Une semaine était passée depuis leur départ. Diana sentait qu'Alix, Airy et Ameline commençaient à être très fatigués. A son grand étonnement, Placidia avait l'air d'être toujours bien réveillée et ne dormait presque jamais, surement grâce à ses pouvoirs de voyante. Elle montait à la perfection et avait fière allure en amazone sur son étalon noir. Celui-ci aussi d'ailleurs. Diana n'avait jamais vu un cheval pareil. Il était plus grand que les autres chevaux, plus fort, plus endurant... Mais il était surtout le plus beau cheval que Diana n'ait jamais vu et le plus intelligent. Elle avait l'impression qu'il comprenait tout ce qu'on lui disait.
Quand ils arrivèrent sur un plateau, Placidia ordonna une halte.
-Diana, sonde les environs et confirme si j'ai raison. Un groupe d'hommes nous suit à la trace.
Diana descendit de cheval et regarda autour d'elle. Elle sentit en effet un groupe de personnes non loin de là. Elle entra au bout de quelques secondes de concentration dans l'esprit de ces gens et put apprendre ce qu'ils faisaient et qui ils étaient.
-Oui il y a un groupe d'hommes à environ cinq cents mètres derrière nous, commença-t-elle. Ce sont des soldats que le roi a envoyés pour nous enlever, ou nous tuer si nous nous y opposons. Ils étaient cachés autour du manoir et nous suivent à la trace depuis une semaine. Ils sont environ une vingtaine et sont armés. Ils vont attaquer cette nuit.
-Très bien... fit la voyante. Ils sont presque deux fois plus nombreux que nous et nous ne sommes que neuf à pouvoir combattre. Alix et Airy sont trop jeunes.
-Non ! s'écria la petite fille. On peut se cacher et lancer des flèches empoisonnées avec nos sarbacanes !
-Mmm, effrayant, c'est sûr, fit sa tante avec un air septique. Mais si cela est efficace, pourquoi pas. Il va cependant falloir trouver un plan.
-Alors on t'écoute, dit Diana, qui avait bien compris que la voyante avait toujours une idée en tête.
Placidia regarda l'horizon d'un air songeur, puis commença :
-Cette nuit, nous ferons comme à chaque fois. Ils ne se douteront donc de rien. Diana, tu resteras en contact avec le faucon, comme ça il te dira quand ces soldats se mettront à approcher. A ce moment tu nous préviendras. Airy et Alix, vous resterez derrière moi, et nous serons à l'arrière. Ameline tu resteras aussi avec nous. Quand à Adeline, Conan, Diana, Luna, Max, Dacien et Donan... Vous les attaquerez par surprise. Ameline et moi défendrons les petits si un soldat arrive jusqu'à nous. Vous n'oublierez pas de prendre vos armes avant de vous coucher.
Elle fronça les sourcils, puis ajouta :
-Oh ! Et bien sûr, il est évident que vous devrez les vaincre et rester vivants. Je vous accorde le droit de récolter quelques blessures superficielles, mais pas davantage, sinon ce sera contraignant.
-Sûr ! plaisantant Adeline. Il fallait vraiment que tu nous précises que notre but était de survivre et de les repousser.
Le soupir las de sa tante lui répondit :
-Hélas, les repousser ne suffira pas. Il faudra les tuer, car ils n'abandonneront jamais : pour eux, c'est réussir, mourir au combat, ou mourir des mains de leur roi.
Cela sembla refroidir les plus téméraires. Donan et Dacien, qui se voyaient déjà faire fuir l'ennemi après un combat acharné qu'ils auraient remportés à la sueur de leur front, parurent soudainement moins impatient que la nuit tombe.
Seule Diana ne sembla pas particulièrement chamboulée : elle avait compris qu'elle devrait tuer pour leur survie dès que sa tante lui avait demandé de sonder les alentours. Et elle sentait au fond d'elle que c'était l'unique solution, et un bon moyen de libérer des hommes asservis par un roi fou afin de les faire passer à une vie meilleure, faute de mieux.
-Bon... Je propose que nous passions à la préparation du repas avant que nos prochains adversaires ne se rendent compte que quelque chose cloche proposa Luna d'une voix lente et hésitante.
-Très bonne idée ! s'exclama Ameline qui reprit ses moyens et s'activa aussitôt.
Les garçons allèrent chercher du bois, en prenant garde à ne pas aller dans la zone des soldats. Diana les suivit pour chasser, et les autres préparèrent des légumes et des fruits qu'ils avaient conservés.
Quand tout fut préparé, le petit groupe mangea. Seule Alix osa rompre le silence qui s'était installé :
-La dernière fois qu'on a mangé de la viande c'était dans la forêt, dit-elle. Moi j'aurais préféré en manger plus souvent... Heureusement que tu en as trouvé aujourd'hui !
-Oui, mais dans les champs et dans la montagne c'est plus compliqué de chasser. Là il y a un bois à côté donc c'est plus facile, expliqua Diana.
-Pff... fit Max. Il te suffit de sonder les alentours pour trouver un animal, entrer dans son esprit et le faire approcher pour le tuer.
-Oui mais je préfère la méthode normale ! dit Diana sur la défensive. C'est plus juste.
L'ambiance déjà tendue se renforça, et ils terminèrent le repas par des fraises qu'Adeline avait trouvées dans des buissons.
Puis tout le monde alla se coucher joyeusement. Enfin, du point de vue des soldats... Ils ne pouvaient pas savoir que le petit groupe ne dormait pas et les attendait, armé.
Au milieu de la nuit, Diana fut réveillée par pensée par le faucon.
« Ils arrivent ! » répétait-il.
« Merci... »
Elle éternua : le signe de se préparer à l'attaque. Tout le monde ouvrit les yeux.
« Ils ne sont plus qu'à vingt mètres ! » s'affola l'oiseau.
Diana éternua plus fort et tout s'enchaîna. Les enfants et la voyante se relevèrent et chacun alla à son poste : Ameline, Placidia, Airy et Alix derrière, les sept combattants se positionnèrent devant eux, Diana au milieu.
Les soldats s'arrêtèrent et eurent un mouvement de recul.
-Que nous voulez-vous ? demanda Diana d'une voix tendue.
Un large sourire fendit le visage du capitaine, mais disparut quand Luna prit la parole.
-Alors ? Vous ne savez pas parler !
Le visage de Luna n'avait jamais été aussi froid, et comme à chaque fois que son humeur chutait, la personne qui l'énervait perdait tout le bonheur qu'il avait en lui. « Surement son pouvoir de conscience qu'elle développe sans le savoir depuis toujours. » pensa Diana.
-Nous v'nons pour vous emm'ner au palais d'sa majesté, dit le capitaine. Soit vous nous suivez, soit on vous tue.
-Eh ! fit la duchesse de fayente en s'approchant. Robert Defuis ! T'es toujours pas mort, toi ?
Et elle se mit à rigoler en voyant le regard haineux que lui lança l'homme. Ils n'étaient visiblement pas très bons amis.
-Non mais c'est vrai ! reprit-elle. Et puis, même si tu ne l'es toujours pas... Tu vas l'être dans quelques minutes !
-Cela veut dire que vous refusez ?
-Exactement ! Et toi, tu sera mort dans précisément... deux minutes et quarante-six secondes !
Le visage du capitaine s'assombrit et il tira son épée de son fourreau d'un geste sec.
-C'est toi qui vas mourir !
Et il chargea vers la voyante. Max lui barra aussitôt la route et ils commencèrent à se battre. Les autres soldats se précipitèrent à la suite de leur chef et les six autres adolescents se lancèrent dans la bataille. Diana avait quatre adversaires à la fois, Adeline trois, Dacien et Donan aussi, Luna deux et Conan un. Les trois autres soldats réussirent à franchir la ligne. Deux moururent sous les fléchettes des petits et le troisième fut transpercé par les épées d'Ameline et de Placidia. Conan, qui était le moins entraîné, avait du mal à tenir tête à son adversaire. Diana était un bon professeur, car sinon il serait déjà mort par l'épée de son adversaire surentraîné, mais il était plus intellectuel que combattant... Luna, qui avait réussi à éliminer ses deux adversaires, vint l'aider. Dacien et Donan se tenaient dos à dos et se battaient contre les soldats avec hargne. Un des soldats renonça et se précipita sur le groupe de la voyante. Elles n'eurent même pas à se défendre car Conan, qui avait abattu son adversaire avec l'aide de Luna, lui sauta dessus et l'égorgea.
-Mais ! protesta Airy. Pourquoi tu ne nous as pas laissés nous amuser !
Placidia lui donna un tape sur l'arrière de la tête et lui lança un regard noir : tuer n'était pas un jeu.
Adeline, elle, était attaquée sur tous les fronts par trois soldats. Elle s'en sortait tout de même bien, tout en remarquant qu'ils ne semblaient pas oser tout à fait lui faire de mal, et s'en mordre les doigts à chaque fois que la jeune fille paraît leurs attaques.
-Alors ? Les provoqua-t-elle en esquivant. Ça fait quoi de ne pas réussir à battre une fille alors que vous êtes trois ?
Les soldats grognèrent et redoublèrent leurs coups. Adeline trancha la tête de l'un et du même geste celle d'un autre. Elle recula de quelques pas, horrifiée, et cela donna à son adversaire une nouvelle dose d'énergie pour venger la mort de ses camarades.
-Voilà qui est tout de même plus équitable ! lança-t-elle plus pour se détendre que pour narguer le soldat. On peut continuer notre duel ! ajouta-t-elle en souriant à son adversaire fou de rage.
Diana, quant à elle, avait étrangement toutes les facilitées du monde à se défendre, bien qu'elle soit contre quatre soldats. Elle transperça le ventre de l'un, esquiva une attaque, trancha le bras de celui qui l'avait attaquée, éclata la tête d'un autre en lui balançant le plat de son épée dans le crâne et se retourna de suite pour faire face aux deux derniers soldats, dont celui qui n'avait plus qu'un bras.
Tout était allé très vite, et elle ne ressentait rien de particulier à la vue des cadavres. Elle semblait anesthésiée, ou même habituée, ce qui l'étonna et la rassura à la fois. Elle sentait même au fond d'elle-même une petite flamme, heureuse et excitée par le combat, qui lui transmit son plaisir.
-C'est quand même bizarre, que vos deux copains soient tombés aussi vite, non ? dit-elle finalement aux deux gardes. Je pensais que les soldats du roi étaient plus forts que... que ce que j'ai devant moi.
-Rigole, rigole... marmonna le soldat encore entier. Tu utilises juste ta magie contre nous.
-Faux ! s'exclama la jeune fille, vexée. Je ne l'utilise pas pour me battre. Moi je préfère les combats loyaux... Mais c'est sûr que vous, vous vous battez loyalement, quatre hommes contre une fille. Et vous vous faites battre ! Mais bref, ma question était sincère : cela m'étonne beaucoup que ce soir si facil de vous battre. J'aimerais bien savoir pourquoi.
Mais ils ne voulaient visiblement pas parler avec elle : Diana sauta sur le côté pour éviter de justesse un coup, puis se précipita sur le premier soldat pour réengager le combat. Elle lui trancha la tête, ce qui l'amusa légèrement, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Puis elle se redressa et para une attaque. Deux secondes plus tard, elle se retrouva devant un nouveau corps sans vie qui s'effondra sur le sol.
-Dégoûtant ! fit-elle en se penchant pour vomir, sur le cadavre du soldat. Oh mince, désolée de vous avoir souiller ! grimaça-t-elle en essuyant brièvement sa cuirasse avec un morceau de tissus qui traînait.
Puis elle se rendit compte que c'était la manche du bras amputé...et elle lâcha tout pour finalement retourner au combat et aider les autres.
Max avait du mal à parer les coups du capitaine, celui-ci enchaînait attaque sur attaque. Il accueillit avec soulagement Diana quand elle vint l'aider, et le capitaine mourut deux minutes et quarante-six secondes après le début du combat. Comme l'avait prédit la voyante. En voyant leur chef tomber mort, les soldats survivants voulurent s'enfuir mais ils furent rattrapés et tués.
-Pourquoi ! s'écria Luna. Ils ne voulaient plus se battre !
-Oui, mais on ne pouvait pas les laisser aller tout raconter au roi, dit Diana. Et comme tante Placidia l'a dit, ils seraient morts de retour au château de toute façon.
-En effet, approuva celle-ci. Ils étaient condamnés d'avance.
Ils firent ensuite le compte des blessés : Luna avait une blessure au bras, Conan avait la jambe droite dans un mauvais état, Max était blessé au poignet et à un genou, et Dacien avait une légère zébrure au front. Cependant, aucunes des blessures n'étaient réellement graves, ce qui n'empêcha tout de même pas Placidia de râler.
-La prochaine fois, si vous continuez comme ça, je vais finir par venir vous aider en première ligne, et vous n'allez pas aimer ça, les prévint-elle. Et mieux vaut ne pas rappeler au roi toute ma puissance. Alors gardez-vous des blessures la prochaine fois !
Luna s'adossa à un arbre et se laissa tomber à terre alors que son bras guérissait simultanément. Elle lâcha ensuite un sourire vaste et se prit la tête entre les mains, bouleversée, priant sans pour autant y croire pour qu'il n'y ait pas de prochaine fois...
Alors que tous dormaient, épuisés, la voyante rangea tout ce qui s'était éparpillé pendant le combat et vérifia que les chevaux n'avaient pas réussi à se libérer. Durant l'affrontement, ils n'avaient pas bougé : Diana leur avait expliqué ce qu'il allait se passer et leur avait dit de ne pas bouger s'ils ne voulaient pas se faire tuer.
Placidia s'approcha et caressa son cheval, puis lui donna une pomme, l'air pensif.
-On va avoir encore une longue route à faire, tu ne pense pas ? Et les enfants... Les petits sont tellement inconscients de ce que notre plan implique...
L'étalon frotta sa tête contre la voyante, qui manqua de tomber, déséquilibrée.
-Oui, je sais bien qu'ils vont mûrir durant les prochains mois. Mais c'est pas vraiment ce qu'on avait prévu au départ. Tu nous imaginais, dans une telle situation ? Avec les petits et les incarnations des trois grandes forces de l'univers ? C'est un peu tiré par les cheveux. J'aurais tout de même aimé empêcher que ce fameux papier soit signé, Vlorgue n'aurait jamais eu le trône.
Elle arrêta de caresser le cheval et s'immobilisa. Ses yeux devinrent vitreux et ses mains tremblèrent. Puis... tout redevint normal. Placidia avait un large sourire :
-Au moins une bonne nouvelle, reprit-elle en parlant au cheval. Je viens de le voir, le roi t'a déjà oublié ! Ou, en tout cas, il ne te reconnaîtra pas... C'est un bon point, un grand atout : on va l'écraser.
Et Placidia se pencha pour déposer un baiser sur le front de l'étalon. Puis, elle retourna vers les enfants et prit un livre, décidée à veiller jusqu'au lendemain.
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