Chapitre 14: l'aile interdite
La nuit etait tombée depuis longtemps lorsque Ameline réveilla Adeline. Donan se tenait derrière elle et observait sa petite soeur avec impatiente.
-Dépêche toi,lui dit-il. C'est l'heure.
Adeline finit par se lever et s'habilla en vitesse avant de suivre son frère et sa soeur dans le couloir. Sage, Gloria et Fred les attendaient. Alphonse devait être à cette heure en train de dormir et avait donc envoyé ses trois espions faire son propre travail, apparemment. En même temps, le ventre du comte l'aurait empêché de se glisser furtivement entre les murs, les portes et les meubles, et son poids aurait fait craquer le sol: ils auraient vite été repérés avec lui... Surtout que le comte ne pouvait plus courir et que la brebis qui le suivait partout aurait fait tellement de vacarme dans l'aile interdite du château que tous les habitants de la ville les auraient entendus.
-Je continue à dire que je devrai y aller seul, fit Sage. Il n'y aurait que moi qui se ferait tuer et vous pourrez continuer de jouer vos rôles!
-Si quelqu'un devait y aller se serait plutôt moi, retorqua Gloria. Je suis plus discrète que toi et bien plus intelligente!
-Ça c'est dans tes rêves!
-Oh! S'exclama Ameline. Taisez vous ou on va être repérés avant même d'être entré dans l'aile interdite.
Gloria et Sage se jeterent un regard noir mais ne firent pas de commentaires.
-Bien, fit Ameline. Je vous rappelle que moins on sera, mieux ce sera. Nous devons être discrets pour arriver dans l'ancienne partie réservée à la reine Lora. Le roi n'aura aucune hésitation à nous tuer si nous nous faisons attraper.
-Il faudra se dépêcher et chercher attentivement ce qui pourrait nous donner des informations dans cette aile, ajouta Adeline. Le roi n'aurait pas condamné une partie entière de son château pour la simple raison qu'elle appartenait à Lora.
-Allez,dit Donan, c'est parti.
Gloria prit la tête du groupe et ils descendirent doucement les escaliers. Puis ils traverserent de nombreux couloirs en prenant garde à ne pas se faire entendre et arrivèrent dans l'escalier qui débouchait sur l'unique porte qui n'avait pas été détruite qui permettait d'entrer dans l'aile interdite du château. Elle était gardée par deux gardes.
Ce ne fut pas difficile de les neutraliser : Adeline surgit devant eux et leur ordonna de s'endormir immédiatement en l'oubliant. Ils tombèrent par terre et se mirent à ronfler.
Fred et Sage les tirèrent jusqu'à un placard à balai et les y enfermèrent.
-Ameline,fit Donan, tu restes ici comme Alphonse l'a suggéré. Si quelqu'un passe par là, tu utilises tes pouvoirs pour lui faire oublier qu'il t'a vu et pour le faire aller quelques part d'autre.
-C'est d'accord.
Elle s'assit contre le mur et les autres s'approchèrent de la porte. Ils l'ouvrirent sans faire de bruit et s'y faufilerent après avoir jeté un dernier coup d'oeil à Ameline.
L'aile était plongée dans le noir. Donan alluma une bougie et les autres firent de même. Ils apercevaient maintenant qu'il était dans une sorte de grand salon. Un piano à queue se tenait au centre de la pièce, ainsi qu'une harpe et un violoncelle. Une dizaine de sofas violets étaient disposés autour et de petits gueridons soutenaient encore des plateaux remplis de gâteaux, maintenant plus que moisis qui infectaient l'air d'une odeur de décomposition sucrés. L'endroit avait l'air d'avoir été laissé à l'abandon au milieu d'une petite fête de dames de la cour. La Reine Lora avait dû s'en échapper pour attendre l'accouchement des mères de Diana, Luna et Max.
-J'ai faim...dit Sage.
-Moi j'ai plutôt envie de vomir, fit Gloria.
Ils traverserent le salon en évitant les magazines de robes de luxes qui étaient éparpillés sur le sol et passèrent dans une autre pièce.
C'était un grand hall. Un escalier montait et un autre descendait.
-Gloria, Fred et moi, fit Adeline, on va en haut. Les deux autres garçons, vous allez en bas.
-Ce n'est pas prudent de se séparer, remarqua son frère.
-Mais nous resterons ainsi deux fois moins longtemps dans cette aile.
Devant la logique de la jeune fille, Donan abandonna l'idée de rester en groupe. Il prit Sage par le bras et l'entraîna par le bras vers le bas en levant sa bougie bien haut pour éclairer les marches de l'escalier au maximum.
Lorsqu'ils arrivèrent en bas, ils déboucherent sur une grande salle à manger. Une petite cuisine y était collée et embaumait le meme parfait de nourriture en décomposition avancée que le salon de musique.
-C'est dégueu... fit Sage en passant le doigt sur la table pleine de poussière.
Vu qu'il n'y avait rien d'intéressant, les deux garçons descendirent encore un étage.
Mais à peine avaient-ils posés le pied sur la dernière marche qu'ils s'immobilisèrent: ils entendaient un murmure...
Donan et Sage soufflèrent sur leur bougies pour l'éteindre et tendirent prudemment l'oreille. Les fenêtres étaient recouvertes de planches de bois mais un filet de lumière passait entre deux d'entre elles : les deux garçons s'abituèrent peu à peu à l'obscurité. La voix continuait de parler et ils reussirent à capter quelques morceaux de phrases :
-Les trolls sont morts... Ces imbéciles se sont fait piéger par ces traîtres... Les vicomtes et les marquis du Sud de la Pelicia ne répondent pas aux messages de leur duc... C'est contrariant... La menace va commencer à m'inquiéter...
Donan avait reconnu la voix effrayante du roi Vlorgue. Mais ce n'est pas elle qui le fit le plus frissonner de peur, mais plutôt la deuxième qui le fit trembler d'effroi:
-Tu l'appelle maintenant "une menace". Je ne pensais pas que tu étais aussi facilement apeuré...
-Je n'ai pas peur de ces traîtres aussi intelligents que le canard que j'ai mangé pour le dîner! hurla Vlorgue.
Sage et Donan se prirent la main pour se redonner courage. En restant encore un peu ils pourraient sûrement apprendre beaucoup de choses... Les voix venaient d'une petite salle sur leur gauche. Il fallait juste espérer qu'ils ne se fassent pas repérer.
-Les drows devoir venir aider nous, fit une troisième brutale. Peuple à moi peut plus aider!
-Évidemment vu qu'il a été assez bête pour se faire exterminer par ces petits magiciens de pacotille! s'exclama Vlorgue. Je vous rappelle que vous ne me servez plus à rien alors vous feriez mieux de m'obéir et de ne plus donner vos avis inutiles vu que je les ai bien avant vous. Votre cerveau de troll est lent et ne m'est d'aucune utilité. Alors taisez-vous quand je parle à Squartsanz!
-Moi roi et allié! Moi pouvoir parler!
-Vous n'êtes plus roi vu que vous n'avez plus de sujet, dit Vlorgue qui avait l'air assez énervé. Comme je suis le roi d'Imline et que les autres peuples ne vivent sur mon terrain que parce que je le veux bien, vous êtes maintenant l'un de mes sujets, rien de plus. Vous me servirez de garde du corps si la vermine arrive jusqu'ici, ce dont je doute fort, et de rien d'autre.
-Pas dans notre accord!
-Vous avez signé le contrat et j'avais marqué que vous reconnaissez ma supériorité.
-Supériorité de chef de guerre!
-Ce n'était pas précisé, vous avez mal compris. Tant pis pour vous.
-Tu pourrais me le donner à manger s'il n'obéit pas, suggéra la sombre voix.
-Bonne idée...
-D'accord ! Moi être gentil garde corps et obéir au roi Vlorgue! s'exclama hâtivement l'ex roi.
-Bien, fit Vlorgue. Tu resteras ici tant que je n'ai pas besoin de toi, ce que tu fais depuis que tu es arrivé ici, en fait. Je vais ensuite demander à Diego de venir pour parler guerre.
-Tu dois savoir que nous ne sommes pas seuls.. fit la voix sombre avec un bruit de reniflement.
Sans attendre d'être découverts, Sage et Donan se precipitèrent dans l'escalier et montèrent les marches quatre à quatre le plus vite possible.
-Qui ose! hurla Vlorgue depuis le bas.
-Va prévenir Ameline qu'on est repérés et fuyez! murmura Donan à Sage. Je cours prévenir les autres.
Sage ne chercha pas à discuter. Il sortit de l'aile interdite et attrapa Ameline par le bras pour la relever et l'entraîna dans les escaliers menant aux chambres.
-Mais que se passe-t-il ? s'exclama-t-elle. Alors qu'ils arrivaient dans le couloir des invités de Pélicia.
-Cours si tu veux avoir ta tête sur les épaules demain! fut la seule réponse de Sage avant de la pousser sans ménagement dans sa chambre. Et ne bouge pas, je reviendrai !
Il referma la porte et s'en alla en courant. Ameline l'entendit s'éloigner et une larme coula sur sa joue : elle avait peur, à juste raison.
En effet, elle n'eut pas à attendre longtemps avant d'entendre la voix du roi Vlorgue :
-Il est passé par là! fit une voix sombre. Je sens que son odeur est passée par là !
Ameline retint son souffle lorsque le roi passa en courant devant sa porte. Elle attendit plusieurs minutes avant de se lever, tremblante, et alla s'asseoir sur son lit, décidée à attendre qu'on vienne la chercher et lui dire ce qu'il s'était passé.
Pendant ce temps, Donan était monté jusqu'en haut. Il avait entendu le roi suivre Sage. Donan ne s'était donc pas fait repérer, a moins que Vlorgue lui ai envoyé un soldat ou l'ex roi avec qui il parlait à ses trousses.
Après avoir traversé des chambres, des salons, des salles de danses et de musiques ou encore des ateliers de coutures et de peintures, Donan arriva dans la dernière chambre. C'était la chambre de la reine Lora.
Fred, Adeline et Gloria se tournèrent vers lui avec inquiétude.
-Que se passe-t-il? demanda Fred.
-Il faut s'échapper tout de suite! Par la fenêtre!
Sans demander plus d'explications, Adeline se pencha par la fenêtre par laquelle sa tante s'était envolée avec les trois bébés Diana, Luna et Max plus d'une dizaine d'années plus tôt.
-Quelqu'un sait voler? demanda Adeline.
-Non, fit Gloria. Les sorcières n'ont des pouvoirs qu'avec des potions.
-Et à ma connaissance je ne suis pas voyante comme ma tante, soupira Adeline. On n'a pas le choix, on va escalader... Après tout c'est possible vu que les demoiselles de compagnies de Lora l'avaient fait.
Donan regarda la pièce. Son regard passa sur une tâche de sang séchée, de vieux draps où les noms Flores, Yalisse ou Lyron étaient marqués, et sur le mobilier cassé ou recouvert de poussière. Les draps étaient remplis d'un bric à brac considérable. Et Fred se tenait près de ce sac improvisé.
-C'est tout ce qu'on doit emmener, expliqua-t-il à Donan.
-Je sais! s' exclama soudain Adeline. Faites pareil que moi.
Elle enjamba le rebord de la fenêtre et posa ses pieds sur une tête de gargouille. Puis elle sauta sur une autre statue qui se trouvait à un mètre et glissa dans la cavité qui la contenait. Puis elle se laissa tomber sur la table qui se trouvait sur le balcon de l'étage inférieur. Elle grimaça un peu sous le choc mais se releva et descendit de la table.
-Venez! leur dit-elle en levant la tête vers les autres.
Fred lui lanca le sac de drap et ils descendirent à leur tour.
Puis Adeline recommença sa descente. Elle utilisa les différents statues, les rebords, les balcons, et même un arbre qui poussait près du mur. Elle finit par atterrir sans dommage sur l'herbe et s'écroula d'épuisement. Quand les autres la rejoignirent, elle se releva et ils se trainèrent jusqu'aux portes du château.
Là, Donan utilisa sa magie pour endormir les gardes et ils entrèrent. Une fois dans le couloir de leurs chambres, ils se séparément avec soulagement: ils avaient survécu!
Adeline entra dans sa chambre et trouva sa soeur sur son lit.
-Vous vous en êtes sorti, soupira Adeline de soulagement en la serrant dans ses bras.
- Sage a dit qu'il reviendrait...murmura Ameline. Mais Vlorgue le poursuit et je ne voit pas comment il pourra lui échapper...
Adeline se laissa tomber à côté de sa soeur et ferma les yeux pour cacher les larmes d'épuisement et d'inquiétude qui menaçaient de sortir. Tout n'était pas fini...
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