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13 Février

Mains sur le volant, je faisais tout mon possible pour me concentrer sur la route alors que Thomas ne cessait pas de parler et que Diane hantait mes pensées.

"Sérieux, mec, vous étiez où ?"

J'ai mis le clignotant avant de tourner dans la rue de Thomas. J'ai soupiré, sourire aux lèvres. Je devais ressembler à un gamin.

"Je me suis inquiété quand même, vous avez fait quoi pendant deux heures ?"

J'ai tourné la tête vers lui, un regard lourd de sous-entendus. J'ai vu le visage de Thomas se déformer lentement pour accueillir un sourire béat, et je suis retourné à la route.

"Champion !" s'est-il écrié en donnant des petits coups de poings dans mon bras droit.

"Arrête" ai-je dit en riant.

"Pendant deux heures ?"

"Une demie-heure, calme-toi."

"C'est déjà pas mal, elle a dû grave aimer passer ce trente minutes passées avec toi."

J'ai levé les yeux au ciel en souriant. Arrivés devant la maison des parents de Thomas, je me suis rabattu sur le trottoir, ai coupé le contact et ai passé mes mains le long de mon visage, rabattant quelques mèches de cheveux sur mon front. J'étais extrêmement fatigué et je me demandais comment j'avais fait pour ne pas foncer dans une ou deux poubelles en garant la voiture.

"Plus honnêtement, c'est elle qui a décidé de le faire."

"Sérieux ?" a fait Thomas, à quoi j'ai répondu par un hochement de tête. "Bah putain, cette fille est encore plus chaude qu'elle en a l'air."

"Ne parle pas comme ça d'elle, s'il te plait."

Cette phrase était sorti automatiquement de ma bouche. J'ai perçu Thomas me dévisager, puis il a croisé ses bras, sourire aux lèvres.

"Ce serait trop te demander ce que vous avez fait ?"

J'ai souri. Oui, c'en était trop. Mais je lui racontais quand même, le seul fait de dire ça à voix haute me rapprochant un peu plus de la réalité, ayant l'impression de sortir d'un rêve.

"Déjà, on est allé dans l'appartement du DJ, elle m'a expliqué qu'il dormait là quand il était de service. Il met toujours sa clef sous le paillasson pour ne pas avoir à la prendre avec lui."

"Comment elle sait ça ?"

J'ai tourné la tête vers lui, et il a tout de suite compris.

"Elle est sortie avec lui" avons-nous dit en chœur.

Nous avons souri, et le regard curieux de Thomas m'a invité à en dire d'avantage.

"Ensuite, eh bien... je te l'ai dit, ça a duré un quart d'heure, voire un peu plus," ai-je ajouté en voyant le regard de Thomas s'illuminer, "et... c'était vraiment, vraiment génial."

Je devais sourire de manière si niaise que Thomas n'a pas su s'empêcher d'éclater de rire.

"À ce point ?" a-t-il dit en riant.

"Oh oui."

"Mon gamin devient un grand garçon."

"Thomas, j'ai couché beaucoup plus de fois que toi."

"Oui, mais avec une seule personne, alors ça ne compte pas."

J'ai roulé des yeux.

"Vous avez fait quoi, ensuite ?"

"On... on a parlé, un peu. Et puis elle a relancé le sujet qu'on avait abordé sur la terrasse, comme quoi je n'aimais pas danser."

"Et alors ?"

"Alors elle a pris mon portable, a mis de la musique et elle a dansé. Puis elle m'a entrainé, on a dansé tous les deux pendant... une durée indéterminée."

"Dansé ? Comment ?"

"Oh, eh bien d'abord, elle faisait ce déhanché carrément sexy, comme sur la piste de danse. Quand je l'ai rejointe, elle l'a fait tout contre moi, puis m'a appris à bouger à moi aussi mes hanches."

Je la revoyais, ses mains posées au creux de mes reins, se mouvant au même rythme que moi, et me murmurant à l'oreille : "Ça peut servir, pour le sexe."

"Puis après des musiques électro sont passées sur mon portable, alors on a dansé comme des fous" ai-je continué à raconter à Thomas. "On sautait sur le lit en faisant des mouvements de bras incohérents, mais on pensait qu'on dansait et ça nous faisait rire. Puis là, alors qu'on était à bout de souffle à force de sauter, comme si on venait de faire l'amour, Purple Rain de Prince est passée. Alors, elle m'a fait descendre du lit, a posé sa tête sur mon épaule et on a dansé un slow. Jamais j'ai été aussi heureux d'avoir cette chanson sur mon téléphone."

Nous sommes restés silencieux. Thomas avait l'air perplexe, moi je me remémorais la danse avec Diane, son corps tout contre le mien et la musique entêtante qui ne m'avait fait penser à rien d'autre.

"Vous avez fait un slow ?" a dit Thomas.

"Oui, sur une musique de presque dix minutes."

"Vous vous êtes embrassés ?"

J'ai souri.

"Eh bien, au bout d'un moment, la musique était presque finie, Diane m'a dit qu'elle était fatiguée. Alors elle est partie s'allonger sur le lit ; mais avant ça, elle m'a embrassé. Mais c'était rien, pourtant, un simple smack ; mais c'était tendre, tu vois."

Thomas n'a rien dit, l'air pensif.

"Alors elle s'est endormie."

"Pendant combien de temps ?" a demandé Thomas.

"Un peu moins d'une demi-heure je crois."

"Et tu as fait quoi, pendant ce temps ?"

"Eh bien je me suis allongé à côté d'elle, j'ai mis Purple Rain sur le mode répétition pour ne pas qu'elle se réveille, et je l'ai regardée dormir."

"Pendant une demi-heure ?" s'est étonné Thomas.

J'ai acquiescé.

"Puis, quand elle s'est réveillée, elle a vu que je la regardais."

"Elle a dû te trouver bizarre."

"Je n'en sais rien. Elle a souri, puis on s'est embrassés. Puis tu m'as appelé, alors on a dû arrêter."

"On a arrêter ?" a répété Thomas.

"Oui."

"Attends, vous vous êtes embrassés, OK. Mais quoi, une fois, deux fois ?"

J'ai souri.

"Pendant un quart d'heure."

Thomas avait l'air stupéfait. Moi, je souriais comme un imbécile. Ça avait été ça, le rêve. Pendant un quart d'heure, Diane et moi nous étions embrassés. Langoureusement, j'étais passé de ses lèvres à son cou, à ses joues, à son lobe d'oreille. Toujours sur la même musique, sur le même rythme, nous nous étions embrassés. Ses doigts s'étaient entremêlés aux miens, et on s'embrassait sans cesse.

"Et après ?"

"Après ?" ai-je dit en sortant de mes rêveries.

"Elle a dit quelque chose ? Vous vous êtes parlés ?"

"Non, tu m'as appelé, alors on s'est rhabillés et on est descendu."

"Attends, quoi ? Vous étiez nus pendant tout ce temps ?"

"Non," ai-je répondu en souriant. "Elle avait enfilé ma chemise, moi j'étais en jean."

Il a arqué un sourcil. Puis il s'est penché vers moi, a attrapé le col de ma chemise et l'a porté à son nez.

"Mon gars, tu pues la fille."

"Eh merde..."

"T'inquiète pas, vieux. T'as qu'à dormir chez moi, je te passe une autre chemise. Mais, Côme..."

Je l'ai interrogé du regard. Il avait l'air embarrassé, toujours avec le même regard pensif qu'il avait depuis quelques minutes.

"Je te connais depuis, waw, presque une décennie, à deux ans près. Et je vois très bien ce que tu ressens, par rapport à Diane... Côme," a-t-il repris, "tu as des sentiments pour elle, tu as des sentiments pour Diane."

"Arrête de dire des conneries, je la connais à peine."

J'ai décroché ma ceinture. Il a fait de même, et nous sommes sortis de la voiture.

"Je suis sérieux, Côme. Tu as ce regard quand tu parles d'elle, les yeux qui pétillent, tout ça. Et avoue que c'est bizarre de regarder quelqu'un dormir sans raison. Et de s'embrasser comme ça."

"Thomas, je ne suis pas amoureux de Diane" ai-je assuré en souriant. "Je l'ai vu, quoi, trois fois ? Et puis j'aime Sara, nous nous sommes mis d'accord là-dessus."

Il a roulé des yeux et a sorti les clefs de sa maison de sa poche. Il n'avait pas l'air convaincu, moi je l'étais.

"Comment vous vous êtes dit au revoir ?" a-t-il demandé, une clef dans la serrure de sa porte.

"Pardon ?"

Il s'est tourné vers moi, le regard interrogateur.

"Devant la boîte, tout à l'heure. Les filles ont appelé un taxi, puis avant de partir, je leur ai fait la bise. Et toi, avec Diane ?"

"Rien de spécial..."

Il a souri, et a ouvert la porte. Je suis entré, et nous sommes directement descendus dans sa chambre, qui se trouvait être le sous-sol de la maison, sans un bruit, pour ne pas réveiller ses parents et Alice. J'ai directement rejoint le canapé installé devant sa télévision, mon lieu de couchage automatique lorsque je dors chez Thomas. Je me suis rendu compte que ça faisait quelques temps que je n'avais pas dormi chez lui.

Je me suis allongé, tout en retirant mes affaires. Thomas a branché son téléphone et s'est assis sur son lit, puis m'a longtemps observé.

"Arrête de mater, c'est gênant" ai-je déclaré en ramenant quelques coussins derrière ma tête en guise d'oreiller.

Il a souri et m'a lancé une couverture. Puis il a éteint la lumière, je l'ai entendu s'allonger dans son lit et j'ai vu qu'il allumait son téléphone. J'ai envoyé un message à Sara pour la prévenir que je dormais chez Thomas.

"Alors, qu'est-ce qu'elle t'a dit ?" a-t-il chuchoté.

"Qui ça ?"

"Diane."

"Mais tu vas arrêter avec ça !" ai-je murmuré en lui balançant un oreiller en pleine figure.

Il a rigolé en me le relançant de toutes ses forces, puis il a continué :

"Je sais qu'elle t'a dit quelque chose. Rien de spécial, ou la formule que tu emploies tout le temps quand c'est justement le contraire."

"Tu me soules" ai-je soupiré. J'ai fixé le plafond, plongé dans la pénombre. "Elle m'a embrassé sur la joue, et m'a dit qu'elle avait passé une très bonne soirée."

"Mais encore ?"

Je souriais. Thomas était vraiment le seul à comprendre comment je fonctionnais, il méritait son titre de meilleur ami.

"Puis elle m'a regardé droit dans les yeux, avec son regard bleu de dingue," ai-je avoué, "et elle m'a dit « j'espère qu'on se reverra ». Alors je lui ai dit que moi aussi." Je suis resté un moment silencieux, imaginant que Thomas devait afficher son regard perplexe. "Je sais que ça n'a l'air de rien, mais son regard..."

"J'imagine, oui."

Puis on ne s'est plus rien dit. J'ai continué de penser à Diane et de me remémorer nos moments passés ensemble, notre danse, nos baisers, nos caresses. Ses yeux plongés dans les miens. Une pluie violette tout autour de nous.

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