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12 Février
« J'ai une furieuse envie d'aller en boîte, ça te tente ? Diane »
J'ai fixé le message qui s'affichait sur mon écran, perplexe. Une semaine et un jour étaient passés depuis cette rencontre inattendue au magasin de jouets. Et tout ce temps, je m'étais demandé ce que Diane attendait pour m'envoyer un message.
Les quatre premiers jours, j'avais attendu. Thomas était aussi surexcité que moi, je lui avais raconté le soir-même. J'avais décidé de ne pas prévenir Alice - bien qu'elle jouait le rôle de ma meilleure amie, elle avait la critique facile et pouvait tout raconter à Sara si ça lui chantait. Il m'envoyait chaque soir un message pour me demander si j'avais eu des nouvelles, ce à quoi je lui répondais toujours négativement.
Au bout du cinquième jour, j'avais abandonné. Je m'étais dit qu'elle avait perdu mon numéro, ou qu'elle ne voulait tout simplement pas me voir. Joué la comédie comme quoi elle était heureuse de me revoir, mais en réalité elle souhaitait secrètement ne plus jamais croiser mon regard.
Et puis, huit jours plus tard, elle a décidé de m'envoyer ce message. Je ne lui ai pas tout de suite répondu, ne sachant déjà pas quoi répondre : est-ce que ça me tentait d'aller en boîte ?
Et puis, à bien y réfléchir, la véritable question ne se posait pas là ; le vrai problème, c'était pourquoi avait-elle attendu tout ce temps pour m'envoyer un message ? Cependant, je ne lui ai pas fait savoir, et ai répondu à son message, bien que septique.
« Ce soir ? »
Je me demandais pourquoi voulait-elle aller en boîte. Voulait-elle fêter quelque chose ? Aller danser ? Sortir ? Ou voulait-elle réellement me voir et avait-elle opté pour le choix d'une soirée dansante, pour me rappeler notre rencontre ?
« Je sors avec une amie au Smile, j'ai pensé que ça pourrait te plaire. Tu peux venir avec un ami si tu veux »
J'ai rayé la dernière réponse de la liste imaginaire des raisons potentielles pour lesquelles elle voulait me proposer de sortir en boîte ce soir et lui ai répondu, mi-figue mi-raisin :
« Pourquoi pas »
Je n'avais pas tellement de raisons d'accepter, ni de raisons de ne pas vouloir la voir ce soir. J'ai envoyé un message à Thomas, qui m'a répondu dans la seconde qu'il était "chaud comme un brasero" de voir Diane en chair et en os, ainsi que son amie.
J'ai levé les yeux au ciel en souriant, et alors que je lui proposais de le conduire, j'ai reçu la réponse de Diane :
« Super ! RDV à 23h alors, mon amie ne veut pas rester trop tard. Ne sois pas en retard ;) »
•
"Tu as dit quoi, à Sara ?"
Il était vingt-trois heures trente, et nous attendions encore les filles, dehors dans le froid de la nuit. Les personnes se pressaient à entrer pour se mettre au chaud, bien qu'il n'y avait pas foule, la majorité des fêtards arrivaient généralement plus tard dans la nuit.
"La vérité : que j'allais en boîte avec toi."
"Belle façon de contourner la réalité."
"Je lui ai dit que tu n'allais pas bien et que tu avais besoin de te bourrer la gueule en compagnie de gens collants et puants ; et que je jouais le rôle du meilleur ami qui te regarde te saouler et qui te conduit sagement chez toi quand tu en auras fini."
"J'ai compris le message : si Sara me pose des questions, je lui raconte comment ça s'est mal terminé avec... Corinne ?"
"Lola plutôt. Elle n'ira pas vérifier, elle la déteste."
"C'est noté. Lola. Elle m'a lâché alors qu'on faisait les prélis parce que je ne suis pas assez « endurant »."
"C'est pour ça que je t'aime, frérot" ai-je lâché en lui offrant une tape dans le dos.
"Pas de problème, je suis là pour... nom de Dieu, c'est elles là-bas ?"
J'ai tourné la tête dans la direction dans laquelle il regardait, et j'ai du retenir ma mâchoire pour pas qu'elle ne tombe et roule sur le sol. Diane était magnifique : elle portait une veste bomber au-dessus d'une robe sombre qui lui arrivait à mi-cuisses, mettant en valeur ses jambes immenses. Elle portait des bottines à talons hauts, qui, lorsqu'elle s'est approchée de moi pour me faire la bise, confirmait l'hypothèse qu'elle était presque aussi grande quoi moi lorsqu'elle les portait.
"Désolée pour le retard, on a eu du mal avec le métro, il est tombé en panne à deux arrêts du nôtre..." s'est excusée Diane en se penchant vers Thomas pour lui faire la bise, alors plus grande que lui. "Je suis Diane, et voici mon amie Paula."
"Salut" a murmuré Thomas, ne quittant pas des yeux les corps des deux filles - ce qui ne m'a pas étonné.
"C'est Thomas, mon meilleur ami. On se connait depuis la sixième."
"C'est mignon" a rigolé Paula, avec un accent belge.
"Nous, on ne se connait que depuis quelques semaines, mais on s'entend très bien" a ajouté Diane en passant un bras autour des épaules de Paula. "Bon, on y va ? Il fait super froid."
Alors qu'elle avançait devant nous jusqu'au videur, j'ai tapé l'arrière du crâne de Thomas, qui avait l'air de ne pas s'en remettre.
"Putain qu'est-ce qu'elles sont bonnes !" a-t-il chuchoté.
"Ta sœur a raison ; tu devrais vraiment faire des efforts niveau langage."
Il m'a souri bêtement, puis est redevenu sérieux l'espace de trente secondes, le temps que le videur nous laisse entrer. Lorsqu'on est entré et qu'on a avancé à l'intérieur, je n'ai pas pu m'empêcher de donner un coup de coude à Thomas, qui était en train non sans gêne de mater le cul de Diane.
"Désolée vieux. C'est plus fort quoi moi. Je te la laisse, l'autre est pas plus mal."
« L'autre » s'est tournée vers nous et nous a proposé de nous payer le vestiaire, ce que l'on a tous accepté. Je n'avais même pas fait attention à elle, trop focalisé sur Diane pour noter quoi que ce soit sur son amie belge.
Après avoir bu un premier verre - Thomas avait offert le verre pour Paula, pour la remercier pour le vestiaire - les filles sont parties danser sur la piste, pendant qu'on restait tous les deux près du bar, où de plus en plus de monde s'agglutinait, un deuxième verre en main.
"Cette soirée va me coûter cher" souffla Thomas en sirotant son whisky.
"Je te rappelle que tu es censé te bourrer la gueule suite à une déception amoureuse."
"Tu n'as pas tort. Je vais finir ce verre et m'en commander un troisième."
J'ai éclaté de rire, tandis qu'il levait son verre d'un air solennel, prenant l'air d'un chef de l'armée aux traits strictes et sérieux.
"Buvons, mon ami. Et trinquons, à la beauté des femmes !"
"À la beauté des femmes" ai-je lancé en cognant mon verre de bière contre le sien.
Il l'a terminé cul-sec, et s'est lancé sur la piste, cherchant du regard Diane et Paula. Je l'ai regardé se perdre, sourire aux lèvres. Il fallait que mon sang contienne un peu plus d'alcool pour que je me mette à danser de mon plein gré ; soit, ça ne risquait pas d'arriver. J'avais pris la voiture de Sara et il était hors de question que je ne me fasse arrêter dans cette voiture pour conduite en état d'ivresse - ou que je meurs dans un accident, dans les deux cas, c'était con.
Il y avait de plus en plus de monde sur la piste de danse, pourtant quasi-déserte quand nous sommes arrivés. De ce fait, j'ai eu du mal à retrouver Thomas et les filles, noyés dans la foule. Je les ai finalement retrouvés, dansant tous les trois en cercle. Diane avait juste derrière elle un homme, plus âgé, qui lui n'avait pas non plus honte de ce qu'il regardait. Je suis resté en retrait. Au bout d'un moment, Thomas a dit quelque chose à l'oreille de Paula et ils sont allés au bar, sûrement pour son fameux troisième verre. J'ai donc eu tout le plaisir de regarder Diane, qui se déhanchait sur le rythme de la musique, yeux clos, bras en l'air, sourire aux lèvres. Si je n'étais pas aussi sobre, cela ferait longtemps que je l'aurais rejointe et que je danserais avec elle. Malheureusement, j'avais autant d'alcool dans le sang que de chance qu'avait Thomas de finir avec Paula, et de ce fait 1) je n'allais pas danser et 2) j'étais bien conscient que l'autre mec désirait Diane autant que moi je la désirais. Sauf qu'il avait un avantage : lui était saoul. Donc lui dansait avec Diane.
J'ai soupiré en la voyant tourbillonner près de l'homme, et j'ai rejoint Thomas et Paula, assis à une des tables autour de la piste. Ils se criaient dans les oreilles pour se faire entendre, l'un avec son éternel verre de whisky à la main, l'autre jouant avec la paille de son cocktail rose.
"Tu n'es pas avec Diane ?" m'a crié Thomas, un bras autour de Paula, qui faisait les yeux doux à une fille non loin de là. Décidément, Thomas n'allait avoir aucune chance avec elle.
J'ai simplement secoué la tête. Vu que j'avais l'air d'un imbécile à rester seul, je suis retourné aux vestiaires prendre ma veste et je suis allé à l'extérieur pour fumer une cigarette.
Je suis passé d'une ambiance étouffante à un froid digne des régions polaires du Grand Nord. Je me suis empressé d'allumer ma cigarette et j'ai fourré mes mains dans mes poches, le mélange de nicotine et de vapeur d'eau sortant de ma bouche créant un élégant nuage blanc et éphémère dans l'air.
"Qu'est-ce que tu fais ?"
J'ai lorgné sur Diane, qui venait d'arriver. Elle se frottait les avants-bras énergiquement, étant sortie simplement vêtue de sa robe bleue marine à manches longues.
Qu'est-ce qu'elle était belle, dans cette robe. Élégante, même : la robe était assez près du corps sans la mouler, ne rendant pas la chose vulgaire ; elle avait des manches longues et un col près de la base du cou, jurant avec les cheveux blonds et courts de Diane.
"Je fume."
Elle a hoché la tête, puis s'est avancée pour se mettre à côté de moi et s'appuyer contre la rambarde du grand balcon. J'ai alors aperçu le dos nu de la robe, rendant alors Diane encore plus attirante qu'elle ne l'était déjà. J'avais l'incontrôlable envie de passer mon doigt le long de sa colonne vertébrale, lui caresser l'échine jusqu'à la nuque, la tenir contre moi et souder ses lèvres peintes en rouge ce soir-là contre les miennes. J'avais envie de la tenir contre le mur à côté de nous et sentir son souffle chaud et haletant dans mon cou. J'avais envie, envie d'elle tout simplement.
"Tu n'as pas froid ?" a-t-elle demandé alors que le silence s'installait entre nous, bien que les autres personnes sur le balcon étaient extrêmement bruyantes.
J'ai secoué la tête. Je pensais qu'elle se fichait de moi ; elle devait avoir froid, vu comment elle était habillée.
"Tu ne viens pas danser ?" a-t-elle continué.
"Je n'aime pas danser."
"Tu ne disais pas ça, au Nouvel An."
"J'étais bourré, au Nouvel An."
"Ça explique tout."
J'ai soupiré. Non, ça n'expliquait pas tout. Ça n'expliquait pas le plaisir que j'avais pris à courir dans la rue, main dans la main avec elle, jusqu'à son appartement, ou quand nous étions enfin arrivés dans l'ascenseur, que nous nous étions regardés, longuement, avant de nous embrasser.
"Diane, pourquoi tu m'as demandé de venir ? Tu t'amuses très bien sans moi."
"Je voulais te revoir."
"Me revoir ?" ai-je répété. "Tu passes la soirée avec Paula et Thomas, puis cet autre gars sorti de nul part."
Elle a plongé son regard dans le mien, la mine soudainement rieuse.
"Je rêve ou tu es jaloux ?"
Jaloux ?
"Arrête de dire n'importe quoi" ai-je lâché avant de tirer sur ma cigarette.
"Si, si tu es jaloux, jaloux de cet autre gars. Côme, je suis surprise par ton comportement. Agréablement surprise."
"C'est ça" ai-je dit en souriant.
J'ai croisé son regard alors que je cherchais à tout prix l'éviter. Quelque chose d'incroyablement sincère émanait de son regard, elle faisait briller ses yeux déjà embués par l'alcool et le froid.
"Tu vas attraper froid" ai-je dit sans réfléchir.
"Tu vas me tenir chaud."
C'en était trop. J'ai jeté ma cigarette sur le sol. Puis j'ai attrapai Diane par les hanches et je l'ai embrassée. Je l'ai furieusement embrassée, comme dans l'ascenseur le premier soir, comme crier d'un coup quelque chose que je me forçais à ne pas dire. Je l'ai embrassée, et elle a répondu à mon baiser, aussi en colère que moi, tenant fermement ma tête contre la sienne et gémissant de plaisir au contact de mes lèvres. Sa langue dansait dans ma bouche, entrainant la mienne, et mes mains glissaient de ses hanches à ses cuisses.
"Suis-moi" a-t-elle murmuré entre deux baisers.
Elle a attrapé ma main. Nous sommes rentrés à nouveau dans la grande salle, où il régnait une chaleur insupportable. Nous avons emprunté les escaliers, qui menaient à une salle à l'étage, plus petite et bien insonorisée, où des gens étaient éparpillés un peu partout autour de tables. Nous l'avons traversée, toujours main dans ma main, la sensation de ses lèvres encore sur les miennes, laissée à chaud comme une marque au fer rouge. Nous avons monté de nouveaux escaliers, et nous sommes arrivés devant un porte. Diane s'est baissée, a soulevé un paillasson et en a extirpé une clef. Elle a ouvert la porte, et nous sommes entrés.
La pièce ressemblait à une chambre d'hôtel, avec un grand lit en son milieu et une salle de bain sur la droite. On avait une magnifique vue sur la ville, éclairée mais endormie.
Diane m'a conduit jusqu'au lit et m'y a poussé, un sourire aux lèvres. Puis elle a retiré ses chaussures, les envoyant valser à l'autre bout de la pièce. J'ai fait la même chose, et pendant qu'elle retirait ses collants et faisait passer sa robe au-dessus de sa tête, je défaisais ma ceinture et enlevais mon jean. Puis, comme hypnotisé, je l'admirais venir jusqu'à moi, marchant à quatre pattes sur le lit, comme un chat. Elle s'est assise sur mes cuisses, face à moi. Elle a déboutonné et enlevé ma chemise, m'a embrassé, puis m'a allongé dans le lit, avant de me susurrer à l'oreille :
"Voilà pourquoi je voulais te revoir, Côme."
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