailleurs.

- En plus, Côme, toi aussi, ça fait longtemps que tu n'as pas pris de vacances, s'est défendue Alice.

- Oui, enfin pour lui c'est pas pareil : il ne fout rien de ses journées.

- Très gentil de ta part, Sara.

- Quoi ? Ne vas pas me dire que ton boulot de pépère te demande de gros efforts.

- Je te rappelle que c'est grâce à mon boulot de pépère que tu te bourres la gueule tous les vendredis soirs ici et gratuitement.

J'avais commencé à travailler dans ce bar il y avait trois ans. C'était, on pouvait le dire, ce qui m'avait sauvé.

- Ce que je veux dire : c'est que Côme n'a pas besoin de vacances, vu qu'il passe ses journées à dormir. En plus de ça, Côme est célibataire, alors il n'a vraiment rien d'autre à faire – ne le prends pas mal, trésor.

- Je ne le prends pas mal, ai-je dit en souriant.

- Et il me semble qu'une certaine personne ici a un copain qui aimerait passer plus de temps avec elle, si elle n'était pas tant occupée par son travail, a-t-elle continué en appuyant son regard sur Alice.

Cette dernière l'a longuement regardée. Puis moi. Puis de nouveau Sara.

- Tu parles de toi, là ? a-t-elle soufflé.

J'ai éclaté de rire en voyant le visage de Sara se décomposer.

- Parce que, a continué Alice sans prêter à Sara qui était quasiment sur le point de fondre en larmes, comme je dois vous le rappeler à chaque fois qu'on en parle, Martin et moi, on n'est pas ensemble. On vit ensemble, on couche ensemble, mais on n'est pas un vrai couple : on est collocs. La seule personne qui est en couple ici, c'est toi.

- Je jette l'éponge. Côme, je te la laisse. J'ai tout essayé.

Elle a bu la fin de son verre d'une traite.

- Vous direz bonjour à Thomas de ma part. Je vais rentrer chez moi et bosser sur mon mémoire pour faire en sorte d'oublier tous tes problèmes, Alice.

- Ne conduis pas, tu es bourrée, lui ai-je lancé.

- J'allais prendre le bus, Einstein.

Elle a quitté le bar. Thomas avait eu la bonne idée d'amener Sara ici, un soir. On avait longuement parlé pour se mettre d'accord sur une chose : elle et moi avions été amis, et ç'aurait peut-être été bien de le redevenir. Et c'était arrivé.

J'ai pris son verre et l'ai déposé dans l'évier où commençaient à s'amonceler les verres des clients. Mais c'était toujours comme ça, le vendredi soir : mes amis venaient le temps de l'Happy Hour et comme j'étais tout seul, j'avais du mal à suivre le rythme. Mais le gérant du bar ne m'en voulait pas. Heureusement, d'ailleurs.

- Sara est vraiment une éponge à alcool.

- Dit-elle, me suis-je moquée.

- Eh ! Je te signale que je tiens beaucoup plus qu'à mes débuts lugubres dans le monde alcoolisé.

J'ai hoché la tête en riant, tout en commençant à nettoyer quelques verres.

- Tu sais, Sara et moi, on est sérieux quand on dit que tu as besoin de vacances. Regarde-toi : tu as vingt-trois ans et tu as des problèmes de trentenaire.

- Ce n'est pas moi qui ai abandonné mes études pour devenir barman.

J'ai froncé les sourcils. Elle a poussé un long soupir et a passé ses mains sur son visage.

- Excuse-moi Côme. Je suis fatiguée. En plus, tu sais à quel point je suis contente que tu aies trouvé ce travail.

J'ai esquissé un sourire et lui ai fait une pichenette sur le front.

- Je sais, lui ai-je dit en souriant.

Elle m'a souri en retour. Un groupe d'une dizaine de personnes est entré dans le bar, sûrement une grande bande de collègues qui venaient de terminer leur semaine et qui avaient besoin de boire un coup pour oublier les merdes qui se passaient en entreprise – je ne les avais jamais vécues, mais Alice les racontait si bien.

- Maintenant excuse-moi, mais j'ai du boulot.

Je suis allé servir le groupe de personnes – qui s'avéraient bien être des collègues, j'étais décidément devenu très fort à ce jeu – et en ai profité pour faire un peu de rangement et faire la vaisselle qui attendait dans l'évier. Tout ça en moins de cinq petites minutes, le métier était bien rentré. Je suis allé retrouver Alice, chiffon en main.

- Tu sais que ce job te va bien, a-t-elle dit en souriant mystérieusement.

- Comment ça ? ai-je demandé en passant un coup de chiffon sur le comptoir.

- Il fait ressortir le bon côté de Côme. Tu sais, le côté vivant et souriant, nettement plus convivial que le côté dépressif et suicidaire.

- Très drôle, Alice.

- D'ailleurs, tu as bien été chez le psy, mercredi ?

- Oui maman, ai-je ironisé.

- Eh, je prends soin de ta santé mentale, mon bonhomme. Comme toute bonne amie se doit de le faire.

- Et je ne te remercierai jamais assez pour ça.

Elle a levé son verre et m'a fait un clin d'œil. De nouveaux clients sont entrés dans le bar – des étudiants qui avaient l'habitude de venir, au moins une fois par mois. Toujours plus nombreux, toujours plus bruyants ; je me demandais ce que je serais devenu, si j'avais continué mes études. Peut-être serais-je devenu comme l'un d'eux.

- Bon, le devoir m'appelle.

- Puisse le sort t'être favorable.

J'ai ri et ai salué le groupe.

- Bonsoir ! a presque crié une fille. Alors on va prendre...

Elle s'est retournée vers les autres, puis vers moi. Ils devaient déjà avoir bu.

- Quatre bières blondes, trois rouges... y aura aussi deux mojitos. S'il te plait, a-t-elle repris en souriant.

Je lui ai souri pour toute réponse. J'étais déjà en train de servir la troisième pinte de bière.

- Si tu peux ajouter une quatrième rouge s'il te plait... Diane, t'as choisi ou tu vas rester plantée comme une fleur toute la soirée ?

J'ai levé les yeux et mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. Diane. Merde, Diane.

Elle était là, au milieu de tout ce beau monde flou autour d'elle. Elle rayonnait, comme à son habitude. Et ses yeux, ses yeux, étaient accrochés à moi. Le temps d'un regard, le monde a cessé de tourner, le temps s'est figé. Quatre ans que je ne l'avais pas vue. Quatre putain d'années, et elle était toujours aussi belle, comme imprimée sur ma rétine. Non, elle n'avait pas changé.

Ç'a été la bière qui débordait sur mes doigts qui m'a ramené à la réalité. J'ai lâché un juron, ai posé le verre sur le côté et ai regardé sur le sol si je n'avais pas tout sali. J'ai relevé la tête. Diane était toujours là.

Alors ce n'était pas comme toutes ces autres fois où j'avais imaginé qu'elle débarquerait ici, dans mon bar. Non, c'était la réalité.

- Ça va ? m'a demandé la fille qui avait fait la commande.

- Ouais, ouais. Des choses qui arrivent. La dernière boisson ?

- Oui, Diane, tu as choisi ?

J'ai encore une fois croisé son regard. Elle a baissé la tête, et marmonné quelque chose.

- Quoi ? a lancé la fille.

- Je peux te proposer la bière du mois.

Elle a levé la tête vers moi, l'air abasourdi.

- La bière du mois ? a-t-elle répété ironiquement.

- Diane...

Son amie m'a jeté un drôle de regard, puis vers Diane. Enfin, elle a compris.

- Ah, vous vous connaissez ?

- Un peu, oui, a lâché Diane.

- Oh. Eh bien, je vais... ramener tout ça aux autres, a décidé son amie en prenant les pintes sur le rebord du comptoir.

Elle devait s'être rendue compte du léger malaise qui venait de s'installer. Léger seulement.

- Alice est juste ici, ai-je lancé à Diane. Je m'occupe de la commande de tes amis, et... je t'offre un verre, d'accord ?

Elle m'a longuement regardé. Et quel regard. Toujours le même, à croire qu'on s'était quitté la veille.

- D'accord, a-t-elle fini par lâcher.

Le cœur battant la chamade, je me suis donc occupé des pintes de bières rouges et des cocktails. Je les ai amenés à la table des étudiants et suis revenu au bar. Alice et Diane se parlaient avec entrain, souriantes. Ça m'a légèrement remis sur pieds. Si elle n'avait pas l'intention de me parler, Diane serait partie depuis longtemps. Quatre années avaient passé, elle allait sûrement bien vouloir me parler.

- Qu'est-ce que tu veux boire ? lui ai-je demandé au bout de quelques minutes, lors d'un minuscule silence entre elle et Alice.

Elle m'a jeté un regard froid, puis a regardé Alice. Il m'a semblé qu'elle se détende légèrement. Puis elle a soupiré et a soufflé :

- Je vais prendre la même chose.

- Je vais aller fumer une cigarette, a annoncé Alice alors que je servais Diane. Je suis contente de t'avoir revue.

- Moi aussi, a dit cette dernière en souriant.

Alice nous a laissés après m'avoir lancé un regard qui voulait certainement dire "si tu fais tout capoter une nouvelle fois, tu ne pourras plus dormir chez moi après ça."

J'ai tendu son verre à Diane. Elle l'a pris avec douceur et a tournoyé son vin, l'air pensive.

- Tu ne bois rien ? m'a-t-elle demandé au bout d'interminables secondes passées à l'observer.

- Pas pendant les heures de service.

- C'est bien la première fois que tu te soucis de l'éthique.

Je n'ai rien relevé – je l'avais mérité – mais elle a du lire sur mon visage que ça m'avait fait mal.

- Désolée, je n'ai pas pu m'en empêcher, a-t-elle dit en riant nerveusement.

- C'est tout à ton honneur.

Elle a esquissé un sourire gêné. J'ai pris le verre vide d'Alice et l'ai levé vers Diane. Elle a cogné son verre contre le mien et a bu une gorgée de vin tandis que je lavais celui d'Alice. S'en est suivi quelques secondes de silence gênantes, mais nécessaires.

- Alors, depuis quand tu travailles ici ?

Les banalités. Elles aussi étaient nécessaires, j'imaginais.

- Trois ans, quelque chose comme ça.

- C'est un travail à mi-temps ?

- Plein temps, j'ai arrêté les études après...

Qu'on se soit quitté ?

- Après le décès de mon père. Enfin, tu as vu dans quel état j'étais... J'ai mis du temps à me remettre sur pieds.

Diane n'a rien dit et n'a fait qu'amener son verre à ses lèvres. Ses lèvres.

- Ça a été difficile, mais j'ai fini par m'y mettre. C'est Thomas et Alice qui m'ont poussé.

Et aussi mon psy. Après quelques tentatives de suicide. Peut-être à cause de ce que je t'ai fait. Mais tout baigne, maintenant.

- Et toi ? Toujours dans ta licence de socio bizarre ?

Elle a secoué la tête en se forçant à rire.

- Non, j'ai abandonné. J'ai fait une année sabbatique pour me remettre en question et là je suis en troisième année à l'école de journalisme.

J'aurais bien aimé la féliciter pour l'école de journalisme, car il était difficile d'y entrer, mais mon cœur m'a coupé la parole :

- Te remettre en question ?

- Oui. Les études, la vie, tout ça.

Elle a croisé mon regard, mais l'a esquivé aussitôt. Oui, bien sûr : j'y étais pour quelque chose. Sûrement pas grand chose ; mais disons que j'avais aidé à conforter l'idée d'une pause.

- Et tu vas mieux ?

- Ouais, ça va. Mes cours sont super, j'ai de nouveaux amis... Je suis toujours en colocation avec Paula, on rigole bien. Elle ramène une fille différente tous les soirs, mais bon, elle s'amuse bien.

- Et toi ? ai-je demandé beaucoup trop rapidement.

- Moi ?

- Tu... Tu t'amuses bien ? ai-je réussi à marmonner.

Elle m'a observé quelques instants – ça avait l'air de lui faire plaisir de me voir en mauvaise posture – et a souri malicieusement.

- Ça va. Je m'amuse bien. Et de ton côté ?

J'ai cherché à éviter son regard à tout prix.

- Eh bien... C'est-à-dire que...

J'ai passé ma langue sur mes lèvres. Ma gorge était pâteuse, je devrais penser à boire un peu d'eau, pendant le service.

- C'est un peu la même chose, ai-je fini par dire.

- La même chose ?

- Je suis en collocation avec Alice et un ami, Martin. Et ils n'arrêtent pas de... enfin tu vois. Heureusement que je travaille de nuit.

Elle m'a regardé quelques secondes, immobile, puis a éclaté de rire. Un vrai rire, cette fois-ci. Ça m'a un peu plus détendu.

- Je n'imaginais pas Alice comme ça, a-t-elle dit en riant.

- Je te jure que c'est vrai.

Elle a regardé son verre en souriant. Puis, petit à petit, son sourire s'est affaissé. Le même regard perdu, celui qu'elle avait quand elle est entrée dans le bar, est réapparu sur son visage.

- Je devrais aller rejoindre mes amis. Merci pour le verre, a-t-elle dit en se levant de son siège.

- Diane...

Elle a reposé son verre sur la table et a levé la tête vers moi. C'était maintenant ou jamais ; j'avais tant rêvé de cette scène. Le jour où elle reviendrait dans ma vie. Le jour où elle entrerait dans ce bar. Le jour où je croiserais à nouveau son regard, où je me pencherais au-dessus du comptoir pour l'embrasser, comme on le faisait avant.

Mais je ne l'ai pas fait. J'ai peut-être fait mieux, d'ailleurs.

- Je sais que ça ne rachètera en rien tout ce que je t'ai fait, et que ça n'annulera pas le fait que je t'ai fait souffrir, et je ne veux pas savoir à quel point, mais... mais je suis désolé. Sincèrement désolé.

Elle n'a rien dit sur le moment. Son regard perdu cherchait quelque chose auquel il pourrait s'accrocher, histoire de ne pas sombrer d'avantage dans le néant, tout en esquivant le mien, tant bien que mal. Et quand ils s'eurent retrouvés, quelque chose s'est passé, sur le visage de Diane, dans ma poitrine, dans ce bar.

- Je te crois.

Elle m'avait excusé. Par je ne sais quel miracle.

- J'ai... j'ai aussi été dure, avec toi.

- Je le méritais.

- Je t'ai quand même menacé de mort, si je me souviens bien.

J'ai réfléchi quelques instants, puis ai acquiescé en souriant.

- C'est pas faux. Mais je le méritais aussi.

Elle a ri en secouant la tête. Et moi je continuais à la regarder, un sourire indélébile sur le visage.

- Tu sais, si je pouvais revenir en arrière pour tout changer...

- Tu ne le ferais pas, m'a-t-elle coupé.

J'ai froncé les sourcils. Elle s'est rassise au comptoir et a croisé les bras sur le bras, tout en me regardant en souriant.

- Déjà parce que c'est impossible. Scientifiquement, je veux dire. Et si ça l'était, j'espère que tu t'en servirais à de meilleures fins.

Je me suis à mon tour accoudé au bar. Un client pouvait arriver, je m'en ficherais éperdument : Diane était juste là et me souriait, à moi, l'air joueuse.

- J'en profiterais pour casser la gueule à un ou deux Nazis, tu as raison.

Elle a souri, puis a baissé légèrement son regard.

- Puis, entre nous, tu as l'air d'aller beaucoup mieux, maintenant. Même avant que ton père ne meurt. Et ce n'est qu'avec tout ce qui c'est passé que tu as pu arrivé là.

- Je ne suis pas sûr de te suivre.

- Ce que je veux dire, c'est que c'est grâce à tout ce que tu as vécu que tu es là. Et tu as l'air d'aller très bien.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Tu es beaucoup plus bavard. Puis tu as meilleure mine. Et... bon, c'est un peu honteux, mais tes cheveux sont plus beaux aussi. Et Paula m'a dit que tu pouvais voir qu'une personne allait bien rien qu'en regardant ses cheveux.

- Mes cheveux sont plus beaux ? ai-je répété en riant.

- Je t'assure ! Ils sont plus longs et ont meilleure allure.

Elle a passé sa main dans mes cheveux, quelques secondes seulement, histoire de les ébouriffer un peu.

Je t'aime, Diane.

Je n'ai pas cessé de t'aimer.

- J'en sais rien, je suis pas une pro de la capillarité crânienne non plus. Mais ils sont dans un meilleur état que celui où je t'avais laissé.

J'ai esquissé un sourire. J'imaginais très bien ce qu'elle voulait dire.

- Quoi qu'il en soit, je suis désolée aussi.

- Tu n'as pas à l'être.

- Bien sûr que si. Tu as été odieux avec moi, clairement, mais ça ne justifie pas que je le sois autant avec toi. A cause de moi, tu t'es disputé avec ton frère, ton meilleur ami...

- Eh, Diane. Déjà, ce n'était pas à cause de toi. Enfin, tu jouais une petite partie, mais c'était surtout à cause du décès de mon père. Ensuite, je leur reparle. A Thomas, comme à mon frère. Je t'assure que tu n'as pas à être désolée, j'aurais agi de la même manière, tout le monde aurait agi de cette manière.

Elle est restée silencieuse, les yeux baissés vers le comptoir. Enfin, plutôt vers ma main, qui avait pris la sienne, avec une douceur et un naturel déconcertants. J'ai lâché sa main, par réflexe. Non mais à quoi je jouais ? Il fallait qu'elle aille retrouver ses amis. Comme ça, je retrouverais Alice, Thomas allait nous rejoindre et après ça, je rentrerais chez moi pour pleurer dans mon lit et imaginerais la tête que ferait mon psy quand je lui dirais que j'ai revu Diane. Oui, on allait faire ça.

- J'ai pensé à toi. Tout le temps.

Et apparemment, mon cerveau n'était pas d'accord avec ce que mon cœur avait envie de dire, et ce dernier avait repris le dessus.

- Diane, je suis vraiment désolé, mais c'est vrai. J'ai pas pu m'en empêcher, je sais que ça ne sert à rien, mais...

- Côme, ne te cherche pas d'excuses.

J'ai fermé la bouche. Enfin une bonne chose qui m'arrivait ce soir.

- Moi aussi, j'ai pensé à toi.

Et revoilà une mauvaise chose. A moins que c'en était une bonne. Je ne savais plus. J'avais tout oublié, sauf une chose : que j'avais beaucoup, beaucoup envie d'embrasser la jeune femme assise devant moi.

- De toute manière, c'était inévitable, a-t-elle dit en souriant tristement.

J'ai attrapé sa main. Diane, voilà comment elle s'appelait.

- Côme...

- Qu'est-ce qu'on fait ? ai-je demandé.

Ça m'était revenu. Diane. Je lui avais fait mal. Et je m'étais fait mal en lui faisant du mal. Mais elle-même l'avait dit : il fallait le vivre pour arriver à aujourd'hui. Et aujourd'hui était un nouveau jour.

- Tu penses qu'on peut avoir droit à une seconde chance ?

- J'en sais rien, Côme...

- Il n'y a qu'une seule manière de le savoir.

Elle a croisé mon regard et a eu, en l'espace d'une seconde, une lueur d'espoir et un sourire amusé. Mais elle a secoué la tête en riant nerveusement.

- On ne peut pas faire comme si de rien n'était.

- Et pourquoi pas ? ai-je dit en serrant sa main dans la mienne.

Je l'ai regardée, puis l'ai prise afin de faire comme si nous nous serions la main pour se saluer.

- Salut. Je m'appelle Côme.

- Côme...

- Toi, tu es Diane, c'est ça ?

Elle m'a lancé un regard mi-blasé, mi-amusé.

- C'est ça, a-t-elle répondu pourtant.

- Qu'est-ce que tu viens faire dans ce bar, toute seule ?

- Je viens boire un verre, a-t-elle répondu en riant et en se rendant sûrement compte d'où je voulais en venir.

- C'est pas trop déprimant de venir ici boire un verre toute seule ?

- Et c'est pas trop déprimant de faire comme si on ne se connaissait pas pour se donner une seconde chance ?

- Parce que tu m'en donnerais une, peut-être ?

Elle a ouvert la bouche, mais aucun son n'en est sorti. Quelque chose encore est passé dans son regard. On a fini de se serrer la main pour faire semblant de se saluer, mais sa main est restée dans la mienne.

- Peut-être, a-t-elle fini par répondre.

Je lui ai souri.

- Alors, c'est cool ? ai-je dit.

Elle a ri, puis a hoché la tête en se mordant les lèvres. Pourtant, elle n'a pas lâché ma main. Elle m'a juste regardé avec ses deux grands océans et a murmuré, comme une promesse :

- C'est cool.

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