13
19 avril
J'ai mordu dans mon Big Mac, le regard errant vers la porte d'entrée du fast-food. Alice m'avait proposé de manger rapidement entre son boulot et sa garde d'enfants, ne voulant pas me laisser tout seul plus longtemps aujourd'hui. Et pour cause : vu que Sara travaillait toute la journée et très tard, et qu'il y avait toujours une tension entre Thomas et moi, j'avais passé la journée seul, avachi dans le canapé à regarder d'une traite la dernière saison de Games Of Throne. Ce qui ne m'avait nullement déplu, contrairement à ce que pensait Alice.
Mon téléphone a vibré et j'ai d'abord cru que c'était encore Alice qui s'excusait d'être en retard. J'ai failli lâché mon téléphone dans la sauce de mes frites en découvrant que c'était un message de Diane.
« Tu n'as rien contre les expositions d'art asiatique ? »
J'ai froncé les sourcils. De l'art asiatique ? Elle sous-entendait me faire entrer dans un musée ?
Pourquoi pas ? Ça doit bien faire trois ans que tu n'es pas entré dans un musée.
J'ai essuyé mes mains sur mon jean et ai répondu :
« Ça dépend, tu seras ma guide ? »
Ça a été avec un sourire bête aux lèvres qu'Alice m'a retrouvé.
"Côme ! Je suis désolée, y avait des bouchons à la sortie... ça va ?"
J'ai levé la tête vers elle. Ses cheveux étaient attachés en une haute queue de cheval et ainsi, on percevait mieux ses grands yeux qui me fixaient bizarrement.
"Parfaitement."
Elle a lentement hoché la tête, puis elle a posé son sac sur la chaise en face de ma table, a fouillé dedans et en a ressorti un porte-feuilles. Elle allait partir commander mais est revenue sur ses pas, puis m'a lancé :
"Joyeux anniversaire, crétin."
J'ai éclaté de rire et l'ai remercié. Puis elle est allée commander, tandis que je lisais le message de Diane et lui répondais.
« Pas de problème avec ça, je suis une pro pour guider les choses et tu le sais très bien
Tu ne voudrais pas venir avec moi au musée demain ? Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu et je suis sure que tu vas aimer l'expo »
« Ca fait que deux jours qu'on s'est pas vus »
« Reformulation : jai envie de toi, demain, dans les toilettes des beaux-arts »
J'ai roulé des yeux et esquissé un sourire. En effet, Diane savait guider les choses, et les amener toujours dans son sens.
« C'est bcp plus attrayant tout à coup »
« Pense d'abord aux asiat. Demain à 11h devant le musée, on mangera dans un resto sympa pas tres loin apres si tu veux »
Alice était en train d'attendre que sa commande soit prête. J'ai vite répondu à Diane et ai rangé mon téléphone pour attendre Alice en grignotant des frites.
« C'est toi le guide »
Alice est arrivée et s'est installée. Elle s'est exclamée qu'elle avait trop faim, et entre deux bouchées de nuggets, elle m'a demandé :
"Pourquoi tu souriais bêtement quand je suis arrivée ? D'habitude je ne te fais pas cet effet-là."
"Je lisais un message d'un pote, il me souhaitait un bon anniversaire avec un message drôle."
Elle m'a fixé, puis a souri.
"C'est le mensonge le moins plausible qui est sorti de ta bouche en dix-neuf ans d'existence."
J'ai soupiré et l'ai regardé m'inciter à lui dire la vérité par son seul regard insistant, tout en buvant son soda.
"Comment tu fais ?" lui ai-je répondu à la place.
"Sixième sens de fille."
"Thomas a le même sixième sens" ai-je dit en riant.
Puis mon sourire s'est affaissé. J'ai vu Alice se pincer les lèvres, un tic qu'elle avait lorsqu'elle était gênée, et elle m'a doucement caressé l'avant-bras.
"Tu sais qu'il trouve votre embrouille bête et toi aussi. Et je te dis ça parce que vous êtes des mecs et que vous ne vous le direz jamais en face."
"Je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai agi comme ça avec lui. Même quand on n'est pas d'accord sur le sujet Sara, on ne s'embrouille pas comme ça. Ni pour aucune autre fille, alors pourquoi Diane ?"
Alice a retiré sa main et a commencé à manger ses frites.
"Tu sais pourquoi, Alice, pourquoi tu ne me le dis pas ?"
"Ça risquerait de t'énerver."
"Tu ne m'as jamais caché de choses par peur de m'énerver, Alice, tu fais même en sorte de tout le temps m'énerver."
Elle a souri, puis a soupiré.
"C'est pas que ça risquerait de t'énerver qui m'embête, c'est que tu pourrais t'énerver contre moi. Et je n'ai pas envie de te laisser seul."
"Pourquoi tu me laisserais seul ?"
"Parce que je suis têtue, tout comme Thomas, et je n'ai pas envie d'être en conflit avec toi comme tu l'es avec lui."
Je l'ai regardée quitter mon regard et sortir son téléphone de sa poche. Il était vrai que moi-même je ne pourrais pas supporter de ne plus parler à mes deux meilleurs amis. Et plus j'y pensais, plus la solution d'aller s'excuser auprès de Thomas se faisait évidente.
"Dépêche-toi de finir de manger, je dois encore te raccompagner chez toi avant d'aller à ma garde d'enfants."
"Je peux rentrer en métro, je suis un grand garçon."
"Il en est hors de question, tu as déjà passé la journée seul aujourd'hui, je ne veux pas continuer le massacre. Et puis je dois rendre des bouquins à Sara, ça fait des masses de temps que je ne l'ai pas vue."
J'ai souri. C'était une expression de Thomas.
•
"Tu as vraiment emprunté tous ces bouquins à Sara ?"
Je n'en tenais que deux ou trois dans la main pour pouvoir ouvrir la porte de l'appartement, mais Alice devait en avoir une bonne dizaine dans les mains.
"Je ne sais pas si tu te rends compte que la bibliothèque de ta copine est une mine d'or."
J'ai roulé des yeux et ai ouvert la porte. Il était un peu plus de vingt-et-une heure mais il faisait noir dans l'appartement, Sara devait être dans la chambre.
"Au fait, il est à quel heure ton baby..."
J'ai juste eu le temps d'allumer la lumière du salon que des gens sont sortis de nul part en criant :
"Surprise !"
Je suis resté abasourdi, entre le couloir et le salon, une quinzaine de paires d'yeux posés sur moi et mon incrédulité. Tout le monde - Sara, quelques amis de la fac, une grande majorité de ceux du lycée, Bastien et Barbara et notre cousin, Jean - a éclaté de rire.
"Salut tout le monde" ai-je lancé, provoquant encore un éclat de rire.
Je me suis tourné vers Alice qui m'a adressé un clin d'œil.
"Donc l'histoire du baby-sitting et des livres, c'est pas vrai ?"
"Pour les livres, c'est vrai. Tu devrais lire plus souvent, Côme."
J'ai ri et entrepris de faire la bise à tout le monde, puis j'ai remercié Sara - Bastien venait de m'expliquer que c'était elle qui avait tout organisé - et la musique a commencé à résonner dans tout l'appartement.
Mais j'avais beau le chercher dans chaque pièce, il manquait un invité, et c'était Thomas.
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